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Conseil des droits de l’homme : la pandémie de COVID-19 a entraîné un recul substantiel de la situation des personnes touchées par la lèpre

Compte rendu de séance

 

Le déni systématique des droits économiques et sociaux des victimes de la lèpre, notamment de leurs droits à la protection sociale, au travail et à la sécurité sociale, produit une situation d'extrême vulnérabilité pour ces personnes, a déploré cet après-midi Mme Alice Cruz, Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille.

La Rapporteuse spéciale, qui présentait son rapport annuel devant le Conseil des droits de l’homme, a fait état d’un recul substantiel, imputable à la pandémie de COVID-19, de la situation des personnes touchées par la lèpre en 2021, confirmant des préoccupations dont elle avait déjà fait part aux États membres l’an dernier. À cet égard, a-t-elle expliqué, la discrimination fondée sur le sexe, la race, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle et la lèpre a été l'une des causes sous-jacentes les plus importantes de l’impact dévastateur de la COVID-19 sur les personnes touchées par la lèpre.

Plusieurs délégations* ont ensuite participé au dialogue avec la Rapporteuse spéciale, au cours duquel Mme Cruz a notamment expliqué que les médicaments contre la lèpre ayant un effet immunosuppresseur, les personnes concernées sont plus vulnérables à la COVID-19 et devraient donc être vaccinées en priorité. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs recommandé de créer des stocks de médicaments indispensables au traitement de la lèpre, dont la distribution a été perturbée pendant la pandémie.

Après cette présentation, le Conseil a achevé son dialogue, engagé ce matin, avec le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, M. Clément Nyaletsossi Voule, en entendant les déclarations de plusieurs délégations**. Concluant le débat, le Rapporteur spécial a notamment souligné que la surveillance de masse devrait être interdite, une surveillance ciblée pouvant être permise sous certaines conditions conformes au droit international.

En début de séance cet après-midi, le Conseil a d’autre part décidé, à l’issue d’un vote, qu’il tiendrait pendant la présente session et en l’absence de représentant du pays concerné les débats interactifs avec la Haute-Commissaire et le Rapporteur spécial au sujet de leurs présentations orales concernant le Myanmar. La date de ces débats sera communiquée ultérieurement.

Enfin, les délégations des pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Maroc, Arménie, Éthiopie, Brésil, Indonésie, Colombie, Thaïlande, Malaisie, Cuba et Algérie.

 

Demain matin, à partir de 10 heures, le Conseil se penchera sur les rapports qui lui sont soumis concernant le droit à la liberté d’opinion et d’expression et la détention arbitraire.

 

Vote sur la tenue de dialogues interactifs avec la Haute-Commissaire et le Rapporteur spécial sur leurs exposés oraux concernant le Myanmar

Au début de la séance, la Présidente du Conseil, MME NAZHAT SHAMEEM KHAN, a rappelé que, le 21 juin dernier, le Conseil avait procédé à un échange de vues et adopté son programme de travail pour la présente session, étant entendu que la question de la tenue des dialogues interactifs avec la Haute-Commissaire et le Rapporteur spécial [sur la situation des droits de l’homme au Myanmar] sur leurs exposés oraux concernant le Myanmar, conformément à la résolution 46/21 (2021), et en l'absence de représentants du pays concerné, ferait encore l'objet d'un examen par le Bureau et le Conseil.

Le Bureau s'est réuni le vendredi 25 juin pour discuter de la question en suspens. Après un examen attentif, le Bureau a conclu qu'une divergence de vues sur des positions de principe d'égale importance subsistait et qu'il n'y avait pas de consensus entre les États membres du Conseil. Leurs délégations, a dit la Présidente, sont donc priées de répondre aujourd’hui à la question suivante : « Le Conseil devrait-il tenir les deux dialogues interactifs sur le Myanmar lors de la présente quarante-septième session ? »

Le Conseil a alors décidé cet après-midi par 26 voix pour, 7 voix contre et 14 abstentions, qu’il tiendrait les débats interactifs avec la Haute-Commissaire et le Rapporteur spécial au sujet de leurs présentations orales concernant le Myanmar pendant la présente session, en l’absence de représentant du pays concerné. La date de ces débats sera communiquée ultérieurement.

Les délégations suivantes ont fait des déclarations : Uruguay, Autriche, Royaume-Uni, Argentine, Mexique, Fédération de Russie et Chine.

Les États suivants ont voté en faveur de la résolution (26) : Allemagne, Argentine, Autriche, Bangladesh, Bulgarie, Danemark, France, Indonésie, Italie, Japon, Libye, Malawi, Îles Marshall, Mauritanie, Mexique, Namibie, Népal, Pays-Bas, Philippines, Pologne, République tchèque, République de Corée, Royaume-Uni, Somalie, Ukraine et Ouzbékistan.

Les États suivants ont voté contre (7) : Bahamas, Chine, Cuba, Érythrée, Fidji, Fédération de Russie et Venezuela.

Les États suivants se sont abstenus (14) : Arménie, Bahreïn, Bolivie, Brésil, Burkina Faso, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gabon, Inde, Pakistan, Sénégal, Soudan, Togo et Uruguay.

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille (A/HRC/47/29), intitulé « Incidences disproportionnées de la pandémie de [COVID-19] sur les personnes touchées par la lèpre et les membres de leur famille : causes profondes, conséquences et voie vers le relèvement ».

Présentation du rapport

MME ALICE CRUZ, Rapporteuse spéciale sur l’élimination de la discrimination à l’égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, a fait état d’un recul substantiel dû à la pandémie de COVID-19 en 2021, confirmant des préoccupations dont elle avait déjà fait part aux États membres l’an dernier ; en effet, a-t-elle précisé, les chiffres officiels et non officiels font état d'une augmentation du nombre de cas de lèpre cachés et de personnes diagnostiquées avec des déficiences physiques irréversibles en raison d'un diagnostic tardif de cette maladie.

La discrimination fondée sur le sexe, la race, l'âge, le handicap, l'orientation sexuelle et la lèpre a été l'une des causes sous-jacentes les plus importantes de l’impact dévastateur de la COVID-19 sur les personnes touchées par la lèpre, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Cet impact s’explique aussi par l'existence de « deux poids, deux mesures » dans les réponses apportées à la crise, en raison de la reconnaissance limitée des droits des personnes concernées, a-t-elle ajouté.

Le déni systématique des droits économiques et sociaux des personnes touchées par la lèpre, notamment de leurs droits à la protection sociale, au travail, à la sécurité sociale et au meilleur état physique et mental possible, outre des restrictions dans l’accès à la polychimiothérapie dont elles ont besoin, produit une situation d'extrême vulnérabilité pour ces personnes, a expliqué Mme Cruz.

La pandémie de COVID-19 a brutalement révélé combien le principe d'universalité des droits de l'homme n'est guère respecté, a déploré la Rapporteuse spéciale. C'est pourquoi, parmi les recommandations spécifiques à la lèpre concernant les soins de santé, le travail et la protection sociale, Mme Cruz recommande aux États d'appliquer le principe de progressivité de manière raisonnable et proportionnelle aux besoins des groupes vulnérables et discriminés, et d'établir en priorité des obligations fondamentales minimales en matière de droits sociaux et économiques à leur égard.

Mme Cruz a lancé un appel pour que les personnes atteintes de la lèpre soient reconnues comme un groupe vulnérable en ce qui concerne la vaccination contre la COVID-19, nombre d’entre elles étant en effet immunodéprimées. Elle a également insisté sur la nécessité de garantir le droit des groupes marginalisés et discriminés de participer aux plans et à la relance liés à la COVID-19, étant donné que ces groupes sont souvent oubliés dans la planification nationale.

Aperçu du débat

Pour protéger les droits fondamentaux des personnes atteintes de la lèpre, il a été recommandé de traiter de toute urgence la discrimination économique dont elles sont victimes, ainsi que leurs difficultés d’accès à l’alimentation, à des logements adéquats et aux soins de santé, surtout dans le cadre de la pandémie de COVID-19.

Les enfants atteints de la lèpre ou ceux dont les parents sont affectés par cette maladie n'ont pas accès à la technologie nécessaire pour passer à l'apprentissage en ligne, et nombre d’entre eux ont donc abandonné l'école, a-t-il été souligné.

Les difficultés rencontrées par les personnes touchées par la lèpre sont aggravées par l'isolement, la discrimination et les violations des droits de l'homme dont elles sont victimes, et ce alors même que la lèpre est guérissable par un traitement médical, a-t-il été rappelé.

Il a été fait état de l’adoption, dans plusieurs pays, de mesures positives – telles que la gratuité des traitements et la fermeture de léproseries – prises en faveur des personnes atteintes de la lèpre et des membres de leur famille pour éliminer la discrimination à leur égard.

Un intervenant a jugé indispensable d’appréhender le problème de la lèpre sous l’angle des droits de l'homme et de s'attaquer aux facteurs sous-jacents de la discrimination à l’encontre des personnes concernées. Les États ont été appelés à redoubler d'efforts pour intégrer les questions liées à la lèpre dans l'agenda des droits de l'homme.

Le Conseil a été prié, pour sa part, de continuer de travailler à l'élimination de la discrimination à l'encontre des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille en coopération avec l’Organisation mondiale de la Santé, les autres agences des Nations Unies et la société civile.

*Liste des intervenants : Japon (au nom d'un groupe de pays), Union européenne, Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), Portugal, Ordre souverain de Malte, Israël, Angola, Sénégal, Inde, Maroc, Venezuela, Népal, Namibie, Éthiopie, Viet Nam, Cambodge, ChinaSociety for Human Rights Studies,Center for Organisation Research and Education, Ordem dos Advogados do Brasil Conselho Federal, Association pour l'intégration et le développement durable au Burundi,The International Federation of Anti-Leprosy Associations (ILEP), The Task Force for Global Health Inc.

Réponses et remarques de conclusion de la Rapporteuse spéciale

MME CRUZ a fait observer que les personnes touchées par la lèpre connaissent de première main le problème de la discrimination sur la base de l’état de santé, un problème qui se pose désormais plus globalement en ces temps de pandémie de COVID-19.

Pour guérir la lèpre, a expliqué la Rapporteuse spéciale, on administre aux malades une combinaison de médicaments produits en Inde et dont la distribution est gérée par l’OMS. Or, depuis la fin de l’année 2019, la pandémie a perturbé le circuit de distribution de ces médicaments. Pendant la crise liée à la COVID-19, nombre de personnes diagnostiquées [comme touchées par la lèpre] qui n’ont pu recevoir ces médicaments essentiels n’ont pas été informées du moment où leur traitement pourrait commencer ou reprendre – un manque de communication qui a eu des conséquences sanitaires très graves, a souligné Mme Cruz. L’experte a donc recommandé que des stocks de médicaments indispensables soient créés et que le droit à l’information des patients concernés soit respecté.

D’autre part, les médicaments contre la lèpre ont un effet immunosuppresseur, ce qui rend les personnes concernées plus vulnérables à la COVID-19. C’est pourquoi Mme Cruz a recommandé qu’elles soient vaccinées en priorité contre la COVID-19.

La Rapporteuse spéciale a enfin plaidé pour une action multilatérale en faveur de l’éradication de la lèpre – une maladie endémique qui sévit dans des pays du Sud.

Suite et fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association

Aperçu du débat

De nombreuses délégations ont exprimé leur soutien au mandat du Rapporteur spécial.

Plusieurs pays ont fait état des réformes qu’ils ont entreprises en faveur de la mise en œuvre des droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.

Un Etat a invité à ne pas porter préjudice aux biens tout en garantissant l’exercice des droits civils et politiques lors de manifestations pacifiques.

L’administration de la justice est déterminante après des incidents lors de manifestations car c’est le seul moyen de garantir aux victimes reconnaissance du préjudice subi et réparations, a-t-il été souligné.

Les organisations non gouvernementales (ONG) ont dénoncé des pratiques antidémocratiques dans certains pays, notamment européens, latino-américains ou asiatiques, face aux manifestations et ont souligné que la société civile ne saurait renoncer à manifester. A par ailleurs été dénoncée l’impunité face aux violations des droits des militants de la société civile.

Une ONG s’est réjouie qu’un additif au rapport du Rapporteur spécial ait été consacré aux coupures d’Internet, qui ne sont jamais justifiées.

Liste des intervenants : Iran, Tchad, Algérie, Azerbaïdjan, Etat plurinational de Bolivie, Réseau européen pour les langues, Child Rights Connect, Commission colombienne des juristes et la Commission internationale des juristes,Right Livelihood Foundation, Article XIX,Peace International, Asian Forum for Human Rights, Freedom Now, Association for Progressive Communications.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. CLEMENT NYALETSOUSSI VOULE, Rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, a dit avoir rencontré des juristes de plus de 40 pays et avoir pris « très au sérieux » toutes les informations dont il a été saisi ces deux dernières années. La surveillance de masse doit être interdite, mais une surveillance ciblée peut être permise, sous certaines conditions conformes au droit international, a-t-il en outre souligné. S’agissant précisément de l’utilisation des technologies de surveillance de masse, il a recommandé aux Etats de réviser et d’abroger, le cas échéant, les législations qui ne respectent pas les droits de l’homme.

 

HRC21.080E