Aller au contenu principal

Qatar : Le Comité des droits de l'homme s'inquiète des discriminations à l'égard des femmes et des conditions de travail des migrants

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial soumis par le Qatar au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Qatar présentant son premier rapport, le Comité s'est d'abord intéressé au cadre constitutionnel et juridique de sa mise en œuvre, et en particulier de sa transposition dans la législation interne, qui repose sur la loi islamique. La question des conditions de travail et de vie des travailleurs migrants, du travail forcé et de la traite des personnes a par ailleurs été évoquée à maintes reprises. S'ils ont pris note des évolutions concernant la situation des travailleurs migrants, les experts se sont inquiétés du nombre de décès d'ouvriers de la construction dans des situations climatiques extrêmes ainsi que des mauvais traitements infligés par les employeurs aux travailleuses domestiques migrantes.

Parmi les nombreux autres points abordés par les experts, l'égalité entre hommes et femmes et la non-discrimination ont suscité plusieurs questions, une experte se disant préoccupée par les effets de la culture patriarcale et des stéréotypes qui assignent aux femmes un rôle restreint. Le Comité a pris bonne note des progrès accomplis contre la violence domestique mais a demandé des éclaircissements sur le soutien accordé aux victimes.

Présentant le rapport de son pays, M. Ahmad Hassen Al-Hammadi, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères du Qatar, a souligné que le cadre relatif aux droits de l'homme avait a été renforcé depuis l'élaboration du rapport, faisant valoir en particulier des réformes législatives et institutionnelles concernant les conditions de travail des migrants, la création d'un département sur la traite des personnes, les mesures concernant l'aide sociale ou la lutte contre les violences faites aux femmes. Le Qatar place les droits de l'homme au centre des mesures et des politiques de l'État, assurant notamment, pendant la pandémie de COVID-19, des soins médicaux à toute la population, sans discrimination aucune.

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a notamment assuré que le Pacte avait force de loi dans le pays et ne présentait pas de contradiction avec l'application de la charia. Au sujet des droits des femmes, elle a assuré qu'il n'existait pas de discrimination en matière d'accès au travail et de salaire. S'agissant de la loi sur la nationalité, une réforme est envisagée afin de trouver un équilibre entre les normes internationales et la législation nationale, l'octroi de la nationalité qatarienne dépendant actuellement de la nationalité du père. La délégation a par ailleurs indiqué que la torture était interdite et que des mesures étaient en place pour s'assurer que les personnes détenues ne sont pas victimes de torture ou de traitements cruels. Le Qatar n'applique de fait pas la peine de lapidation, les conditions d'application étant trop restrictives, et la peine capitale ne s'applique qu'à un très petit nombre de crimes extrêmement graves.

À cet égard, la Présidente du Comité, Mme Photini Pazartzis, concluant les échanges, a invité le Qatar à décréter un moratoire de facto sur la peine capitale. Elle a par ailleurs salué l'ouverture d'esprit dont a fait preuve la délégation pour répondre aux questions des experts.


Demain après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport d'Israël.

 

Examen du rapport du Qatar

Le Comité des droits de l'homme était saisi du rapport initial du Qatar (CCPR/C/QAT/1) et de réponses à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.

Présentation du rapport

M. AHMAD HASSEN AL-HAMMADI, Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères du Qatar, a souligné que le rapport initial présenté aujourd'hui avait été élaboré dans une conjoncture exceptionnelle en raison de la pandémie de COVID-19, mais a précisé qu'il traite de tous les points relatifs à l'application des dispositions du Pacte, l'État du Qatar accordant une attention particulière aux questions auxquelles s'intéresse le Comité. M. Al-Hammadi a assuré le Comité de son souhait de mener un dialogue constructif.

Depuis l'élaboration de ce rapport, le Qatar a connu des évolutions législatives qui ont renforcé le cadre relatif aux droits de l'homme, a fait savoir le chef de la délégation, citant en particulier des réformes législatives et institutionnelles concernant les conditions de travail des migrants, notamment l'abolition du système de la kafala, qui liait les travailleurs à leurs employeurs. De plus, un département chargé de la question de la traite des personnes a été créé au sein du Ministère de l'intérieur et des abris ont été fournis pour l'accueil des victimes. Des mesures ont été prises également en faveur des droits des femmes, notamment en matière d'aide sociale ou de lutte contre les violences.

Par ailleurs, de nombreuses lois ont été promulguées en 2018, année d'adhésion au Pacte, comme celle sur l'organisation de l'asile politique, celle sur l'annulation du permis de sortie pour les travailleurs migrants ou encore celle sur la création d'un fonds de soutien aux travailleurs migrants. Une campagne nationale sur le droit à l'éducation a été organisée et, conformément au décret de l'émir, un ministère indépendant pour le développement social et de la famille a été créé ainsi qu'un ministère indépendant du travail.

Malgré les circonstances exceptionnelles, le Qatar a tenu à placer les droits de l'homme au centre des mesures et des politiques, et des soins médicaux ont été apportés sans discrimination aucune durant la pandémie, a dit le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères. Ainsi, 6,2 millions de doses de vaccins avaient été distribuées fin janvier 2022 et l'État a veillé à ce que l'enseignement puisse être garanti à distance. Grâce aux efforts déployés pour améliorer les droits de l'homme et grâce à sa Vision 2030, le Qatar a avancé vers l'application des objectifs de développement durable, a assuré le chef de la délégation, se félicitant des résultats obtenus.

Pour conclure, M. Al-Hammadi a considéré que le processus d'examen du rapport est positif pour évaluer la situation de son pays et a remercié le Comité des efforts déployés en ce sens.

Questions et observations des membres du Comité

Le Qatar n'ayant adhéré au Pacte qu'en 2018 et s'agissant de son premier rapport d'examen, le Comité s'est d'abord enquis du cadre constitutionnel et juridique de sa mise en œuvre, et en particulier de sa transposition dans la législation interne, qui repose sur la loi islamique. En dépit des avancées et des progrès législatifs, un expert a relevé un décalage entre les lois et leur mise en œuvre, de même qu'une contradiction claire entre certaines dispositions du Pacte et la charia, par exemple pour ce qui concerne la famille, l'héritage, le statut personnel ou la liberté de croyance. La question de savoir si un individu peut invoquer les dispositions du Pacte devant un tribunal a été posée.

La question de l'indépendance et de la pluralité de la Commission nationale des droits de l'homme a également été abordée, notamment le processus de nomination et de licenciement des membres. La question de l'indépendance de la justice et des magistrats, nommés par décret royal, a également été évoquée.

Le Comité s'est par ailleurs inquiété des renseignements reçus selon lesquels la société civile n'a pas réellement pu apporter son concours à l'élaboration du rapport. De manière plus générale, il a demandé des précisions sur la possibilité de participation des organisations non gouvernementales dans le domaine des droits de l'homme.

Une experte a demandé si des dérogations au Pacte avaient été appliquées en raison de la pandémie, se demandant si le Qatar avait déclaré un état d'urgence pour garantir la santé de la population et si le principe de proportionnalité a été respecté. Toujours dans le cadre de la lutte contre la COVID-19, elle s'est inquiétée d'une application pour téléphone comportant des risques pour le respect de la vie privée.

Des précisions sur la législation concernant l'interdiction de la torture et sur les peines planchers appliquées aux crimes de torture ont été requises par le Comité. Ayant reçu des informations selon lesquelles la peine de prison pour des actes dits de cruauté est inférieure à celle pour les actes de torture, le Comité s'est interrogé sur la définition des « actes de cruauté » et s'est inquiété des cas de flagellation ou de lapidation appliqués comme sanction pénale. Le Comité a aussi demandé si le Qatar envisageait d'adopter des lois contre les châtiments corporels aux enfants et pour relever l'âge de la responsabilité pénale, conformément à la Convention relative aux droits de l'enfant.

Par ailleurs, la privation de liberté pour des actes non violents tels que l'adultère, l'homosexualité ou la consommation d'alcool a suscité des questions.

Quant à la peine de mort, le Comité a demandé combien de condamnations ont été appliquées entre 2005 et 2019 et des précisions sur les crimes pour lesquels la peine capitale peut être légalement appliquée, s'inquiétant d'une large palette de délits envisagée, notamment l'homosexualité. Les experts ont également voulu savoir si l'État partie entendait s'engager sur la voie d'un moratoire absolu sur la peine de mort.

À propos de la législation antiterroriste, le Comité s'est interrogé sur la compatibilité de certaines lois, notamment la loi sur la protection de la société, avec les dispositions du Pacte, en particulier s'agissant de l'application de longues périodes de détention préventive non soumises au contrôle judiciaire.

Le Comité s'est inquiété des conditions de travail des travailleurs migrants, du travail forcé et de la traite des personnes, en particulier des nombreux décès de travailleurs migrants, plusieurs études faisant état de manquements à la protection des travailleurs dans des situations climatiques extrêmes, surtout pour les ouvriers de la construction et notamment dans le cadre des travaux liés aux préparatifs de la Coupe du monde de football de 2022. Prenant note des évolutions concernant les travailleurs migrants, un expert s'est demandé si le système de la kafala avait été aboli une fois pour toutes et comment les agences de placement sont réglementées pour garantir les droits des travailleuses migrantes. Préoccupé par les cas de mauvais traitements de la part d'employeurs, le Comité a voulu savoir si les auteurs sont poursuivis et sanctionnés, de même que ceux qui ont recours à la traite.

S'agissant de la traite des personnes, les mesures prises et les lois adoptées pour se conformer aux engagements internationaux du Qatar ont soulevé des questions. La coopération entre le Qatar et les autres pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à ce sujet a été évoquée.

En venant plus précisément aux droits des femmes et à la non-discrimination, une experte a noté les mesures positives prises par l'État partie en matière d'égalité entre hommes et femmes, mais elle s'est inquiétée de la culture patriarcale dans les pays de la région et des stéréotypes qui assignent aux femmes un rôle restreint au foyer. Elle a en particulier voulu en savoir plus sur les mesures prises pour lever les obstacles empêchant les femmes d'accéder au marché du travail, à des postes à responsabilité, au crédit bancaire, s'interrogeant par exemple sur l'accès au congé maternité, aux services sociaux et aux services de garde d'enfants. Rappelant la loi sur la famille de 2006, l'experte s'est demandé à quel point elle limitait la liberté de la femme et l'empêchait de quitter son foyer pour travailler ou voyager. Les femmes sont victimes de discrimination en ce qui concerne l'emploi, a relevé le Comité, demandant ce que fait l'État partie fait pour y remédier.

Sur la question de la nationalité, le Comité a voulu savoir si l'État entendait réformer la loi de 2005 de manière à permettre aux femmes qatariennes mariées à un étranger de transmettre leur nationalité au même titre que les hommes qatariens, s'inquiétant de la discrimination actuelle à l'égard des femmes. Rappelant que la Constitution du Qatar stipule que toutes les personnes sont égales devant la loi, un expert s'est étonné que les époux non qatariens de ressortissants qatariens aient encore des difficultés à accéder aux soins de santé et à l'éducation, ainsi que des cas de perte de garde d'enfants pour les femmes qui se remarient.

S'agissant de la violence à l'égard des femmes, le Comité a pris bonne note des progrès accomplis contre la violence domestique. Toutefois, certains rapports expriment des préoccupations sur le manque de soutien accordé aux victimes. Quant aux travailleuses domestiques migrantes, elles se heurtent encore à des obstacles pour porter plainte contre leur employeur en cas de mauvais traitements et de harcèlement physique ou sexuel. Les mesures prises pour lutter contre tous les types de violence à l'égard des femmes et contre les stéréotypes sur le plan social ont suscité la curiosité du Comité. Il faudrait s'assurer que toutes les victimes, y compris les travailleuses domestiques, aient la possibilité de recourir à la justice et aux services de réhabilitation et de réparation, a renchéri une experte. Enfin, quand le Qatar va-t-il ratifier la Convention n° 189 (2011) de l'Organisation internationale Travail (OIT) sur les travailleuses et travailleurs domestiques ?

Concernant les circonstances permettant l'interruption volontaire de grossesse au Qatar, une experte a demandé si elle est possible dans les cas où la vie de la femme est menacée et pour les victimes de viol ou d'inceste. Elle s'est interrogée sur le raisonnement voulant que cette intervention ne pouvait être réalisée qu'à l'hôpital public et a souhaité des renseignements plus précis sur les mesures prises pour garantir aux femmes et aux filles l'accès à un avortement légal et sécurisé et ainsi éviter les interventions forcées ou clandestines.

En matière de liberté de conscience et de croyance religieuse, un expert s'est interrogé sur la construction de lieux de culte pour les fidèles de différentes religions, sur la conversion de musulmans à une autre religion et sur l'incrimination du blasphème, de l'apostasie et du prosélytisme. En ce qui concerne la liberté d'expression, le Comité s'est inquiété de l'existence d'un organe chargé de la censure des médias et s'est interrogé sur les critères limitant la liberté d'expression et la liberté d'association.

Le nombre de demandes d'asile et des précisions depuis l'entrée en vigueur d'une nouvelle législation sur l'asile politique en 2018 ont suscité la curiosité du Comité, notamment en ce qui concerne les restrictions à la liberté de circulation, de même que les mesures de protection des réfugiés, y compris de leur droit d'expression.

La première élection du Conseil consultatif a été saluée comme une avancée en matière de participation à la conduite des affaires publiques, mais le Comité a regretté les restrictions du droit de vote excluant les Qatariens naturalisés et l'absence de femmes parmi les membres élus.

Réponses de la délégation

Pour répondre aux interrogations au sujet de la mise en œuvre du Pacte et de la commission nationale des droits de l'homme, la délégation a précisé que la mise en œuvre a commencé dès août 2018. La législation nationale est en effet fondée sur la charia, mais le Pacte lui-même ne présente pas de contradiction, a-t-elle assuré, reconnaissant toutefois des réserves émises pour se donner plus de temps en vue de revoir la position du Qatar. En guise d'illustration, elle a fait savoir qu'un individu avait porté plainte au tribunal pour détention arbitraire et qu'il avait été indemnisé suite à la décision du tribunal, qui a donc appliqué le Pacte. La Constitution est très claire, a assuré le chef de la délégation, M. Al-Hammadi : le Pacte a force de loi.

Quant à la commission nationale des droits de l'homme, elle travaille sous la houlette du président du Conseil des ministres à la transposition du Pacte dans le droit national. Elle est indépendante et bénéficie d'une immunité, a assuré un membre de la délégation. Les membres venant d'organismes gouvernementaux ne sont que de simples observateurs. Pour ce qui concerne les organisations de la société civile, elles reçoivent un agrément et ont toute latitude d'intervenir dans les activité culturelles, sportives et autres, sans restriction.

La délégation du Qatar a longuement répondu aux interrogations du Comité s'agissant de la situation des travailleurs migrants. En ce qui concerne l'accès aux droits et aux soins de santé des migrants, la délégation a fait observer que la stratégie de santé pour tous a permis d'étendre la couverture santé à tous les Qatariens et les personnes résidant dans le pays. Par ailleurs, l'état d'urgence n'a pas été déclaré durant la pandémie. La délégation a également assuré que le pays a eu à cœur de sécuriser les données, y compris s'agissant de l'application de prévention sur téléphone portable. Le plan de riposte à la pandémie a permis d'atteindre un taux de vaccination de 90% des citoyens et des résidents du Qatar, s'est félicitée la délégation, précisant que le taux de décès de COVID-19 avait été le moins élevé dans le monde. Toutes les personnes ont été traitées sur un pied d'égalité, a insisté le chef de la délégation.

Par ailleurs, la loi qatarienne réglemente les relations de travail entre employeur et employé, et tous les travailleurs jouissent des mêmes droits, sans aucune discrimination. Le système de la kafala a été abrogé en même temps que le permis de sortie : tous les travailleurs migrants peuvent quitter le territoire sans avoir besoin de l'accord de leur employeur. La confiscation des passeports par les employeurs est interdite et des centaines d'entre eux ont été condamnés pour l'avoir fait. Il existe également un système de garantie de paiement des salaires et des contrôles veillent à s'assurer que les salaires sont bien versés aux travailleurs, faute de quoi ces derniers peuvent avoir recours à un mécanisme de règlement des différends. De plus, une ordonnance administrative stipule qu'un logement décent doit être assuré aux travailleurs.

En qui concerne plus particulièrement les travailleurs domestiques, ils sont protégés contre toute violence par la législation et peuvent se prévaloir de leurs droits, notamment pénaux. Certains employeurs ont été sanctionnés, dont cinq pour viol et six pour mauvais traitement de travailleurs domestiques. En outre, le Qatar a promulgué une loi sur les travailleurs migrants et travaille en partenariat avec l'Organisation internationale du travail, dont le bureau dans le pays va devenir permanent. Le Qatar a une position très ferme sur le respect des droits des travailleurs migrants, a affirmé un membre de la délégation.

Pour répondre aux inquiétudes concernant les décès de travailleurs migrants, la délégation a indiqué qu'en mai 2021, le gouvernement a adopté une nouvelle loi afin de protéger les travailleurs contre les chaleurs extrêmes en adaptant leurs horaires de travail entre juin et septembre. Une campagne de sensibilisation a également été menée en collaboration avec l'OIT et des sites ont été fermés parce qu'ils ne respectaient pas la nouvelle loi. Tout incident lié au travail conduisant au décès d'un travailleur entraîne le dépôt d'une plainte et une indemnisation, selon le principe de reddition de comptes. En 2020, 66 cas de décès ont été répertoriés sur 2,4 millions de travailleurs migrants, a précisé le chef de la délégation.

Par ailleurs, des réunions périodiques avec les pays du Conseil de coopération du Golfe permettent de contrer le phénomène de traite des personnes et de le limiter. Une commission nationale pour la lutte contre la traite des personnes a été créée et un plan national a été adopté en 2018. Il existe même un parquet spécialisé sur cette question et une enquête nationale a été lancée sur les cas de traite. En ce qui concerne la protection des victimes, un abri humanitaire a été mis en place pour offrir un soutien psychologique aux travailleurs domestiques et aux travailleurs migrants. S'agissant de la réhabilitation, de nombreux séminaires ont été organisés avec les partenaires internationaux comme l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l'OIT et des mémorandums d'accord ont été signés avec les États-Unis et le Royaume-Uni afin de renforcer les capacités du Qatar dans la lutte contre la traite. À ce jour, 37 plaintes pour traite de personnes ont été déposées.

Le Qatar travaille également en partenariat avec de nombreuses parties prenantes au sujet des droits des femmes, a indiqué la délégation, assurant qu'il n'existait pas de discrimination en matière de travail et de salaire. Au contraire, les femmes peuvent par exemple bénéficier de congés payés pour assurer les soins d'un enfant. Les femmes ont beaucoup plus de droits que les hommes, a insisté le chef de la délégation. Par ailleurs, il n'existe aucun obstacle à l'accès des femmes au marché du travail, a précisé un autre membre de la délégation. La Constitution ne fait pas de distinction entre les hommes et les femmes, a encore ajouté un autre membre de la délégation.

Au sujet de l'interruption volontaire de grossesse, la délégation a confirmé qu'elle était interdite en dehors du mariage, sauf en cas de danger pour la mère.

S'agissant de la loi sur la nationalité, une réforme est envisagée afin de trouver un équilibre entre les normes internationales et la législation nationale. La délégation a rappelé que les Qatariennes mariées à un étranger jouissent des mêmes droits que les hommes dans les secteurs de la santé et de l'éducation. L'octroi de la nationalité qatarienne se fait sur la base des liens de sang, c'est-à-dire selon la nationalité du père, a précisé la délégation.

Pour répondre aux inquiétudes sur la violence contre les enfants, un membre de la délégation a assuré que l'État du Qatar a pris toutes les mesures pour garantir un environnement sûr pour les écoliers et les étudiants. Les allégations faisant état de coups de fouet contre des enfants sont inexactess, a ajouté un autre membre de la délégation. Il n'y a pas de responsabilité pénale pour les enfants de moins de 7 ans, et une responsabilité pondérée de 7 à 14 ans, prévoyant des réprimandes ou l'envoi vers des centres spécialisés, mais pas d'amende ni de peine de prison. En outre, les décisions rendues pour condamner un enfant ne sont pas mentionnées dans son casier judiciaire.

La délégation a affirmé que la pratique de la torture était interdite et qu'il s'agit d'un crime au regard du code de procédure pénale. Celui-ci stipule qu'il n'est pas possible d'infliger des souffrances morales ou physiques à un détenu. De plus, les militaires ne doivent pas utiliser leurs prérogatives en dehors de la loi ou sortir des limites de la fonction. Des mesures de contrôle judiciaire et préventives sont en place pour s'assurer que les personnes détenues ne sont pas victimes de torture ou de traitements cruels, a indiqué la délégation. Par ailleurs, le département des droits de l'homme a procédé, depuis sa création, à plus de cent visites dans les lieux de détention sans détecter aucun cas de torture.

La délégation a fait savoir que le législateur qatarien avait veillé à ce que la peine capitale ne s'applique qu'à un très petit nombre de crimes extrêmement graves et qu'elle ne soit prononcée que s'il y a unanimité des juges lors du rendu de la sentence. Elle n'est appliquée qu'avec le consentement de l'émir et peut être commuée en peine de prison à perpétuité. Par ailleurs, le Qatar n'applique de fait pas la peine de lapidation, les conditions d'application étant trop restrictives. Le législateur n'a en outre pas préconisé la peine capitale dans le cas de l'homosexualité, a fait savoir la délégation.

En ce qui concerne la loi antiterroriste, le Qatar a établi une liste des individus terroristes et une liste des entités terroristes. Il a mis en place des sanctions financières ciblées dans ce cadre, de même qu'une loi contre le blanchiment. La délégation a égrené à ce sujet la liste des nombreuses conventions, instruments internationaux et projets bilatéraux ou régionaux signés par le Qatar pour lutter contre le terrorisme.

Le Qatar dispose d'une loi reconnaissant le principe de l' asile politique. Des droits sont accordés aux réfugiés politiques, dont la liberté de mouvement, et ce sans aucune restriction, a indiqué la délégation, ajoutant que 90% des demandes d'asile déposées étaient en réalité pour le travail. Le Qatar accueille notamment de nombreux Syriens, qui bénéficient d'une allocation mensuelle.

Au Qatar, la législation stipule l'indépendance de la justice, a indiqué la délégation. La nomination des magistrats se fait effectivement par décret de l'émir mais sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature, qui vérifie que les juges candidats remplissent tous les critères requis pour le poste. L'État du Qatar reconnaît le rôle très noble de la justice et un code de conduite a été adopté afin de promouvoir l'intégrité des juges et de renforcer la confiance des justiciables. Ce code fait expressément référence aux instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme, et notamment au Pacte relatif aux droits civils et politiques.

Au sujet de la liberté de conscience et de la liberté de croyance, la délégation a rappelé que la construction de lieux de culte non musulmans dans un lieu spécifique avait été décidée dans un contexte de menace terroriste et pour protéger les personnes concernées. L'État n'interdit pas la construction d'autres lieux de culte. La conversion d'une religion à l'autre ne fait l'objet d'aucune restriction. Quant à la liberté des médias, elle ne fait pas non plus l'objet de restrictions, a ajouté la délégation.

Conclusions

En conclusion, le chef de la délégation qatarienne, M. Ahamd Hassen Al-Hammadi, a estimé que l'examen par le Comité avait été très professionnel et objectif, et il y a vu le début d'une coopération constructive. La délégation prendra en compte les remarques et conclusions finales qui seront présentées, dont le Qatar tiendra compte dans l'élaboration de ses politiques. M. Al-Hammadi a invité les experts à ne pas faire abstraction des spécificités des États dans ses conclusions.

La Présidente du Comité, Mme Photini Pazartzis, a remercié la délégation pour l'ouverture d'esprit dont elle a fait preuve pour répondre aux innombrables questions des experts. Elle a invité le pays à décréter un moratoire de facto sur la peine capitale et a espéré que le Qatar reverrait sa position concernant le deuxième Protocole facultatif du Pacte, visant à abolir la peine de mort.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

CCPR22.002F