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La Conférence du désarmement entend plusieurs délégations évoquer les tensions internationales actuelles

Compte rendu de séance

 

La Conférence du désarmement a entendu ce matin les déclarations d’une vingtaine de délégations. Plusieurs intervenants ont évoqué les tensions internationales actuelles – notamment aux frontières de l’Ukraine, autour de la question du nucléaire iranien ou encore autour des tirs de missiles de la République populaire démocratique de Corée. Les délégations ont également fait part de leurs priorités concernant les travaux de la Conférence.

Plusieurs délégations ont tenu à affirmer que tous les pays membres de l’ONU devraient pouvoir participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateurs.

Les délégations des pays suivants sont intervenues ce matin : Chili, Canada, Ukraine, Argentine, République de Corée, Fédération de Russie, Pérou, Pays-Bas, Iran, Israël, Japon, République populaire démocratique de Corée, Autriche, Norvège, Allemagne, Syrie, États-Unis, Kazakhstan, Royaume-Uni, Inde et Pakistan.

Au début de la séance, le Président de la Conférence, l’Ambassadeur Li Song de la Chine, a souhaité la bienvenue au nouveau Représentant permanent du Pérou auprès de la Conférence du désarmement.

 

La Conférence poursuivra ses travaux en séance plénière publique cet après-midi, à partir de 15 heures. Elle doit examiner, à cette occasion, les demandes de participation à ses travaux en qualité d'observateurs émanant de plusieurs États.

 

Aperçu des déclarations

Le Chili a fait observer que, la Conférence n'ayant pas été en mesure de remplir son mandat initial depuis plus de deux décennies, d’aucuns s'inquiétaient actuellement de la stagnation de cette instance et du fait que son existence ne se justifierait que par son « glorieux passé ». « Dans la pratique », a relevé le Chili, « ce forum est devenu un lieu de discussion – sinon d'accusations bilatérales – et sa tâche principale, qui est la négociation d'instruments juridiques internationaux, reste en suspens ».

S’agissant, d’autre part, du désarmement nucléaire, le Chili a dit apprécier la déclaration commune faite, au début de cette année, par les États dotés d'armes nucléaires parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), mais s’est aussi dit « préoccupé par la modernisation croissante des arsenaux nucléaires et par l'absence d'engagements concrets en matière de désarmement ».

L’entrée en vigueur, en [janvier] 2021, du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires reflète la conviction de « la grande majorité des États et des citoyens de la communauté internationale qu'il ne peut y avoir de paix durable tant que certains pays insistent pour confier leur sécurité à un système fondé sur la menace que représentent les armes de destruction massive les plus dangereuses », a mis en garde le Chili.

Le Chili a rappelé les positions qu’il défend à la Conférence s’agissant – entre autres – des « garanties de sécurité négatives », soit le fait de parvenir à un accord garantissant qu'aucun État doté d'armes nucléaires ne menace les États qui n’en sont pas dotés d’utiliser ces armes. Le Chili a par ailleurs prié les membres de la Conférence de ne pas opposer leur « veto » aux demandes de participation émanant des États qui souhaitent participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateurs.

Présentant sa position sur les différents enjeux de désarmement traités à la Conférence et au-delà, le Canada a notamment fait part de sa « déception quant à l’incapacité de ce forum à adopter un programme de travail », alors même que « la liste des enjeux à traiter continue de s’allonger », avec notamment « une absence de progrès dignes de ce nom en vue d’un désarmement nucléaire mondial ». À l’approche de la dixième Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), affronter la menace des armes nucléaires est tout aussi important aujourd’hui qu’au moment de l’entrée en vigueur du Traité, il y a plus de cinquante ans, a souligné le Canada.

C’est pourquoi le Canada appelle au lancement immédiat de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles, de même qu’à l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires. « Les bases ont déjà été posées : ce qu’il faut maintenant, c’est la volonté politique décisive d’aller plus avant », a insisté le Canada à ce propos.

D’autre part, le Canada a enjoint tous les pays à ratifier le Traité sur le commerce des armes, « en vue de répondre au détournement d’armes et à la circulation illicite d’armes, qui intensifient et prolongent les conflits et l’instabilité ».

L’Ukraine a souligné le « rôle de plus en plus pertinent de la Conférence » dans le contexte des menaces à la paix et à la sécurité induites par les comportements de certains États Membres des Nations Unies. Le désarmement, a ajouté l’Ukraine, doit être interprété à la lumière de ces défis contemporains et du contexte sécuritaire auquel la communauté internationale s’efforce de trouver des solutions.

Ainsi, a poursuivi la délégation ukrainienne, l’Ukraine fait-elle l’objet, depuis huit ans, d’une agression extérieure de la part de son voisin, la Fédération de Russie, quelque 7% du territoire national ukrainien se trouvant sous cette occupation étrangère. Plus de 15 000 personnes ont perdu la vie du fait de cette agression que la Fédération de Russie “vend” sous forme de “conflit interne en Ukraine” », a dénoncé la délégation ukrainienne, avant d’ajouter que plus de 100 000 soldats russes sont massés aux frontières de l’Ukraine.

Outre des cyberattaques et « des mesures destinées à saper les progrès et la stabilité économique et financière » de l’Ukraine, la Fédération de Russie applique une stratégie consistant à faire de l’Ukraine une zone grise d’instabilité entre la Fédération de Russie et l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), a déclaré la délégation ukrainienne. Elle a condamné le fait que la Fédération de Russie se présente comme victime et prétende être elle-même vulnérable, alors qu’elle est la première puissance nucléaire. L’Ukraine, en tant qu’État souverain, est libre de conclure les alliances qu’elle souhaite, a affirmé la délégation ukrainienne. La Fédération de Russie tente, en réalité, de diviser à nouveau le continent et de mettre en péril la sécurité dans la région et en Europe, a-t-elle mis en garde.

L’Argentine a estimé qu’il n’était plus possible pour la Conférence de se contenter de rhétorique, et que l’instance devait adopter de toute urgence son programme de travail. L’Argentine, favorable à un monde exempt d’armes nucléaires, a recommandé que la Conférence négocie des traités visant l’interdiction de la production de matières fissiles, la prévention d’une course aux armements dans l’espace et l’octroi de garanties de sécurité aux États non dotés d’armes nucléaires.

L’Argentine a souligné le rôle central joué par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Elle a salué la déclaration conjointe des « P5 » au début de cette année et a encouragé ces cinq États dotés d’armes nucléaires à prendre maintenant des mesures concrètes en vue du désarmement nucléaire. « La vraie cause de l’impasse à la Conférence réside dans l’absence de volonté politique de certains membres qui tirent parti du statu quo », a ajouté l’Argentine.

La République de Corée a constaté certaines évolutions positives, notamment la déclaration commune des « P5 », par laquelle ces États affirment qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit pas être menée – une affirmation positive dans le cadre de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui doit se tenir cette année. La République de Corée a estimé que la Conférence était en mesure d’entamer les négociations autour d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles. Elle a espéré que la Conférence pourrait, en 2022, ouvrir ses travaux aux jeunes et procéder à une mise à jour technique de son Règlement intérieur.

La République de Corée a d’autre part affirmé sa volonté de poursuivre ses efforts en vue de la dénucléarisation de la péninsule coréenne et a regretté la poursuite des tirs de missiles par la République populaire démocratique de Corée. Elle a plaidé pour la poursuite du dialogue dans ce contexte et pour le soutien de la communauté internationale à cet égard.

La Fédération de Russie a déclaré que l'année 2021 avait été marquée par d'importants progrès politiques en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération. Ainsi, en février, le traité américano-russe de réduction des armes stratégiques [nouveau Traité START] a-t-il été prolongé de cinq ans, ce qui a ouvert la voie à la poursuite du dialogue et à la rencontre des Présidents russe et américain, à Genève, le 16 juin 2021.

En outre, les dirigeants des cinq États dotés d'armes nucléaires [reconnus comme tels par le TNP] ont adopté, le 3 janvier dernier, une « déclaration historique » sur l'inadmissibilité de la guerre nucléaire et la nécessité d'éviter une course aux armements, a rappelé la Fédération de Russie. Cette déclaration développe la célèbre formule selon laquelle « il ne peut y avoir de vainqueurs dans une guerre nucléaire et qu’elle ne doit jamais être menée ». Dans ce document, les cinq États ont réaffirmé qu’aucune de leurs armes nucléaires ne prenait pour cible l’un d’entre eux ou un quelconque autre État. Ils affirment également leur intention de poursuivre des approches diplomatiques afin d'éviter une confrontation militaire, de renforcer la stabilité et la prévisibilité. Les cinq pays réaffirment aussi leur volonté d'œuvrer avec tous les États pour créer un environnement de sécurité plus propice à la progression vers le désarmement nucléaire, l'objectif ultime étant de parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires – sans compromettre la sécurité de quiconque.

Parallèlement cependant, la sécurité internationale continue de se détériorer, a poursuivi la Fédération de Russie : « une situation en partie due au démantèlement d'un certain nombre d'instruments internationaux fondamentaux », a-t-elle déclaré, citant le Traité “Ciel ouvert” et affirmant que le retrait unilatéral des États-Unis de ce Traité avait obligé la Fédération de Russie à faire de même. La délégation russe a ajouté que pour inverser les tendances négatives, la Fédération de Russie avait remis à la mi-décembre 2021 à ses partenaires de Washington et de Bruxelles des projets de traités internationaux avec les Etats-Unis et l'OTAN sur des « garanties légales de sécurité », « seule façon d'assurer une sécurité durable en Europe sur la base de la Charte de l'OSCE, qui déclare l'indivisibilité de la sécurité et l'impossibilité de renforcer sa propre sécurité au détriment de celle des autres pays. »

La Fédération de Russie a affirmé que l’amélioration de la situation de la sécurité internationale serait un bon cadre pour les travaux de la Conférence et, dans un avenir prévisible, « pour le lancement de véritables travaux de négociation fondés sur un programme de travail complet et équilibré ».

La Fédération de Russie a ensuite rappelé plusieurs initiatives qu’elle avait prises à la Conférence. Elle a notamment cité la proposition de conclure un accord qui interdise le déploiement d'armes dans l'espace et la menace ou l'usage de la force contre les objets spatiaux, conformément à un projet conjoint lancé en 2008 avec la Chine et mis à jour en 2014 pour refléter les préoccupations des autres délégations, ou encore la proposition, en 2016, d’élaborer dans le cadre de la Conférence une convention sur la lutte contre les actes de terrorisme chimique et biologique.

La Fédération de Russie a ensuite émis plusieurs recommandations sur la manière d’organiser les travaux de la Conférence en vue du lancement de véritables négociations.

Si la Conférence du désarmement joue un rôle capital dans la construction d'un monde meilleur et a permis d’adopter des instruments importants pour la sauvegarde de la paix et de la sécurité internationales, ses travaux sont cependant paralysés depuis plus de vingt-cinq ans, « dans un contexte inquiétant où les calculs géopolitiques relancent la possibilité d'une confrontation armée », et alors même que « l'utilisation militaire des nouvelles technologies ouvrent de nouveaux domaines potentiels de conflit, comme l'espace extra-atmosphérique et le cyberespace », a pour sa part déclaré le Pérou.

Le Pérou, pays pacifiste et épris de paix, est partie à tous les régimes de contrôle des armements, de désarmement et de non-prolifération, et a été l'un des promoteurs de la création de la première zone exempte d'armes nucléaires au monde - créée en vertu du Traité de Tlatelolco, a souligné la délégation péruvienne. Elle a ajouté que le « Gouvernement du Pérou suit avec inquiétude la récente escalade des tensions et se joint à la communauté internationale, notamment au Secrétaire général António Guterres, pour appeler les principales armées potentielles à résoudre leurs différends par le dialogue et la diplomatie ».

Le Pérou a par ailleurs indiqué avoir déposé son instrument de ratification du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, de sorte qu’il entrera en vigueur pour le pays le 23 mars 2022. «“La paix perpétuelle n'existe pas, mais on peut s'en approcher perpétuellement” : c'est notre devoir et notre obligation à ce moment de l'histoire », a dit le Pérou, citant Emmanuel Kant.

Les Pays-Bas ont rappelé leur position quant à l’importance, pour la Conférence, d'ouvrir des négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles destinées à la fabrication d’armes nucléaires et d’autres engins explosifs. Ils se sont eux aussi félicités de la déclaration commune des cinq États dotés d'armes nucléaires [reconnus comme tels au titre du TNP], le 3 janvier 2022, concernant la prévention de la guerre nucléaire et la lutte contre la course aux armements. « Nous attendons avec impatience les mesures de suivi » de cette déclaration, ont indiqué les Pays-Bas.

Les Pays-Bas ont ensuite exhorté l'Iran à se conformer à nouveau pleinement au JCPoA (Accord sur le nucléaire iranien) et à collaborer pleinement avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ils ont en outre fait part de leurs préoccupations s’agissant des programmes d'armes nucléaires et de missiles balistiques « de plus en plus sophistiqués » de la République populaire démocratique de Corée, y compris les essais de missiles menés récemment par ce pays et auxquels les Pays-Bas ont demandé qu’il soit mis fin.

Enfin, pour les Pays-Bas, « le renforcement militaire important et non provoqué aux frontières de l'Ukraine, associé à la rhétorique agressive de la [Fédération de] Russie, est une source de grave préoccupation ». Les Pays-Bas ont appelé la Fédération de Russie à la désescalade et au dialogue. « Nous avons tous un intérêt commun en Europe de l'Est : la stabilité et la paix », ont-ils affirmé.

L’Iran a regretté que l’environnement sécuritaire international se soit détérioré en 2021, avec notamment une augmentation des dépenses militaires consacrées aux armes classiques et au renouvellement des arsenaux nucléaires. Autre recul en 2021, le renforcement des stocks d’armes nucléaires et la menace planant toujours sur les États non dotés de ces armes, a ajouté la délégation iranienne.

L’Iran a déploré que le manque de volonté politique – en particulier de la part des États dotés d’armes nucléaires – freine toujours les travaux de la Conférence. « La garantie la plus efficace contre la menace que font planer les armes nucléaires est leur élimination complète et vérifiable », a insisté l’Iran, qui a demandé que cet aspect figure parmi les grandes priorités de la Conférence. L’Iran a regretté que les États dotés d’armes nucléaires ne respectent toujours pas l’article VI du TNP.

L’Iran a par ailleurs estimé que l’attitude du « régime israélien » était le seul obstacle à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.

L’Iran a enfin assuré qu’il négociait de bonne foi dans le cadre du JCPOA et a critiqué l’approche des parties américaine et européennes, qu’il a jugées respectivement « unilatérale » et « passives ».

L’État d’Israël a demandé que l’Iran le désigne par son nom officiel.

Le Japon a déclaré que « pour maintenir et renforcer la dynamique de la Conférence d'examen du TNP », le Japon et les États-Unis avaient publié une déclaration conjointe sur le Traité lors du sommet bilatéral entre les deux pays qui s’est tenu le 21 janvier dernier : le Japon et les États-Unis y réaffirment pleinement leur engagement en faveur du TNP – « pierre angulaire de la non-prolifération et du désarmement nucléaires » depuis 51 ans qu’il est entré en vigueur, a souligné le Japon.

La délégation japonaise a par ailleurs fait savoir que, le 17 janvier 2022, lors de son discours de politique générale devant la Diète, le Premier Ministre Fumio Kishida avait annoncé la création d’un « Groupe international d’éminentes personnes pour un monde sans armes nucléaires », dont la première réunion aura lieu à Hiroshima dans le courant de 2022.

Par ailleurs, le Japon a remercié les pays qui ont coparrainé sa résolution [A/RES/76/54] intitulée « Modes d'action conjoints et dialogue tourné vers l'avenir pour l’avènement d'un monde exempt d’armes nucléaires », ainsi que les autres pays qui ont soutenu cette résolution adoptée en 2021 par 158 pays membres de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le Japon a espéré que ce texte contribuerait au succès de la prochaine Conférence d'examen du TNP.

Le Japon a ensuite fait part de ses préoccupations devant le développement par la République populaire démocratique de Corée d'armes nucléaires et de missiles balistiques, y compris une série de tirs de missiles balistiques récents. Le Japon s’est dit fermement engagé en faveur du « démantèlement complet, vérifiable et irréversible de toutes les armes nucléaires, des autres armes de destruction massive et des missiles balistiques » de la République populaire démocratique de Corée. Le Japon a exhorté la « Corée du Nord » à se conformer à toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et à revenir rapidement au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Le Japon a enfin estimé que la participation à la Conférence d’États non membres [de la Conférence] contribuait à rendre les travaux de cette instance « plus pertinents » pour la communauté internationale.

La République populaire démocratique de Corée a demandé au Japon de la désigner par son nom officiel.

L’Autriche a mis en garde contre ce qu’elle a qualifié de risque croissant de catastrophe nucléaire : en effet, à cause des tensions géopolitiques actuelles, le risque de conflit nucléaire est « plus élevé qu'à n'importe quel moment de la guerre froide ». Le nombre d'États dotés de l'arme nucléaire a augmenté depuis la fin de la guerre froide, tandis que des milliards sont investis dans le développement de nouvelles bombes nucléaires et que les arsenaux s'agrandissent. Dans le même temps, a regretté l’Autriche « la volonté de traiter de manière transparente la possession et l'utilisation éventuelle de ces armes par ceux qui les possèdent est en déclin ».

L’Autriche a jugé « inacceptable que certains États invoquent des raisons de sécurité nationale pour justifier la possession d'armes nucléaires, alors qu'en réalité, ils menacent en permanence la planète de destruction massive et donc notre sécurité à tous ». Le désarmement nucléaire n'est pas un objectif à atteindre à moment donné, dans un avenir lointain : il s'agit d'une priorité urgente qui exige une action déterminée et collective, dès maintenant, de la part de la communauté internationale dans son ensemble, a souligné l’Autriche. Dans ce contexte, elle a regretté que la dixième Conférence d'examen du TNP ait dû être reportée une fois de plus en raison de la situation actuelle de pandémie.

La délégation autrichienne a encouragé tous les États membres de la Conférence à faire preuve de volonté politique et à témoigner de la souplesse nécessaire pour permettre à cette instance de mener ses travaux de fond. Elle a enfin dénoncé « toute décision visant à bloquer la participation des États Membres de l'ONU » aux travaux de la Conférence.

La Norvège a elle aussi fait part de ses préoccupations face aux tensions internationales actuelles, notamment la compétition entre grandes puissances qui se poursuit sans relâche, l’élargissement des arsenaux nucléaires et la prolifération, ainsi que les risques et tensions qui augmentent dans l'espace. Quant au traité d’interdiction complète des essais nucléaires, il n'est toujours pas entré en vigueur, et des armes chimiques ont été utilisées à plusieurs reprises au cours des dernières années, a ajouté la Norvège.

Cette situation géopolitique tendue exige que nous changions de vitesse, a recommandé la Norvège. La Conférence doit d’abord se mettre rapidement d'accord sur un programme de travail, qui devra être aussi simple que possible, a-t-elle affirmé. Deuxièmement, au nom du multilatéralisme et conformément à notre propre Règlement intérieur, a poursuivi la délégation norvégienne, tous les États Membres des Nations Unies qui souhaitent participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateurs devraient être autorisés à le faire. Troisièmement, la Conférence doit entamer enfin un débat structuré sur ses méthodes de travail et son fonctionnement efficace. Quatrièmement, la Conférence doit mettre son Règlement intérieur en conformité avec le monde moderne – « les symboles sont importants », a souligné la Norvège.

L’Allemagne a d’abord fait part de sa préoccupation face à l’accumulation de troupes et de matériel militaire russes à la frontière avec l’Ukraine, affirmant que cela « ne contribue pas à stabiliser la situation en Europe ». « Il est clair que le dialogue est la voie préférable pour résoudre les tensions », a ajouté l’Allemagne, exprimant l’espoir que les contacts entre la Fédération de Russie et les États-Unis donneraient des résultats concrets. Pour sa part, « avec la France, l’Allemagne redouble d’efforts, dans le “format Normandie”, pour stabiliser le Donbass », a indiqué la délégation allemande, avant d’ajouter que l’Allemagne recherche « une solution diplomatique qui tienne compte des intérêts de toutes les parties » et qu’elle entend défendre la sécurité européenne et les principes d’autonomie et d’autodétermination sur la base de l’Acte final d’Helsinki et autres textes de l’OSCE.

Mais d’autres problèmes demeurent en matière de sécurité, a poursuivi l’Allemagne. Elle a ainsi estimé que les derniers essais de missiles par la République populaire démocratique de Corée constituaient une violation claire des résolutions du Conseil de sécurité. S’agissant par ailleurs de l’Iran, l’Allemagne a dit être pleinement attachée à l’application de la Résolution 2231 du Conseil de sécurité ainsi que du Plan d’action global commun (JCPOA) sur le nucléaire iranien. L’Allemagne a appelé l’Iran à contribuer de manière constructive aux négociations à Vienne : « vu l’escalade du programme nucléaire iranien, la fenêtre pour la revitalisation du JCPOA est en train de se refermer », a mis en garde la délégation allemande.

L’Allemagne s’est dite attachée au mandat de la Conférence de négocier et d’adopter des instruments juridiques dans le domaine du désarmement, et a jugé important que les travaux de la Conférence soient ouverts aux observateurs. Elle a rappelé sa position concernant l’ouverture, à la Conférence, de négociations portant notamment sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles, sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace et sur des garanties négatives de sécurité.

Enfin, l’Allemagne a plaidé pour la poursuite du dialogue sur la stabilité stratégique entre la Fédération de Russie et les États-Unis. L’extension du nouveau Traité START a constitué une étape importante et d’autres mesures doivent maintenant suivre, a affirmé l’Allemagne.

Pour la Syrie, « la stagnation de la Conférence est principalement due à la politisation excessive de la part de certains pays et à leur manque de volonté politique, et non à une quelconque raison liée aux méthodes de travail ».

La Syrie a critiqué « le comportement agressif d'Israël et son accumulation continue d'arsenaux d'armes conventionnelles et non conventionnelles », lesquels sont « la principale source de menace pour la sécurité et la stabilité de la région ». La Syrie a recommandé que des « mesures pratiques sérieuses » soient prises pour obtenir l'adhésion d'Israël au TNP. La Syrie a souligné l’importance qu’elle accordait à la création d’une zone exempte d'armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient – estimant même que le succès de la dixième Conférence d'examen du TNP exigeait l'affirmation des engagements antérieurs et la mise en œuvre de la résolution de 1995 concernant la création de cette zone.

S’agissant des travaux de la Conférence, la Syrie a notamment insisté sur la nécessité de négocier un texte juridique internationalement contraignant visant à interdire la production de matières fissiles et à assurer de manière vérifiable la destruction des stocks. Elle a aussi renouvelé son appui à l'ouverture de négociations, à la Conférence, sur un projet de convention contre le terrorisme chimique et biologique, sur la base du texte proposé par la Fédération de Russie.

Les États-Unis ont rappelé que le Président Biden s’était joint aux dirigeants de la République populaire de Chine, de la France, de la Fédération de Russie et du Royaume-Uni pour publier la déclaration du « P5 », le 3 janvier dernier, affirmant qu’une guerre nucléaire ne devait jamais être menée. « Il s'agit d'une déclaration de fait, une reconnaissance du danger auquel nous sommes tous confrontés, une déclaration qui exige une action de la part des cinq États dotés d'armes nucléaires reconnus par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires », ont souligné les États-Unis.

Sur la lancée de cette déclaration relative à la prévention de la guerre nucléaire, les États-Unis et la Chine devraient rapidement s'engager sur les questions de réduction du risque nucléaire : « Nous espérons », ont dit les États-Unis, « que la Chine est maintenant prête à explorer des mesures visant à réduire les risques de conflit par inadvertance et de course aux armements déstabilisante ».

Parallèlement, a rappelé la délégation des États-Unis, le Président Biden a renouvelé l'engagement des États-Unis en faveur du désarmement lorsqu'il a clairement indiqué que « nous avons un impératif de sécurité nationale et une responsabilité morale de gérer et, à terme, d'éliminer la menace que représentent les armes de destruction massive ». Conformément à leur engagement indéfectible envers l'article VI du TNP, les États-Unis continueront de poursuivre de bonne foi les négociations sur des mesures efficaces en matière de désarmement nucléaire, a assuré la délégation. Depuis la Conférence d'examen du TNP de 2015, « les États-Unis ont démantelé plus de 800 ogives nucléaires », a-t-elle notamment indiqué.

En outre, en février 2021, les États-Unis se sont engagés avec la Fédération de Russie à prolonger le nouveau Traité START pour la période maximale de cinq ans et ont repris un dialogue délibéré et solide sur la stabilité stratégique. Les États-Unis ont ajouté avoir été « clairs sur le fait que la diplomatie est la voie la plus durable vers la stabilité et la sécurité ». « Nous demandons instamment à la [Fédération de] Russie d'arrêter de renforcer son dispositif actuel en Europe pour nous permettre de suivre ensemble la voie de la diplomatie », a insisté la délégation.

Les États-Unis ont également assuré soutenir le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et se sont dits engagés à œuvrer pour son entrée en vigueur. Ils ont aussi fait part de leur soutien à l'ouverture de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles.

Enfin, les États-Unis se sont dits très déçus que la proposition de mettre à jour le Règlement intérieur de la Conférence avec des « modifications techniques/linguistiques » mentionnant les deux sexes n'ait pas obtenu de consensus en 2021 : « il s'agit d'une mise à jour attendue depuis longtemps qui permettrait à la Conférence d'entrer enfin dans le XXIe siècle », ont estimé les États-Unis.

Le Kazakhstan a lui aussi salué la déclaration des « P5 » relative à la prévention de la guerre nucléaire et au désarmement nucléaire. À ce propos, le Kazakhstan a estimé que seule l’élimination complète des armes nucléaires offrait des garanties de sécurité suffisantes. Il a recommandé, à cet égard, que tous les pays ratifient le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires en tant que mécanisme complémentaire d’autres instruments internationaux importants, tels le TNP.

Le Kazakhstan s’est dit favorable à l’initiative de Stockholm destinée à faire avancer le désarmement nucléaire. Il a plaidé pour le rétablissement du dialogue entre les parties prenantes pour contribuer à rétablir un climat de confiance. Le Kazakhstan a d’autre part estimé que tous les pays membres de l’ONU devraient pouvoir participer aux travaux de la Conférence en tant qu’observateurs.

Le Royaume-Uni, « gravement préoccupé par la situation aux frontières de l'Ukraine », a dit soutenir « sans équivoque la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris la Crimée ». Le Royaume-Uni a estimé que la Fédération de Russie devait s'engager « sur la voie de la diplomatie, de la transparence et des mécanismes de désescalade tels que l'OSCE et le Conseil OTAN-Russie [COR] ». « Ces graves tensions mondiales », a ajouté le Royaume-Uni, « rendent le travail de la Conférence, et plus largement du mécanisme de désarmement des Nations Unies, encore plus important.»

Le Royaume-Uni est ensuite revenu sur la déclaration commune des « P5 » – lue par l'Ambassadeur de France mardi dernier – concernant la prévention de la guerre nucléaire et l'évitement des courses aux armements et affirmant qu'une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée. Cette déclaration commune envoie un message important concernant la réduction du risque stratégique, qui est développé dans le document de travail commun soumis par les cinq à la Conférence d'examen du TNP.

Le Royaume-Uni a par ailleurs indiqué que l’une de ses priorités en 2022 serait la sécurité spatiale ; le pays s’est dit fier d’avoir parrainé la résolution 76/231 de l'Assemblée générale des Nations Unies, intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable ».

Concernant la Conférence, la Royaume-Uni a jugé essentiel de ne pas repousser les discussions de fond et aussi de procéder à « une simple mise à jour technique du Règlement intérieur afin de refléter l'égalité entre les femmes et les hommes ». Le pays a par ailleurs affirmé que le blocage arbitraire des candidatures [de pays observateurs] par certains États en raison de différends bilatéraux était contraire à la lettre et à l'esprit du multilatéralisme.

Le Royaume-Uni a d’autre part assuré que la vente de sous-marins nucléaires à l’Australie ne constituait pas une violation de ses obligations au titre de la non-prolifération nucléaire.

L’Inde a insisté sur le fait que, « sans diminuer la priorité qu’elle accorde au désarmement », elle soutenait également « l'ouverture immédiate de négociations au sein de la Conférence autour d'un traité sur l'arrêt de la production de matières fissiles sur la base du document CD/1299 et du mandat qu'il contient ».

« En tant qu'État responsable doté d'armes nucléaires », a ajouté la délégation indienne, « l'Inde a pour doctrine de maintenir une dissuasion minimale crédible, fondée sur une position de non-recours en premier et de non-utilisation d'armes nucléaires contre des États non dotés » de telles armes. L’Inde a mis en avant les résolutions annuelles qu’elle présente à l'Assemblée générale des Nations Unies concernant la réduction du danger nucléaire et l’ouverture de négociations, à la Conférence, en vue de l'adoption d'une convention internationale interdisant le recours à la menace d'utilisation d'armes nucléaires en toutes circonstances.

L’Inde a regretté que malgré des efforts considérables dans le passé, la Conférence n'ait pas été en mesure d'adopter un programme de travail par consensus depuis mai 2009. La Conférence a accepté de travailler dans le format des organes subsidiaires en 2018, « mais même cela n'a pas été possible au cours des trois dernières années », a déploré l’Inde.

Dans un droit de réponse, le Pakistan a dit rejeter les « insinuations » faites par l’Inde devant la Conférence le 25 janvier [mardi dernier]. Le Pakistan a souligné qu’il existait bel et bien un lien entre les divers aspects – régionaux et internationaux – des questions de sécurité. Il a critiqué, entre autres, ce qu’il a qualifié de « rôle pionnier » joué par l’Inde en matière de prolifération nucléaire dans le sous-continent indien, ainsi que le maintien par l’Inde d’un important stock de matières fissiles. Le Pakistan a aussi condamné « l’occupation illégale » du Jammu-et-Cachemire par l’Inde. Il a affirmé que l’Inde était coupable d’actes de terrorisme et était le théâtre de nombreuses violations des droits de l’homme, voire de pogroms, visant en particulier les musulmans.

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

CD22.003F