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La Conférence du désarmement tient un débat thématique au titre de la prévention d’une course aux armements dans l’espace

Compte rendu de séance

 

La Conférence du désarmement a tenu aujourd’hui, sous la présidence de l’Ambassadeur Salomon Eheth du Cameroun, un débat thématique au titre de la prévention d’une course aux armements dans l’espace.

Le débat de ce jour a compté avec la participation de quatre panélistes invités par M. Eheth : M. Bassem Hassan, membre de la Mission permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à New York et membre en 2018/2019 du Groupe d’experts gouvernementaux créé par la résolution 72/250 de l’Assemblée générale sur de nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace ; Mme Natalia Archinard, du Département des affaires étrangères de la Suisse et Présidente du Sous-Comité scientifique et technique du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique des Nations Unies (COPUOS) ; Mme Laetitia Zarkan, chercheuse en sécurité spatiale pour l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR) ; et M. Michael Spies, du Bureau des affaires du désarmement de l’ONU (UNODA).

M. Hassan a déclaré que la question de la prévention d’une course aux armements dans l’espace était mûre au sein de la Conférence. Ce n’est pas le manque de connaissances techniques ou de capacités technologiques, mais principalement le manque de volonté politique et la polarisation sur le sujet qui entravent le début des négociations, a-t-il affirmé.

Mme Archinard, a pour sa part, présenté les lignes directrices sur la viabilité à long terme des activités spatiales, adoptées par consensus, après huit ans de travaux, par le Sous-Comité qu’elle préside. Les objectifs de ces directives sont de préserver l’environnement spatial pour les générations actuelles et futures ; d’éviter de causer des dommages à la sécurité des opérations spatiales ; et de promouvoir la coopération internationale.

Mme Zarkan a notamment indiqué que l'UNIDIR suggère de s’attarder sur les objectifs d’un débat sur la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique afin d'aider à faire avancer les discussions. Il est à noter que dans l’une des versions récentes de la résolution de l’Assemblée générale sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, ces objectifs sont énumérés comme étant le fait "d'éviter un grave danger pour la paix et la sécurité internationales " et de garantir l'utilisation continue de l'espace conformément au droit international et aux traités relatifs à l'espace, a-t-elle précisé.

A l’instar de Mme Zarkan, M. Spies a évoqué la résolution 75/36 de l’Assemblée générale, intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable ». Il a donné un aperçu du rapport présenté par le Secrétaire général en application de cette résolution.

Suite à ces interventions, les délégations des pays ci-après ont pris part au débat : Kenya (au nom du Groupe des 21), Canada, Suède, Etats-Unis, Italie, Japon, France, Royaume-Uni, Maroc, Argentine, Espagne, République populaire démocratique de Corée, Allemagne, Chine, Australie, Fédération de Russie, Algérie, République de Corée, Venezuela, Egypte, Inde, Pays-Bas.

 

La Conférence achèvera ce débat ce jeudi 3 juin, à 10 heures.

 

Débat thématique au titre de la prévention d’une course aux armements dans l’espace extra-atmosphérique

Présentations des panélistes

M. Bassem HASSAN, membre de la Mission permanente de l'Égypte auprès des Nations Unies à New-York et membre en 2018/2019 du Groupe d’experts gouvernementaux créé par la résolution 72/250 de l’Assemblée générale sur de nouvelles mesures concrètes de prévention d’une course aux armements dans l’espace, a d’emblée déclaré qu’il existait un consensus de longue date sur le fait que la prévention d’une course aux armements dans l’espace est dans l’intérêt de tous les États et contribue à la paix et à la sécurité internationales. Il existe également une reconnaissance croissante du fait que le cadre juridique international existant n’est pas suffisant pour faire face aux menaces dans ce domaine, en particulier face à la croissance exponentielle du niveau de dépendance à la technologie des systèmes d’exploitation et face au nombre croissant d’acteurs. Or, il existe de profondes divisions quant à la voie à suivre pour faire face à ces menaces, a-t-il constaté.

M. Hassan a ensuite évoqué les différents éléments qui devraient faire partie d’un futur traité, citant en particulier : l’interdiction du placement d’armes dans l’espace extra-atmosphérique ; l’interdiction de l’utilisation de la force contre des objets et des systèmes d’exploitation ; l’obligation qu’aucune disposition du Traité ne soit interprétée d’une manière qui entrave les utilisations pacifiques de l’espace ; l’engagement de renforcer la coopération internationale ; et la mise en place d’un mécanisme de vérification.

En conclusion, M. Hassan a déclaré que la question de la prévention d’une course aux armements dans l’espace était mûre au sein de la Conférence. Ce n’est pas le manque de connaissances techniques ou de capacités technologiques, mais principalement le manque de volonté politique et la polarisation sur le sujet qui entravent le début des négociations, a-t-il affirmé. Il a préconisé de reconnaître et maintenir la complémentarité entre les différentes approches sur cette question.

Présidente du Sous-Comité scientifique et technique du Comité des utilisations pacifiques de l'espace extra-atmosphérique des Nations Unies (COPUOS) , MME Natalia ARCHINARD, du Département fédéral des affaires étrangères de la Suisse, a rappelé que le COPUOS a élaboré les principaux textes juridiques internationaux qui s’appliquent dans le domaine spatial, notamment le Traité de 1967 sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. Ces traités contiennent les principes fondamentaux du droit international de l’espace, tels que la non-ingérence, les consultations internationales, ou encore la responsabilité.

Mme Archinard a ensuite présenté les lignes directrices sur la viabilité à long terme des activités spatiales, adoptées par consensus, après huit ans de travaux, par le Sous-Comité qu’elle préside. Les objectifs de ces directives sont de préserver l’environnement spatial pour les générations actuelles et futures ; d’éviter de causer des dommages à la sécurité des opérations spatiales ; et de promouvoir la coopération internationale, a-t-elle précisé.   Mme Archinard a expliqué que les lignes directrices contribuent à la transparence et au renforcement de la confiance entre les États et entre les acteurs de l’espace et que l’échange d’informations et la collaboration internationale contribuent à la transparence et à la durabilité des activités spatiales. La durabilité et la sécurité sont les deux faces d’une même médaille, a-t-elle conclu.

MME Laetitia ZARKAN, chercheuse en sécurité spatiale pour l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), a relevé que notre dépendance aux systèmes spatiaux s’est renforcée au fil des années, non seulement pour les activités économiques et scientifiques, mais également militaires et sécuritaires. Si les traités existants ont jusqu’ici contribué à la sûreté et à la sécurité dans l'espace et sur Terre, il apparaît désormais que les évolutions technologiques et le risque de conflit dans l'espace progressent beaucoup plus rapidement que les cadres législatif et politique, a-t-elle fait observer. Globalement, presque toutes les nations dépendent à l’heure actuelle de systèmes placés dans l’espace. C’est pourquoi il est important de travailler sur la manière d’améliorer les relations entre les acteurs spatiaux.

Après avoir évoqué les menaces qui pèsent sur les systèmes spatiaux (destruction de satellites par des missiles ; questions d'interférence avec les communications, comme les brouillages radios, les usurpations, les cyberattaques, ou encore l’éblouissement laser pour les satellites d'observation), Mme Zarkan a insisté sur le caractère multiple des enjeux, qui concernant à la fois la stabilité politique, la coexistence, la sécurité dans l’espace et les enjeux de développement de l'activité spatiale.

Si le Traité de 67 est la clé de voûte, la base de notre système, les problématiques relatives à la sécurité spatiale ont évolué, a souligné Mme Zarkan. Après avoir évoqué la proposition d'un projet de traité interdisant le placement d'armes dans l'espace extraatmosphérique (le PPWT), dont la version la plus récente a été présentée en 2014 par la Chine et la Fédération de Russie à la Conférence du désarmement, elle a rappelé que parallèlement à ce projet, d’autres initiatives liées à la sécurité spatiale ont été envisagées, notamment le projet de code de conduite international pour les activités spatiales sur lequel l'Union européenne avait commencé à travailler en 2008. L’initiative la plus récente est la résolution 75/36 intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable », adoptée en décembre dernier par l’Assemblée générale, et qui utilise le cadre comportemental afin d’entamer une conversation qui couvre les préoccupations des États pour mener à un processus par lequel il est possible d’identifier les inquiétudes communes, a indiqué Mme Zarkan.

L'autre volet du travail concerne les divers efforts mandatés par l'ONU ces 30 dernières années, a-t-elle poursuivi, rappelant notamment qu’un groupe d'experts gouvernementaux a été créé pour développer des mesures de transparence et de confiance dans l'espace. Ces discussions ont abouti à un ensemble de mesures volontaires adoptées par l'Assemblée générale en 2013, a-t-elle souligné. L'UNIDIR suggère de s’attarder sur les objectifs d’un débat sur la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique afin d'aider à faire avancer les discussions, a indiqué Mme Zarkan. Il est à noter que dans l’une des versions récentes de la résolution de l’Assemblée générale sur la prévention d’une course aux armements dans l’espace, ces objectifs sont énumérés comme étant le fait "d'éviter un grave danger pour la paix et la sécurité internationales " et de garantir l'utilisation continue de l'espace conformément au droit international et aux traités relatifs à l'espace, a-t-elle précisé.

M. Michael SPIES, du Bureau des affaires du désarmement de l’ONU (UNODA), a donné un aperçu du rapport présenté par le Secrétaire général en application de la résolution 75/36 intitulée « Réduire les menaces spatiales au moyen de normes, de règles et de principes de comportement responsable ». Cette résolution vise à solliciter les vues des Etats Membres et à établir un rapport de fond sur cette question, a-t-il expliqué. Il a précisé qu’à ce jour, quelque 28 Etats ont participé à ce processus et beaucoup ont exprimé leur soutien à une approche basée sur le comportement. Une telle approche pourrait déboucher sur un instrument juridique, a-t-il souligné. Les soumissions (des Etats) reflètent également un riche menu d’éléments susceptibles de constituer la base de normes, de règles et de principes de comportement responsable, parmi lesquels l’affirmation de l’applicabilité du droit international, le respect des instruments existants, la réduction des débris ou l’échange d’informations sur les politiques spatiales nationales et les dépenses militaires.

Les soumissions affirment par ailleurs, d’une manière générale, le rôle central de l’Organisation des Nations Unies, a poursuivi M. Spies. Des préférences ont été exprimées pour créer soit un groupe de travail à composition non limitée, soit un groupe d’experts gouvernementaux pour avancer sur cette question. Il a également été estimé que tout processus devrait être inclusif, prévoir la participation de multiples parties prenantes, y compris le secteur privé, et assurer la participation pleine, significative et égale des femmes, a-t-il conclu.

Aperçu du débat

Plusieurs délégations ont mis l’accent sur l’importance que revêt l’espace, au regard de ses applications touchant à la vie quotidienne et de ses finalités tant civiles que militaires. Les instruments juridiques existants ne permettent pas d’empêcher l’armement ou une militarisation plus poussée de l'espace, ont-elles relevé. Les bénéfices que le monde retire des applications spatiales sont sérieusement menacés par la détérioration actuelle de l’environnement spatial, du fait des risques d’incidents et de l’accroissement des actes hostiles, a constaté une délégation. Il est dès lors nécessaire de consolider et de renforcer le régime actuel et d'en accroître l'efficacité ; il est aujourd'hui crucial de déployer des efforts renouvelés pour faire progresser rapidement le cadre normatif afin de répondre aux menaces de nature sécuritaire qui pèsent sur l'espace extra-atmosphérique, a-t-il été souligné.

Certaines intervenants ont estimé que des normes multilatérales étaient nécessaires en ce qui concerne la destruction d'objets spatiaux et les actions délibérées similaires qui créent des débris spatiaux ou qui, d'une manière ou d'une autre, ont un impact négatif important sur l'environnement spatial et d'autres systèmes spatiaux, y compris les essais d'armes antisatellites.

L'attention a été attirée sur deux ensembles différents de comportements irresponsables dans l'espace : les comportements de négligence non intentionnelle dans l'exécution d'activités spatiales ayant des impacts potentiels ou indirects sur la sécurité, et les comportements découlant d'actions intentionnelles ayant un impact direct sur la sécurité des acteurs spatiaux et de leurs systèmes.

La Conférence du désarmement devrait établir un groupe de travail sur la prévention d'une course aux armements dans l'espace dès que possible, afin d'entamer des négociations sur un instrument juridiquement contraignant, a-t-il été demandé.

Certains pays ont estimé qu’un tel instrument devrait avoir une portée globale comprenant quatre interdictions qui pourraient être soumises à des régimes de vérification : l'interdiction de placer des armes, défensives ou offensives, dans l'espace extra-atmosphérique ; l'interdiction de toute attaque armée contre des satellites ou tout autre objet spatial ; l'interdiction de toute interférence nuisible intentionnelle qui interrompt le fonctionnement normal des objets spatiaux ; et l'interdiction de développer, tester et stocker des armes spécifiquement conçues dans le seul but d'attaquer des biens spatiaux ou d'être déployées ou utilisées comme armes dans l'espace extra-atmosphérique.

Plusieurs délégations ont apporté leur soutien à la résolution 75/36 de l’Assemblée générale des Nations Unies relative à la réduction des menaces dans l’espace par l’adoption de normes, principes et règles de comportement responsable. Cette résolution lance un processus inclusif, graduel et ouvert de définition de normes de comportement responsables, a-t-il été relevé. L'élaboration de normes universellement reconnues créerait un élan pour des mesures plus ambitieuses, y compris la possibilité éventuelle d'un régime complet, vérifiable et juridiquement contraignant, a-t-on fait valoir.

Plusieurs pays ont ainsi défendu une approche par les comportements, qui apparaît aujourd’hui comme la plus adaptée pour améliorer de manière pragmatique et immédiate la sécurité spatiale, dans la mesure où une telle approche permettra de réduire les risques d’incompréhension et de malentendu dans l’espace. Cette approche basée sur les comportements semble pouvoir être particulièrement pérenne car elle ne pourra pas être dépassée par les développements technologiques futurs, a souligné une délégation.

Plusieurs délégations ont critiqué les puissants moyens utilisés par certains États pour maintenir leur domination dans l'espace tout en refusant d'aborder la question de la prévention d'une course aux armements. Certains intervenants ont rappelé que tous les États avaient le droit d'explorer l'espace extra-atmosphérique à des fins pacifiques et que tous les actes allant à l'encontre de ce principe devraient être rejetés, y compris le déploiement unilatéral d'armes dans l'espace.

Plusieurs pays ont déclaré que le projet de traité sino-russe sur la prévention du placement d'armes dans l'espace conservait des défauts fondamentaux, notamment l'absence de définitions claires et de mécanismes de vérification efficaces. D’autres délégations, au contraire, ont défendu ce projet de traité en estimant qu’il s’agissait d’un pas important vers une limitation de la course aux armements dans l’espace et ont plaidé pour améliorer ce projet ensemble.

Plusieurs délégations ont estimé que la Conférence était le lieu idoine pour négocier un tel traité et ont insisté pour que tous les Etats fassent preuve de bonne volonté politique, regrettant que certains bloquent cette négociation depuis plusieurs années.

 

DC21.026F