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Examen du rapport des Pays-Bas : les questions liées à l’histoire coloniale sont particulièrement débattues devant le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale

Compte rendu de séance

 

Les questions liées à l’histoire coloniale ont été particulièrement débattues lors de l’examen du rapport des Pays-Bas mené, hier et aujourd’hui, par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Un membre du Comité a en effet regretté que, selon des rapports alternatifs, l’approche du colonialisme aux Pays-Bas reste très européo-centrée. Les personnes d’ascendance africaine restent fréquemment victimes de discours de haine aux Pays-Bas, a-t-il par ailleurs ajouté.

Les cicatrices de l’esclavagisme sont lentes à réparer, a en outre relevé un expert : il a demandé si le Gouvernement avait l’intention de faire adopter une loi pour reconnaître la traite des Noirs comme un crime contre l’humanité. Il a par ailleurs été souligné que, s’agissant de la colonisation, l’expression de regrets n’était pas la même chose que des excuses. A néanmoins été saluée l’exposition sur l’esclavage et la colonisation programmée actuellement par le Rijksmuseum d’Amsterdam.

Les membres du Comité se sont notamment enquis des activités lancées par les autorités néerlandaises dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, ainsi que de l’information donnée à la population au sujet de la colonisation et de la traite négrière. Une experte a demandé si les Pays-Bas entendaient célébrer le vingtième anniversaire de la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban en 2001.

L’histoire coloniale néerlandaise est enseignée dans le cadre du cours d’histoire nationale, a répondu la délégation néerlandaise, avant d’ajouter que les autorités préparent un programme substantiel pour la deuxième partie de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. En outre, un cadre politique a été mis en place récemment pour le retour (restitution) d’objets « pris dans un contexte colonial ».

Le Premier Ministre actuel, après avoir examiné de près la question, a décidé que le Gouvernement ne présenterait pas d’excuses nationales pour la colonisation, a par ailleurs indiqué la délégation. Des réparations pour la partie caribéenne des Pays-Bas ne sont donc pas à l’ordre du jour, a-t-elle insisté. La délégation a cependant rappelé que le Gouvernement avait exprimé, en 2013, ses regrets et remords pour la manière dont les Pays-Bas avaient « géré la dignité humaine » pendant la colonisation.

Durant ce dialogue entre le Comité et la délégation des Pays-Bas, un membre du Comité a fait observer que la diversité de la population néerlandaise implique que l’inclusion et la non-discrimination revêtent la plus haute importance ; or, on ne peut pas dire que la majorité de la société néerlandaise « inclut les autres », a-t-il regretté. Les experts du Comité ont mis en avant plusieurs aspects positifs s’agissant de la lutte contre la discrimination aux Pays-Bas, notamment l’engagement des autorités en faveur des principes d’égalité et de non-discrimination. Cependant, la société néerlandaise reste fracturée et des membres de minorités culturelles et religieuses aux Pays-Bas sont toujours victimes de discrimination, a-t-il été relevé.

Le rapport des Pays-Bas a été présenté par M. Carsten Herstel, Directeur général de la sécurité sociale et de l'intégration au Ministère des affaires sociales et de l'emploi. Dans sa déclaration d’ouverture, M. Herstel a insisté sur le fait que, conscientes qu’il faut intensifier les efforts pour combattre la discrimination et le racisme, les autorités néerlandaises allaient nommer un coordonnateur national de la lutte contre la discrimination et le racisme qui lancera un nouveau programme d'action. Le Gouvernement, a-t-il assuré, entend prévenir et combattre la discrimination pour tous les motifs reconnus par la loi, et accorder plus d’attention aux formes croisées de discrimination.

La délégation était composée de représentants des Ministères néerlandais de l'intérieur et des relations au sein du Royaume ; de l'éducation, de la culture et des sciences ; des affaires sociales et de l'emploi ; et de la justice et de la sécurité. Les autorités d’Aruba, de Curaçao et de Sint Maarten étaient aussi représentées.

 

Le Comité publiera ses observations finales issues de l’examen des rapports des Pays-Bas et du Liban au terme de la session, le 25 août prochain.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du document valant vingt-deuxième à vingt-quatrième rapports périodiques soumis par les Pays Bas (CERD/C/NLD/22-24).

[Ndr : le Royaume des Pays-Bas se compose de quatre pays : les Pays-Bas, Aruba, Curaçao et Sint Maarten. Les îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba font partie des Pays-Bas. Chaque pays est responsable de l’application des dispositions de la Convention et de l’établissement de rapports sur la mise en œuvre]

Présentation

Le rapport a été présenté par M. CARSTEN HERSTEL, Directeur général pour la sécurité sociale et l'intégration au Ministère néerlandais des affaires sociales et de l'emploi. Les Pays-Bas, a d’abord relevé M. Herstel, ont une société très diversifiée, dont de nombreux aspects fonctionnent bien, les différences entre les groupes issus de l'immigration et les autres allant diminuant. Cependant, la discrimination et l'exclusion sont une dure réalité et une source d'injustice et d'inégalité dans la vie de nombreuses personnes, a-t-il ajouté.

M. Herstel a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée avait loué le cadre légal des Pays-Bas et le dévouement avec lequel l'égalité sociale est poursuivie dans ce pays. Mais il faut aussi reconnaître que les lois, les politiques et le dévouement des Pays-Bas ne sont pas toujours suffisants, a-t-il admis.

Conscientes qu’il faut intensifier les efforts pour combattre la discrimination et le racisme, les autorités néerlandaises vont nommer un coordonnateur national de la lutte contre la discrimination et le racisme qui lancera un nouveau programme d'action, a indiqué M. Herstel. Le Gouvernement entend prévenir et combattre la discrimination pour tous les motifs reconnus par la loi et accorder plus d’attention aux formes croisées de discrimination, a-t-il ajouté.

Les manifestations spécifiques du racisme, de la discrimination ethnique, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée sur lesquelles le Gouvernement s’est concentré comprennent la discrimination fondée sur l'origine, la couleur de la peau et la religion, la discrimination antimusulmane, l'antisémitisme ainsi que la discrimination à l'égard des Roms, des Sintis et des gens du voyage, a ensuite expliqué M. Herstel.

La Décennie internationale des personnes d'ascendance africaine a attiré l’attention sur le racisme anti-Noir, a poursuivi M. Herstel. Par l'autonomisation de la communauté afro-néerlandaise, par des récits positifs sur l'histoire et la culture afro-néerlandaises en tant que partie intégrante de la société, les autorités s’efforcent d'atténuer les stéréotypes concernant les personnes d'ascendance africaine, a-t-il indiqué. À la demande du Gouvernement, un comité consultatif a remis un rapport sur le passé esclavagiste des Pays-Bas et ses effets persistants sur la société contemporaine. Ce rapport contribuera à une reconnaissance plus large de cette histoire partagée et contribuera à l'ancrer dans la conscience nationale, a affirmé M. Herstel.

Le Gouvernement néerlandais se concentre non seulement sur la partie européenne des Pays-Bas, mais aussi sur ses parties caribéennes ( îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba), a enfin précisé M. Herstel. En 2019, a-t-il souligné, le Gouvernement a notamment adopté un « référentiel de minimum social », donnant une orientation aux actions des gouvernements nationaux et locaux pour lutter contre la pauvreté et améliorer la vie des personnes dans les Pays-Bas caribéens, notamment en favorisant les possibilités d'emploi pour tous.

MME OLIVIA TRIMON-CROES, Directrice adjointe du Département des affaires étrangères d'Aruba, a, quant à elle, fait observer que la Constitution d'Aruba et son Code pénal protégeaient les citoyens contre la discrimination, toutes les personnes à Aruba devant être traitées de manière égale dans des circonstances égales. La discrimination, pour quelque motif que ce soit, est interdite, a-t-elle insisté. D’autre part, la pandémie de COVID-19 a suscité de nombreux défis pour la petite île. Le Gouvernement a créé des programmes de secours d'urgence et lancé, avec succès, un programme de vaccination pour toutes les personnes résidant à Aruba, quel que soit leur statut migratoire.

Mme Trimon-Croes a aussi fait savoir que l’introduction de la langue papiamento comme langue principale d'enseignement dans le primaire se déroulerait sur plusieurs années.

S’agissant de Curaçao, MME JOËLLE DE JONG-MERCELONA, Chargée de politiques au Ministère de la justice, a elle aussi précisé que la discrimination raciale n'y était pas tolérée, la Constitution et le Code pénal interdisant tous deux la discrimination. La discrimination fondée sur la religion, la croyance, l'opinion politique, la race, le sexe ou sur tout autre motif n'est pas autorisée. Les plaintes pour discrimination peuvent être déposées auprès du ministère public et du bureau de l'Ombudsman ; un seul cas de discrimination a été déposé au cours des cinq dernières années.

Le Gouvernement de Curaçao a cessé de subventionner la célébration de fêtes telles que Sinterklaas (figure de Saint-Nicolas) et Zwarte Piet (« Pierre le noir »), qui offensent les personnes d’ascendance africaine ; avec les organisations non gouvernementales, il s’est attaché à sensibiliser le public à la nature raciste de ces événements, a en outre indiqué l’oratrice.

Enfin, M. PATRICE GUMBS Jr,Directeur intérimaire du Département des relations extérieures de Sint Maarten, a indiqué que son Gouvernement s'efforçait de favoriser une société inclusive où toutes les personnes peuvent réaliser leur plein potentiel. Mais, en tant que petite île, malgré ses liens constitutionnels avec les Pays-Bas, Sint Maarten est confrontée aux mêmes problèmes que de nombreux petits États insulaires en développement. Les ouragans Irma et Maria en 2017, ainsi que la pandémie de COVID-19 ont gravement affecté le tissu socioéconomique de Sint Maarten. Par conséquent, les positions politiques ont dû changer pour répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables.

Questions et observations des membres du Comité

M. SILVIO ALBUQUERQUE, rapporteur de pays et membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus particulièrement le rapport des Pays-Bas, a mis en avant plusieurs aspects positifs, notamment l’engagement des autorités en faveur des principes d’égalité et de non-discrimination ; l’adoption du plan national contre la discrimination en 2016 ; ou encore l’application de la stratégie en matière de formation professionnelle, qui se concentre sur la diversité sexuelle, culturelle et religieuse.

La diversité de la population néerlandaise fait que les questions d’inclusion et de discrimination revêtent la plus haute importance, a ensuite relevé l’expert. Or, on ne peut pas dire que la majorité de la société « inclut les autres », a regretté M. Albuquerque, avant d’affirmer que la société néerlandaise restait fracturée et que les membres de minorités culturelles et religieuses aux Pays-Bas étaient toujours victimes de discrimination.

Le Comité aimerait savoir si le pays a adopté une définition exhaustive de la discrimination, conforme à l’article premier de la Convention. La question se pose aussi de savoir si le fait d’inciter à la discrimination est sanctionné par la loi, a demandé M. Albuquerque.

D’autre part, sans données ventilées, comment le Gouvernement entend-il prendre la mesure exacte de la pandémie et de ses répercussions sur certaines catégories de population davantage à risque, a voulu savoir M. Albuquerque ?

L’expert a aussi demandé si des initiatives étaient prises pour lutter contre les pratiques discriminatoires dans le monde du football.

Le rapporteur a d’autre part regretté que, selon des rapports alternatifs, l’approche du colonialisme aux Pays-Bas reste très européo-centrée. Les personnes d’ascendance africaine restent fréquemment victimes de discours de haine aux Pays-Bas, a-t-il ajouté. Les politiques publiques portent-elles réellement leurs fruits dans ce domaine, a demandé M. Albuquerque ? Il faudrait savoir, en particulier, si les personnes victimes de discrimination savent auprès de qui elles peuvent porter plainte, a-t-il précisé.

M. Albuquerque a également soulevé la question du profilage ethnique racial par la police, observant que de nombreux membres de minorités se disent victimes de cette pratique. Les données fiables à ce sujet font défaut pour permettre d’orienter les politiques publiques, a regretté l’expert.

MME VERENE SHEPHERD, membre du groupe de travail, a demandé comment les habitants des Caraïbes néerlandaises pouvaient participer aux décisions et agir avec une certaine autonomie par rapport au reste du Royaume. L’experte a aussi demandé s’il existait des données ventilées concernant les taux d’incarcération à Aruba, Curaçao et Sint Maarten.

L’experte a ensuite prié la délégation d’indiquer quelles activités avaient été lancées dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, et quels efforts étaient consentis pour que les écoliers parlant plusieurs langues ne soient pas sanctionnés s’ils veulent utiliser leur langue maternelle à l’école. Mme Shepherd a aussi demandé si des protocoles étaient en place pour faire en sorte que tous les écoliers aient bien accès aux stages en cours de scolarité.

M. MEHRDAD PAYANDEH, également membre du groupe de travail, a demandé, s’agissant du cadre national pour la lutte contre la discrimination, combien d'affaires civiles et pénales liées à des allégations de discrimination raciale, y compris les crimes de haine, avaient été jugées par le système judiciaire aux Pays-Bas, à Aruba, à Curaçao et à St Maarten.

S’agissant de la loi interdisant partiellement les vêtements couvrant le visage, et qui touche principalement les femmes musulmanes portant des burqas et des niqabs, la délégation a été priée d’expliquer le raisonnement qui sous-tend cette interdiction et de décrire ses effets sur les membres de communautés protégées par la Convention.

D’autres interrogations de l’expert ont porté sur le rôle et le fonctionnement du « bureau des plaintes pour discrimination en ligne (MiND) ». Il a en outre voulu savoir si la radiodiffusion publique était soumise à une forme ou une autre de contrôle gouvernemental, en particulier en ce qui concerne la répression des discours de haine raciste.

M. GUN KUT, rapporteur chargé du suivi, a rappelé que, dans ses précédentes observations finales adressées aux Pays-Bas (en 2015), le Comité avait prié l’État partie de répondre, par un rapport intermédiaire, à des questions prioritaires concernant, notamment, les discours politiques racistes dans les médias et la discrimination à l’emploi. Le Comité avait en outre regretté le manque d’information concernant la participation des groupes minoritaires au dialogue sur l’intégration sociale.

Durant le dialogue avec la délégation, les experts membres du Comité ont ensuite regretté l’absence, dans le rapport, de données ventilées sur des aspects fondamentaux qui permettrait d’appréhender le degré de respect, par l’Etat partie, de ses obligations. Le Comité n’est ainsi pas en mesure de comprendre à quels problèmes les Pays-Bas se heurtent pour donner effet à la Convention, a-t-il été souligné.

D’autres questions des experts ont porté sur l’information donnée à la population au sujet de la colonisation et de la traite négrière. M. Albuquerque s’est enquis des initiatives publiques prises contre les stéréotypes racistes qui opèrent au détriment des Noirs dans le domaine de l’emploi.

Une experte a demandé si les Pays-Bas entendaient célébrer le vingtième anniversaire de la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban en 2001. Les cicatrices de l’esclavagisme sont lentes à réparer, a relevé un autre expert : il a demandé si le Gouvernement avait l’intention de faire adopter une loi pour reconnaître la traite des Noirs comme un crime contre l’humanité. Il a en outre été souligné que, s’agissant de la colonisation, l’expression de regrets n’était pas la même chose que des excuses.

Un expert a relevé que, selon le rapport alternatif établi par des organisations non gouvernementales (ONG), le Gouvernement traite différemment les personnes nées dans les Pays-Bas européens et celles nées dans la partie caribéenne du Royaume.

D’autres questions des experts ont porté sur les « programmes d’intégration civique » et les cours de langue offerts aux nouveaux arrivants par les municipalités ; et sur la couverture sanitaire accordée aux immigrants en situation irrégulière.

Réponses de la délégation

S’agissant des questions portant sur le cadre national interne de lutte contre la discrimination, la délégation a précisé que toutes les motifs de discrimination – religion, croyances, opinion politique, race, sexe ou autres – sont interdits par la Constitution, cette disposition étant reprise par plusieurs textes de loi. L’interdiction de la discrimination raciale est inscrite dans la Loi générale sur l’égalité de traitement (AWGB), dans les domaines de l’emploi et du commence, notamment. Le discours de haine est constitué en délit. Le mot « race » dans le droit pénal doit être compris conformément à la liste donnée à l’article premier de la Convention ; il couvre les notions de couleur, de descendance et d’origine nationale ou ethnique, a-t-il été précisé.

L’institution nationale de droits de l’homme néerlandaise a compétence pour traiter de questions concernant les caraïbes néerlandaises, mais elle n’a pas la compétence pour traiter de cas individuels de discrimination raciale, au sens de la loi générale sur l’égalité de traitement, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement estime important de discuter de l’application de cette loi dans les Caraïbes avec ses partenaires locaux, sous l’angle des problèmes constatés et des mesures à prendre. La même loi générale impose certaines obligations aux entreprises et autres compagnies locales en matière de lutte contre la discrimination.

Le Médiateur national a été saisi, en 2020, de 64 plaintes pour des faits de discrimination raciale dans l’administration ; le Médiateur des enfants a reçu deux plaintes au même titre ; et plus de 2000 plaintes pour discrimination raciale ont été déposées auprès des services locaux de lutte contre la discrimination. Ces services traitent une partie de ces plaintes et en renvoient un certain nombre d’autres devant les tribunaux ou l’institution nationale de droits de l’homme, a indiqué la délégation. L’institution a reçu en 2019 quelque 96 « demandes d’opinion » et 479 « questions » relatives à la discrimination raciale dans les services publics ; dans 40 % des 31 « opinions » qu’elle a rendues cette année-là, elle a conclu à une violation de la loi générale sur l’égalité de traitement.

L’application de la loi sur l’institution nationale de droits de l’homme aux Antilles néerlandaises fait actuellement l’objet de discussions au sein du Gouvernement.

Les services municipaux de lutte contre la discrimination disposent d’une grande latitude dans l’exercice de leurs fonctions. Ils sont facilement accessibles par la population.

Les services de lutte contre la discrimination ne sont pas soumis à un service de contrôle distinct, la surveillance étant exercée par les autorités provinciales. Le Parlement discute en ce moment des moyens de renforcer cette surveillance.

S’agissant des questions de participation politique, il a été précisé que les résidents d’Aruba, Sint Maarten et Curaçao peuvent voter et être élus lors des élections générales locales. Ces pays sont représentés au Conseil des Ministres du Royaume. Pour la partie caribéenne des Pays-Bas (îles de Bonaire, Saint-Eustache et Saba), le Gouvernement veille activement à garantir la participation de toute la population à la vie politique, notamment celle des jeunes.

La loi portant interdiction partielle des couvre-chefs ou du voile sera réévaluée en 2022, y compris sous l’angle de ses effets sur les femmes musulmanes, a par ailleurs indiqué la délégation.

Le budget de la lutte contre l’antisémitisme a été augmenté régulièrement ces dernières années, parallèlement à une réflexion plus générale sur la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, a d’autre part fait savoir la délégation.

Plusieurs projets ont en outre été lancés dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine , a ajouté la délégation. Elle a indiqué qu’un point de rupture avait été atteint aux Pays-Bas à la suite du mouvement Black Lives Matter, qui a entraîné l’adoption de nombreuses mesures.

L’histoire coloniale néerlandaise est enseignée dans le cadre du cours d’histoire nationale, a par la suite précisé la délégation, avant d’ajouter que les autorités préparent un programme substantiel pour la deuxième partie de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. En outre, un cadre politique a été mis en place récemment pour le retour (restitution) d’objets « pris dans un contexte colonial ».

Le Premier Ministre actuel, après avoir examiné de près la question, a décidé que le Gouvernement ne présenterait pas d’excuses nationales pour la colonisation, a en outre indiqué la délégation. Des réparations pour la partie caribéenne des Pays-Bas ne sont donc pas à l’ordre du jour, a-t-elle insisté. Cependant, a rappelé la délégation, le Gouvernement avait exprimé, en 2013, ses regrets et remords pour la manière dont les Pays-Bas avaient « géré la dignité humaine » pendant la colonisation.

Il importe de comprendre l’histoire pour mieux appréhender la réalité actuelle, a aussi déclaré la délégation, indiquant que le Gouvernement avait commandé à cette fin des études sur l’esclavage.

Toute incitation publique à la haine raciale est érigée en infraction par le Code pénal, a ensuite rappelé la délégation. Le caractère raciste de menaces et d’agressions constitue une circonstance aggravante, a-t-elle également souligné. Lorsque le motif discriminatoire est prouvé, une peine de prison peut être augmentée d’au moins un tiers, a-t-il été précisé.

La répression des discours de haine en ligne passe d’abord par des démarches auprès des fournisseurs d’accès afin qu’ils les suppriment. Il est ensuite possible de dénoncer de tels discours par le biais d’un service activable par une ligne téléphonique gratuite. L’introduction d’une application de dénonciation par téléphone mobile, suggérée par une experte du Comité, est une idée qui sera explorée, a assuré la délégation. Enfin, une dénonciation à la police est aussi possible.

Le profilage de suspects est une mesure de police essentielle, a également affirmé la délégation. Mais le contrôle des personnes en fonction de critères tels que la race, l’ethnicité, la couleur ou la religion, sans aucune raison objective, doit être évité, a-t-elle ajouté. Les organisations de police ont pris des mesures contre le profilage racial et le racisme, et pour que la police travaille de manière objective et professionnelle. Une priorité consiste à élaborer un « cadre opérationnel des contrôles de police », afin de définir une norme professionnelle d’objectivité à respecter par les agents dans leurs relations avec le public.

S’agissant d’Aruba, il a ensuite été précisé que sa Constitution interdisait toutes les formes de discrimination, notamment sur la base de la race. Le Conseil constitutionnel examinera toute loi soupçonnée d’être discriminatoire. Tout acte discriminatoire et tout acte d’incitation à la haine sont sanctionnés par la loi, les peines pouvant atteindre six à douze mois de prison. Les personnes s’estimant victimes de discrimination ont accès à une aide juridictionnelle gratuite si elles en ont besoin. Aruba ne recueille pas de données ethniques, mais uniquement des données sur le lieu de naissance des personnes.

À Curaçao, en juillet 2021, on comptait 77 ressortissants étrangers détenus pour des infractions pénales, a-t-il par ailleurs été indiqué. Le pays compte trois langues nationales et les élèves du primaire sont préparés à faire la transition vers le système scolaire néerlandais. En cinq ans, une seule plainte a été déposée auprès du Procureur pour des faits de discrimination raciale. A Curaçao, l’incitation à la haine est sanctionnée par le Code pénal.

Concernant Sint Maarten, la délégation a notamment indiqué que ses ressortissants qui souhaitent aller habiter dans la métropole rencontrent des difficultés pratiques, linguistiques notamment, auxquelles les autorités remédient par des mesures de formation ciblées. La moitié des personnes détenues à Sint Maarten ne sont pas citoyennes des Pays-Bas, a d’autre part précisé la délégation.

Le Gouvernement est conscient de l’existence de discriminations croisées, comme celles subies par les femmes des communautés autochtones ou LGBTI. Le Gouvernement tiendra cet automne un séminaire pour déterminer comment y apporter des réponses.

Le Gouvernement a lancé une initiative contre la discrimination dans le monde du football, en direction notamment des clubs de jeunes footballeurs. Des mesures sont aussi prises contre les manifestations racistes dans les stades, a fait valoir la délégation.

Le système scolaire dispense des enseignements sur les valeurs fondamentales du Royaume, notamment la liberté et la solidarité. Un travail de sensibilisation est mené auprès des enseignants pour qu’ils sachent travailler avec les élèves allophones.

Dans aucune école, les élèves ne doivent être appréhendés en fonction de leur couleur ou de leur statut économique aux Pays-Bas, la volonté des autorités étant de rendre les établissements scolaires les plus mixtes possibles, a en outre souligné la délégation.

Pour faciliter leur intégration, les nouveaux arrivants, y compris les personnes arrivées au titre du regroupement familial, ont l’obligation d’apprendre la langue néerlandaise ainsi que de suivre des cours sur la citoyenneté. Ces enseignements font l’objet d’examens, a précisé la délégation.

S’agissant des données, la délégation a indiqué qu’elle fournirait, dans ses réponses écrites, des liens vers le service national de la statistique. La législation sur la vie privée est très importante pour les Pays-Bas, a ajouté la délégation.

La place des personnes issues de l’immigration dans le marché du travail s’améliore progressivement, mais il est vrai que leur intégration reste difficile, a ajouté la délégation. Le Gouvernement a lancé un plan contre la discrimination au travail, ainsi qu’un programme destiné à aider les personnes d’origine étrangère à trouver un emploi, grâce notamment à la levée des obstacles au niveau de la pré-sélection.

La délégation a reconnu que l’intégration sociale des quelque 40 000 Roms et Sintis vivant aux Pays-Bas était à la traîne, même si des enquêtes attestent de progrès parmi les jeunes femmes et les filles. Des programmes d’appui sont destinés à faciliter la scolarisation des jeunes roms et sintis, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs assuré que, contre la COVID-19, les autorités néerlandaises avaient apporté la même aide à la partie caribéenne des Pays-Bas qu’aux régions européennes.

La délégation a indiqué qu’elle donnerait des réponses écrites à des questions des experts portant sur la réaction des autorités face aux menaces qui pèsent sur la partie caribéenne du Royaume en raison du changement climatique.

Remarques de conclusion

M. ALBUQUERQUE a salué l’exposition sur l’esclavage et la colonisation montrée actuellement par le Rijksmuseum d’Amsterdam. Il importe de reconnaître non seulement le racisme, ce qui est un premier pas, mais aussi la responsabilité de chacun de nous à cet égard, a souligné l’expert.

M. HERSTEL a jugé très fructueuses les questions des membres du Comité, qui ont montré les points faibles aux Pays-Bas en matière de racisme et de discrimination. Le nouveau Gouvernement issu des prochaines élections tiendra compte des recommandations du Comité, a conclu M. Herstel.

 

CERD21.006