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La Conférence du désarmement se voit rappeler que la parité des sexes dans le domaine du désarmement est un devoir moral et une nécessité opérationnelle

Compte rendu de séance

 

La Conférence du désarmement a tenu, cette après-midi, à l’initiative de son Président, l’Ambassadeur Frank Tressler Zamorano du Chili, une discussion consacrée à la participation et au rôle des femmes dans la sécurité internationale, en présence de Mme Tatiana Valovaya, Secrétaire générale de la Conférence et Directrice générale de l’Office des Nations Unies à Genève.

Après des déclarations liminaires du Président et de Mme Carolina Valdivia Torres, Sous-Secrétaire aux affaires étrangères du Chili, la discussion a compté avec la participation de quatre intervenants : Mme Izumi Nakamitsu, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement ; Mme Bonnie Jenkins, Sous-Secrétaire pour le contrôle des armements et les affaires de sécurité internationale des États-Unis ; l’Ambassadeur Federico Villegas, Représentant permanent de l'Argentine auprès de la Conférence et des Nations Unies à Genève ; et Mme Renata Hessmann Dalaqua, responsable du programme Genre et désarmement à l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR).

Mme Nakamitsu a rappelé que, dans son Agenda pour le désarmement, le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres, avait souligné que garantir la parité des sexes dans le domaine du désarmement était à la fois « un devoir moral et une nécessité opérationnelle ». La Haute-Représentante a demandé aux États d'accélérer les progrès en matière de parité entre les sexes dans les réunions sur le désarmement.

Mme Dalaqua a pour sa part présenté une étude de l’UNIDIR montrant que les femmes ne représentent qu'un tiers des diplomates dans les instances de désarmement, une proportion qui contraste fortement avec d'autres domaines de la diplomatie, comme les droits de l'homme, où les femmes représentent 50 % des diplomates.

Mme Jenkins a recommandé, à cet égard, d’éliminer les barrières systémiques qui résultent de normes culturelles et juridiques, afin que les femmes occupent des postes leur permettant de contribuer aux domaines politiques de la sécurité internationale, du contrôle des armements et de la non-prolifération. M. Villegas a, quant à lui, notamment recommandé que les femmes soient davantage présentes non seulement au sein de la Conférence, mais aussi dans les forces armées et les écoles de défense.

Les délégations suivantes ont ensuite pris part à la discussion : Pérou, Australie, Sri Lanka, Suisse, Afrique du Sud, Japon, Indonésie, Autriche, Inde, République de Corée, Irlande, Pakistan, Canada, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Chine, Mexique, Colombie.

Pendant le débat, les délégations ont souligné que la participation des femmes n’était pas uniquement une question d’équité, mais aussi d’efficacité des efforts en faveur du désarmement et de la sécurité internationale. Elles sont dites convaincues, à cet égard, qu'une plus grande présence des femmes dans les processus décisionnels se traduisait par une moindre propension aux conflits. Le rôle joué par les femmes dans les processus de paix et de reconstruction après les conflits a été mis en exergue.

Il a été recommandé, en particulier, d’intégrer la dimension de genre dans la façon d'aborder la paix et la sécurité – y compris dans les méthodes de travail de la Conférence – et de veiller à ce que les femmes soient également incluses dans les initiatives de désarmement locales, nationales et mondiales. Plusieurs pays ont présenté les mesures concrètes qu’ils ont prises dans ce domaine.

Enfin, des délégations ont regretté que la Conférence n'ait pas été en mesure de parvenir à un consensus sur le projet de décision visant à mettre à jour son Règlement intérieur pour refléter l'égalité des hommes et des femmes.

 

Le Président de la Conférence a indiqué que les derniers intervenants à ce débat pourraient prendre la parole mardi 31 août à partir de 10 heures, date de la prochaine réunion plénière.

 

Débat sur la participation et le rôle des femmes dans la sécurité internationale

Déclarations liminaires

Le Président de la Conférence, l’Ambassadeur FRANK TRESSLER ZAMORANO du Chili, a déclaré qu’aujourd'hui, plus que jamais, des mesures précises devaient être prises pour accélérer les progrès vers la parité entre les sexes et améliorer la participation des femmes à la maîtrise des armements et au désarmement. La discussion de ce jour vise à promouvoir un dialogue sur les progrès réalisés et les défis à venir, à assurer une représentation diversifiée des femmes, ainsi qu'à identifier les moyens de renforcer la participation et le rôle des femmes de manière significative et concrète dans le domaine de la sécurité internationale.

Dans un message enregistré, MME CAROLINA VALDIVIA TORRES, Sous-Secrétaire aux affaires étrangères du Chili, a déclaré que son pays avait pris un engagement ferme pour faire progresser l'inclusion de la perspective de genre dans les questions liées au désarmement, au contrôle des armements et à la non-prolifération, en encourageant le dialogue, la réflexion et les actions en vue d'identifier les moyens d'améliorer la participation et le rôle des femmes dans le domaine de la sécurité internationale.

Mme Valdivia Torres a cité plusieurs initiatives chiliennes dans ce domaine, notamment deux plans d'action nationaux destinés à promouvoir l'agenda « Femmes, paix et sécurité » et l’application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité. Au niveau international, le Chili soutient – entre autres – l’appel lancé par le Secrétaire général de l'ONU dans son Agenda pour le désarmement (2018) en faveur d’une participation pleine, égale et effective des femmes à tous les processus décisionnels dans le domaine du désarmement comme moyen de parvenir à une paix et une sécurité durables.

Les efforts visant à obtenir une « participation significative des femmes » aux postes de direction et de décision doivent être compris non seulement comme « politiquement corrects » ou nécessaires pour atteindre un certain quota de femmes – mais surtout comme un outil permettant d'améliorer les résultats des processus de collaboration, a souligné Mme Valdivia Torres. Elle a espéré que la discussion de ce jour contribuerait à une meilleure compréhension des obstacles à la participation pleine et égale des femmes dans les forums de sécurité internationale, et ouvrirait de nouvelles voies à cette participation.

Exposés des panélistes

MME IZUMI NAKAMITSU, Secrétaire générale adjointe des Nations Unies et Haute-Représentante pour les affaires de désarmement, a d’abord souligné qu’« assurer la participation pleine et effective des femmes au désarmement n'est pas seulement la bonne chose à faire ; c'est aussi la chose intelligente à faire ». Dans son Agenda pour le désarmement, le Secrétaire général des Nations Unies, M. António Guterres, souligne lui-même que garantir la parité des sexes dans le domaine du désarmement est à la fois « un devoir moral et une nécessité opérationnelle », a rappelé Mme Nakamitsu.

La résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, sur « les femmes, la paix et la sécurité », et la résolution de l'Assemblée générale (2014) sur les femmes, le désarmement, la non-prolifération et la maîtrise des armements, témoignent de la reconnaissance mondiale du rôle essentiel que jouent les femmes dans les processus décisionnels liés à la paix et à la sécurité internationales, a aussi relevé Mme Nakamitsu.

Cependant, a constaté la Haute-Représentante, dans la plupart des conférences internationales sur le désarmement, seul un tiers des délégués sont des femmes et encore moins sont cheffes de délégation. Dans toute l'histoire des soixante-quinze sessions de la Première Commission de l’Assemblée générale, seule une femme a été présidente. Il est clair qu'il est urgent de rétablir l’équilibre, a plaidé Mme Nakamitsu.

La Haute-Représentante a demandé aux États d'accélérer les progrès en matière de parité entre les sexes dans les réunions sur le désarmement. Elle a salué les propositions des présidences australienne et canadienne [de la Conférence] en faveur d'une mise à jour technique du Règlement intérieur de la Conférence afin de refléter l'égalité entre les femmes et les hommes.

Parallèlement aux efforts pour permettre une participation significative des femmes au désarmement, il faut systématiquement prendre en compte l'impact sexospécifique des conflits et des armes de tous types, s’agissant notamment de l'impact disproportionné sur les femmes et les filles des radiations ionisantes des armes nucléaires, a aussi recommandé Mme Nakamitsu.

MME BONNIE JENKINS, Sous-Secrétaire pour le contrôle des armements et les affaires de sécurité internationale des États-Unis, a souligné, pour sa part, que la participation des femmes aux processus de prévention et de résolution des conflits favorisait des sociétés plus inclusives et démocratiques, ce qui est essentiel pour la stabilité à long terme des pays et des régions dans leur ensemble. En outre, la participation politique et le leadership des femmes dans les environnements fragiles, en particulier pendant les transitions démocratiques, sont essentiels au maintien d'institutions démocratiques durables.

Malgré cela, a regretté Mme Jenkins, les femmes restent sous-représentées dans les efforts de prévention et de résolution des conflits ainsi que dans les efforts de consolidation de la paix après les conflits dans le monde entier, alors même que les négociations de paix ont plus de chances d'aboutir à des accords durables lorsque les femmes y participent.

Mme Jenkins a indiqué que le Département d'État [des États-Unis] avait fait de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes et des filles un élément clef de la politique étrangère des États-Unis. Il œuvre en outre pour que les objectifs d'égalité entre les sexes soient pleinement intégrés dans les documents de stratégie, de planification et de posture du Département et de ses agences.

Mme Jenkins a recommandé d’éliminer les barrières systémiques qui résultent de normes culturelles et juridiques, afin que les femmes occupent des postes leur permettant de contribuer aux domaines politiques de la sécurité internationale, du contrôle des armements et de la non-prolifération.

La formulation du Règlement intérieur de la Conférence, a regretté Mme Jenkins, est un exemple typique des discriminations et obstacles mesquins auxquelles les femmes et les autres personnes travaillant dans le domaine de la sécurité internationale, du contrôle des armements et de la non-prolifération sont confrontées chaque jour.

M. FEDERICO VILLEGAS, Représentant permanent de l'Argentine auprès de la Conférence du désarmement et des Nations Unies à Genève, a dressé un bilan des progrès réalisés dans le domaine de la participation des femmes au désarmement et à la sécurité, citant notamment la résolution 1325 du Conseil de sécurité, ainsi que la Traité sur le commerce des armes (TCA), lequel reconnaît dans son préambule que la grande majorité des personnes touchées par les conflits armés et la violence armée sont des civils, en particulier des femmes et des enfants.

Parallèlement, a relevé M. Villegas, le Groupe d'experts gouvernementaux sur les technologies émergentes dans le domaine des systèmes d'armes létales autonomes débat, depuis sa création, des questions de genre. Ses rapports mettent en évidence, entre autres, le risque que les ensembles de données utilisés dans les algorithmes relatifs aux systèmes d'armes létales autonomes puissent perpétuer ou amplifier les préjugés sociaux, y compris les préjugés raciaux et de genre.

Le Représentant permanent a recommandé de modifier la réalité matérielle afin que les femmes puissent participer aux questions de sécurité en tant qu’actrices à part entière. Ainsi, il faut davantage de femmes non seulement au sein de la Conférence du désarmement et de la Première Commission de l’Assemblée générale, mais aussi dans les forces armées, dans les écoles de défense et dans les institutions de contrôle des armements, entre autres. « Le problème de la femme est un problème d’homme, en fin de compte, » a dit le Représentant permanent citant Simone de Beauvoir.

MME RENATA HESSMANN DALAQUA, responsable du programme Genre et désarmement à l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), a précisé que, selon une étude de l’Institut intitulée Still Behind the Curve, basée sur l’examen de plus de 80 réunions multilatérales et de discussions avec des dizaines de diplomates et de praticiens, les femmes ne représentent qu'un tiers des diplomates dans les instances de désarmement. Cette proportion contraste fortement avec d'autres domaines de la diplomatie, comme les droits de l'homme, où les femmes représentent 50 % des diplomates. Dans les postes de direction, le déséquilibre entre les sexes dans la diplomatie du désarmement est encore plus prononcé : en moyenne, seules 20 % des délégations sont dirigées par une femme.

L’UNIDIR estime qu’au rythme des progrès actuels, il faudra encore deux décennies pour atteindre la parité entre les sexes dans la diplomatie du désarmement et presque cinq autres décennies, jusqu'en 2065, avant que l'équilibre entre les sexes ne soit atteint parmi les chefs de délégation.

Dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement, est nécessaire une action ciblée pour accélérer les progrès vers la parité entre les sexes et améliorer la participation des femmes à la maîtrise des armements et au désarmement. Il ne s'agit pas seulement d'un jeu de chiffres : il s'agit de garantir l'égalité des chances, de créer une culture institutionnelle plus inclusive et de bénéficier ainsi de voix et de perspectives diverses, a insisté Mme Hessmann Dalaqua.

La représentante de l’UNIDIR a recommandé, entre autres mesures, que la Conférence invite des expertes et experts représentatifs en termes de genre, de diversité géographique, d'âge, d'expérience et de domaine de connaissance ; qu’elle utilise un langage sensible au genre ; qu’elle encourage les États à faire rapport, en séance plénière, sur les progrès qu'ils ont accomplis en vue de renforcer la participation des femmes dans le domaine du désarmement et de la maîtrise des armements ; et que ses résolutions utilisent un langage sensible au genre.

Aperçu du débat

Pendant le débat, les délégations ont souligné que la participation des femmes n’était pas uniquement une question d’équité, mais aussi d’efficacité des efforts en faveur du désarmement et de la sécurité internationale.

Il a été jugé essentiel de garantir la participation pleine et égale des femmes pour résoudre les problèmes difficiles auxquels la communauté internationale est confrontée. Des délégations se sont dites convaincues, à cet égard, qu'une plus grande présence des femmes dans les processus décisionnels se traduisait par une moindre propension aux conflits, et que l'autonomisation des femmes et l'égalité des sexes avaient un impact direct sur la construction et le développement de l'économie. Le rôle joué par les femmes dans les processus de paix et de reconstruction après les conflits a lui aussi été mis en exergue.

Il importe donc de relever les défis systémiques rencontrés dans le domaine du contrôle des armes et du désarmement – un domaine au sein duquel les femmes continuent d’être sous-représentées, a-t-il été noté. Pour ce faire, un changement de culture s’impose. Il faudra, en particulier, intégrer la dimension de genre dans la façon d'aborder la paix et la sécurité – y compris dans les méthodes de travail de la Conférence – et veiller à ce que les femmes participent aux initiatives de désarmement locales, nationales et mondiales, a-t-il été indiqué.

Il a aussi été recommandé d’élargir l'accès des femmes à la formation sur les questions de contrôle des armements, de non-prolifération et de désarmement ; de créer des plates-formes et des réseaux permettant aux femmes de participer et de contribuer aux efforts dans ces domaines ; et d’augmenter le nombre de femmes présentes dans les délégations nationales aux instances de négociation sur le désarmement et la sécurité.

La vulnérabilité particulière des femmes et des filles aux effets non seulement des rayons ionisants des armes nucléaires, mais aussi des armes biologiques et des transferts illicites d’armes, a été soulignée à plusieurs reprises.

Certaines délégations ont indiqué avoir inclus, dans leur plan d'action national pour les femmes, la paix et la sécurité, des objectifs spécifiques dédiés à la politique et à la programmation en matière de non-prolifération, de contrôle des armements et de désarmement. A par ailleurs été citée en exemple une initiative visant à renforcer la participation des femmes à des processus régionaux de paix et de sécurité. À cet égard, il est prouvé que la mise en œuvre de l'agenda « Femmes, paix et sécurité » a un impact direct sur le maintien de la stabilité et de la paix durable, et donc sur la réduction des menaces pour la sécurité, a mis en avant un intervenant. Une délégation a indiqué que son pays avait promu un environnement d'inclusion basé sur les piliers de la prévention, de la protection et de la participation tels qu’exposés dans la résolution du Conseil de sécurité. Un autre intervenant a insisté sur l’importance de financer les activités relatives au programme « Femmes, paix et sécurité ».

La pandémie de COVID-19 nécessitera non seulement une augmentation des dépenses de santé, mais aussi une approche fondée sur la sécurité humaine, avec en son cœur la paix et la sécurité des femmes, a-t-il en outre été souligné.

Un intervenant a estimé, pour sa part, que le critère le plus important lors du recrutement devrait être le professionnalisme et la compétence des individus, plutôt que la composante de genre ; cela est particulièrement important dans un domaine aussi sensible que le désarmement, a-t-il insisté.

Enfin, plusieurs délégations ont regretté que la Conférence n'ait pu parvenir à un consensus sur le projet de décision visant à mettre à jour son Règlement intérieur pour refléter l'égalité des hommes et des femmes.

 

DC21.040F