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Le Conseil des droits de l’homme examine les rapports sur les activités de coopération technique au profit du Soudan du Sud et sur la situation des droits de l’homme au Mali

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a successivement tenu, cet après-midi, un dialogue autour du rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur les activités de coopération technique et de renforcement des capacités menées en 2021 au profit du Soudan du Sud, et un autre dialogue autour du rapport présenté par l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, M. Alioune Tine. Auparavant, le Conseil a achevé son débat, entamé ce matin, avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, en entendant les déclarations de plusieurs délégations*.

Trois ans après la signature de l'Accord revitalisé sur la résolution du conflit au Soudan du Sud, on constate une réduction notable de la violence armée impliquant les parties signataires, a indiqué Mme Nada Al-Nashif, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme. De même, a-t-elle ajouté, il faut saluer les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'Accord revitalisé, notamment la reconstitution de l'Assemblée législative nationale de transition et le lancement du Comité technique de la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison. Malheureusement, on constate aussi des retards persistants dans la création des principaux mécanismes de justice transitionnelle, a fait observer Mme Al-Nashif.

Le Haut-Commissariat reste en outre préoccupé par les informations faisant état de meurtres, de violences sexuelles, d’arrestations et de détentions arbitraires, de déplacements forcés, d’enlèvements, de pillages et de destructions de biens civils impliquant des milices communautaires dans les États d'Équatoria occidental et central, de Jonglei, des Lacs et de Warrap, a poursuivi Mme Al-Nashif. Le rapport de la Haute-Commissaire montre comment la violence localisée et la réponse judiciaire insuffisante ont engendré une culture de l'impunité, laquelle alimente de nouveaux cycles de violence, a-t-elle expliqué. La Division des droits de l'homme de la MINUSS a donc fourni un soutien technique à la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud pour lui permettre de mener des missions sur le terrain et des enquêtes indépendantes, a-t-elle notamment indiqué. Le Haut-Commissariat étant préoccupé par les restrictions de plus en plus grandes de l'espace civique et des libertés fondamentales, Mme Al-Nashif a encouragé le Gouvernement à s'abstenir de restreindre la liberté d'opinion et d'expression, ainsi que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, qui sont essentiels pour des élections crédibles et pour un État démocratique dynamique.

En tant que pays concerné, le Soudan du Sud – par la voix de son Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles, M. Ruben Madol Arol Kachuol - a souligné que l’adoption en novembre 2021, par le Conseil des ministres, du projet de loi sur le processus d'élaboration de la Constitution, qui attend maintenant d'être approuvé par le Parlement, est une étape importante vers la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé.

De nombreuses délégations** ont ensuite participé au dialogue avec Mme Al-Nashif. Nombre d’entre elles ont salué les progrès réalisés en vue de la mise en œuvre complète et effective de l'Accord de paix revitalisé. La communauté internationale a été appelée à fournir une assistance technique répondant aux besoins du Gouvernement et du peuple sud-soudanais.

Présentant son rapport, M. Tine a quant à lui estimé que la défaillance des institutions maliennes accentuait la menace d’attaques contre les civils par des groupes extrémistes violents et par des individus armés non identifiés dont le modus operandi s’apparente à celui des groupes extrémistes violents. À cet égard, il a indiqué que ces derniers continuent de consolider leur présence et leur contrôle dans les localités de Gao, Ménaka et Tombouctou (au nord du Pays) et de Bandiagara, Douentza, Mopti, San et Ségou (au centre du pays), et d’étendre leurs activités dans les localités de Kita, Koulikoro, Koutiala et Sikasso (au sud du Mali). Par ailleurs, a ajouté M. Tine, les violences sur fond de tensions intercommunautaires et/ou intracommunautaires continuent de semer souffrances et désolation dans le centre du pays. L’Expert a déploré le lourd tribut payé par les forces de défense et de sécurité maliennes du fait des attaques qu’elles ont subies.

M. Tine a indiqué que la situation des droits de l’homme était restée préoccupante pendant la période couverte par son rapport et que, selon le dernier rapport de la Division des droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), les groupes extrémistes violents sont responsables de près de 65% des cas de meurtres, de blessures et d’enlèvements de civils au cours du second semestre 2021. M. Tine s’est également dit gravement préoccupé par les allégations faisant état de violations sérieuses des droits de l’homme et du droit internationale humanitaire par les Forces de défense et de sécurité maliennes. Au regard de la situation préoccupante des droits humains, l’Expert a souligné l’urgence de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité.

En tant que pays concerné, le Mali – par la voix de son Ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, M. Mamoudou Kassogue – a dit être pleinement conscient de sa responsabilité première en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et a réitéré son engagement à les respecter, malgré les nombreux défis auxquels le pays est confronté.

De nombreuses délégations*** ont ensuite pris part au dialogue avec l’Expert indépendant. La situation sécuritaire au Mali était au centre des débats. Il est urgent de rétablir l’ordre constitutionnel, ont en outre insisté les intervenants.

Demain matin à partir de 10 heures, le Conseil tiendra un dialogue de haut niveau sur la situation des droits de l’homme en République centrafricaine, avant de se pencher sur le rapport de la Mission d’établissement des faits sur la Libye.

Fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge

Aperçu du débat

Le renforcement des capacités de l'État cambodgien par le biais de mesures d'assistance technique et de renforcement des capacités – en consultation avec l'État et avec son consentement – contribue à l'amélioration de la situation des droits de l'homme sur le terrain, a-t-il été affirmé. La coopération positive du Gouvernement du Cambodge a été saluée, de même que les progrès qu’il a réalisés dans le domaine des droits économiques, des droits de la femme, des droits de l'enfant et de l'environnement.

Une organisation non gouvernementale (ONG) a fait remarquer que plus de 56% des personnes emprisonnées au Cambodge le sont pour des infractions liées à la drogue. Les prisons sont surpeuplées, avec un taux d'occupation moyen de 300% dans tout le pays, ce qui rend encore plus urgente la décongestion des prisons à la lumière des risques accrus que représente la pandémie de COVID-19, a-t-il été souligné. Le Rapporteur spécial a été prié de se pencher sur ce problème.

Pour certaines ONG, si les élections ont lieu dans le climat actuel, marqué par la répression de l’opposition politique et par le risque de contrôle arbitraire des connexions à Internet, elles ne pourront que renforcer le parti au pouvoir. Il a été recommandé que le Cambodge supprime les restrictions imposées à la société civile, ouvre l'espace de participation politique et veille à ce que les médias indépendants fonctionnent librement et sans crainte de représailles.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant du taux d’abandon scolaire dans les campagnes du Cambodge et le Gouvernement a été appelé à ouvrir davantage d’écoles communautaires.

*Liste des intervenants : Timor-Leste, Inde, Syrie, Liban, Maroc, Thaïlande, Cuba, Azerbaïdjan, Maldives, IDPC Consortium, International Catholic Child Bureau, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Human Rights Now, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Advocates for Human RightsAsian Forum for Human Rights and Development, Article 19 - Centre international contre la censure, Lawyers' Rights Watch Canada et Human Rights Watch.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. VITIT MUNTARBHORN, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Cambodge, a tenu à souligner qu’il se félicitait du dialogue qu’il a noué avec le Gouvernement cambodgien, durant lequel il met en évidence ses préoccupations. Il a prié le Gouvernement de tenir compte de ses recommandations pour remédier aux lacunes qui subsistent dans le domaine des droits de l’homme, notamment en abrogeant les lois draconiennes et en libérant les personnes détenues en raison de leurs opinions politiques.

M. Muntarbhorn a aussi recommandé que le Cambodge autorise les visites de prisons par des représentants des Nations Unies ; remédie aux effets des hausses des prix sur la sécurité alimentaire ; applique une approche participative pour la création d’une institution nationale de droits de l’homme ; introduise des peines alternatives à la détention des mineurs ; et s’efforce de préserver les ressources nationales. Il a aussi préconisé que le pays oriente son action sur les objectifs de développement durable et sur les recommandations acceptées pendant l’Examen périodique universel (EPU).

Enfin, le Rapporteur spécial a constaté que le Cambodge lui-même pratiquait la coopération internationale, notamment en envoyant des Casques bleus dans des missions à l’étranger. M. Muntarbhorn a suggéré que les États s’interrogent sur l’efficacité de la coopération accordée au pays depuis plusieurs décennies.

Dialogue autour du rapport de la Haute-Commissaire sur l’assistance technique et le renforcement des capacités au Soudan du Sud

Le Conseil est saisi d’un rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur l’assistance technique et le renforcement des capacités au Soudan du Sud (A/HRC/49/91).

Présentation

Le rapport, présenté par MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, donne un aperçu de la situation des droits de l'homme dans le pays et des activités de coopération technique et de renforcement des capacités menées en 2021 par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme par l'intermédiaire de la Division des droits de l'homme de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS).

Trois ans après la signature de l'Accord revitalisé sur la résolution du conflit en République du Soudan du Sud, on constate une réduction notable de la violence armée impliquant les parties signataires, a indiqué Mme Al-Nashif. Le Haut-Commissariat reste cependant préoccupé par les informations faisant état de meurtres, de violences sexuelles, d’arrestations et de détentions arbitraires, de déplacements forcés, d’enlèvements, de pillages et de destructions de biens civils impliquant des milices communautaires dans les États d'Équatoria occidental et central, de Jonglei, des Lacs et de Warrap.

Le Haut-Commissariat salue les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'Accord revitalisé, notamment la reconstitution de l'Assemblée législative nationale de transition et la nomination, à sa tête, de sa première Présidente, ainsi que le lancement du Comité technique de la Commission pour la vérité, la réconciliation et la guérison. Malheureusement, on constate aussi des retards persistants dans la création des principaux mécanismes de justice transitionnelle, notamment la Commission susmentionnée, l'autorité de compensation et de réparation, ou encore la Cour hybride pour le Soudan du Sud.

En décembre 2021, a poursuivi Mme Al-Nashif, le Haut-Commissariat, la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud et la MINUSS ont organisé une conférence à Nairobi pour faire le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des mesures de justice transitionnelle et pour identifier des stratégies visant à faire avancer ce processus.

Le rapport montre comment la violence localisée et la réponse judiciaire insuffisante ont engendré une culture de l'impunité, laquelle alimente de nouveaux cycles de violence, a indiqué Mme Al-Nashif. La Division des droits de l'homme de la MINUSS a donc fourni un soutien technique à la Commission sur les droits de l'homme au Soudan du Sud pour lui permettre de mener des missions sur le terrain et des enquêtes indépendantes. La Division a également continué à renforcer les capacités des organisations de la société civile et des prestataires d'aide juridique, afin de renforcer leur capacité à protéger les droits des condamnés à mort, ce qui a abouti à la réduction de l'imposition de la peine capitale, a ajouté la Haute-Commissaire adjointe.

Mme Al-Nashif a dit prendre note des condamnations, par des tribunaux civils dans les États de Warrap et de Bahr el-Ghazal occidental, de personnels en uniforme pour des viols, viols collectifs et meurtres de mineurs entre 2019 et 2020. Cependant, la situation des femmes et des filles reste très difficile, les violences sexuelles liées aux conflits étant fréquemment commises en toute impunité, a-t-elle souligné. Le Haut-Commissariat soutient donc les efforts visant à prévenir et à répondre à ces violences et, toujours en 2021, la Division des droits de l'homme de la MINUSS a mené des activités de renforcement des capacités ciblant les forces armées, les agences gouvernementales et la communauté dans son ensemble, y compris le soutien au lancement du « Plan d'action conjoint des forces armées sur la lutte contre les violences sexuelles liées au conflit au Soudan du Sud ».

Enfin, alors que la période électorale approche, le Haut-Commissariat est préoccupé par les restrictions de plus en plus grandes de l'espace civique et des libertés fondamentales, a fait savoir Mme Al-Nashif. Elle a encouragé le Gouvernement à s'abstenir de restreindre la liberté d'opinion et d'expression, ainsi que les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, qui sont essentiels pour des élections crédibles et pour un État démocratique dynamique.

Mme Al-Nashif a salué la l'engagement constructif du Gouvernement avec le Haut-Commissariat et avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme.

Pays concerné

M. RUBEN MADOL AROL KACHUOL, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Soudan du Sud, a indiqué que, pour parvenir à une paix inclusive dans le pays, le Gouvernement sud-soudanais avait décidé, en novembre 2021, de relancer le processus de Saint Egidio, à Rome, avec pour objectif, notamment, d’obtenir la participation des opposants au processus. D’autre part, le Président sud-soudanais a assuré, dans son discours du Nouvel an, le 31 décembre dernier, que le Conseil consultatif national des droits de l'homme serait créé pour assurer le suivi des conventions régionales et internationales, et pour s'engager avec l'Union africaine dans le processus de création d'une Cour hybride pour le Soudan du Sud.

L'adoption en novembre 2021, par le Conseil des ministres, du projet de loi sur le processus d'élaboration de la Constitution (2021), qui attend maintenant d'être approuvé par le Parlement, est une étape importante vers la mise en œuvre de l’Accord de paix revitalisé, a ajouté le Ministre. Une fois approuvé, ce projet de loi guidera le processus permanent d'élaboration de la Constitution, une condition préalable aux prochaines élections, a-t-il précisé.

Dans ce contexte, le Gouvernement a demandé une assistance technique et un renforcement des capacités au Conseil des droits de l'homme, comme cela a été entériné en mars 2021. Le Gouvernement considère l'assistance technique et le renforcement des capacités comme le seul moyen d'aider les institutions de l'État de droit et de renforcer la mise en œuvre de l'Accord de paix dans le pays, a conclu le Ministre sud-soudanais de la justice et des affaires constitutionnelles.

Aperçu du débat

Plusieurs intervenants ont félicité le Gouvernement du Soudan du Sud pour les progrès réalisés en vue de la mise en œuvre complète et effective de l'Accord de paix revitalisé. Ils ont salué le succès du deuxième Examen périodique (EPU) du Soudan du Sud, de même que l'annonce faite par le Gouvernement, le 22 février 2022, qu’il avait achevé la sélection de 50 000 membres des forces unifiées. A aussi été reconnu le rôle du Gouvernement, par l'intermédiaire du Ministère de la justice, dans la promotion des processus de rédaction de la constitution permanente et de réformes judiciaires qui conduiront à la création de la Cour constitutionnelle, comme l'exige l'Accord de paix.

L'engagement du Gouvernement en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme face à la pandémie de COVID-19 a lui aussi été jugé de manière positive. Le Soudan du Sud a été encouragé à accroître la représentation des femmes dans les institutions de gouvernance.

La communauté internationale a été appelée à comprendre les défis auxquels est confronté le Soudan du Sud et à fournir une assistance technique répondant aux besoins du Gouvernement et du peuple sud-soudanais.

Plusieurs délégations se sont toutefois dites alarmées par le rapport de la Haute-Commissaire, qui « dénombre des milliers de victimes civiles et des centaines de victimes de violences sexuelles » et montre « la réalité brutale de la violence généralisée qui sévit actuellement au Soudan du Sud ». Des délégations ont appuyé les recommandations de la Haute-Commissaire visant la dissolution des groupes armés et l’offre d’un soutien médical et psychosocial aux victimes de ces violences. Dans ce contexte, et en l'absence prolongée de mécanismes de justice transitionnelle, l'expertise approfondie de la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud est particulièrement nécessaire, a-t-il été souligné.

Une délégation a demandé comment il serait possible de créer les conditions propices à des élections libres et équitables compte tenu de « l'absence d'un espace civique démocratique » et des « fréquentes arrestations et détentions de défenseurs des droits de l'homme, de journalistes et de représentants de la société civile ».

Il a été espéré que l’actualité en Europe ne ferait pas oublier le Soudan du Sud, un pays où quelque 8,3 millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à une insécurité alimentaire due aux déplacements de population induits par le conflit, aux inondations saisonnières et à la baisse des rendements agricoles.

La Haute-Commissaire [par la biais, cet après-midi, de la Haute-Commissaire adjointe] a été priée de dire comment pousser les différentes parties au conflit au dialogue et à la réconciliation et de préciser les mesures qui pourraient être prises pour que les auteurs de violations des droits de l'homme et de crimes contre l’humanité commis au Soudan du Sud aient à répondre de leurs actes.

**Liste des intervenants : Union européenne, Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), Sierra Leone, Égypte, Sénégal, Kenya, Venezuela, Chine, Suisse, Sri Lanka, Fédération de Russie, Mauritanie, Soudan, République de Corée, États-Unis, Royaume-Uni, Botswana, République populaire démocratique de Corée, Tanzanie, Érythrée, Baptist World Alliance, Human Rights Defenders Project, Organisation internationale pour les pays les moins avancés (OIPMA), Human Rights Watch, Rencontre africaine pour la défense de droits de l’homme, Advocates for Human Rights, International Organization for the Elimination of All Forms of Racial Discrimination, Amnesty International et Reporters sans frontières.

Réponses et remarques de conclusion de la Haute-Commissaire adjointe

MME AL-NASHIF a fait observer que le Soudan du Sud était une démocratie jeune, qui a besoin de la communauté internationale pour l’aider à renforcer son cadre institutionnel et juridique et à remédier aux problèmes rencontrés en matière de santé, d’éducation et de sécurité alimentaire, de même que pour s’attaquer aux causes de la violence endémique.

Le Haut-Commissariat met l’accent sur l’aide au Soudan du Sud pour créer un système de justice transitionnelle, qui sera fondamental pour instaurer une paix durable, a ajouté la Haute-Commissaire adjointe. Le Gouvernement sud-soudanais a l’avantage, à cet égard, de pouvoir compter sur la Commission sur les droits de l’homme au Soudan du Sud, a souligné Mme Al-Nashif. Elle s’est dite encouragée par les engagements en faveur de la justice transitionnelle pris par les autorités sud-soudanaises.

Dialogue avec l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali

Le Conseil est saisi du rapport de l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali (A/HRC/49/94, à paraître en français).

Présentation

Présentant son quatrième rapport en sa qualité d’ Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali, M. ALIOUNE TINE, a concentré son intervention autour de trois points, à savoir la crise sécuritaire, la situation des droits de l’homme et les recommandations les plus urgentes à mettre en oeuvre.

S’agissant de la crise sécuritaire, l’Expert a indiqué que si les trois premiers trimestres de 2021 ont été marqués par une détérioration grave et accrue de la situation, une légère diminution du nombre d’incidents a pu être enregistrée au cours du dernier trimestre de l’année. Il a rappelé qu’à l’issue de sa visite au Mali en août dernier, il avait mis en garde contre la propagation rapide de la violence fragilisant et mettant en péril la survie même de l’État. Selon lui, la défaillance des institutions accentue la menace d’attaques contre les civils par des groupes extrémistes violents et par des individus armés non identifiés dont le modus operandi s’apparente à celui des groupes extrémistes violents. À cet égard, il a indiqué que ces derniers continuent de consolider leur présence et leur contrôle dans les localités de Gao, Ménaka et Tombouctou (au nord du Pays) et de Bandiagara, Douentza, Mopti, San et Ségou (au centre du pays), et d’étendre leurs activités dans les localités de Kita, Koulikoro, Koutiala et Sikasso (au sud du Mali). Par ailleurs, a ajouté M. Tine, les violences sur fond de tensions intercommunautaires et/ou intracommunautaires continuent de semer souffrances et désolation dans le centre du pays.

L’Expert a déploré le lourd tribut payé par les forces de défense et de sécurité maliennes du fait des attaques qu’elles ont subies. « Au regard des enjeux géopolitiques et géostratégiques qui se jouent au Mali, je reste préoccupé par leurs effets pervers sur la situation politique et sécuritaire au Mali et dans la sous-région », a-t-il déclaré.

Abordant la situation des droits de l’homme, M. Tine a indiqué qu’elle est restée préoccupante pendant la période couverte par son rapport. Il a notamment dénoncé les assassinats ciblés, les enlèvements, les actes d’intimidation, les menaces de morts, l’imposition de taxes illégales (comme la zakat) et les activités criminelles liées à l’orpaillage illégal auxquels ont continué à procéder les groupes extrémistes violents. Ces groupes ont également tenté d’imposer la charia par la violence et ils ont tué des civils au sein des populations qui avaient refusé de payer la « zakat » ou qui étaient soupçonnées d’avoir fourni des informations aux forces armées nationales et/ou internationales, a-t-il ajouté. Ainsi, le dernier rapport de la Division des droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) indique que ces groupes sont responsables de près de 65% des cas de meurtres, de blessures et d’enlèvements de civils au cours du second semestre 2021.

M. Tine s’est également dit gravement préoccupé par les allégations faisant état de violations sérieuses des droits de l’homme et du droit internationale humanitaire par les Forces de défense et de sécurité maliennes, notamment des exécutions sommaires, extrajudiciaires et/ou arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants et des incendies de biens civils. L’Expert a tenu à rappeler que la pratique qui consiste à réfuter en bloc les allégations de violations des droits de l’homme avant même que des enquêtes préliminaires soient menées risque de faire peser le doute sur l’engagement international des autorités maliennes en matière de protection des droits de l’homme et sur leur volonté politique de lutter contre l’impunité. Après avoir exprimé ses profondes préoccupations face au rétrécissement de l’espace civique, M. Tine a souligné que la dégradation continue de la sécurité a un impact considérable sur la situation des droits fondamentaux des femmes, avec la récurrence inquiétante des cas de violences sexuelles et sexistes. L’Expert s’est également inquiété de la « bombe sociale » que constitue l’accroissement du nombre d’écoles fermées en raison de l’insécurité ; ainsi que des conditions fragiles dans lesquelles les populations vivent et qui ont été aggravées par les crises, par le conflit armé, par les sécheresses, par la pandémie de COVID-19 et par les sanctions de la CEDEAO. Au regard de la situation préoccupante des droits humains, l’Expert a souligné l’urgence de mettre un terme au cycle infernal de l’impunité. Il s’est dit attristé par la mort en détention de l’ancien premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga, le 22 mars dernier, et a regretté que ses alertes pour son évacuation médicale n’aient pas été entendues.

M. Tine a formulé plusieurs recommandations. Tout d’abord, il a mis l’accent sur la nécessité pour les autorités maliennes de lutter contre toute forme d’impunité et de s’engager activement dans la mise en œuvre des recommandations acceptées par le pays lors de l’Examen périodique universel de 2018. Il a appelé les groupes armés, y compris les groupes extrémistes violents, ainsi que les milices et les groupes armés communautaires à cesser toutes les hostilités et attaques à l'encontre des civils, et à respecter les droits humains et les libertés fondamentales des populations civiles. Enfin, l’Expert indépendant a demandé à la communauté internationale de repenser - avec le Mali et tous les acteurs concernés - les réponses à apporter à la crise multidimensionnelle au Mali, en mettant l’accent sur des stratégies intégrées garantissant en priorité la sécurité et les droits humains fondamentaux des personnes civiles. Il a également demandé à la communauté internationale de fournir au Mali les ressources logistiques et financières et toute l’assistance nécessaire pour aider le pays à restaurer progressivement la présence et l’autorité de l’État, ainsi que les services sociaux de base, sur l’ensemble du territoire national. « Je recommande aux partenaires du Mali d’agir de sorte que le basculement géopolitique et géostratégique en cours ne puisse contribuer à l'aggravation des tensions politiques et de l’insécurité, mais contribue au renforcement de la paix, de la stabilité et de la sécurité au Mali », a déclaré M. Tine. Il a également appelé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à lever les sanctions contre le Mali.

Pays concerné

Le Mali, par la voix de son Ministre de la justice et des droits de l’homme, Garde des sceaux, M. MAMOUDOU KASSOGUE, a indiqué que son pays était pleinement conscient de sa responsabilité première en matière de promotion et de protection des droits de l’homme et a réitéré son engagement à les respecter, malgré les nombreux défis auxquels le pays est confronté. La lenteur des enquêtes ouvertes à la suite de crimes est liée à des contraintes d’ordre sécuritaire et matériel, a indiqué le Ministre malien. En l’absence de programme spécifique de protection des victimes et des témoins, le Mali a commencé à se doter progressivement de mécanismes de protection des victimes et témoins, a-t-il en outre fait savoir.

La liberté d’expression et la liberté d’opinion ont toujours été des droits constitutionnels garantis au Mali, a poursuivi le Ministre, avant d’ajouter que certaines violences verbales, telles que les abus de langage et les propos injurieux et diffamatoires, tombent sous le coup de la loi. Depuis 2018, les défenseurs des droits de l’homme bénéficient d’un statut qui oblige l’État à faciliter l’exercice de leurs activités, à garantir la confidentialité de leurs sources d’informations et à assurer leur protection sur toute l’étendue du territoire national.

Le Mali a également indiqué rester pleinement engagé dans la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, ainsi qu’à accélérer le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion. Par ailleurs, le Gouvernement a adopté en mai 2021 un document de politique nationale de réparation en faveur des victimes des crises au Mali depuis 1960. Le Mali se félicite en outre de sa coopération exemplaire avec la Cour pénale internationale (CPI), qui a permis des échanges d’informations, ainsi que l’arrestation et le transfèrement de personnes recherchées par la Cour. S’agissant de la lutte contre l’impunité, les autorités de la transition sont résolues à mettre un terme à l’impunité, a d’autre part assuré le Minsitre. La lutte contre les violences basées sur le genre est une autre priorité du Gouvernement, a-t-il ajouté. En conclusion, le Ministre a renouvelé la gratitude du Mali à la communauté internationale pour son appui multiforme.

Aperçu du débat

Plusieurs délégations ont fait part de leurs préoccupations concernant la situation sécuritaire qui touche le Mali, et plus particulièrement les civils, les travailleurs humanitaires et les forces de défense et de sécurité maliennes. Les attaques contre les forces internationales présentes au Mali, y compris contre la MINUSMA, ont également été condamnées.

A également été dénoncée l’augmentation des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaires. Les exécutions extrajudiciaires, la torture et les disparitions forcées, les violences sexuelles et sexistes, ainsi que le recrutement forcé, appellent une réponse ferme des autorités de transition, qui se doivent lutter contre l’impunité, a-t-il été souligné.

La situation au Mali est critique et les institutions de l’Etat demeurent fragiles, a-t-on observé. Il est impératif pour ce pays de protéger les femmes et les filles, notamment contre les mariages forcés et contre les viols commis qui demeurent des sources de préoccupation pour la communauté internationale et qui ont un impact sur le déplacement accru des populations à l’intérieur du pays.

Plusieurs délégations ont salué positivement la participation des femmes à l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. Il est également important pour le Mali de mettre en place les mécanismes pour le dialogue et la réconciliation et pour la réparation des préjudices subis par les victimes d’exactions, a-t-il été rappelé, d’aucuns ajoutant que le Mali doit d’ailleurs être appuyé par des partenaires extérieurs dans cette charge qui lui incombe.

Il est urgent de rétablir l’ordre constitutionnel, notamment depuis les deux coups d'État dont le dernier survenu en mai 2021 a fragilisé l’État de droit et entraîné des perturbations institutionnelles, ont souligné la plupart des délégations. Les autorités de transition doivent prendre des mesures pour garantir la liberté de mouvement des missions internationales au Mali et poursuivre le dialogue avec la CEDEAO afin de garantir un retour rapide à l’ordre constitutionnel, a-t-il été affirmé.

Plusieurs délégations ont noté avec inquiétude le report des élections et la proposition de proroger la période de transition au-delà du calendrier fixé. L’organisation d’élections libres, transparentes, inclusives et crédibles est indispensable, ont insisté nombre d’intervenants.

De nombreuses délégations ont fait part de leurs inquiétudes face au déploiement des mercenaires de la société privée russe Wagner et face aux allégations d’exactions imputables à ces forces. La présence de mercenaires sape le respect des droits humains, a-t-il été rappelé. A également été déplorée la prolifération des groupes armés et des groupes fanatiques dans le pays.

Des délégations ont exhorté le Mali à suivre les recommandations de l’Expert indépendant, notamment pour ce qui est de repenser avec tous les acteurs concernés, y compris l’Union africaine et la CEDEAO, les réponses aux défis auxquels le pays est confronté. La communauté internationale doit également appuyer le Mali en lui fournissant l’assistance nécessaire aux fins de la promotion et de la protection des droits de l’homme, a-t-on souligné. Il faut également mettre à la disposition de la Force conjointe du G5 Sahel les ressources nécessaires pour lui permettre de s’acquitter de son mandat, a-t-il été affirmé.

***Liste des intervenants : Union européenne, Suède, Côte d’Ivoire (au nom du Groupe africain), Allemagne, ONU Femmes, Égypte, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Sénégal, France, Venezuela, Luxembourg, États-Unis, Chine, Sri Lanka, Belgique, Royaume-Uni, Irlande, Soudan du Sud, Niger, Mauritanie, Centre Indépendant de Recherches et d'Initiatives pour le Dialogue (CIRID), Centre du Commerce International pour le Développement, Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme, Organisation internationale pour les pays les moins avancés (OIPMA), Maat for Peace Development and Human Rights Association, Ingénieurs du Monde, Centre d'études juridiques africaines (CEJA), Interfaith International.

Réponses et remarques de conclusion de l’Expert indépendant

Pour M. TINE, « tout tourne autour de la question sécuritaire » et des défaillances de l’État malien à cet égard. La communauté internationale, l’Union africaine et la CEDEAO devraient donc penser à des solutions appropriées pour faire face à la situation sécuritaire. L’Expert indépendant a ajouté qu’il était très difficile de trouver des informations fiables au sujet du groupe Wagner.

La situation sécuritaire est en train de s’aggraver dans la région : Bénin, Togo, Ghana et Sénégal sont concernés, a par ailleurs mis en garde M. Tine.

L’Expert indépendant a dit apprécier la liberté que lui donnent les autorités maliennes de parler avec tout le monde au Mali. Il a en outre insisté sur certaines « bonnes pratiques inhérentes à la culture malienne ». Il a toutefois réitéré ses préoccupations face au risque de déscolarisation de milliers de jeunes.

L’Expert indépendant a jugé indispensable d’accorder une assistance technique à l’État malien pour qu’il puisse rétablir son autorité sur tout le territoire – mais cela dépendra aussi du règlement de la question sécuritaire, a-t-il insisté.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

HRC22.053F