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Examen du rapport de l’Ukraine : le Comité des droits de l’homme insiste sur l’importance de la liberté d’expression et de l’indépendance de la justice

Compte rendu de séance

 

Les libertés d'expression et de réunion pacifique étant très importantes pour une société démocratique, les attaques, voire les meurtres, dont ont été victimes en Ukraine des journalistes et des militants de la société civile sont particulièrement préoccupants, d’autant plus que la réponse des autorités en matière d'enquêtes et de poursuites des auteurs de ces actes semble tarder à venir. Par ailleurs, face aux restrictions imposées à la liberté d'expression en ligne en Ukraine et motivées par des raisons de sécurité nationale, la question se pose de savoir quelles garanties sont en place pour que seuls les sites web extrémistes ou la propagande de guerre soient restreints.

Ces préoccupations ont été exprimées, hier après-midi et ce matin, par des membres du Comité des droits de l’homme durant l’examen du rapport périodique présenté par l’Ukraine en application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. D’autres préoccupations ont été mentionnées en matière d’indépendance de la justice, s’agissant notamment de l'article 375 du Code pénal, qui criminalise les malversations judiciaires mais qui est parfois utilisé pour porter atteinte à l'indépendance de la justice. Il a été souligné qu’en mars 2020, le Conseil supérieur de la magistrature avait enregistré 1170 plaintes déposées par des juges estimant que leur indépendance en tant que magistrats avait été entravée.

Les experts du Comité se sont, par ailleurs, dits conscients de la capacité limitée de l’Ukraine d’appliquer le Pacte dans les « républiques populaires » autoproclamées de Donetsk et Louhansk, ainsi que dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol temporairement occupées par la Fédération de Russie. Le Gouvernement ukrainien a néanmoins été appelé à poursuivre ses efforts pour assurer le respect des droits défendus par le Pacte sur tout le territoire. Le Comité a été informé d’un manque de volonté politique pour enquêter sur les cas de détention arbitraire, de torture et de mauvais traitements liés au conflit et perpétrés par des acteurs gouvernementaux.

Il a d’autre part été regretté que les enquêtes sur les meurtres perpétrés lors des manifestations de Maïdan (2013-2014) aient été freinées par le manque de coopération du Ministère de l'intérieur et de la sûreté de l’État avec les enquêtes spéciales du bureau du Procureur général.

Présentant le rapport de son pays, Mme Valeriia Kolomiiets, Vice-Ministre de la justice et de l’intégration européenne de l’Ukraine, a informé le Comité que son pays avait adopté une Stratégie nationale pour la promotion du développement de la société civile en Ukraine jusqu'en 2026. Un Conseil pour la liberté d'expression et la protection des journalistes a été créé en 2019, a-t-elle également fait savoir.

Mme Kolomiiets a par ailleurs déclaré que la Fédération de Russie ne cessait de bafouer les droits de l'homme dans les territoires temporairement occupés d'Ukraine. L'activité des médias indépendants dans ces territoires est pratiquement inexistante, tandis que les organisations religieuses y sont qualifiées d’extrémistes, a-t-elle notamment indiqué.

Outre Mme Kolomiiets et Mme Yevheniia Filipenko, Représentante permanente de l’Ukraine auprès des Nations Unies à Genève, la délégation ukrainienne était composée de fonctionnaires représentant – notamment – les services du Procureur général, la Commission électorale centrale, ainsi que les Ministères de la justice, de l’intérieur, de la santé, de l’intégration européenne et des affaires sociales.

 

À sa prochaine séance publique, vendredi prochain à 15 heures, le Comité se penchera sur le suivi de ses observations finales.

 

Examen du rapport de l’Ukraine

Le Comité était saisi du huitième rapport de l’Ukraine (CCPR/C/UKR/8), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

MME VALERIIA KOLOMIIETS, Vice-Ministre de la justice et de l’intégration européenne de l’Ukraine, cheffe de la délégation, a informé le Comité des principales mesures institutionnelles et législatives survenues en Ukraine depuis la soumission du rapport et des réponses à la liste de points à traiter. Elle a notamment indiqué qu’en 2021, a été adoptée la Stratégie nationale pour la promotion du développement de la société civile en Ukraine jusqu'en 2026. Selon cette Stratégie, qui a été élaborée en étroite collaboration avec la société civile, les activités de l'État dans ce domaine doivent être fondées sur l'approche suivante : « pas de solutions pour la société civile sans la société civile », a précisé la Vice-Ministre.

Quant au projet de loi sur la protection des données personnelles, il est en cours d'examen par le Parlement, a ajouté Mme Kolomiiets. Ce texte prévoit la possibilité pour les citoyens de contrôler le traitement de leurs données personnelles, en renforçant la responsabilité en cas de violation de la législation dans ce domaine. Le Conseil pour la liberté d'expression et la protection des journalistes a été créé en 2019, a également fait savoir la Vice-Ministre.

S’agissant de la lutte contre la discrimination, un projet de loi a été déposé afin d’améliorer le mécanisme de responsabilité administrative pour les violations de la législation dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la discrimination. Le Gouvernement a publié un décret prévoyant pendant la pandémie de COVID-19 des versements et prestations de services sans aucune discrimination, a ajouté la Vice-Ministre.

En ce qui concerne les droits des minorités nationales, le « Service d'État pour l'ethnopolitique et la liberté de conscience » a commencé en 2020 son travail, qui consiste à appliquer la politique de l'État dans le domaine des relations interethniques, de la religion et de la protection des minorités nationales. Adoptée en 2021, la loi sur les peuples autochtones d'Ukraine consacre les garanties relatives aux droits de ces peuples, notamment la protection de leurs droits culturels, informationnels et autres. La loi stipule que les peuples autochtones d'Ukraine vivant sur le territoire de la péninsule de Crimée sont les Tatars de Crimée, les Karaïtes et les Krymchaks.

D’autres dispositions ont été prises s’agissant des droits à un procès équitable et à l’accès à la justice. Ainsi, la loi a été amendée pour généraliser la tenue d'audiences par vidéoconférence et le droit des détenus et des condamnés à une assistance juridique a été étendu – en particulier, le droit de rencontrer des avocats de la défense a été accordé sans limitation de temps ni de nombre. D’autres mesures adoptées par le Gouvernement ukrainien concernent la gratuité de l'aide juridique et la détention provisoire, a ajouté Mme Kolomiiets. Une nouvelle Cour suprême a été créée, tandis que la Cour suprême anticorruption est devenue opérationnelle, a aussi indiqué la Vice-Ministre, avant de faire part des mesures destinées à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Le Parlement est également saisi de propositions concernant la mise en conformité de la définition juridique de la torture avec la Convention des Nations Unies contre la torture, a poursuivi Mme Kolomiiets. Il est notamment proposé que le crime de torture commis par un représentant de l'État soit imprescriptible, a-t-elle précisé. Parallèlement, a-t-elle ajouté, le Bureau d'enquête d'État nouvellement créé a commencé à enquêter sur les crimes de torture commis par des agents des forces de l'ordre.

Enfin, Mme Kolomiiets a déclaré que la Fédération de Russie ne cessait de bafouer les droits de l'homme dans les territoires temporairement occupés d'Ukraine. L'activité des médias indépendants dans ces territoires est pratiquement inexistante, tandis que les organisations religieuses y sont qualifiées d’extrémistes. « La délivrance massive et forcée de passeports russes aux citoyens ukrainiens est en cours », a en outre déploré la Vice-Ministre ukrainienne.

Mme Kolomiiets a assuré que l'Ukraine continuait de mettre en œuvre ses engagements pour assurer la protection des droits humains des personnes vivant dans les territoires temporairement occupés. En particulier, en 2019, a été consacré le droit des citoyens ukrainiens vivant dans les territoires occupés temporairement et dans les colonies situées sur la ligne de contact de recevoir aux frais de l’Etat un enseignement dans d'autres régions d'Ukraine.

Questions et observations des membres du Comité

Une experte du Comité a regretté que l’Ukraine n'ait pas prévu de mécanisme de révision des décisions des tribunaux nationaux lorsque le Comité estime que ces décisions ne respectent pas le Pacte. D’autre part, il a été rappelé qu’en 2015, dans le contexte du conflit en cours, le Parlement ukrainien avait adopté des dérogations à plusieurs obligations découlant du Pacte, notamment en ce qui concerne les droits à la liberté et à la sécurité individuelle. Un expert a souligné à ce propos que le droit à un « recours utile » constituait une obligation au titre du Pacte dans son ensemble et que le droit à un jugement équitable devait être respecté même pendant un état d’urgence.

Une experte a dit être consciente des limites dans la capacité de l'Ukraine à appliquer le Pacte dans les territoires contrôlés par les « républiques populaires » autoproclamées de Donetsk et Louhansk, ainsi que dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol temporairement occupées par la Fédération de Russie. L'Ukraine doit donc être félicitée pour avoir pris des mesures visant à protéger les droits des personnes résidant dans ces zones, a-t-elle déclaré, tout en soulignant que rien n’exonère l’Ukraine de ses obligations de protection des individus vivant dans ces territoires. Aussi, l’experte a-t-elle demandé quelles mesures étaient prises pour garantir les droits consacrés par le Pacte à toutes les personnes, et pas seulement aux citoyens ukrainiens, résidant dans les territoires temporairement non contrôlés.

En ce qui concerne les violences sexistes dans les zones de conflit, la situation ne semble pas s’être améliorée, même si certains amendements visant à combler les lacunes et à faire en sorte que les auteurs de violences sexuelles soient traduits en justice ont été introduits dans la législation nationale, a relevé une experte. Elle a constaté avec préoccupation que la Convention d'Istanbul n'avait pas encore été soumise au Parlement ukrainien pour ratification.

Il a par ailleurs été jugé positif que l’Ukraine ait affirmé sa détermination à enquêter sur tous les crimes commis dans le contexte du conflit armé dans l'est du pays et à traduire les auteurs en justice. Mais le Comité a été informé que, souvent, les victimes ne se manifestent pas par peur des représailles ou par manque de confiance dans les institutions publiques ; lui a aussi été signalé un manque de volonté politique pour enquêter sur les cas de détention arbitraire, de torture et de mauvais traitements liés au conflit et perpétrés par des acteurs gouvernementaux.

Un expert du Comité a relevé que la situation difficile et les hostilités en cours depuis de nombreuses années créaient des dangers importants pour la vie et la sécurité de la population, tant dans les zones contrôlées par le Gouvernement que dans celles qui échappent à son contrôle. L’expert s’est enquis des mesures prises pour renforcer la protection de la population civile dans la zone de conflit et pour garantir l'obligation de rendre compte des morts et des blessés civils liés au conflit.

S’agissant de la lutte contre la discrimination, des experts ont demandé pourquoi la « loi sur les principes de prévention et de lutte contre la discrimination », adoptée en septembre 2012, ne tenait pas compte des comportements discriminatoires à l’égard des minorités sexuelles. Des condamnations ont-elles déjà été prononcées pour des crimes commis à l'encontre de personnes LGTBI ?

L’État ukrainien a-t-il pris des mesures pour protéger contre la discrimination les personnes déplacées à l’intérieur du pays, a-t-il également été demandé ?

Par ailleurs, l'article 161 du Code pénal, relatif à l’incitation à l'animosité et à la haine ethnique, raciale ou religieuse, est rarement appliqué et ces crimes sont généralement poursuivis pour « hooliganisme », a-t-il été relevé.

Outre les Roms, certaines minorités religieuses ou ethniques, comme les Témoins de Jéhovah ou les Tatars de Crimée, sont parfois menacées ou agressées par des violences physiques ou par des incendies criminels dont la plupart sont commis par des groupes extrémistes nationalistes ou racistes, a fait observer un expert.

Un expert a regretté que les enquêtes sur les meurtres perpétrés lors des manifestations de Maïdan (2013-2014) aient été freinées par le manque de coopération du Ministère de l'intérieur et du SBU (sûreté de l’État) avec les enquêtes spéciales du bureau du Procureur général. En outre, un certain nombre de hauts responsables de la police soupçonnés ou accusés d'avoir commis des crimes contre les manifestants ont conservé leur poste, ce qui a eu pour effet de décourager leurs subordonnés de témoigner de l'implication de la police dans les meurtres, a ajouté cet expert.

S’agissant de la prévention de la torture, le Comité a été informé que les mauvais traitements de personnes privées de liberté étaient encore largement répandus en Ukraine, de même que l'utilisation de différentes techniques de torture par les forces de l'ordre pour extorquer des aveux. Cela semble indiquer qu'il existe un problème systémique, à savoir que les garanties juridiques et procédurales prévues par la loi n'assurent pas une protection efficace dans la pratique, a relevé un expert.

La délégation a aussi été priée de dire si l'État partie entendait prendre de nouvelles mesures pour traiter de manière adéquate le problème de la détention provisoire prolongée, en particulier celle des mineurs.

Une experte a regretté que les requérants d’asile en Ukraine ne bénéficient pas d’un mécanisme d’appel effectif en cas de rejet de leur demande de protection. A aussi été jugé non conforme au droit international le projet de loi prévoyant que les étrangers ayant franchi irrégulièrement les frontières de l'Ukraine et qui demandent ensuite l'asile seront placés en détention jusqu'à la fin de la procédure.

Il a par ailleurs été relevé qu’en vertu de la loi sur l’éducation, les minorités nationales dont la langue est une langue officielle de l’Union européenne – telles que les minorités bulgare, hongroise, roumaine ou polonaise – bénéficient d'un niveau plus élevé de protection de leurs droits linguistiques par rapport à d'autres minorités telles que la minorité russe.

Un expert a insisté sur le fait que les libertés d'expression et de réunion pacifique étaient très importantes pour une société démocratique. Il a fait part de la préoccupation du Comité face aux attaques dont ont fait l'objet des journalistes et des militants de la société civile en Ukraine. Les cas les plus notoires sont les meurtres de Kateryna Gandziuk, Vitaly Oleshko et Mykola Bychko ; et les attaques contre Serhiy Sternenko, Oleh Ruban, Serhiy Mokryakov, Vitaly Ustymenko, Serhiy Nikitenko, entre autres. Il semble que la réponse des autorités en matière d'enquêtes et de poursuites des auteurs de ces actes tarde à venir, a-t-il été regretté.

En outre, face aux restrictions imposées à la liberté d'expression en ligne en Ukraine et motivées par des raisons de sécurité nationale, un expert a demandé quelles garanties étaient en place pour que seuls les sites web extrémistes ou la propagande de guerre soient restreints et pour que les autres médias sociaux et de masse et les canaux de communication restent accessibles au public.

Une experte a déploré que les membres du groupe d'extrême droite « Karpatska Sich » accusés d'avoir attaqué un rassemblement pacifique de militantes féministes le 8 mars 2018 aient été libérés de leur responsabilité pénale, conformément à la loi qui limite la responsabilité pour « les infractions de moindre gravité ». L’experte a prié la délégation d’expliquer quelles mesures l’Ukraine entendait prendre pour protéger les rassemblements pacifiques.

S’agissant de l’indépendance de la justice, un expert a demandé où en était la révision de l'article 375 du Code pénal, qui criminalise les malversations judiciaires mais qui est parfois utilisé pour porter atteinte à l'indépendance de la justice. L’expert a relevé qu’en mars 2020, le Conseil supérieur de la magistrature avait enregistré 1170 plaintes déposées par des juges qui estimaient que leur indépendance judiciaire avait été entravée.

Enfin, un expert a demandé quelles mesures étaient prises pour veiller à ce que la Commission électorale centrale, qui évalue de manière indépendante les programmes électoraux afin de déterminer s'il existe des motifs de refuser l'enregistrement de tels ou tels candidats, ne porte pas atteinte ce faisant à la liberté d'expression politique.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le Conseil des Ministres avait adopté un plan d’action pour la mise en œuvre de la stratégie de réintégration des territoires occupés temporairement, assorti de mesures concrètes sur quatre ans. Parallèlement, il a été décidé d’adopter une stratégie de développement des régions économiques de Louhansk et Donetsk jusqu’en 2023. Un autre programme d’instauration et de consolidation de la paix dans les régions orientales du pays a été adopté.

S’agissant du conflit, malheureusement, la consolidation du cessez-le-feu, malgré les efforts de l’Ukraine, n’avance pas, a ensuite déclaré la délégation, soulignant qu’il s’agit là d’un problème soulevé à plusieurs reprises par l’Ukraine dans le cadre du processus de Minsk. Les violations du cessez-le-feu sont le fait de la partie russe et des entités contrôlées par la Fédération de Russie, a affirmé la délégation ukrainienne.

Les services du Procureur général ont ouvert, depuis 2014, plus de 30 000 affaires pénales en lien avec la zone de conflit, concernant surtout des disparitions forcées et des privations arbitraires de liberté, a ensuite précisé la délégation. Plus de 3000 personnes auraient été détenues dans des lieux de détention irréguliers depuis le début du conflit dans les régions hors du contrôle du Gouvernement, a-t-elle ajouté. D’autre part, a-t-elle poursuivi, les tribunaux ont jugé 39 affaires pénales depuis 2014 concernant des membres des forces de sécurité ukrainiennes : un agent a été condamné à 12 ans d’emprisonnement et une autre affaire concernant deux agents est devant les tribunaux ; en outre, 28 affaires ont été classées.

Un expert du Comité s’étant enquis des conditions du franchissement de la ligne de conflit dans l’est du pays par les civils, la délégation ukrainienne a fait état de l’existence de plusieurs points de passage dotés de services destinés aux civils. La fermeture, par la Fédération de Russie, des « check-points » situés de son propre côté, suscite de nouvelles difficultés, a indiqué la délégation. L’Ukraine offre des services gratuits de dépistage et de vaccination contre la COVID-19 aux personnes vivant dans les régions occupées, a-t-elle fait valoir.

S’agissant des constatations du Comité [adoptées par le Comité à l’issue de l’examen de plaintes individuelles qui lui sont soumises en vertu du premier Protocole facultatif au Pacte], la délégation a notamment tenu à rappeler que du point de vue du Parlement ukrainien, le Comité des droits de l’homme ne fait pas partie des organes judiciaires internationaux.

La délégation a d’autre part indiqué que l’Ukraine a adopté un plan d’action contre la violence domestique qui court jusqu’en 2025 et en vertu duquel il est notamment prévu de mener de nouvelles campagnes de sensibilisation. Des services d’appui aux victimes ont été mis sur pied, de même que des programmes de formation destinés aux organes chargés de lutter contre cette violence, a poursuivi la délégation. Il est en outre prévu d’ouvrir de nouveaux abris et services de consultation dans chaque oblast (région) du pays. En 2020, a précisé la délégation, la police a reçu 220 000 plaintes pour violences familiales – dont 180 000 déposées par des femmes – qui ont donné lieu à plus de 3000 dénonciations pénales.

Les programmes de l’État pour assurer l’ égalité des droits entre les femmes et les hommes ont déjà permis de réduire l’écart salarial entre les deux sexes et de favoriser la participation des femmes au Parlement, où elles occupent maintenant 20% des sièges, a ensuite fait valoir la délégation.

La stratégie relative aux opportunités pour les Roms à l’horizon 2030, qui sera bientôt diffusée sur le site Web du Gouvernement, est axée sur huit objectifs principaux et prévoit des plans d’action se déroulant sur deux ou trois ans – de manière à pouvoir les adapter rapidement si nécessaire, a par ailleurs indiqué la délégation. En 2020, 4446 passeports ont été octroyés à des Roms en vertu de cette stratégie ; en outre, 34 bureaux ont été ouverts dans des maternités pour faciliter la délivrance de certificats de naissance.

Sur le territoire qu’il contrôle, le Gouvernement entretient des contacts réguliers avec les Tatars de Crimée – y compris leur Mejlis – et avec les Témoins de Jehova. Les problèmes que rencontrent ces minorités sont à déplorer uniquement dans la partie occupée du territoire, a insisté la délégation.

L’Ukraine a dû maintenir certaines dérogations au Pacte du fait de l’agression commise par la Fédération de Russie, a expliqué la délégation. S’agissant de la détention préventive, la délégation a été précisé que s’il est effectivement possible de retenir une personne plus de 72 heures dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, cette mesure n’est en réalité pas appliquée.

La délégation a par ailleurs assuré que d’autres dérogations aux libertés publiques, rendues nécessaires par la pandémie de COVID-19 , n’étaient pas plus draconiennes que celles appliquées par d’autres pays pour protéger la santé publique.

La police enquête sur quelque 500 cas de violations relevant de l’article 161 du Code pénal, concernant les crimes de haine, a indiqué la délégation. Il est proposé de modifier la définition de l’intolérance pour y intégrer certains motifs tels que la couleur de la peau et l’orientation sexuelle, entre autres, a fait savoir la délégation.

Sept ans après les manifestations de Maïdan, a ensuite indiqué la délégation, quelque 84 personnes, y compris plusieurs magistrats et policiers, font l’objet d’enquêtes. Treize personnes sont soupçonnées d’homicides intentionnels, dont un ancien tireur d’élite qui aurait commis 48 meurtres ; deux civils soupçonnés d’avoir torturé une personne et entraîné sa mort en 2014 ont aussi été arrêtés ; et des poursuites ont été lancées contre de hauts fonctionnaires de police en poste à Odessa au moment des événements.

La délégation a par la suite fait état d’une augmentation, depuis 2020, des poursuites pénales pour des faits de torture et de mauvais traitements. Des formations et des cours de perfectionnement sont dispensés aux policiers chargés des enquêtes sur de tels faits, sur la base notamment de protocoles ministériels. Neuf procédures sont en cours contre des membres des forces de sécurité soupçonnés de détention illégale à Kharkiv, a indiqué la délégation.

Toutes les restrictions à la liberté d’expression se font de manière conforme à la loi, a par ailleurs assuré la délégation.

D’ici à la fin de l’année, l’Ukraine devrait disposer de cinquante millions de doses de vaccin contre la COVID-19, alors que quelque 24 millions d’injections ont d’ores et déjà été faites. L’accès au vaccin dans les zones rurales a été amélioré grâce à des unités de vaccination mobiles. Des pénuries de personnel de santé empêchent cependant le Gouvernement d’aller de l’avant au rythme souhaité, a expliqué la délégation.

Outre l’ukrainien, langue d’État, le système d’éducation public enseigne les langues minoritaires en Ukraine, a d’autre part souligné la délégation. Le tatar de Crimée, langue menacée d’extinction depuis les mesures d’assimilation de l’État soviétique, a fait l’objet de mesures de soutien par l’État jusqu’à l’occupation illégale de la Crimée ; ces mesures se poursuivent à l’heure actuelle. L’Ukraine favorise aussi l’apprentissage des langues de l’Union européenne, à laquelle elle souhaite adhérer, a ajouté la délégation.

La police nationale ukrainienne a ouvert des enquêtes sur 24 agressions à l’encontre de personnes LGBTI par des groupes radicaux d’extrême droite, a par ailleurs indiqué la délégation. Plusieurs procédures pénales sont aussi en cours concernant les événements survenus autour de la « marche pour l’égalité ».

La délégation a justifié par des raisons de sécurité, vu le conflit qui dure depuis sept ans, l’accès limité en Ukraine des aumôniers militaires orthodoxes envoyés par le patriarcat de Moscou.

Un expert du Comité ayant indiqué que le Comité avait été informé de financements illégaux lors de la campagne pour les élections de 2019, la délégation a fait état d’un très grand progrès dans la transparence de la vie politique, avec l’élaboration et l’entrée en service d’un registre en ligne des dépenses des partis politiques.

La loi interdit le refoulement d’apatrides ou d’étrangers vers des pays où leur vie serait en danger, a d’autre part indiqué la délégation.

La délégation a répondu à d’autres questions concernant le fonctionnement et l’indépendance du système judiciaire ; la liberté des médias ; la procédure d’asile ; et le fonctionnement de la Commission centrale électorale.

Remarques de conclusion

MME YEVHENIIA FILIPENKO, Représentante permanente de l’Ukraine auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que son Gouvernement prendrait des mesures pour renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme en Ukraine, en appliquant une approche systémique pour résoudre les problèmes qui demeurent. L’Ukraine est partie aux instruments internationaux fondamentaux des droits de l’homme et va ratifier la Convention d’Istanbul, a rappelé la diplomate ukrainienne.

MME PHOTINI PAZARTZIS, Présidente du Comité des droits de l’homme, a souligné que le Comité reconnaît les limites existantes en Ukraine à l’application du Pacte, notamment dans les parties du territoire qui ne sont pas sous le contrôle du Gouvernement. Elle a néanmoins appelé le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour assurer le respect des droits défendus par le Pacte sur tout le territoire. Mme Pazartzis a en outre recommandé que la loi garantisse l’accès des victimes à la justice et aux réparations, et que les auteurs de violations des droits de manifestants rendent compte des leurs actes. La ratification du premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte oblige le Gouvernement à donner suite de bonne foi aux constatations du Comité des droits de l’homme, a enfin souligné la Présidente.

 

CCPR21.013F