Aller au contenu principal

Techniques policières de maîtrise des individus, sanction des violences policières, conditions matérielles de détention et respect du principe de non-refoulement figurent parmi les préoccupations du Comité contre la torture s’agissant de la Belgique

Compte rendu de séance

 

Le Comité contre la torture a examiné hier et aujourd’hui le rapport soumis par la Belgique au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il s’agissait du premier rapport à subir un examen en ligne de la part du Comité. De nombreux membres du Comité ont exprimé leurs condoléances à la Belgique pour les victimes des inondations dans le pays.

En Belgique, la réglementation sur les techniques de maîtrise des individus et de recours à la force par les forces de l’ordre semble encore très imprécise, et par conséquent potentiellement très permissive. Aucune directive ne régit par exemple la pratique du placage ventral, qui a pourtant déjà entraîné un décès en 2018. Il s’agit là de l’une des préoccupations exprimées par le rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Belgique, M. Sébastien Touzé. S’agissant de la sanction des violences policières, ce dernier a relevé plusieurs problèmes liés à la transmission des décisions ou encore à l’identification des policiers. Il a demandé pourquoi seuls 6 % des faits donnent lieu à des poursuites ou à des sanctions.

M. Touzé a salué les efforts du Gouvernement belge pour lutter contre l’accroissement du nombre de détenus, le taux de surpopulation carcérale étant passé, entre 2013 et 2018, de près de 25% à 12%. Néanmoins, évoquant les conditions matérielles de la détention, le rapporteur a toutefois fait état de préoccupations s’agissant de l’accès aux sanitaires et aux soins, de la présence de vermine dans des cuisines ou encore de la qualité de l’alimentation.

M. Touzé a également évoqué la situation des ressortissants belges, dont certains sont mineurs, détenus dans les camps d’Al-Hol et de Roj à l’extrême nord-est de la Syrie. Relevant la volonté des autorités, exprimée récemment, de rapatrier des enfants jusqu’à la limite de douze ans ainsi que des femmes, il s’est interrogé sur cette limite d’âge et sur la séparation d’enfants de leur mère, qui semble envisagée.

D’autres questions du rapporteur ont porté, entre autres, sur le respect du principe de non-refoulement énoncé à l’article 3 de la Convention.

Mme Essadia Belmir, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport belge, s’est quant à elle interrogée sur la primauté réelle du droit international des droits de l’homme par rapport au droit belge. Elle a notamment relevé que la définition de la torture figurant dans le Code pénal belge ne contenait pas tous les éléments de l’article premier de la Convention contre la torture, s’agissant notamment de la mention du mobile discriminatoire. Elle s’est en outre inquiétée que les lois qui ont instauré la mobilité des magistrats en Belgique entrent en contradiction avec le principe d’inamovibilité de ces derniers.

Mme Belmir a par ailleurs estimé que le profilage ethnique était sous-estimé en Belgique, ce dont témoigne – selon elle – le manque de données à ce sujet. Malgré son interdiction en Belgique, a-t-elle insisté, le profilage racial continue de facto à être pratiqué.

Après que le chef de la délégation belge, M. Tom Neijens, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, eut expliqué que, dans la structure fédérale belge, la Convention contre la torture relevait de la compétence de plusieurs gouvernements, le chef adjoint de la délégation, M. Daniel Flore, Directeur général de la législation, des libertés et des droits fondamentaux au Service fédéral Justice de la Belgique, a notamment fait valoir que, depuis octobre 2020, tout détenu peut se plaindre à une commission des plaintes, instituée au sein de chaque prison, de toute décision prise à son égard concernant ses droits et obligations au sein de la prison. Le recours contre une décision d’une commission des plaintes est possible auprès de la commission d’appel correspondante, a-t-il ajouté.

La crise de la COVID-19 a un impact substantiel sur le quotidien des citoyens les plus vulnérables, en particulier, a poursuivi M. Flore. Dans ces circonstances, a-t-il assuré, le respect des droits humains est resté au cœur des préoccupations des autorités belges. La crise a rappelé l’urgence de la création du mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif à la Convention. Entre autres mesures prises à cet égard, a indiqué M. Flore, une consultation de tous les acteurs concernés en octobre 2020 a abouti à des recommandations à destination des décideurs politiques. La prochaine étape sera d’entamer les discussions politiques au sein du Gouvernement fédéral et avec les entités fédérées en vue de choisir les institutions qui assumeront le rôle de mécanisme national de prévention. L’objectif est que l’instrument de ratification soit déposé avant la fin de cette législature, a précisé la délégation belge au cours du dialogue.

Outre MM. Neijens et Flore, la délégation belge était également composée, notamment, de représentants de la Mission permanente de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, du Service Public Fédéral Justice, du Service Public Fédéral Intérieur, de la Police fédérale, et du Service Public Fédéral Affaires Etrangères. Au niveau des entités fédérées, la délégation comprenait en outre des représentants de la la Communauté flamande et la Région flamande ; de la Fédération Wallonie-Bruxelles ; et de la Région de Bruxelles-Capitale.

Répondant aux questions relatives à la lutte contre le terrorisme, la délégation a précisé qu’à la date de novembre 2020, quelque 131 personnes détenues en Belgique étaient considérées comme radicalisées. La délégation a exposé certains éléments de radicalisation tels qu'ils sont interprétés par le Gouvernement belge : retrait de la société et des processus politiques ; intolérance croissante aux idées que l'on ne partage pas ; adhésion à l'idée selon laquelle la violence serait un moyen acceptable d'imposer ses idées aux autres. Cependant, il n'y a pas de profil unique et la prévalence de « loups solitaires » rend difficile l'identification des individus radicalisés, a-t-elle indiqué.

 

Le Comité doit clore les travaux de sa session vendredi 30 juillet prochain à 13h15.

 

Examen du rapport de la Belgique

Le Comité était saisi du quatrième rapport périodique de la Belgique (CAT/C/BEL/4), établi sur la base d’une liste de points à traiter dressée par le Comité.

Présentation du rapport

Le chef de la délégation belge, M. TOM NEIJENS, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès des Nations Unies à Genève, a expliqué que, dans la structure fédérale belge, la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants relevait de la compétence de plusieurs gouvernements. Le rapport et la réponse à la liste des points à traiter sont ainsi le fruit d’une étroite collaboration entre les entités fédérales et fédérées pour donner une vision globale du respect par la Belgique des dispositions de la Convention. En outre, des contacts ont eu lieu avec des représentants de la société civile en amont du dialogue – représentants dont la Belgique salue la présence lors de ce dialogue constructif.

Le chef adjoint de la délégation belge, M. DANIEL FLORE, Directeur général de la législation, des libertés et des droits fondamentaux au Service fédéral Justice de la Belgique, a notamment souligné que, depuis octobre 2020, tout détenu peut se plaindre à une commission des plaintes, instituée au sein de chaque prison, de toute décision prise à son égard concernant ses droits et obligations au sein de la prison. Cette commission est composée de membres reconnus pour leur expertise et leur indépendance, a­-t-il précisé. Le détenu peut être assisté par un avocat ou accompagné par une personne de son choix, y compris un codétenu. Le recours contre une décision d’une commission des plaintes est possible auprès de la commission d’appel correspondante. Au 1 er juin 2021, 855 plaintes avait été traitées, dont un quart ont été considérées comme fondées ou partiellement fondées, a fait savoir M. Flore.

D’autre part, la crise de la COVID-19 a un impact substantiel sur le quotidien des citoyens les plus vulnérables, en particulier. Les différents gouvernements du pays, conscients du fait que les personnes subissant des violences au sein de leur foyer se sont retrouvées enfermées avec leurs bourreaux, ont agi rapidement pour maintenir et renforcer les moyens permettant de les soutenir, a assuré M. Flore.

Dans ces circonstances, a poursuivi le chef adjoint de la délégation, le respect des droits humains est resté au cœur des préoccupations des autorités belges. Dans une société confinée, assurer l’équilibre entre, d’un côté, le combat pour maintenir le virus hors des lieux de vie en commun plus ou moins fermés, et, de l’autre, le droit à une vie sociale et à un droit de visite pour leurs occupants, s’est avéré un véritable défi pour les autorités qui n’y étaient pas préparées.

Deux axes essentiels ont orienté l’action des autorités belges afin de limiter la circulation du virus : la réduction de la population dans les lieux concernés et le maintien du lien avec le monde extérieur. Ainsi, d’une part, des mesures de substitution à la privation de liberté ont été utilisées, que ce soit dans les prisons (avec des libérations anticipées ou le report de la mise à exécution de certaines condamnations), dans les centres pour mineurs dessaisis et dans les instituts fermés pour jeunes, ou dans les centres fermés.

D’autre part, a ajouté M. Flore, le maintien des visites comme un droit a dû être garanti par différents moyens. Dans l’essentiel des maisons de repos et de soins du pays, ainsi que dans les institutions pour personnes en situation de handicap, des rencontres virtuelles ou des visites adaptées à la situation ont été organisées ; dans les prisons et dans les centres de psychiatries légales, les règles en vigueur en matière de visites et d’activités ont été adaptées et des appels via vidéo-conférence ont également été mis en place dans tous les établissements.

Enfin, la crise a rappelé l’urgence de la création du mécanisme national de prévention de la torture prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture. Entre autres mesures prises à cet égard, a indiqué M. Flore, une consultation de tous les acteurs concernés en octobre 2020 a abouti à des recommandations à destination des décideurs politiques. La prochaine étape sera d’entamer les discussions politiques au sein du Gouvernement fédéral et avec les entités fédérées en vue de choisir les institutions qui assumeront le rôle de mécanisme national de prévention.

Questions et observations des membres du Comité

M. SÉBASTIEN TOUZÉ, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de la Belgique, a d’abord remercié la Belgique pour la qualité de son rapport et la richesse des informations transmises au Comité.

L’expert s’est interrogé sur l’efficacité de la formation des policiers et sur l’encadrement de l’action des agents. À cet égard, il a regretté que la réglementation sur les techniques de maîtrise des individus et de recours à la force semble encore très imprécise, et par conséquent potentiellement très permissive. Aucune directive ne régit par exemple la pratique du placage ventral, qui a pourtant déjà entraîné un décès en 2018, a fait observer le rapporteur. D’autres questions de M. Touzé ont porté sur l’utilisation d’armes pour réprimer des mouvements sociaux, au sujet de laquelle il a recommandé qu’elle soit beaucoup mieux encadrée.

L’expert a ensuite fait remarquer que les violences policières sont perçues comme la conséquence de l’utilisation non prévue par les textes réglementaires de moyens de contrainte mis à̀ disposition des fonctionnaires de police. Elles caractérisent des comportements qui ne répondent pas aux critères de légalité, de proportionnalité, d’opportunité ou de subsidiarité, a-t-il fait observer. Il a proposé que la définition en la matière porte, au-delà de l’usage excessif de la force, sur tout comportement violent. M. Touzé a par ailleurs voulu savoir comment l’impartialité du contrôle interne exercé sur les forces de police était garantie en Belgique, alors que ce contrôle est organisé au sein même des corps de police.

S’agissant de la sanction des violences policières, M. Touzé a relevé plusieurs problèmes liés à la transmission des décisions ou encore à l’identification des policiers. Il a demandé pourquoi seuls 6 % des faits donnent lieu à des poursuites ou à des sanctions.

M. Touzé a salué les efforts du Gouvernement belge pour lutter contre l’accroissement du nombre de détenus : le taux de surpopulation carcérale est passé, entre 2013 et 2018, de près de 25% à 12%. Pour autant, le rapporteur a noté que la Belgique avait refusé de participer à l’enquête SPACE, ce qui ne permet pas au Comité de certifier ces chiffres. M. Touzé a demandé si des mesures avaient été prises pour remédier à la surpopulation dans la prison de Saint-Gilles, près de Bruxelles.

D’autres questions de M. Touzé ont porté sur la détention provisoire et sur les conditions matérielles de la détention. À ce propos, l’expert a fait état de préoccupations s’agissant de l’accès aux sanitaires et aux soins, de la présence de vermine dans des cuisines ou encore de la qualité de l’alimentation.

Pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme en Belgique, M. Touzé s’est enquis des garanties offertes aux personnes qui font l’objet de perquisitions de nuit en vertu de la loi contre le terrorisme de 2016. Il a demandé, d’autre part, si la Belgique avait envisagé d’étendre le droit d’accès à un avocat à toutes les formes de privation de liberté, notamment à l’arrestation administrative. Il a aussi voulu savoir selon quels critères une personne était considérée par les autorités comme « radicalisée ». L’État entend-il mettre en place des programmes de déradicalisation, a-t-il demandé ?

Enfin, M. Touzé a évoqué la situation des ressortissants belges, dont certains sont mineurs, détenus dans les camps d’Al-Hol et de Roj à l’extrême nord-est de la Syrie. Relevant la volonté des autorités, exprimée récemment, de rapatrier des enfants jusqu’à la limite de douze ans ainsi que des femmes, il s’est interrogé sur cette limite d’âge et sur la séparation d’enfants de leur mère, qui semble envisagée. Le rapporteur a donc souhaité en savoir davantage sur les rapatriements de Belges, notamment de femmes et d’enfants, de Syrie.

Concernant le principe de non-refoulement, M. Sebastien Touzé, a par la suite demandé s’il y a des limites à l’argument sanitaire pour empêcher le renvoi et si le renvoi de personnes positives à la COVID-19 était possible. Comment dans l’examen des individus, la question sanitaire est-elle prise en compte, a-t-il demandé ?

Le rapporteur a en outre souhaité en savoir davantage sur le choix des pays inscrits dans la liste des « Etats sûrs » pour le refoulement et sur l’évaluation de cette liste au fil du temps. Il s’est par ailleurs enquis des critères permettant d’évaluer si un requérant d’asile qui demande le statut de réfugié constitue « un danger pour la société pour des motifs raisonnables » - ce qui l’exclurait de ce statut. M. Touzé a d’autre part souhaité connaître le mécanisme qui, en Belgique, permet d’évaluer le risque pour une personne éloignée du territoire belge d’être torturée dans son pays d’origine.

Le rapporteur a ensuite posé des questions sur le financement de l'organe de contrôle de la police et a relevé que son financement provenait principalement d'un organe européen.

M. Touzé a par ailleurs demandé si la législation belge prévoyait un aménagement de peine pour les détenus âgés. Il a en outre fait observer que le Médiateur fédéral avait constaté en 2019 des fouilles à nu systématiques.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport belge, s’est interrogée sur la primauté réelle du droit international des droits de l’homme par rapport au droit belge, une notion qui – a affirmé l’experte - ne semble pas faire l’unanimité dans le pays. Elle a demandé quel effet direct la Convention avait en Belgique.

Mme Belmir a ensuite relevé que la définition de la torture figurant à l’article 417 du Code pénal belge ne contenait pas tous les éléments de l’article premier de la Convention contre la torture, s’agissant notamment de la mention du mobile discriminatoire.

S’agissant de l’indépendance du pouvoir judiciaire en Belgique, la corapporteuse a notamment estimé que les lois qui, depuis 2013 et 2014, ont instauré la mobilité des magistrats entraient en contradiction avec le principe d’inamovibilité de ces derniers.

Le système de « traitement policier autonome » (TPA) autorise des enquêtes sur la petite délinquance par la police. Dans ce cadre, le manque de coopération de la police avec le parquet peut entraîner des difficultés, a d’autre part constaté l’experte, avant de s’interroger sur l’efficacité globale du TPA.

Mme Belmir a ensuite insisté sur le fait que le profilage ethnique était une forme de discrimination. Ce problème est sous-estimé en Belgique, ce dont témoigne le manque de données à ce sujet, a-t-elle affirmé. Malgré son interdiction en Belgique, a-t-elle par la suite insisté, le profilage racial continue de facto à être pratiqué.

S'agissant de la détention des demandeurs d'asile, Mme Belmir s'est enquise de la pratique sur le terrain. Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et à la Convention, elle a mis en garde contre la privation systématique de liberté des requérants d’asile. L'absence d'évaluation individuelle est problématique, a-t-elle déclaré.

Un autre expert a demandé si la Belgique avait envisagé de ratifier le Protocole facultatif à la Convention. Qu’en est-il de la création d’un mécanisme national de prévention (de la torture), a-t-il en outre demandé ?

De nombreux membres du Comité ont exprimé leurs condoléances pour les victimes des inondations en Belgique.

Réponses de la délégation

S’agissant de la formation des policiers, la circulaire officielle est en cours de révision, a indiqué la délégation. Une structure de suivi sera créée, dans ce cadre, pour vérifier les formations dispensées par les écoles de police ; et l’on mettra l’accent du personnel sur l’obligation de dénonciation des incidents de violence. D’autres formations aux droits de l’homme et à la prévention des comportements abusifs sont aussi prévues, a ajouté la délégation.

Quant aux moyens matériels de contrainte utilisés par la police lors de grandes manifestations, la délégation a précisé qu’ils étaient engagés dans le cadre d’une stratégie de « gestion négociée de l’espace public » et d’une évaluation des risques. Le spray au poivre est utilisé à des fins défensive sous la responsabilité d’un officier de police, dans des conditions limitées. Les canons à eau sont des moyens d’appui ne devant pas être utilisés de manière à mettre en danger les personnes. Tous ces moyens sont engagés dans le respect des dispositions légales et sous la responsabilités d’officiers, a insisté la délégation.

Le profilage ethnique est interdit en Belgique, a ensuite rappelé la délégation. Toutes les interventions de la police sont encadrées par des lois conformes au droit international, qui interdisent en particulier de viser des personnes sur la base de critères ethniques. La loi dresse la liste exhaustive des circonstances dans lesquelles les contrôles d’identité peuvent se faire. Pour prévenir le profilage ethnique, la Belgique mise, en particulier, sur la formation des policiers à l’application de critères objectifs et professionnels dans la détection des infractions, pour éviter tout risque d’arbitraire ; elle mise aussi sur le recours aux bodycams.

S’agissant du contrôle des activités des policiers, la délégation a précisé que le « Comité P » avait été créé pour aider le Parlement fédéral à contrôler l’action du pouvoir exécutif en le dotant d’un organe de contrôle externe sur les services de police. Le « Comité P » est une institution externe, neutre et indépendante, ce qui le distingue d’autres organes de contrôle des policiers, qui dépendent de l’exécutif. Son service d’enquête compte aujourd’hui dix personnes. Il est notamment chargé d’enquêter sur tout décès survenu pendant une intervention policière, a précisé la délégation.

Quant à l’AIG (Inspection générale de la police), autre instance de contrôle, ses membres s’acquittent eux-aussi de leur mission en toute indépendance, a assuré la délégation. Ils peuvent notamment contrôler les mesures d’expulsion et de renvoi.

La délégation a dit ne pas souhaiter, compte tenu du principe de séparation des pouvoirs, commenter le nombre de condamnations de policiers prononcées par la justice.

Le fait qu’une grande partie de la population carcérale se trouve en détention préventive préoccupe depuis longtemps les autorités belges, a par ailleurs déclaré la délégation. Pour y remédier, a-t-elle fait valoir, plusieurs alternatives existent déjà, comme la libération sous caution et la surveillance électronique. D’autres moyens ont été explorés, auxquels il a finalement été renoncé. La commission de la réforme de la procédure pénale a proposé des mesures procédurales, comme l’obligation pour le juge d’instruction de motiver sa décision de placer une personne en détention provisoire au-delà d’une certaine durée, a en outre indiqué la délégation.

Même si la surpopulation carcérale a beaucoup reculé, elle n’a pas encore disparu, a poursuivi la délégation, précisant que l’on compte en Belgique 10 380 détenus pour 9373 places. Pour y remédier, entre autres mesures, des libérations anticipées et des remises de peine ont été consenties, y compris pendant la COVID-19. Le taux moyen de surpopulation varie selon les établissements ; la prison de Saint-Gilles n’est pas surpeuplée, a ajouté la délégation.

Le Gouvernement vise d’autre part à rénover l’ infrastructure pénitentiaire, a indiqué la délégation. De nouvelles prisons, livrées à partir de 2022, remplaceront plusieurs établissements vétustes, alors que d’autres, parmi lesquelles Saint-Gilles, ont engagé un processus de rénovation. Le Gouvernement entend également rendre les prisons plus adaptées à la réinsertion des détenus.

La délégation a donné d’autres informations relatives à l’amélioration de qualité de l’alimentation et aux consultations médicales en prison.

Répondant aux questions sur la lutte contre le terrorisme, la délégation a précisé qu’à la date de novembre 2020, quelque 131 personnes détenues en Belgique étaient considérées comme radicalisées. Contre la radicalisation en prison, les autorités répartissent les personnes à risque dans l’ensemble du pays et appliquent des programmes actifs de « désengagement », entre autres mesures.

La délégation a par la suite exposé certains éléments de radicalisation tels qu'ils sont interprétés par le Gouvernement belge : retrait de la société et des processus politiques ; intolérance croissante aux idées que l'on ne partage pas ; adhésion à l'idée selon laquelle la violence serait un moyen acceptable d'imposer ses idées aux autres. Cependant, il n'y a pas de profil unique et la prévalence de « loups solitaires » rend difficile l'identification des individus radicalisés, a-t-elle indiqué.

Encadrées par la loi et ordonnées par le juge, les perquisitions de nuit font l’objet d’un contrôle par la chambre des mises en accusation, a par ailleurs indiqué la délégation.

Concernant enfin le rapatriement de femmes et d’enfants belges depuis des zones de conflit , la délégation a confirmé que le Gouvernement entendait procéder au rapatriement d’enfants de moins de 12 ans, conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour les mineurs de plus de 12 ans, le rapatriement se fera au cas par cas ; il y a seul un enfant belge de plus de 12 ans concerné, dans le nord-est de la Syrie. Le rapatriement de mères se fera s’il ne menace pas la sécurité nationale, a indiqué la délégation.

Revenant par la suite sur cette question des rapatriements de Syrie, la délégation a expliqué qu’elle n’avait pas connaissance d’une nouvelle opération de rapatriement en cours. Les autorités prennent néanmoins les mesures nécessaires pour avancer sur ce dossier. Deux rapatriements ont eu lieu en 2019 et 2020 et au total 7 enfants ont à ce jour été rapatriés.

S’agissant des questions d’asile, la délégation a déclaré que la Belgique ne pouvait pas éloigner des gens pour lesquels il y aurait un risque de non-respect du principe de non-refoulement [énoncé à l’article 3 de la Convention]. Ce n’est pas parce que quelqu’une personne n’est pas reconnue comme réfugiée ou n’obtient pas un statut de protection subsidiaire qu’elle sera nécessairement éloignée du territoire, a-t-elle ajouté. La loi prévoit le droit absolu de la personne d’être entendue avant qu’une décision soit prise quant à son éloignement du territoire. En cas de doute quant au respect effectif du principe de non-refoulement, il n’y a pas de rapatriement, a insisté la délégation. Un manuel et une formation sur le non-refoulement ont été fournis aux représentants de l'État concernés.

S’agissant plus particulièrement de la COVID-19, les personnes infectées par la maladie ne sont pas immédiatement renvoyées pour des raisons évidentes de santé publique, a poursuivi la délégation. Si une personne remplit les conditions d'entrée et s’avère malade, elle est alors mise en quarantaine, a expliqué la délégation.

Les personnes venant de « pays sûrs » ne sont pas systématiquement expulsées ; elles peuvent quand même demander une protection internationale et certaines d'entre elles ont obtenu l'asile, a en outre fait valoir la délégation. Les ressortissants de pays considérés comme « pays sûrs » ne peuvent obtenir le statut de protection sauf s’il peuvent prouver les menaces qu’ils encourent dans leur pays d’origine, a-t-elle par la suite expliqué. La charge de la preuve est plus lourde pour les ressortissants des pays considérés comme sûrs que pour les autres, a-t-elle indiqué. La liste des « pays sûrs » est réévaluée au moins une fois par an, a précisé la délégation.

Comme alternative à la détention, la Belgique a placé des familles avec enfants dans des logements, a d’autre part expliqué la délégation. Elles ont alors accès aux soins médicaux, à la nourriture et au logement, a-t-elle ajouté. Les personnes ne sont pas systématiquement détenues à la frontière et lorsque c’est le cas, la détention peut faire l'objet d'un recours de la part de l'intéressé, a souligné la délégation.

La délégation a expliqué que durant la pandémie, les détenus avaient la possibilité d’entrer en contact avec leurs proches par vidéoconférence. Ce système va continuer d’être utilisé afin de continuer d’offrir aux détenus la possibilité d’être en contact avec leur famille.

S’agissant des détenus âgés, il est prévu de créer un espace pour pouvoir offrir à ce groupe cible des soins adaptés dans une prison, a ensuite indiqué la délégation. Le tribunal d’application des peines tient compte des aspects liés à l’âge du détenu pour décider d’éventuels aménagements de peine, a-t-elle ajouté.

La fouille au corps n’est possible que lorsqu’il existe un soupçon individualisé que la fouille aux vêtements ne suffit pas. Cette fouille se fait alors toujours dans le respect de l’individu, a assuré la délégation. De nouvelles instructions sont en train d’être rédigées s’agissant des fouilles corporelles, a-t-elle ajouté.

Les fouilles de cellules se font dans le respect de la dignité de l’individu ; en cas de fouille, son espace est remis en ordre et le détenu est mis au courant de la fouille s’il n’est pas présent sur les lieux.

S’agissant de la définition de la torture, la délégation a rappelé que la Belgique avait accepté la recommandation qui lui a été adressée dans le cadre de son Examen périodique universel en mai dernier afin que sa définition soit conforme à celle de la Convention contre la torture.

Le Gouvernement a engagé un projet de refinancement de la justice : il s’agit d’un investissement de l’ordre de 500 millions d’euros sur trois ans qui permettra le recrutement de personnels judiciaires et un processus de numérisation de la justice, a en outre indiqué la délégation.

La Belgique a prévu, dans la loi d’assentiment adoptée à cette fin, de déposer son instrument de ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture . La Belgique fait tout son possible pour mettre en place un mécanisme national de prévention, avec mandat sur l’ensemble du territoire, et pour qu’il soit opérationnel le plus vite possible. L’objectif est que l’instrument de ratification soit déposé avant la fin de cette législature, a précisé la délégation.

Remarques de conclusion

M. CLAUDE HELLER, Président par intérim du Comité, a remercié la délégation belge pour ses commentaires et ses réponses. La réunion a été dynamique et productive, a-t-il constaté, avant d’ajouter qu’elle serait une étude de cas pour le Comité puisqu’il s’agissait du premier examen en ligne du rapport d’un pays.

M. Neijens a remercié les membres du Comité pour les excellentes questions qu’ils ont soulevées et pour ce dialogue enrichissant. La Belgique analysera avec attention les observations finales que le Comité lui transmettra à l’issue de cet examen, a-t-il assuré. Il a par ailleurs remercié les experts pour l’expression de leur solidarité avec la Belgique suite aux inondations.

M. Neijens s’est dit satisfait que la Belgique soit le premier pays à avoir subi un examen en ligne devant le Comité et a exprimé sa gratitude aux experts pour avoir décidé de continuer à s’acquitter de leur mandat malgré les circonstances. Enfin, il a plaidé pour une harmonisation et une modernisation du travail de l’ensemble des organes de traité ainsi que pour des cycles de rapports plus prévisibles pour les Etats.

 

CAT21.005F