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Michelle Bachelet dénonce une période de graves reculs en matière de droits de l'homme, alors que le Conseil célèbre son quinzième anniversaire

Compte rendu de séance

 

A l’ouverture de la quarante-septième session du Conseil des droits de l’homme, ce matin, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a ainsi regretté que l'extrême pauvreté, les inégalités et l'injustice augmentent et que l'espace démocratique et civique s'érode.

La génération actuelle de dirigeants mondiaux devra trouver une solution claire pour sortir de la crise complexe de la COVID-19 et s'orienter vers un avenir inclusif, écologique, durable et résilient, a déclaré Mme Bachelet, avant de faire part des initiatives prises par le Haut-Commissariat pour donner suite, sur le terrain, à l'Appel à l'action lancé en 2020 par le Secrétaire général en faveur des droits de l’homme. La Haute-Commissaire a ensuite fait part de ses préoccupations concernant la situation des droits de l'homme dans plusieurs pays.

Ce matin, Mme Bachelet a par ailleurs présenté son rapport sur le rôle central de l’État dans la lutte contre les pandémies et autres urgences sanitaires et les conséquences socioéconomiques qui en résultent pour la promotion du développement durable et la réalisation de tous les droits de l’homme. Après avoir rappelé qu’en date de la semaine dernière, plus de 176 millions de cas confirmés de COVID-19 ont été signalés à l’Organisation mondiale de la Santé, avec plus de 3,8 millions de décès, elle a indiqué que son rapport souligne que le rôle central de l’État pendant les pandémies et autres urgences sanitaires est de mettre en place une réponse sanitaire robuste tout en respectant les droits de l’homme. Il souligne également que « la résilience des systèmes de santé et des économies nationales a été mise à mal, dans une large mesure, par l’incapacité d’investir de manière adéquate dans le respect des obligations en matière de droits de l’homme ».

« Les États devraient intensifier leurs investissements dans les systèmes de santé et de protection sociale, soutenus par des approches multilatérales et communes fondées sur la solidarité », a indiqué la Haute-Commissaire. Ces mesures exigent une volonté politique et un leadership renouvelés, a-t-elle souligné. Ce dont le monde a besoin, c’est d’une économie des droits de l’homme – une économie qui défende la dignité et les droits de tous et qui promeuve un développement durable ne laissant personne de côté, a-t-elle insisté.

Suite à cette présentation, de nombreuses délégations** ont participé au dialogue avec Mme Bachelet.

En début de séance, le Conseil a adopté son programme de travail après avoir décidé de reporter à sa prochaine session (septembre 2021) l’examen et l’adoption du rapport de l’Examen périodique universel du Myanmar, pays pour lequel il existe un conflit d’accréditation entre deux délégations qui doit être tranché par l’Assemblée générale. De nombreuses délégations* se sont exprimées sur cette question, avant que la Présidente du Conseil, Mme Nazhat Shameem Khan, n’indique que la tenue des dialogues interactifs sur le Myanmar ferait l’objet de consultations supplémentaires.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil poursuivra son dialogue avec la Haute-Commissaire, avant d’entamer son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme en Erythrée.

 

Déclaration de la Présidente du Conseil et débat sur le conflit d’accréditation concernant le Myanmar

MME Nazhat Shameem Khan, Présidente du Conseil des droits de l’homme, a, dans un premier temps, rappelé, les modalités extraordinaires de l’organisation de la présente session en raison des mesures sanitaires liées à la COVID-19. La Présidente a ensuite soulevé la question du Myanmar, pour lequel il existe un conflit d’accréditation entre deux délégations qui doit être tranché par l’Assemblée générale.

Mme Khan a proposé au Conseil de statuer sur le report de l’examen et de l’adoption de l’Examen périodique universel (EPU) du Myanmar à la prochaine session ; la décision en ce sens a été acceptée par consensus par le Conseil.

Mme Khan a ensuite demandé au Conseil de statuer sur la tenue du dialogue interactif autour de la mise à jour de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Myanmar et du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Myanmar, en l’absence de la participation de l’Etat concerné. De nombreuses délégations ont exprimé leurs points de vue. Plusieurs d’entre elles ont plaidé pour que le Conseil procède aux dialogues interactifs même en l’absence de délégation du pays concerné. Le refus de tenir les dialogues interactifs serait sans fondement juridique, ont insisté des délégations. D’autre part, nul ne sait quand le problème d’accréditation sera résolu par l’Assemblée générale, a-t-il été souligné. Dans ce contexte, l’aggravation de la situation des droits de l’homme au Myanmar exige que le Conseil procède au dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur le Myanmar et avec la Haute-Commissaire, comme cela est prévu dans le programme de travail.

D’autres délégations ont demandé, au contraire, que les dialogues interactifs (concernant le Myanmar) soient repoussés en attendant la décision de l’Assemblée générale. Elles ont en effet jugé indispensable que le Conseil permette à chaque État de participer aux dialogues le concernant.

*Ont pris part à ce débat : Autriche (au nom de l’Union européenne), Indonésie, Philippines, Pays-Bas, France, Allemagne, Fédération de Russie, Brésil, Italie, Ukraine, République de Corée, Brésil, Mexique, Royaume-Uni, Danemark, République tchèque, Chine, Venezuela, Japon et Érythrée.

Le Conseil a ensuite procédé à l’adoption du programme de travail de la session, la Présidente ayant indiqué que la question de la tenue des dialogues interactifs sur le Myanmar ferait l’objet de consultations supplémentaires.

Mise à jour par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a indiqué qu’elle présentait sa mise à jour à l'occasion du quinzième anniversaire du Conseil des droits de l’homme – « malheureusement, une période de graves reculs en matière de droits de l'homme », a-t-elle souligné. En effet, a-t-elle précisé, l'extrême pauvreté, les inégalités et l'injustice augmentent ; l'espace démocratique et civique s'érode. La génération actuelle de dirigeants mondiaux devra trouver une solution claire pour sortir de la crise complexe de la COVID-19 et s'orienter vers un avenir inclusif, écologique, durable et résilient.

L' Appel à l'action du Secrétaire général pour répondre aux attentes les plus élevées de l’humanité en termes de droits de l’homme est un plan qui relie les piliers de l'ONU que sont le développement, la paix et la sécurité, et les droits de l'homme, a poursuivi Mme Bachelet. Le Secrétaire général a également souligné la nécessité d'un nouveau contrat social, étayé par un nouveau pacte mondial de solidarité, pour partager plus équitablement le pouvoir, les ressources et les opportunités.

En septembre, le Secrétaire général présentera à l'Assemblée générale un plan pour un programme commun à l'échelle des Nations Unies. Il s'agira de mesures audacieuses concernant la capacité qu’ont les droits de l'homme de garantir un développement sain et inclusif, une paix durable et des sociétés fondées sur la confiance.

Déjà, dans un certain nombre de pays, on constate une meilleure analyse de l'impact des lois et des politiques nationales sur les personnes confrontées à des formes croisées de discrimination, notamment les femmes et les filles, a souligné la Haute-Commissaire, faisant valoir que l'Appel à l'action a ainsi permis d’initier des changements importants.

Parallèlement, l’initiative Surge du Haut-Commissariat, lancée en septembre 2019, a joué un rôle essentiel dans la mise à niveau de l'expertise économique de ses équipes de terrain au moment où la pandémie progressait, a ajouté Mme Bachelet. Mais aucun programme de redressement n’est pleinement efficace si la discrimination touche la moitié de la population, a averti la Haute-Commissaire. Dans dix pays d'Afrique occidentale et centrale – Bénin, République centrafricaine, Côte d'Ivoire, République démocratique du Congo, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Sierra Leone et Togo – le Haut-Commissariat s’est associé au Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et à ONU Femmes pour lancer des enquêtes sur les impacts spécifiques de la pandémie sur les femmes et les filles. Ce travail apportera des informations essentielles pour les réponses de l'ONU à la COVID-19. Dans le Pacifique, a en outre indiqué Mme Bachelet, le bureau régional du Haut-Commissariat et le Programme des Nations Unies pour l’environnement ont assuré une formation au renforcement des capacités des défenseurs des droits de l'homme en matière d'environnement.

Quant à l'établissement d'un nouveau contrat social, il consiste à rétablir la confiance du public en renforçant le soutien aux droits fondamentaux, a indiqué Mme Bachelet. Il est essentiel d'établir des sociétés dans lesquelles les décideurs politiques accordent la priorité à la lutte contre les inégalités et à la promotion des droits à la protection sociale, à la santé, à l'éducation, notamment. Ces investissements publics dans les engagements juridiques pris par chaque État peuvent être étayés par des politiques macro-économiques qui cherchent à maximiser les ressources disponibles, notamment par une fiscalité progressive et la réduction des flux financiers illicites.

Selon la Banque mondiale, entre janvier et septembre 2020, plus de 200 pays ont mis en place plus de mille mesures de protection sociale impliquant une dépense moyenne de 243 dollars par habitant. À eux seuls, les programmes de transferts monétaires ont touché 1,3 milliard de personnes, soit 17 % de la population mondiale. Les preuves sont concluantes : les pays qui avaient investi dans la protection sociale ont mieux résisté à la crise.

Après avoir rappelé que les situations en Géorgie, en Iran, au Myanmar, au Nicaragua, en Ukraine et au Venezuela seraient examinées plus avant au cours de la présente session, et que la situation dans le territoire palestinien occupé avait récemment fait l'objet d'une session spéciale, Mme Bachelet a ensuite informé le Conseil de plusieurs questions récentes très préoccupantes.

La Haute-Commissaire s’est ainsi dite alarmée par la forte augmentation de la violence contre les civils en Afghanistan, notamment l'attaque récente d'une école dans un quartier hazara de Kaboul qui a tué 85 enfants. Au cours des six mois qui ont suivi le début des pourparlers entre le Gouvernement et les Taliban, le nombre de victimes civiles a augmenté de 41 % par rapport à la même période un an auparavant. Mme Bachelet a demandé instamment à toutes les parties de reprendre les pourparlers de paix et d’appliquer de toute urgence un cessez-le-feu pour protéger les civils.

La situation au Bélarus continue également de se détériorer, avec de sévères restrictions aux droits relatifs aux libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association ; des raids contre la société civile et les médias indépendants ; et la persécution judiciaire de militants des droits de l'homme et de journalistes. Mme Bachelet a regretté que le Gouvernement ait choisi de mettre fin à la présence du conseiller principal pour les droits de l'homme du Haut-Commissariat à Minsk, un poste qui constituait un point d'engagement important et une fenêtre pour la coopération.

Concernant le Tchad et le Mali, la Haute-Commissaire s’est dite profondément préoccupée par les récents changements non démocratiques et inconstitutionnels de gouvernement, qui représentent inévitablement un défi important pour les droits de l'homme et qui ont affaibli la protection institutionnelle des libertés démocratiques. Mme Bachelet a appelé à un renforcement de la lutte contre l'impunité, à des processus de transition démocratique pleinement participatifs et inclusifs, y compris la tenue d'élections libres et équitables, et à un retour rapide à l'ordre constitutionnel dans ces deux pays.

En ce qui concerne la Chine, un an s'est écoulé depuis l'adoption de la loi sur la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong, au sujet de laquelle le Haut-Commissariat a exprimé de sérieuses préoccupations, a rappelé Mme Bachelet. Elle a assuré que le Haut-Commissariat suivait de près l’application de cette loi et son impact sur l'espace civique et démocratique, ainsi que sur les médias indépendants. Depuis le 1er juillet 2020, 107 personnes ont été arrêtées en vertu de la loi sur la sécurité nationale et 57 ont été formellement inculpées, la première affaire devant être jugée cette semaine : il s'agira d'un test d'indépendance important pour le pouvoir judiciaire de Hong Kong concernant sa volonté de faire respecter les obligations de Hong Kong au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Par ailleurs, Mme Bachelet a indiqué qu’elle continuait de discuter avec la Chine des modalités d'une visite dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang et qu’elle espérait que cela pourrait se produire cette année, en particulier parce que des informations concernant de graves violations des droits de l’homme continuent d’émerger.

En Colombie, des manifestations ont lieu depuis le 28 avril dans un contexte de crise économique et de profondes inégalités sociales aggravées par la pandémie de COVID-19, a poursuivi Mme Bachelet, rappelant que le Haut-Commissariat avait exprimé sa profonde inquiétude face aux allégations de graves violations des droits de l'homme par les forces de sécurité. Du 28 avril au 16 juin, a-t-elle précisé, le Haut-Commissariat a reçu des allégations faisant état de 56 décès (54 civils et deux policiers) dans le cadre des manifestations, ainsi que de 49 victimes présumées de violences sexuelles. Mme Bachelet s’est félicitée de l'annonce par le Président colombien d'une politique de tolérance zéro à l'égard des violences commises par les forces de sécurité.

Des informations crédibles indiquent par ailleurs que des soldats érythréens opèrent toujours dans le Tigré et continuent d’y perpétrer des violations des droits de l'homme et du droit humanitaire, a ensuite déploré Mme Bachelet. La situation humanitaire est désastreuse : on estime que 350 000 personnes sont menacées par la famine. L'enquête conjointe du Haut-Commissariat et de la Commission éthiopienne des droits de l'homme est en cours au Tigré, avec des équipes sur le terrain depuis le 16 mai. Le déploiement actuel des forces militaires n'est pas une solution durable, a estimé Mme Bachelet, avant de plaider pour un dialogue dans tout le pays afin de répondre aux véritables griefs exprimés.

En Haïti, l'agitation politique se poursuit, liée en partie à un désaccord concernant l'organisation d'un référendum sur une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections en septembre. Mme Bachelet s’est dite extrêmement préoccupé par les niveaux élevés d'insécurité et les difficultés apparentes du Gouvernement à lutter contre cette tendance. La police ne serait pas intervenue lors d'un certain nombre d'affrontements récents entre groupes criminels à Port-au-Prince. Ces incidents ont fait au moins 50 morts, entraîné le déplacement de plus de 13 000 personnes et aggravé un accès déjà très limité aux services de base. Mme Bachelet a demandé aux autorités d’assurer la protection de tous les Haïtiens et de s'attaquer aux causes profondes de la violence.

La Haute-Commissaire s’est également dite alarmée par le niveau élevé de violence politique dans le contexte électoral au Mexique, alors qu’au moins 91 politiciens et membres de partis politiques ont été tués pendant la période électorale qui a débuté en septembre 2020. Les partis politiques de tous bords ont été touchés et des femmes ont été victimes de violences, y compris sexuelles. Il est essentiel de veiller à l’obligation redditionnelle des responsables de ces actes et de garantir la non-répétition de tels actes.

La Haute-Commissaire s’est également dite alarmée par l'aggravation du conflit dans le nord du Mozambique, où des groupes armés commettent de graves violations des droits de l'homme, notamment des meurtres brutaux de civils et des violences sexuelles et sexistes, et se livrent à des trafics, des enlèvements et des exploitations d'enfants. Les femmes et les filles seraient particulièrement visées. Mme Bachelet a ajouté avoir pris note d’informations faisant état de graves violations des droits de l'homme par les forces de sécurité de l'État, soutenues par des sociétés de sécurité privées.

D’autre part, Mme Bachelet a jugé consternantes les mesures prises récemment en Fédération de Russie, qui sapent davantage le droit des gens à exprimer des opinions critiques, ainsi que leur capacité à prendre part aux élections parlementaires prévues en septembre. Au début du mois, à l'issue d'audiences tenues à huis clos, un tribunal de Moscou a jugé que la fondation anticorruption dirigée par l'opposant emprisonné Aleksei Navalny était une « organisation extrémiste ». Mme Bachelet a appelé la Fédération de Russie à respecter les droits civils et politiques et à mettre la législation restreignant les libertés d'expression, de réunion pacifique et d'association en conformité avec les normes internationales de droits de l’homme ; elle a également appelé le pays à mettre fin à la pratique arbitraire consistant à qualifier des personnes ordinaires, des journalistes et des organisations non gouvernementales d'« extrémistes », d'« agents étrangers » ou d'« organisations indésirables ».

S’agissant de Sri Lanka, Mme Bachelet a fait part de ses préoccupations face aux nouvelles mesures du Gouvernement visant les musulmans et face au harcèlement des Tamouls, y compris dans le contexte des événements de commémoration des morts de la fin de la guerre. La Haute-Commissaire a dit craindre que les nominations récentes au Bureau des personnes disparues et au Bureau des réparations, ainsi que les mesures visant à décourager les enquêtes sur les crimes passés, ne sapent encore davantage la confiance des victimes. Elle a en outre noté de nombreux décès en garde à vue et dans le cadre de rencontres entre la police et des bandes criminelles présumées, et a demandé qu’une enquête approfondie, rapide et indépendante soit menée. Le Haut-Commissariat continuera de dialoguer avec le Gouvernement sri-lankais, a-t-elle ajouté.

Enfin, Mme Bachelet a indiqué que le Haut-Commissariat était sur le point de finaliser le programme conjoint des Nations Unies sur les droits de l'homme avec le Gouvernement des Philippines. Elle a dit prendre note des mesures prises par le Gouvernement philippin dans le cadre de son examen interne des meurtres présumés commis par la police. Il est important que la réouverture des enquêtes donne des résultats, car la responsabilité des violations des droits de l'homme aux Philippines reste une préoccupation de longue date, a dit la Haute-Commissaire.

Examen du rapport de la Haute-Commissaire sur le rôle central de l’État dans la lutte contre les pandémies et autres urgences sanitaires

Le Conseil est saisi du rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur le rôle central de l’État dans la lutte contre les pandémies et autres urgences sanitaires et les conséquences socioéconomiques qui en résultent pour la promotion du développement durable et la réalisation de tous les droits de l’homme (A/HRC/47/23)

Présentation du rapport

MME BACHELET a rappelé qu’en date de la semaine dernière, plus de 176 millions de cas confirmés de COVID-19 ont été signalés à l’Organisation mondiale de la Santé, avec plus de 3,8 millions de décès. La pandémie continue de représenter une menace extraordinaire pour les sociétés du monde entier, à la fois en tant qu’urgence de santé publique et en tant que crise socioéconomique assortie de graves conséquences.

Le présent rapport souligne que le rôle central de l’État pendant les pandémies et autres urgences sanitaires est de mettre en place une réponse sanitaire robuste tout en respectant les droits de l’homme, a indiqué la Haute-Commissaire. Il souligne également que « la résilience des systèmes de santé et des économies nationales a été mise à mal, dans une large mesure, par l’incapacité d’investir de manière adéquate dans le respect des obligations en matière de droits de l’homme ».

Pour honorer les engagements qu’ils ont pris en vertu du droit relatif aux droits de l’homme et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, « les États devraient intensifier leurs investissements dans les systèmes de santé et de protection sociale, soutenus par des approches multilatérales et communes fondées sur la solidarité ». Ces mesures exigent une volonté politique et un leadership renouvelés, a insisté la Haute-Commissaire. La COVID-19 a montré que l’incapacité d’intégrer des approches fondées sur les droits de l’homme dans les efforts de préparation, d’intervention et de rétablissement en cas d’urgence sanitaire a de graves conséquences pour les droits de l’homme et le développement, a souligné Mme Bachelet.

En plus des pertes incalculables en vies humaines, le coût économique de la pandémie a été catastrophique, a poursuivi la Haute-Commissaire. On estime qu’environ 255 millions d’emplois ont été perdus en 2020, soit près de quatre fois plus que lors de la crise économique mondiale de 2008. Les femmes ont été plus durement touchées que les hommes dans toutes les régions et tous les groupes de revenus. On estime que la pandémie pourrait avoir poussé (en date de début 2021) jusqu’à 150 millions de personnes dans l’extrême pauvreté et la faim dans le monde est également en hausse. L’année dernière, plus de 130 millions de personnes sont devenues plus vulnérables à la sous-alimentation. Dans l’ensemble, la pandémie a perturbé ou réduit à néant les progrès durement engrangés dans la réalisation de nombreux objectifs de développement durable.

Les États devraient veiller à ce que les soins, les médicaments et les vaccins continuent d’être disponibles et accessibles, en protégeant la primauté de la santé publique sur le profit privé, a ensuite indiqué la Haute-Commissaire. Les vaccins contre la COVID-19 doivent être considérés comme un bien public mondial, a-t-elle insisté. L’accès universel et équitable aux vaccins et leur distribution constituent probablement le facteur le plus déterminant pour contrôler la pandémie, a-t-elle souligné.

Les perspectives restent sombres si des mesures radicales ne sont pas prises pour protéger les droits économiques, sociaux et culturels et soutenir les pays à faible revenu, a poursuivi Mme Bachelet. Il s’agit de respecter, de protéger et de réaliser les droits économiques, sociaux et culturels, en accordant la priorité à la couverture sanitaire universelle et à la protection sociale universelle. Il est préoccupant qu’une nouvelle vague d’austérité soit susceptible de toucher environ 85 % de la population mondiale d’ici l’année prochaine, s’est inquiétée la Haute-Commissaire.

Mme Bachelet a ensuite déploré l’exclusion des femmes de l’élaboration des politiques et des prises de décision liées à la COVID-19, soulignant que cela a conduit à des politiques qui ne parviennent généralement pas à traiter de manière adéquate les conséquences sociales et économiques sexospécifiques de la pandémie.

Les droits civils et politiques, tels que le droit de participer aux affaires publiques, la liberté d’expression et la liberté d’association, doivent également être respectés, a insisté Mme Bachelet. Les mesures d’urgence qui peuvent entraîner des restrictions des droits de l’homme doivent être limitées dans le temps et répondre aux exigences de non-discrimination, de légalité, de nécessité et de proportionnalité, a-t-elle rappelé.

Mme Bachelet a expliqué que son rapport décrit plusieurs mesures que les États et autres parties prenantes peuvent prendre pour intégrer une approche fondée sur les droits de l’homme dans les efforts de préparation, d’intervention et de réponse en cas d’urgence sanitaire. Les plans de relance, par exemple, devraient être élaborés et évalués sous l’angle des droits de l’homme. Les réformes budgétaires et économiques proposées devraient être transformatrices du point de vue sexospécifique, s’attaquer aux inégalités préexistantes et éviter d’en créer de nouvelles. Ce dont le monde a besoin, c’est d’une économie des droits de l’homme – une économie qui défende la dignité et les droits de tous et qui promeuve un développement durable ne laissant personne de côté, a insisté la Haute-Commissaire.

Les États doivent intensifier leurs investissements dans les systèmes de santé et de protection sociale en vue de la réalisation progressive des droits économiques, sociaux et culturels, en utilisant le maximum de leurs ressources disponibles. Cela passe par l’imposition progressive, l’allocation efficace et équitable des ressources, la lutte contre la corruption et la coopération internationale.

Mme Bachelet a de nouveau rappelé que l’année dernière, le Secrétaire général avait appelé à un nouveau contrat social et à un nouveau pacte mondial pour lutter contre les inégalités et mieux se remettre de la pandémie. Pour concrétiser cette vision, le monde a besoin que les personnes et leurs droits soient au centre des efforts et des politiques de relèvement ; ce sera la voie vers la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a conclu la Haute-Commissaire.

Aperçu du débat

De nombreux pays se sont dit attristés par les trois millions de morts, par l’aggravation des inégalités et par la perte de moyens de subsistance imputables à la pandémie de COVID-19. Il a en outre été déploré que 87% des doses de vaccins soient allées vers les pays riches, les pays en voie de développement n’ayant reçu qu’entre 0,2% et 0,3% des doses. Il a également été déploré à plusieurs reprises que certains pays stockent des vaccins dans des quantités dépassant les besoins de leurs citoyens, alors que la majorité des pays n'ont pu vacciner qu'un faible pourcentage de leurs citoyens. Le « nationalisme » vaccinal handicape non seulement la reprise sanitaire mondiale, mais aussi la reprise économique, a-t-on mis en garde.

Ont par ailleurs été maintes fois déplorés les effets disproportionnés de la pandémie – du point de vue tant épidémiologique qu’économique et social – sur les femmes et les filles, ainsi que sur les personnes et groupes en situations de vulnérabilité, comme les personnes handicapées.

Il a été noté que la pandémie de COVID-19 et ses effets socioéconomiques négatifs avaient révélé la vulnérabilité collective des États et démontré la nécessité d’une approche fondée sur la solidarité et la coopération internationales pour y faire face. Pour un groupe de pays, face à la baisse des recettes publiques, qui contrarie les efforts déployés pour répondre à la pandémie, l'allégement de la dette peut aider les pays africains à canaliser une plus grande partie de leurs ressources financières limitées vers une réponse d'urgence vitale à la COVID-19 et à investir dans le renforcement de leurs systèmes de santé.

Pour parvenir à une meilleure reprise après la pandémie, toutes les parties devraient accroître leurs investissements dans les droits économiques, sociaux et culturels et dans le droit au développement et renforcer les systèmes de sécurité sociale. Les pays riches ont été appelés à allouer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement.

De nombreux appels ont été lancés en faveur du transfert de médicaments et de technologies de santé au profit des pays en voie de développement. Plusieurs délégations ont salué les initiatives visant à faire des vaccins un bien public mondial accessible et abordable. Une dérogation ciblée et temporaire à l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) a été recommandée, afin de garantir à tous un accès équitable et en temps voulu aux outils contre la COVID-19.

Certaines délégations ont décrit la contribution financière ou en nature de leur pays à la lutte mondiale contre la COVID-19, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’Alliance du vaccin (GAVI) et du dispositif COVAX.

Plusieurs intervenants ont déploré que certains gouvernements aient profité de la pandémie pour imposer de nouvelles restrictions aux droits de l’homme. Une délégation a rappelé que toute restriction aux droits de l’homme devait être nécessaire, proportionnée et non discriminatoire ; avoir un objectif et une durée précis ; et être conforme aux obligations internationales de l’État.

Pour une autre délégation, le rapport de la Haute-Commissaire aurait dû traiter de l'effet des mesures coercitives unilatérales dans le contexte de la riposte aux pandémies.

Un groupe de pays a prié le Haut-Commissariat de compiler les meilleures pratiques en matière de politique familiale, vu le rôle essentiel de la famille dans l’atténuation de l’impact de la pandémie.

Les délégations suivantes ont fait des déclarations : Paraguay (au nom d’un groupe de pays), Estonie (au nom d’un groupe de pays), Cameroun (au nom du Groupe africain), Maurice (au nom d’un groupe de pays), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des pays non alignés), Union européenne, Indonésie (au nom de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est), Danemark (au nom d’un groupe de pays), Koweït, Qatar, Égypte (au nom du Groupe arabe), Cuba, Suisse, Allemagne, Sénégal, Indonésie, Australie, Équateur, Fidji, Bangladesh, Monténégro, Costa Rica, Chine (au nom d’un groupe de pays), Syrie, Brésil, Japon, Bahreïn, Arménie, Iraq, Libye, Togo, Chili, Inde, République de Moldova, Mexique, Maldives, Algérie, Venezuela, Fonds des Nations Unies pour la population, Côte d’Ivoire (au nom d’un groupe de pays), Égypte, États-Unis et Kenya.

 

HRC21.063F