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Les questions relatives aux populations autochtones et afro-descendantes et aux migrants sont au cœur de l’examen du rapport du Chili devant le CERD

Compte rendu de séance

 

Les questions relatives aux populations autochtones et afro-descendantes et aux migrants ont été particulièrement débattues, hier et aujourd’hui, lors de l’examen par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale du rapport présenté par le Chili au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Mme Verene Albertha Shepherd, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a notamment souligné qu’il était difficile pour le Comité d'évaluer l'impact de l'ensemble des politiques, des programmes et des dispositions constitutionnelles sur les membres les plus vulnérables de la société, faute de statistiques actualisées et complètes concernant la composition ethnique de la population, s’agissant en particulier des personnes d’ascendance africaine.

D’autre part, a relevé Mme Shepherd, il apparaît que les lacunes dans la jouissance des droits auxquelles sont confrontés les peuples autochtones au Chili ont pour complément des préjugés et stéréotypes négatifs à l'égard de cette population. Les populations autochtones du Chili constituent le secteur le plus pauvre de la société chilienne, a fait remarquer l’experte. Les peuples autochtones sont toujours opprimés et marginalisés, leurs droits étant menacés par la législation antiterroriste, par les violations de leurs droits fonciers et par des problèmes liés à la destruction de l’environnement, a-t-elle insisté. Elle a précisé que le Comité avait été saisi, en particulier, d’informations selon lesquelles l'absence de consultation des peuples autochtones sur les questions touchant à la terre et au territoire avait conduit à des conflits.

Mme Shepherd a par ailleurs souligné que le Comité avait été informé en mai dernier, par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, du risque potentiel et imminent d'expulsion collective de migrants, après d’autres expulsions collectives de centaines de migrants qui auraient été effectuées par les autorités entre février et avril 2021 sans respecter toutes les garanties d'une procédure régulière.

Un membre du Comité a fait part de sa préoccupation face aux nombreuses informations faisant état d'un recours excessif à la force par les agents de la force publique, notamment dans le cadre de manifestations et en particulier contre des membres du peuple autochtone mapuche. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles les Mapuches, les migrants et les personnes d'origine africaine sont régulièrement victimes de profilage racial par la police et d'autres organes chargés de faire respecter la loi, a-t-il en outre été indiqué. Un expert a déclaré être préoccupé par le maintien de l’état d’urgence et par la militarisation du conflit avec les Mapuches, militarisation qui – a-t-il affirmé – s’est traduite par des morts et de blessés parmi cette communauté.

Le rapport du Chili a été présenté conjointement par la cheffe de la délégation chilienne, Mme Andrea Balladares, Sous-Secrétaire aux services sociaux au Ministère du développement social et de la famille du Chili, et par M. Manuel Valderrama, Ministre de la Cour suprême du Chili.

Mme Balladares a notamment signalé l’adoption, en avril 2021, de la loi sur les migrations et les étrangers, qui comprend d’importantes avancées en termes de promotion, de respect et de garantie des droits fondamentaux des migrants, ainsi que de leur accès aux prestations sociales sur un pied d'égalité avec les nationaux. Elle a ensuite précisé que le Chili reconnaissait l'existence de dix peuples autochtones, à savoir les peuples aymara, quechua, atacameño, diaguita, colla, Rapa Nui, mapuche, kawésqar, yagan et chango, ces derniers ayant été reconnus en 2020 après un processus de dialogue et d'auto-identification. Selon le recensement de 2017, 12,8% de la population affirme appartenir à un peuple autochtone, a-t-elle indiqué. Actuellement, dix processus de consultation de peuples autochtones sont en cours, a précisé la Sous-Secrétaire aux services sociaux. S’agissant des mécanismes pour la reconnaissance, la restitution, la préservation et la protection de terres, tel que le prévoit la loi n°19253, Mme Balladares a signalé qu’en reconnaissance du fait que le principe fondamental d’existence et de culture des peuples autochtones réside dans la terre, le budget alloué à l’achat de terres avait régulièrement augmenté.

Mme Balladares a aussi fait savoir que la loi n°21151 de 2019 accordait une reconnaissance juridique au peuple tribal afro-descendant chilien, de façon à régler la dette en suspens envers ce peuple qui habite principalement les régions chiliennes d'Arica et de Parinacota.

Le Chili est en train d'élaborer une nouvelle Constitution, a souligné Mme Balladares, avant de préciser que 17 des 155 sièges que compte l’Assemblée constituante sont réservés à des représentants des peuples autochtones.

M. Valderrama a, pour sa part, rendu compte de mesures prises au Chili pour garantir le droit d'accéder à la justice. S’agissant de l’application de la loi générale contre la discrimination (loi n° 20609), il a précisé que depuis l’adoption de cette loi en 2012, 504 affaires avaient été portées devant les tribunaux de première instance, avec 185 appels interjetés devant les cours d'appel et 42 devant la Cour suprême.

La délégation chilienne était également composée, entre autres, de représentants des Ministères du développement social et de la famille, de l’intérieur et de la sécurité publique, et des affaires étrangères, ainsi que de représentants du bureau du Procureur, de la Cour suprême, de la Présidence et du Procureur régional d’Araucanie.

 

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport chilien et les rendra publiques à la clôture de sa session, le 3 décembre prochain, date de la prochaine et dernière séance publique de cette 105 ème session.

 

Examen du rapport du Chili

Le Comité était saisi du rapport valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques du Chili (CERD/C/CHL/22-23).

Présentation du rapport

Le rapport a été présenté par MME ANDREA BALLADARES, Sous-Secrétaire aux services sociaux au Ministère du développement social et de la famille du Chili, cheffe de la délégation chilienne, et par M. MANUEL VALDERRAMA, Ministre de la Cour suprême du Chili.

Eu égard aux recommandations que le Comité avait adressées au Chili concernant les droits des femmes autochtones, MME BALLADARES a souhaité attirer l’attention sur la création du Ministère de la femme et de l'équité entre les sexes en tant qu’organe faîtier qui élabore, coordonne et évalue les politiques, plans et programmes en faveur de l’équité et de l’égalité entre les sexes et en faveur de l'élimination de toutes les formes de discrimination arbitraire contre les femmes, y compris les femmes autochtones, afro-descendantes et migrantes.

En matière de migrations, Mme Balladares a signalé l’adoption, en avril 2021, de la loi sur les migrations et les étrangers, qui comprend d’importantes avancées en termes de promotion, de respect et de garantie des droits fondamentaux des migrants, ainsi que de leur accès aux prestations sociales sur un pied d'égalité avec les nationaux. Cette nouvelle loi prévoit notamment la formulation, par le Président de la République, de la politique nationale des migrations et des étrangers, avec une attention particulière pour les groupes vulnérables tels que les enfants et les adolescents, les femmes, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Mme Balladares a ensuite précisé que le Chili reconnaissait l'existence de dix peuples autochtones, à savoir les peuples aymara, quechua, atacameño, diaguita, colla, Rapa Nui, mapuche, kawésqar, yagan et chango, ces derniers ayant été reconnus en 2020 après un processus de dialogue et d'auto-identification. Selon le recensement de 2017, 12,8% de la population affirme appartenir à un peuple autochtone, a précisé la cheffe de délégation.

En 2018, a poursuivi Mme Balladares, le Président Sebastián Piñera a présenté l'« Accord national pour le développement et la paix en Araucanie », qui contient des propositions visant à la collaboration et au dialogue pour reconnaître le caractère interculturel de l'Araucanie et permettre à tous ses habitants de vivre en paix et de se développer sur un pied d'égalité avec le reste du pays. L’Accord s’accompagne de mesures en faveur de l’enseignement de la langue et de la culture autochtones dans le primaire, ainsi que de mesures en faveur du renforcement de la médecine mapuche et de sa complémentarité avec le système de santé, a indiqué Mme Balladares.

Un aspect fondamental de la participation des peuples autochtones est leur consultation, telle que prévue par Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux, a poursuivi Mme Balladares. Au Chili, cette consultation est régie par le Décret suprême n°66, qui établit que la consultation est un devoir des organes de l'État et un droit des peuples autochtones susceptibles d'être directement affectés par l'adoption de mesures législatives ou administratives. Actuellement, dix processus de consultation sont en cours, a précisé la Sous-Secrétaire aux services sociaux.

S’agissant des mécanismes pour la reconnaissance, la restitution, la préservation et la protection de terres, tel que le prévoit la loi n°19253, Mme Balladares a signalé qu’en reconnaissance du fait que le principe fondamental d’existence et de culture des peuples autochtones réside dans la terre, le budget alloué à l’achat de terres avait régulièrement augmenté : entre 2014 et 2021, a-t-elle précisé, quelque 90 455 hectares ont été acquis au bénéfice de quelque 12 353 familles autochtones, pour un montant total de 490 millions de dollars des Etats-Unis.

Mme Balladares a aussi fait savoir que la loi n°21151 de 2019 accordait une reconnaissance juridique au peuple tribal afro-descendant chilien, de façon à régler la dette en suspens envers ce peuple qui habite principalement les régions chiliennes d'Arica et de Parinacota. En août 2021, a-t-elle indiqué, un groupe de travail a été chargé de remédier aux problèmes rencontrés par le peuple tribal afro-descendant chilien dans les domaines de la santé, de l'éducation, du logement, de la culture et de l'agriculture.

Le Chili est en train d'élaborer une nouvelle Constitution, a souligné Mme Balladares. Dix-sept sièges sur les 155 que compte l’Assemblée constituante sont réservés à des représentants des peuples autochtones. La participation des dix peuples autochtones reconnus au Chili est ainsi assurée.

Enfin, Mme Balladares a indiqué que l'État avait consenti un effort sans précédent dans la prévention et le traitement de la COVID-19, ainsi que dans l'assistance sociale face à la crise économique déclenchée par la pandémie. À ce jour, plus de 90% de la population cible est entièrement vaccinée. Un effort particulier a été consenti pour que la population autochtone, dont 25% vit dans des zones rurales, ait accès aux vaccins, a souligné la cheffe de délégation.

M. VALDERRAMA, pour sa part, a rendu compte de mesures prises au Chili pour garantir le droit d'accéder à la justice. Le Gouvernement a ainsi créé un service de traduction en ligne pour faciliter la communication entre, d’une part, les juges et autres agents du pouvoir judiciaire et, d’autre part, les justiciables qui communiquent dans d'autres langues ou par le biais du langage des signes. En second lieu, a fait valoir M. Valderrama, le pouvoir judiciaire applique une « politique d'attention aux usagers », orientée en particulier sur les groupes vulnérables, ainsi qu’un protocole pour l'accès à la justice par les migrants.

D’autre part, l'Académie judiciaire propose périodiquement six cours traitant, entre autres, de la compréhension du racisme, de l'exclusion sociale, de la xénophobie et du relativisme culturel, du droit à l'égalité et à la non-discrimination, et de la violence raciale. À partir de 2022, un cours sera dispensé sur « les difficultés rencontrées par les peuples autochtones et par le peuple tribal d'ascendance africaine dans l’accès à la justice ». M. Valderrama a informé le Comité d’autres mesures prises pour éviter l’interruption de l’accès à la justice pendant la pandémie de COVID-19.

S’agissant de l’application de la loi générale contre la discrimination (loi n° 20609), M. Valderrama a précisé que 504 affaires avaient été portées devant les tribunaux de première instance, avec 185 appels interjetés devant les cours d'appel et 42 devant la Cour suprême, entre 2012 [date de l’adoption de la loi] et 2021. Parmi les affaires examinées par la Cour suprême, deux correspondaient à des situations de discrimination fondée sur la race, l'ethnie ou la nationalité ; dans 14 cas, la circonstance aggravante de la responsabilité pénale, prévue par la même loi, a été appliquée, l'un de ces cas ayant été un crime motivé par la nationalité ou la race de la victime, a précisé M. Valderrama.

Questions et observations des membres du Comité

MME VERENE ALBERTHA SHEPHERD, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Chili, a constaté que le rapport décrivait très bien les progrès accomplis dans la mise en place et le renforcement d'un réseau d'institutions publiques chargées de promouvoir et de protéger les droits de l'homme au Chili. Le problème, pour le Comité, est qu'il est difficile d'évaluer l'impact de l'ensemble des politiques, des programmes et des dispositions constitutionnelles sur les membres les plus vulnérables de la société, a fait observer l’experte. La première question de la rapporteuse a donc porté sur la collecte de statistiques actualisées et complètes concernant la composition ethnique de la population, s’agissant en particulier des personnes d’ascendance africaine – mais aussi de la population rom.

D’autre part, a relevé Mme Shepherd, il apparaît que les lacunes dans la jouissance des droits auxquelles sont confrontés les peuples autochtones au Chili ont pour complément des préjugés et stéréotypes négatifs à l'égard de cette population. Il semblerait que les résultats d’une étude menée en 2017 par l’institution nationale des droits de l’homme du Chili témoignent de l’urgence qu’il y a à déployer des campagnes de communication pour éradiquer les préjugés ethniques qui alimentent la discrimination contre les peuples autochtones, a indiqué la rapporteuse.

Des informations ont été reçues en août 2021 de la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme concernant l'utilisation disproportionnée de la force contre le défenseur des droits de l'homme environnemental Alberto Curamil, a en outre relevé Mme Shepherd, avant de s’enquérir de ce qu’il en est actuellement de la situation de cette personne.

D’autres informations parvenues au Comité suggèrent que le traitement médical des femmes et des personnes haïtiennes ou noires est parfois affecté par des stéréotypes quant à leur capacité à supporter la douleur. Mme Shepherd a demandé comment les travailleurs de santé sont formés pour éviter de tels manquements à leur devoir de diligence et a souhaité savoir si la délégation pouvait fournir des informations supplémentaires sur les circonstances dans lesquelles Wislande Jean, Rebeka Pierre et Monise Joseph du camp (pour migrants) de Lampa sont décédées.

Mme Shepherd a par la suite demandé quelles dispositions le Gouvernement avait prises après les manifestations d’octobre 2019, pendant lesquelles plus d’un million de personnes avaient protesté contre les inégalités sociales au Chili.

Malgré la création de la Commission spéciale des peuples autochtones – et en dépit, également, de la ratification de la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail – les populations autochtones du Chili constituent le secteur le plus pauvre de la société chilienne, a fait remarquer Mme Shepherd. Les peuples autochtones sont toujours opprimés et marginalisés, leurs droits étant menacés par la législation antiterroriste, par les violations de leurs droits fonciers et par des problèmes liés à la destruction de l’environnement.

Mme Shepherd a précisé que le Comité avait été saisi, en particulier, d’informations selon lesquelles l'absence de consultation des peuples autochtones sur les questions touchant à la terre et au territoire avait conduit à des conflits. Ainsi, plusieurs projets générant une forte pollution ont été lancés sans obtenir le consentement préalable des communautés mapuche et huilliche concernées, a indiqué Mme Shepherd, avant de prier la délégation de donner des informations sur la décharge de Collipulli et sur l'évaluation environnementale du projet d'incinérateur à Lautaro, de même que sur les indemnités versées aux communautés mapuches touchées par les décharges et les stations d'épuration des eaux usées dans la région d’Araucanie.

La rapporteuse a aussi voulu savoir si le Chili entendait reconnaître l'identité afro-descendante dans toute sa complexité, et pas seulement sous la forme d’une « tribu ». La délégation a été priée d’indiquer quelles activités avaient été menées au Chili pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban.

Enfin, Mme Shepherd a fait savoir que le Comité avait été informé en mai dernier, par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, du risque potentiel et imminent d'expulsion collective de migrants, après d’autres expulsions collectives de centaines de migrants qui auraient été effectuées par les autorités entre février et avril 2021 sans respecter toutes les garanties d'une procédure régulière.

La rapporteuse a par ailleurs demandé si le Chili avait songé à demander une contribution financière à l’Espagne, ancienne puissance coloniale, pour l’aider à améliorer la situation des peuples autochtones.

D’autres experts du Comité ont demandé des informations sur les formations dispensées aux fonctionnaires au sujet des questions relatives à la discrimination raciale.

Il a par ailleurs été demandé si le peuple tribal afro-descendant chilien était lui aussi représenté à l’Assemblée constituante.

Un expert a relevé que seules quatorze plaintes avaient été déposées devant les tribunaux au titre de la loi générale contre la discrimination (loi n°20609) depuis son entrée en vigueur jusqu’en 2016. Le Comité, a ajouté l’expert, constate que la loi se limite aux formes « arbitraires » de discrimination : il a demandé dans quelle mesure cette restriction limitait la protection des personnes vulnérables à la discrimination raciale.

Un expert a souhaité savoir comment le Chili combat les discours haineux diffusés dans les médias.

Le même expert a demandé des informations sur les résultats obtenus par le projet de « centres de justice citoyens » [voir paragraphe 103 du rapport du Chili]. Il a également demandé si les victimes de discrimination avaient accès à un recours et à des indemnisations, et si l’institution nationale de droits de l’homme pouvait déposer plainte au nom des victimes.

La délégation a en outre été priée de dire ce qu’il était advenu du projet de loi visant la création d’un conseil national des peuples autochtones et de conseils des peuples autochtones.

Le Comité, a indiqué l’un de ses membres, est préoccupé par de nombreuses informations faisant état d'un recours excessif à la force par les agents de la force publique, notamment dans le cadre de manifestations et en particulier contre des membres du peuple autochtone mapuche. La délégation a été priée de dire si un organisme indépendant était chargé d’enquêter sur l’utilisation de la force par la police, et si des mesures avaient été prises pour éviter la répétition de violences policières à l’encontre de peuples autochtones.

Si le rapport traite de la question des brutalités policières, a fait remarquer un expert, il ne mentionne toutefois pas les cas de profilage racial ni les mesures prises pour lutter contre ces pratiques. Le Comité a reçu des informations selon lesquelles les Mapuches, les migrants et les personnes d'origine africaine sont régulièrement victimes de profilage racial par la police et d'autres organes chargés de faire respecter la loi, a en outre souligné l’expert. Il s’est dit préoccupé par le maintien de l’état d’urgence et par la militarisation du conflit avec les Mapuches, militarisation qui s’est traduite par des morts et de blessés parmi cette communauté. L’expert a demandé quelles mesures seraient prises concernant les incidents survenus le 3 novembre dernier dans la région de Biobio au cours d’une manifestation contre l'état d'urgence pendant laquelle une personne a été tuée.

Un autre expert a constaté avec satisfaction que le Chili s’était doté d’un plan relatif au respect des droits de l’homme par les entreprises. Il a demandé dans quelle mesure les peuples autochtones étaient pris en compte par ce document. Plusieurs questions des experts du Comité ont porté sur la consultation préalable des peuples autochtones concernés par des projets industriels – consultation prévue par la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail relative aux peuples indigènes et tribaux, à laquelle le Chili est partie.

Une experte a fait état de préoccupations exprimées par les Roms, notamment le fait qu’ils ne disposent pas du statut de minorité. D’autre part, faute de statistiques, on ne sait pas combien de Roms vivent au Chili ni quelle y est leur situation.

M. GUN KUT, rapporteur chargé du suivi des observations finales du Comité, a rappelé que le Comité avait prié le Chili de répondre à trois questions prioritaires mentionnées dans les observations finales relatives au précédent rapport chilien, présenté en 2013. Ces questions portaient sur l’adoption d’une loi contre les discours faisant l’apologie de la haine raciale ; sur la consultation des peuples autochtones ; et sur l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre contre des peuples autochtones.

Un expert s’est dit préoccupé par la progression des discours de haine et des manifestations xénophobes de rejet et de violence à l'égard des migrants et des réfugiés, y compris l'usage excessif de la force par la police. Le Comité, a ajouté le même expert, est préoccupé par le fait que de nombreux migrants arrivant au Chili, en particulier des migrants originaires du Venezuela, n'ont pas la possibilité de demander la régularisation de leur statut.

Des experts ont rapporté des informations selon lesquelles les manuels scolaires chiliens ne représentent pas la diversité ethnique du pays.

Réponses de la délégation

Concernant les statistiques, la délégation a notamment précisé que, dans le dernier recensement, environ 12% de la population avaient déclaré appartenir à l’un des dix peuples autochtones reconnus et des « autres groupes » également reconnus. L’Institut des statistiques veillera à ce que le peuple tribal afro-descendant chilien soit mentionné dans le prochain recensement, en 2023, a assuré la délégation. Les statistiques montrent notamment que les peuples autochtones, qui ont un revenu inférieur à la moyenne nationale, reçoivent des subventions elles aussi supérieures à la moyenne, a ajouté la délégation.

Plusieurs enquêtes et outils statistiques permettent au Gouvernement d’évaluer de manière précise la situation socioéconomique des peuples autochtones et des Afro-descendants, a d’autre part indiqué la délégation.

Dix-sept sièges de l’Assemblée constituante chilienne ont été réservés aux représentants des peuples autochtones, a d’autre part rappelé la délégation. Un processus de consultation des peuples autochtones et des Afro-descendants sera mené au sein même de l’Assemblée constituante, conformément à la loi chilienne et à la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail, qui prévoient la consultation des peuples autochtones pour les décisions qui les touchent directement, a en outre souligné la délégation.

S’agissant de l’application de la loi contre la discrimination (loi n°20609), le niveau de poursuite est peut-être inférieur à ce qui pouvait être attendu, mais cela pourrait peut-être s’expliquer par le fait qu’il existe au Chili une autre protection contre la discrimination, à savoir le recours en amparo, a indiqué la délégation.

Il a été précisé que la loi contre la discrimination considère comme circonstance aggravante le fait qu’un crime soit motivé par une volonté de discrimination fondée, notamment, sur la race ou l’origine de la victime.

Le cadre constitutionnel des droits de l’homme au Chili comprend notamment un Sous-Secrétariat chargé de conseiller le Gouvernement et de l’aider à préparer des projets de loi. Le Sous-Secrétariat a contribué à l’élaboration du plan relatif au respect des droits de l’homme par les entreprises, qui est basé sur les Principes directeurs des Nations Unies en la matière et est entré en vigueur en 2017. Le Gouvernement prépare actuellement la deuxième version de ce plan d’action, a indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part précisé que le ministère public visait toujours à ce que l’action punitive soit respectueuse des droits fondamentaux des justiciables, s’agissant notamment de la célérité des procédures. L’institution nationale de droits de l’homme peut forcer l’action du ministère public en l’obligeant à maintenir une enquête ouverte, a-t-il été précisé.

Aux termes d’une loi adoptée en 2010, la compétence des cours martiales chiliennes est limitée aux délits commis par des militaires dans l’exercice de leurs fonctions et liés à leurs rôles militaires, a assuré la délégation.

Toute menace contre un défenseur ou une défenseuse des droits humains donne lieu à la mise en œuvre d’un plan de protection qui comprend des mesures de sécurité renforcée voire le déplacement de la personne, dans des cas graves, a fait savoir la délégation.

L’état d’urgence n’a pas été décrété contre le peuple mapuche, mais pour rétablir l’ordre dans la « macrozone sud » face à des actes de terrorisme, au trafic de stupéfiants et aux activités de criminels organisés qui affectent aussi des familles mapuches, a expliqué la délégation. Des consultations menées ce mois-ci auprès des citoyens, sur place, ont montré qu’une majorité de personnes interrogées étaient favorables au maintien de l’état d’urgence, y compris dans des zones où vivent de nombreux Mapuches. Plusieurs attentats viennent d’être commis dans la « macrozone », a ajouté la délégation.

Dans le cadre de l’état d’urgence, qui a été prorogé jusqu’au 11 décembre pour faire face aux actes de terrorisme commis dans la « macrozone sud », les forces armées sont soumises à la loi civile et non militaire, a par la suite précisé la délégation. Elle a aussi souligné qu’en cas de litige entre un militaire et un civil, c’est la justice civile qui était saisie.

Immédiatement après les manifestations d’octobre 2019, le Gouvernement a été confronté à la pandémie et à ses conséquences sur l’emploi et la santé de presque toute la population, a par ailleurs rappelé la délégation. Cette situation a obligé le Gouvernement à moderniser le système d’aide sociale. Le nombre de bénéficiaires a explosé, de même que le volume des aides directes : plus de trois milliards de dollars ont été investis à ce titre, la plus grosse dépense jamais consentie par les autorités, a fait valoir la délégation. La loi a été modifiée pour que plus de mille familles de migrants puissent elles aussi bénéficier des versements directs de l’État, a-t-elle ajouté.

Les événements survenus le 3 novembre dans la province d’Araucanie font actuellement l’objet d’une enquête de justice, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a ensuite décrit le travail des autorités pour promouvoir les langues ancestrales et vernaculaires des peuples autochtones , y compris celle des Mapuches.

La nouvelle loi sur les migrations contient des dispositions relatives à l’ apatridie : en particulier, la notion d’étranger en transit y est définie, tandis qu’il est affirmé que tout enfant né au Chili de parents apatrides se verra octroyer la nationalité chilienne, a indiqué la délégation.

S’agissant des questions migratoires, la délégation a indiqué que le Chili avait procédé à plusieurs vagues de régularisation de personnes entrées de manière irrégulière. La dernière fois, c’était en 2018. À cette occasion, 150 000 personnes ont été régularisées. Une nouvelle procédure de régularisation est en cours, destinée cette fois aux personnes entrées de manière régulière : 196 000 migrants en ont bénéficié jusqu’ici. Les personnes entrées de manière irrégulière ont la faculté de quitter le pays puis de revenir dans des conditions de légalité, après avoir fait une demande en ce sens [auprès d’une représentation chilienne] à l’étranger, a indiqué la délégation.

Chaque cas d’expulsion est traité de manière individuelle, en fonction des circonstances et avec des recours possibles sur les plans administratif et pénal, le cas échéant. La Cour suprême a édicté plusieurs critères et modalités devant être respectés par l’administration dans ce contexte, notamment la proportionnalité de la mesure et la nécessité de justifier l’expulsion.

Si le système migratoire aux frontières a été renforcé, l’aide aux migrants a elle aussi été améliorée, a souligné la délégation, avant de décrire les programmes d’aide humanitaire et d’accès à la protection sociale appliqués dans la « macrozone nord » du pays – notamment à Iquique, capitale de la province de Tarapacá – au profit de migrants, y compris de migrants mineurs.

Les migrants victimes de la traite des êtres humains bénéficient d’une protection renforcée qui est placée sous la responsabilité du parquet, a poursuivi la délégation.

S’agissant de la consultation préalable des peuples autochtones, la délégation a indiqué que le Gouvernement utilisait plusieurs moyens de communication au niveau local pour informer les peuples autochtones et leur expliquer les modalités des projets qui les concernent. Des conseillers indépendants accompagnent les peuples autochtones pendant toute la procédure, à laquelle peuvent aussi participer des représentants d’organisations non gouvernementales ou d’institutions internationales.

L’État procède, parallèlement, au renforcement des capacités des fonctionnaires chargés de mener les consultations avec les peuples autochtones. Les chances que les consultations aboutissent à un accord sont d’autant meilleures que le dialogue se fait de manière franche et honnête, a ajouté la délégation.

Le Gouvernement mène des consultations avant tout projet devant être réalisé sur, ou près, des terres appartenant à des peuples autochtones. L’impact environnemental de chaque projet est évalué.

La délégation a également informé le Comité des mesures prises par le Gouvernement chilien pour favoriser l’accès des peuples autochtones au foncier, y compris dans le cadre de la politique nationale de restitution de terres.

La délégation a fait état de la reconnaissance récente de la qualité d’« éducateur traditionnel », représentant une communauté autochtone et autorisé à intervenir dans les salles de classe. Elle a aussi indiqué que le Gouvernement avait adopté des règlements imposant la participation des chefs traditionnels dans les cérémonies officielles ainsi que l’utilisation des langues autochtones dans l’administration.

En réponse à une experte du Comité qui avait demandé pourquoi le peuple afro-descendant chilien était qualifié de « tribal », la délégation a expliqué que le Gouvernement chilien, après avoir dialogué avec les organisations représentatives des personnes concernées, avait accédé à leur demande d’utiliser ce qualificatif.

Des mesures de lutte contre la discrimination raciale dans le secteur de la santé ont été prises, grâce notamment à la désignation de médiateurs interculturels dans le secteur des soins primaires et dans les hôpitaux, a par ailleurs fait valoir la délégation.

La délégation a ensuite fait savoir que le profilage racial lors des contrôles d’identité était interdit au Chili. Les fonctionnaires de police qui contrôlent l’identité d’une personne à titre préventif sont tenus de montrer leur plaque d’identification et d’indiquer leur grade. La personne qui estime avoir fait l’objet d’un contrôle discriminatoire peut porter plainte. Il est très rare que de tels contrôles aient un motif discriminatoire, a affirmé la délégation ; mais des condamnations ont déjà été prononcées pour ce délit, a-t-elle ajouté. Le ministère public organise des formations destinées aux carabineros – entre autres corps chargés du maintien de l’ordre – pour éviter la commission d’actes illégaux pendant les contrôles d’identité, a souligné la délégation.

Remarques de conclusion

MME SHEPHERD a remercié la cheffe de la délégation et son équipe d'avoir rencontré le Comité pour aborder un large éventail de questions – certaines difficiles, mais dont il faut absolument parler. Elle a souligné que le Comité voulait être rassuré quant à la conformité des dispositions de la loi et de la Constitution à celles de la Convention et quant à leur bénéfice pour les personnes les plus vulnérables.

M. VALDERRAMA a fait part de sa satisfaction d’avoir pu présenter les mesures prises par le Chili dans les domaines administratif et législatif. Il a insisté sur le fait que le Chili respectait la séparation des pouvoirs et que le juge, dans son rôle, accordait une attention particulière aux personnes vulnérables. Le Chili prêtera une grande attention aux recommandations du Comité, a assuré M. Valderrama.

MME BALLADARES s’est dite fière d’avoir représenté son pays devant le Comité, cinquante ans après la ratification de la Convention par le Chili. La démocratie et l’état de droit sont les mécanismes institutionnels les plus forts pour prévenir et sanctionner toute forme de discrimination, a-t-elle conclu.

 

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CERD21.014F