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Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes tient une journée de débat général sur "les droits des femmes et des filles autochtones"

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu aujourd'hui, par vidéo-conférence, un débat général sur «les droits des femmes et des filles autochtones». Ce débat doit servir de base à l'élaboration, par le Comité, d'une recommandation générale sur ce thème.

La Présidente du Comité, Mme Gladys Acosta Vargas, a rappelé qu'en vertu du droit international, les États ont l'obligation de veiller au respect de tous les droits reconnus aux femmes et aux filles autochtones. Elle a mis l'accent sur la nature intersectorielle et universelle de ces droits. La Présidente a indiqué que la discussion d'aujourd'hui constituait la première étape du processus d'élaboration d'une recommandation générale pour les droits des femmes et des filles autochtones. Les recommandations du Comité viseront à obtenir la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour mettre fin aux discriminations et éliminer les dispositions légales héritées notamment du colonialisme; elles devront en outre rappeler aux États leur obligation d'appliquer le principe de devoir de diligence pour toutes formes de violence sexiste et sexuelle à l'égard des femmes et filles autochtones. Le chef de la Section des peuples autochtones et des minorités, M. Paulo David, a pris la parole au nom du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme.

Le débat était organisé autour de deux thèmes : «Égalité et non-discrimination avec un accent mis sur les femmes et les filles autochtones et les formes croisées de discrimination» et «Participation effective, consultation et consentement des femmes et des filles autochtones dans la vie politique et publique». Les débats étaient animés, respectivement, par Mme Marion Bethel et Mme Bandana Rana, membres du Comité.

Intervenant en tant que panéliste sur les formes croisées de discrimination, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, M. Francisco Calí Tzay, a souligné l'importante contribution des procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme dans la promotion des droits des femmes autochtones et exprimé sa vive préoccupation face à l'augmentation des incidents de violence, voire de meurtres contre les femmes autochtones. Autre panéliste, Mme Victoria Tauli-Corpuz, Directrice exécutive de la Fondation Tebtebba et ancienne rapporteuse spéciale, a souligné que les femmes autochtones détiennent un savoir et un savoir-faire unique qu'il est indispensable de préserver pour l'humanité. Pourtant, les femmes autochtones continuent de perdre leur autonomie et leur pouvoir de décision sur l'environnement, la terre et la famille. Enfin, la Présidente du Mécanisme d'experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Mme Laila Vars, a rappelé l'appel lancé par le Mécanisme aux États pour abroger toutes les lois discriminatoires concernant l'héritage et la propriété foncière.

S'agissant des panélistes sur le thème de la participation effective des femmes autochtones dans la vie politique et publique, la Présidente de l'Instance permanente sur les questions autochtones, Mme Anne Nuorgam, a estimé que la recommandation générale du Comité constituera un jalon historique dans l'action en vue de l'autonomisation des femmes autochtones. Mme Tarcila Rivera Zea, Présidente du Conseil exécutif de Centre des cultures

autochtones du Pérou, a déclaré que cette recommandation générale contribuera à donner effets aux droits collectifs des femmes autochtones.

Ont participé au débat les représentants des pays suivants : Suède, Ukraine, Argentine, Danemark, Arménie, Équateur, Brésil, Pérou, Norvège, Guatemala, Royaume-Uni, Espagne, Azerbaïdjan. Des déclarations ont également été faites par les représentants de l'ONU-femmes et du Comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, ainsi que des institutions des droits de l'homme de l'Inde, de l'Équateur, des Philippines, du Groenland (Danemark). De nombreuses organisations non gouvernementales ont également contribué au débat : Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique; Collectif des femmes et des filles autochtones ; Collectif Ixpop ; Canadian Aboriginal AIDS Network ;MADRE – Rosa Luxembourg Stiftung Indigenous ; Asia Indigenous Peoples Pact ; Organización Nacional de Mujeres Indígenas Andinas y Amazónicas del Perú ; Right Livelihood Award Foundation et Centro por la Justicia y Derechos Humanos de la Costa Atlántica de Nicaragua ; Center for Reproductive Rights ; Organisation des femmes autochtones africaines ; Forum international pour les peuples autochtones ; Article XIX ; Alliance internationale pour le handicap; Alliance féministe canadienne ; ESCR-Net International Network for Economic, Social and Cultural Rights ; Réseau des femmes autochtones d'Asie ; Maat for Peace ; Groupe Santo Domingo Soriano ; réseau aborigène sur la société du handicap.

Le caractère multidimensionnel des discriminations et vulnérabilités des femmes et filles autochtones a été mis en avant à maintes reprises durant le débat général. Les États ayant pris la parole ont reconnu les discriminations multiples auxquelles les femmes et filles autochtones sont confrontés, tout en décrivant les stratégies et programmes qu'ils ont mis en place pour y remédier.

Parmi les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées, plusieurs ont invité le Comité à appeler dans sa recommandation générale à favoriser l'accès des femmes autochtones à l'éducation, aux services de santé, à la justice, à la vie politique. Elles ont fait valoir l'importance pour la société des savoirs ancestraux détenus par les femmes autochtones, ainsi que la nécessité de protéger celles parmi elles qui sont défenseuses de l'environnement et de leur territoire face à l'impact du changement climatique, mais également des mégaprojets et de l'extraction minière. Les droits des femmes autochtones handicapées ont également été défendus.

 

La prochaine séance publique du Comité se tiendra à 17 heures le jeudi 1er juillet 2021, à l'occasion de la clôture des travaux de la présente session.

 

Déclarations liminaires

 

MME GLADYS ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a déclaré que les droits des femmes et filles autochtones sont consacrés par plusieurs instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. Partant, les États ont l'obligation de veiller au respect de tous les droits dont elles doivent jouir. La Présidente a mis l'accent sur la nature intersectorielle et universelle de leurs droits. Elle a aussi souligné l'action des femmes autochtones en tant que défenseuses des droits des peuples autochtones aux niveaux local, national, régional et international. Mme Acosta Vargas a déclaré qu'il n'existe pas de forme de discrimination « isolée »; certaines sont liées au fait même qu'il s'agit de femmes, d'autres aux activités touristiques, minières, aux grand travaux. La discrimination surgit dans tous les domaines liés aux moyens d'existence et de subsistance. La discussion d'aujourd'hui est la première étape du processus d'élaboration d'une recommandation générale pour les droits des femmes et des filles autochtones; il s'agit notamment d'examiner et de corriger les législations héritées de la colonisation. Les recommandations du Comité viseront à obtenir la mise en œuvre de tous les moyens possibles pour rectifier les discriminations et les éliminer. Elle a également évoqué le droit au recours et aux réparations, deux éléments essentiels du droit des peuples autochtones à l'autonomie. De ce fait, il faudrait veiller à ce que les femmes autochtones aient accès à un système judiciaire libre de tout préjugé fondé sur le genre et sur l'appartenance à un groupe ethnique. Les États ont l'obligation d'appliquer le principe de devoir de diligence pour toutes formes de violence sexiste et sexuelle à l'égard des femmes et filles autochtones, a poursuivi la Présidente. Elle a appelé à une participation « effective et concrète » des femmes à des postes de direction à tous les niveaux de leur communauté, local, national et international, sans discrimination aucune liée à des préjugés. Il faut aussi prévoir des protections contre la criminalisation du travail des défenseuses autochtones des droits de l'homme.

Au nom du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, M. PAULO DAVID, chef de la Section des peuples autochtones et des minorités, a notamment souligné la nature intersectorielle de la discrimination à l'égard des femmes autochtones alors qu'elles jouent un rôle fondamental dans la préservation et la transmission de la culture autochtone. Elles sont en outre très exposées au risque d'être victimes de violences et e phénomènes tels que la traite. Le Haut-Commissariat mène des efforts pour favoriser l'autonomisation des femmes autochtones et l'intégration de leurs droits dans les textes législatifs des États, a fait valoir M. David. Il a par ailleurs souligné que la discrimination contre les femmes et les filles autochtones affecte tous les aspects de la vie quotidienne de ces populations, rendant nécessaires des politiques qui prennent en compte leur situation.

Égalité et non-discrimination avec un accent mis sur les femmes et les filles autochtones et les formes croisées de discrimination

Présentations des panélistes

M. FRANCISCO CALÍ TZAY, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a souligné le besoin pressant d'aborder systématiquement la situation des droits des femmes et des filles autochtones. Cette question, extrêmement importante pour son mandat, est l'une des questions les plus alarmantes auxquelles le monde est confronté aujourd'hui. À l'occasion de cette journée de débat général nous devons reconnaître que les femmes autochtones subissent un éventail d'abus de leurs droits humains qui s'exacerbent mutuellement. Il faut aujourd'hui d'urgence une reconnaissance et une protection des droits des femmes et des filles autochtones. Les femmes autochtones subissent des vulnérabilités multiples et qui se croisent dans un éventail d'abus de leurs droits humains qui s'exacerbent mutuellement, notamment face aux structures patriarcales, à la marginalisation dans le domaine de l'emploi et du contrôle de ressources. Les femmes autochtones sont tout particulièrement vulnérables face à la violence au motif du genre : agressions sexuelles, traite, assassinats, enlèvements, pauvreté, effets de la colonisation, racisme systémique, marginalisation. Tous ces éléments contribuent à cette discrimination spécifique dont sont victimes les femmes autochtones. Par ailleurs, les progrès accomplis restent limités par rapport à l'ampleur des abus qu'elles subissent.

MME VICTORIA TAULI CORPUZ, Fondatrice et Directrice exécutive de la Fondation Tebtebba (Indigenous Peoples' Centre for Policy Research and Education) , a souligné que les femmes autochtones détiennent un savoir et un savoir-faire unique qu'il est indispensable de préserver pour l'humanité. Elle a rappelé la « fausse dichotomie » qui a longtemps régné entre droits individuels et droits collectifs, fondée sur des valeurs occidentales, étrangères à la réalité autochtone. Le débat est désormais plus clair et mieux géré à ce sujet, a-t-elle estimé. Elle a signalé qu'alors que nombre de peuples autochtones ont des pratiques matrilinéaires et matriarcales, les femmes autochtones continuent de perdre leur autonomie et leur pouvoir de décision sur l'environnement, la terre et la famille. Mme Tauli Corpuz a fait part de ses recommandations sur les droits des femmes et des filles autochtones, notamment la nécessité de disposer de données ventilées, surtout sur les formes multiples de discrimination. Les États doivent en outre s'assurer du respect de l'application des objectifs de développement durable.

MME LAILA VARS, Présidente du Mécanisme d'experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, a pour sa part estimé que les femmes et filles autochtones sont plus autonomes que jamais mais sont confrontées à des difficultés croissantes dues à la pandémie. Elle a souligné que la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est le document fondamental sur toutes les questions touchant ces peuples. Les femmes autochtones, surtout les femmes âgées, jouent un rôle crucial dans la préservation des langues autochtones, d'où une proposition adressée au Conseil des droits de l'homme par le Mécanisme. La pierre angulaire de la Déclaration est l'autodétermination dans tous ses aspects, comme le droit à vivre en paix. Mme Vars a rappelé l'appel lancé par le Mécanisme aux États pour abroger toutes les lois discriminatoires concernant l'héritage et la propriété foncière. Les femmes et filles autochtones sont également en danger face aux risques de traite, notamment aux frontières. Le Mécanisme œuvre à une étude sur l'impact de la pandémie sur les femmes et filles autochtones. Enfin, elle a appelé de ses vœux une coopération suivie entre les deux organes.

Aperçu du débat

La Suède a déclaré que les femmes autochtones défenseuses des droits de l'homme ont subi des violations complexes et multidimensionnelles se renforçant mutuellement, en particulier lorsqu'elles remettent en question les rôles traditionnels hommes-femmes. Cela doit cesser. Les États ont la responsabilité de défendre les droits de l'homme et de garantir un environnement sûr et propice aux défenseurs des droits de l'homme. La Suède continuera à mettre en œuvre une politique étrangère féministe et invite les autres États à lui emboîter le pas.

L'Ukraine a indiqué qu'un projet de loi nationale sur les peuples autochtones visait à promouvoir en Ukraine les droits des peuples autochtones tels que prévus par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, malgré une campagne de désinformation visant à discréditer cet effort. L'Ukraine rejette l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie et la délégation a présenté le témoignage de Fatma Ismaelova, qui a décidé de se battre contre les exactions à l'encontre des femmes tatares en proie à des souffrances indicibles depuis l'annexion de la Crimée. Les femmes de Crimée doivent aujourd'hui être les soutiens de famille et les défenseuses de la justice face à l'islamophobie, au sexisme et à l'intimidation.

L'Argentine a fait état de stratégies particulières menées par le pays en vue de l'accès des autochtones aux droits de l'homme, y compris de santé reproductive, attirant l'attention à cet égard sur le travail de l'Institut national des femmes autochtones. À l'échelle nationale, des dialogues sur la violence sexiste contre les femmes autochtones étaient en cours. L'État mène plusieurs stratégies pour réaliser des progrès en matière de droits sexuels et reproductifs. Le changement climatique est un autre problème qui touche particulièrement les femmes autochtones et auquel il faut s'attaquer. En outre, Les organismes publics s'efforcent de pallier aux difficultés concernant l'appui aux autochtones dans le contexte de la pandémie de COVID-19.

Le Danemark, au nom également du Groenland, a estimé que les vulnérabilités manifestes durant la pandémie COVID-19 au Groenland n'étaient guère récentes si l'on prend en considération le « large éventail » d'obstacles auxquels se heurtent les femmes et filles autochtones s'agissant en particulier des violations du droit à l'autodétermination et la mauvaise qualité des services de santé reproductive, notamment le manque de services et de moyens de contraception, ce qui entraîne des mariages précoces, des avortements, des complications de grossesse, entre autres. On estime qu'une femme autochtone sur trois a subi un viol au cours de son existence. Un soutien aux organisations et réseaux locaux et régionaux est vital, ainsi que l'abolition de lois discriminatoires pour autonomiser les femmes, en particulier par un accès à une éducation de qualité qui les mettront alors en mesure de prendre des décisions sur leur propre corps.

L'Arménie a salué la décision du Comité de se concentrer sur l'élimination des obstacles spécifiques et multidimensionnels auxquels sont confrontées les femmes et les filles autochtones. Dans le contexte du changement climatique et de la dégradation de l'environnement, le lien étroit des peuples autochtones avec les ressources naturelles doit être maintenu et valorisé. Les droits économiques et l'autonomisation des femmes autochtones sont particulièrement importants à cet égard. Elle a également abordé la problématique des défis que posent la militarisation et l'instrumentalisation des crimes de guerre pour terroriser les populations autochtones. Les femmes autochtones doivent pouvoir jouer un rôle déterminant dans le développement durable.

L'Équateur a déclaré que son Conseil national pour l'égalité des peuples et des nationalités avait été créé en 2014 pour garantir le respect du droit à l'égalité et à la non-discrimination. Parmi les initiatives en cours, des rencontres sont organisées pour discuter des expériences et des relations à l'intérieur et à l'extérieur du foyer. Une réflexion est également menée sur l'environnement, l'éducation et la santé.

Pour le Brésil, outre les nombreuses discriminations et défis quotidiens, notamment géographiques, économiques et d'accès aux soins de santé, les femmes autochtones subissent d'autres difficultés à cause de l'analphabétisme, qui entrave leur participation à la vie politique. Si davantage de femmes autochtones occupent des postes de décisions, les barrières structurelles tomberont progressivement.

La Directrice du Bureau régional pour les Amériques et les Caraïbes de l' ONU-femmes a partagé son expérience de travail avec les femmes et filles autochtones et invité à la prise en compte, lors de l'élaboration de la recommandation générale du Comité, de la reconnaissance du lien entre les femmes autochtones, la terre, l'eau et les territoires, ainsi que les dangers auxquels se heurtent les défenseuses de l'environnement, en particulier sous l'angle des effets du changement climatique. Les efforts menés par l'ONU-femmes dans la région portent notamment sur l'élimination des multiples violences et l'appui aux survivantes, la facilitation de l'accès au crédit et à un financement novateur reconnaissant le savoir particulier des femmes autochtones, et la promotion de lois, politiques et budgets prenant en considération l'exercice concret des droits des femmes et filles autochtones.

Membre du Comité des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, Mme Amalia Gamio a affirmé qu'aujourd'hui encore, les femmes autochtones vivant avec un handicap ne sont pas incluses dans les politiques publiques, ce qui les rend encore plus invisibles. Il faut mettre à leur disposition des moyens conformes à leur handicap, notamment s'agissant de l'enseignement et de l'utilisation de la langue des signes. Le programme à l'horizon 2030 et le nouveau programme pour les villes d'Habitat III sont également à transversaliser, a-t-elle proposé, insistant à son tour sur l'importance de rendre visibles les femmes autochtones handicapées.

Sont également intervenues des organisations de la société civile. La Commission nationale des droits de l'homme de l'Inde a fait remarquer que le Gouvernement indien ne reconnaissait pas l'existence de peuples autochtones sur son territoire, alors que 705 tribus sont enregistrées et que les différents États fédérés cherchent à les inclure dans les politiques électorales, les institutions et les pouvoirs locaux. L'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique a pour sa part déclaré qu'en 1876, la Loi canadienne sur les Indiens imposait un système patriarcal en vertu duquel les femmes appartenant aux Premières Nations étaient privées du statut d'«Indien» prévu par ladite loi lors du mariage avec des hommes non amérindiens et les empêchait de transmettre leur statut à leurs enfants. L'organisation a aussi souligné que, sur leurs territoires, les femmes et les filles autochtones étaient en première ligne de la protection de l'environnement contre le changement climatique et les effets de l'extraction destructrice des ressources.

Le Collectif des femmes et des filles autochtones a invité le Comité à encourager à des programmes et campagnes de sensibilisation à la santé sexuelle au profit des garçons, des filles et des jeunes autochtones, ainsi qu'à la conception de programmes basés sur la médecine traditionnelle et autres formes de savoirs. Le Collectif a également appelé le Comité à entamer un dialogue direct avec les groupes autochtones. Pour sa part, le Collectif Ixpop a rappelé qu'au Guatemala, l'inégalité, le racisme et la discrimination sont des problèmes qui ont marqué l'histoire du pays et créé des difficultés sociales à long terme pour les femmes autochtones. Ainsi, des pratiques reposant sur des préjugés sont considérées comme normales à tous les niveaux des relations humaines.

Le Canadian Aboriginal AIDS Network a déclaré que ce pays était connu, à l'échelle internationale, pour sa façon de pénaliser les personnes vivant avec le VIH, ce qui fait que ces personnes n'osent pas faire part de leur situation de peur de représailles. La peur et la stigmatisation favorisent la transmission, a commenté l'oratrice, expliquant par ailleurs que les femmes autochtones travailleuses du sexe ne pouvaient pas s'adresser à la police sans risquer d'être punies. Elle a évoqué la nécessité de mettre en place des programmes et services appropriés du point de vue culturel qui soient conçus par des personnes ayant vécu cette expérience.

L'organisation MADRE – Rosa Luxembourg Stiftung Indigenous, déclarant être une femme autochtone handicapée d'une région rurale du Népal, a déclaré que les femmes autochtones constituaient un groupe très diversifié, subissant de multiples formes de discrimination, dont certaines fondées sur le racisme. Les femmes autochtones veulent être traitées sur un pied d'égalité avec les autres femmes, et que leurs droits collectifs et leurs identités croisées soient protégés et promus.

Asia Indigenous Peoples Pact a déclaré que les femmes et les filles autochtones constituaient certains des groupes les plus divers et les plus marginalisés d'Asie. Des formes multiples et imbriquées de discrimination sont perpétuées par l'absence de reconnaissance légale. Elle a appelé le Comité à mettre l'accent sur l'importance primordiale de la reconnaissance juridique des peuples autochtones. La violence fondée sur le sexe envers les femmes et les filles autochtones faisait partie d'une violence structurelle persistante.

L' Organización Nacional de Mujeres Indígenas Andinas y Amazónicas del Perú a salué l'initiative d'une recommandation générale sur les femmes autochtones par le Comité. Au Pérou, le gouvernement a promulgué des lois et adopté des normes qui encouragent les activités d'extraction qui exacerbent le changement climatique et portent atteinte aux droits des autochtones à la terre, avec des effets néfastes sur l'accès à l'eau potable et à la nourriture. La Right Livelihood Award Foundation et le Centro por la Justicia y Derechos Humanos de la Costa Atlántica de Nicaragua ont déclaré que l'insécurité permanente, le harcèlement et les attaques armées avaient provoqué le déplacement forcé de communautés entières et affecté de manière disproportionnée les femmes, les adolescentes et les filles autochtones. Il n'y a aucune garantie d'accès à la justice pour les femmes autochtones victimes de violence et de discrimination fondées sur le genre. La porte-parole du Center for Reproductive Rights a déclaré qu'elle et sa famille avaient défendu le territoire de leurs ancêtres, lorsque, en guise de punition pour son rôle de leader, elle avait été violée. Étant donné le manque d'accès aux soins de santé sexuelle et reproductive au Honduras, elle avait été forcée d'accepter la maternité, ce qu'elle ne voulait pas. Elle a demandé au Comité d'exhorter les États parties à prendre des mesures contre la violence à l'égard des femmes rurales autochtones et à garantir l'accès aux pilules contraceptives d'urgence et à l'avortement sans risque.

Participation effective, consultation et consentement des femmes et des filles autochtones dans la vie politique et publique

Déclaration liminaire

MME ACOSTA VARGAS, Présidente du Comité, s'agissant de la participation effective des femmes autochtones dans la vie politique et publique, souligné qu'il était important de ne pas se contenter de gestes pour donner une apparence d'égalité mais de bien intégrer les femmes autochtones dans la vie publique et politique en prenant en considération les différents cycles de leur vie. La présidente a recommandé de protéger les défenseuses des droits de l'homme et d'empêcher les représailles à leur encontre. Les États parties devront promouvoir la participation active, significative et informée des femmes autochtones, notamment dans le cadre de la prise de décisions pour sortir d'un conflit armé et reconstruire. Prônant l'égalité à tous les égards, telle qu'énoncée dans la Convention, la Présidente a invité à jeter les bases d'un climat sûr et sain pour la participation réelle des femmes autochtones à la vie politique.

Présentations des panélistes

MME ANNE NUORGAM, Présidente de l'Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, a d'emblée renvoyé au génocide des autochtones par les colonisateurs et les nombreuses discriminations qui s'ensuivirent au fil des siècles. Avec le temps, les femmes autochtones ont fini par se rencontrer et s'organiser. Ainsi, le document final de la Conférence mondiale sur les populations autochtones a inclus les doléances et suggestions des femmes autochtones. Or, aujourd'hui encore, la violation de leurs droits sont perçus comme «normaux», y compris au sein de leur propre communauté. En règle générale, comme leur participation politique n'est pas institutionnalisée, leurs doléances demeurent invisibles. À cet égard, elle a encouragé les États à favoriser la participation des femmes autochtones à des organes de gouvernance. Dans ce contexte, elle a proposé des stratégies pour relever tous ces défis : encourager l'interaction avec les institutions onusiennes et étatiques ; promouvoir les partenariats entre et avec leurs organisations, notamment avec le milieu académique ; soutenir les échanges intergénérationnels ; saluer les réussites des femmes autochtones qui sont à des postes de décision, par exemple. L'Instance permanente est engagée dans le processus censé conduire à la recommandation générale qui sera un jalon « historique » dans l'action en vue de l'autonomisation des femmes autochtones. Mme Nuorgam a enfin rappelé l'importance des droits tant individuels que collectifs.

MME TARCILA RIVERA ZEA, Présidente du Conseil exécutif de CHIRAPAQ, Centre des cultures autochtones du Pérou, a estimé que la recommandation générale du Comité devrait permettre de donner effets aux droits collectifs des femmes autochtones, dans toute leur diversité. On a tendance à penser que les femmes autochtones vivent uniquement dans le milieu rural mais cela ne correspond pas à la réalité. Personne mieux que les femmes autochtones ne sait quelle mesure adopter pour donner effet à leurs droits. Par ailleurs, les institutions chargées des autochtones ne disposent pas des moyens humains et financiers adéquats pour une inclusion adéquate des autochtones dans la vie publique, certains souffrant notamment de l'éloignement géographique. S'agissant de la dénonciation des violences, elle a indiqué que les femmes autochtones sont souvent victimes de discrimination et pas assez entendues alors qu'elles exercent un rôle essentiel dans leurs communautés respectives. Il faudrait envisager des mesures spécifiques pour montrer la place indispensable qu'elles occupent et les considérer comme des alliées stratégiques dans la protection des ressources. D'autre part, il convient de promouvoir des mesures d'action positive avec une approche de genre interinstitutionnelle, ainsi que des espaces pour la formation exhaustive des filles et des jeunes mais également des fonctionnaires de façon générale. Il est très important de créer ou de renforcer des mécanismes et institutions spécifiques pour les femmes autochtones. Il y a de l'espoir, a-t-elle néanmoins conclu, en espérant que les États soient à l'écoute.

Aperçu du débat

Le Pérou a indiqué que les élections menées en avril dernier avaient abouti à une représentation féminine de 37 %. Néanmoins, les structures de pouvoir des peuples autochtones ne facilitent pas l'inclusion et l'autonomisation des femmes ; il faut donc être conscient que les efforts des pouvoirs publics resteront limités s'ils ne s'accompagnent d'efforts de la part des communautés autochtones. Les autochtones ont subi des processus d'intervention et d'acculturation et la seule manière de garantir la pleine participation dans les prises de décisions consisterait à reconnaître que le lieu de décision du destin des peuples autochtones doit relever de leurs communautés, de façon libre et sans l'influence d'organismes ou de personnes étrangères à celles-ci.

La Norvège a souligné le droit des femmes autochtones à une participation pleine et entière, sur un pied d'égalité et après une consultation éclairée. À cet égard, l'éducation joue un rôle essentiel pour tous, sans discrimination aucune, y compris pour les femmes et les filles, afin de leur permettre de jouir et défendre leurs droits civils et culturels. Dans cet esprit, l'adaptation des services doit être reflétée dans l'apprentissage des langues autochtones et de leur vision du monde. Au fil du temps, les peuples autochtones ont gagné en connaissances pour faire face aux effets du changement climatique. La Norvège a mis l'accent sur l'égalité dans sa législation et sa pratique.

Le Guatemala a indiqué que le dernier recensement avait révélé que 43,8 pour cent de la population du pays était d'origine autochtone. Le Guatemala a mis en place quatre grands organismes chargés des droits des peuples autochtones, ainsi que des espaces de dialogue et de discussion. Les femmes et filles autochtones sont les principales cibles du prochain plan de développement, a précisé l'orateur. Le Guatemala a jugé qu'une recommandation générale serait utile et nécessaire et aiderait à l'application du plein respect des droits des femmes autochtones.

Le Royaume-Uni a annoncé que lors de sa présidence de la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP26) en novembre prochain, le pays entendait bien inclure la problématique autochtone, rappelant qu'en 2007, il avait aussi appuyé l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.

L'Espagne a indiqué que 50% des projets appuyés cette année avaient pour cible l'objectif 5 des objectifs de développement durable des Nations Unies : parvenir à l'égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles. Des projets ont aussi été mis en place auprès des entreprises pour les responsabiliser quant à leurs obligations vis-à-vis des peuples autochtones.

L'Azerbaïdjan, qui compte une cinquantaine d'associations qui s'occupent des femmes autochtones, s'est félicité des activités de nombreux groupes de folklore et de musique, tandis qu'avec la reconnaissance de la liberté de culte, de nombreux autres groupes religieux exercent leurs droits dans des projets de vie à tous les niveaux.

S'agissant de la société civile, le Consejo Nacional para la Igualdad de Género de Ecuador a pointé un taux élevé d'analphabétisme parmi les femmes autochtones de son pays. Des situations d'inégalités perdurent en dépit les politiques positives en vigueur. La Commission nationale des Philippines a rappelé que la Constitution du pays avait inscrit tous les principes du droit international. Elle a souligné l'importance d'assurer sur un pied d'égalité la jouissance des opportunités par les femmes et les hommes autochtones dans les questions qui pourraient affecter leurs droits, des vies et des destins.

La Commission nationale des droits de l'homme de l'Inde a souligné que pour le Gouvernement indien, tous les Indiens sont autochtones. Dans les communes tribales, les femmes jouent un rôle essentiel et participent activement aux structures politiques de l'Inde. Cependant, des difficultés persistent dans la santé, l'éducation, le droit à la propriété et à la terre, a affirmé l'oratrice, qui a fustigé tous les actes d'incitation à la haine. Le 7 octobre dernier, un avis consultatif a été émis, qui exclut les femmes autochtones de la vie politique et de la gouvernance.

L'Organisation des femmes autochtones africaines a souligné le problème important que constitue le changement climatique pour les filles autochtones en Afrique, car il entraîne des sécheresses et des niveaux accrus de pratiques culturelles néfastes. Les filles autochtones ne sont pas sensibilisées à leurs droits, car l'éducation des filles n'est pas considérée comme une priorité dans de nombreux ménages. Les États membres doivent inclure l'instruction civique des filles et des femmes autochtones, ainsi que des formations à la santé génésique. Beaucoup de communautés ne disposent pas d'école, ce qui contraint les filles à l'abandon scolaire.

Le Forum international pour les peuples autochtones, en partenariat avec d'autres organisations, dont MADRE, qui ont soumis une déclaration conjointe, a estimé que la recommandation générale devrait promouvoir un changement de critères et de paradigmes en vue d'un leadership des femmes à tous les niveaux. Il a en outre appelé au respect des droits collectifs, ainsi qu'à une définition du contenu spécifique du droit à l'autodétermination comme condition préalable à la mise en œuvre de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones. Enfin, le Forum a exhorté les États membres à l'application concrète de la Convention.

Article XIX a œuvré à la promotion de l'accès des femmes à l'information dans l'État du Chiapas, au même titre que d'autres droits. Il existe encore des violences politiques contre les femmes autochtones lorsqu'elles cherchent à s'informer sur des mégaprojets, d'où l'impératif d'avoir des politiques transparentes qui tiennent compte du fossé numérique, technologique et linguistique, et de la violence politique à l'égard des femmes qui défendent les territoires autochtones.

Le Collectif Ixpop a demandé au Guatemala de respecter les droits des peuples autochtones, d'intégrer les savoirs ancestraux, de reconnaître les médicaments ancestraux comme partie intégrante des droits de l'homme, et à faire appliquer la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail (OIT). Il faut adopter des instruments politiques reconnaissant la défense de la terre, des fleuves et d'autres ressources par les autochtones.

Une népalaise handicapée, qui parlait au nom de l'Alliance internationale pour le handicap, a dénoncé les discriminations multiples au motif du genre, de l'handicap, de l'appartenance ethnique ou de l'orientation sexuelle, ce qui renforce l'exclusion sociale et nuit au développement dans tous les domaines. Une étude menée au Canada montre que 74% des femmes handicapées subissent des violences aux mains de leurs partenaires. Elle a exhorté à une visibilité accrue des femmes autochtones handicapées, ce que la recommandation générale devrait également inclure. L'Alliance féministe canadienne a déclaré que la Loi sur les Indiens était discriminatoire à l'égard des femmes et privait les Amérindiens de leur statut spécifique. La formulation même de ce texte est raciste.

Une oratrice, qui s'exprimait au nom de ESCR-Net International Network for Economic, Social and Cultural Rights, a aussi exigé la participation politique, arguant que les femmes autochtones sont des actrices puissantes du développement, de la défense de la terre, des biens et des ressources naturelles.

Le Réseau des femmes autochtones d'Asie a déclaré que des milliers d'autochtones ne sont pas enregistrés du fait de leur incapacité à comprendre les documents pertinents. Cela constitue un obstacle que la recommandation générale devrait appeler à lever par l'enregistrement des naissances et en mettant fin à la discrimination fondée sur le genre. Il s'agit de renforcer également les systèmes de participation des accoucheuses autochtones.

Le Conseil des droits de l'homme du Groenland a souligné que les communautés autochtones groenlandaises étaient confrontées à des chiffres élevés d'abus sexuels.

Au nom d'un réseau réunissant des centaines d'organisations, une intervenante s'est intéressée à la pleine participation des femmes sur la base de leur consentement éclairé en connaissance de cause. L'attention a aussi été attirée sur les activités des entreprises et la nécessité d'adopter un instrument juridiquement contraignant sur les activités des sociétés qui mènent des actions qui bafouent les droits des peuples autochtones.

Maat for Peace est très préoccupée par les conséquences issues des inégalités de genre dans les territoires autochtones. Dans certains pays, elles sont tout simplement exclues, comme par exemple par le Gouvernement fédéral en Éthiopie.

Le Groupe Santo Domingo Soriano a souligné que les dirigeantes autochtones sont rares en Uruguay. Ainsi, le Parlement ne compte que deux femmes autochtones. Une loi est en cours d'élaboration pour changer cette donne et des efforts sont consentis en termes de formation aux connaissances anciennes, à l'histoire et aux personnages importants de la population autochtone. « On aime ce que l'on connaît », a ajouté l'oratrice, en se félicitant de l'inclusion du Guarani comme langue officielle du MERCOSUR.

Le Canada est signataire de la Convention et il a l'obligation de protéger les femmes contre les agressions sexuelles visant les femmes autochtones, a déclaré le réseau aborigène sur la société du handicap, qui a fait une série de propositions concernant notamment l'élimination des barrières linguistiques dans la province de Québec.

 

CEDAW21.006F