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Le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats souligne que la pandémie a eu un impact grave sur les systèmes judiciaires

Compte rendu de séance

 

Présentant cet après-midi son rapport devant le Conseil des droits de l’homme, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, M. Diego García-Sayán a souligné que la pandémie de COVID-19 a eu un impact grave sur les systèmes judiciaires, menaçant le droit des peuples à une justice opérationnelle et indépendante. Au cours de cette période, a-t-il précisé, des décisions ont été mises en œuvre et prolongées, affectant dans une plus ou moins grande mesure le fonctionnement normal des pouvoirs de l’État et aggravant ainsi des situations structurelles préexistantes dans différents domaines.

Le Rapporteur spécial a notamment relevé que : le fonctionnement de la justice a rarement été considéré comme un service public essentiel ; la plupart des systèmes juridiques n’étaient pas préparés à ces situations et n’ont pas reçu les ressources budgétaires extraordinaires nécessaires ; la fermeture des tribunaux, la prolongation des détentions provisoires, l’absence d’exécution des ordonnances judiciaires ou la suspension des procès ont eu une incidence négative sur les droits fondamentaux ; la violence domestique à l’égard des femmes, des enfants et des filles a augmenté de manière alarmante dans le cadre des quarantaines, des fermetures et autres mesures restrictives, avec des mesures de protection insuffisantes pour les victimes ; le phénomène de surpopulation carcérale a de graves répercussions sur les personnes détenues dans le cas d’une pandémie telle que la COVID-19 ; et la gigantesque fracture numérique entrave un accès équitable au système judiciaire.

Face à ce constat, le Rapporteur spécial a notamment appelé les États à prendre les mesures nécessaires pour accorder la priorité aux cas de violences sexistes, de violences domestiques et de corruption. Il a en outre insisté pour que les États prennent des mesures urgentes pour combler la fracture numérique qui affecte l’accès à la justice et engendre l’exclusion. M. García-Sayán a également recommandé que les États prennent des mesures efficaces pour que les détentions préventives ne soient appliquées que de manière extraordinaire et spécifique, pour des infractions très graves.

Suite à cette présentation, de nombreuses délégations* ont participé au dialogue avec le Rapporteur spécial.

Le Conseil a également engagé cet après-midi son dialogue avec le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, M. Dante Pesce. Ce dernier a présenté le rapport du Groupe, intitulé « Dixième anniversaire des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : bilan de la première décennie d’application ».

M. Pesce a affirmé que le bilan de ces dix années écoulées montre que les Principes directeurs ont contribué à des progrès importants en matière de promotion des droits de l'homme dans le contexte des entreprises. En particulier, le concept de « diligence raisonnable [des entreprises] en matière de droits de l'homme » - adopté par les entreprises elles-mêmes, les plates-formes commerciales et industrielles, les investisseurs, les États et les prêteurs multilatéraux - a favorisé une plus grande convergence entre les nombreuses institutions qui façonnent la conduite des affaires, a précisé M. Pesce.

Toutefois, a-t-il constaté, les mêmes lacunes en matière de gouvernance qui ont rendu nécessaire l'élaboration des Principes directeurs entraînent toujours des violations des droits de l'homme liées aux entreprises dans tous les secteurs et toutes les régions. Le manque d'accès à des recours pour les titulaires de droits reste la lacune la plus flagrante, a indiqué le Président du Groupe de travail.

Plusieurs délégations** sont intervenues dans le cadre du dialogue avec M. Pesce.

En fin de séance, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Israël, Éthiopie, Brésil, Érythrée, Japon, Azerbaïdjan, Colombie, Chine, Iran, République de Corée, Arménie.

 

Demain matin, à 10 heures, le Conseil doit poursuivre son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, entamé ce matin, avant d’engager son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants.

 

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, intitulé « Pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) : effets sur l’indépendance de la justice et difficultés connexes » (A/HRC/47/35).

Présentation du rapport

M. DIEGO GARCÍA-SAYÁN, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, a souligné que la pandémie a eu un impact grave sur les systèmes judiciaires. Aussi, a-t-il indiqué avoir accordé – au travers de diverses déclarations et interventions sur le fonctionnement de la justice, l’accès à celle-ci et son indépendance – une attention particulière et une priorité à l’impact de cette pandémie. Ce rapport annuel analyse cet impact et émet quelques recommandations, a-t-il indiqué.

Ainsi, a précisé le Rapporteur spécial, la pandémie et les quarantaines [qui l’ont accompagnée] ont gravement affecté le fonctionnement des systèmes judiciaires, menaçant le droit des peuples à une justice opérationnelle et indépendante. Au cours de cette période, a-t-il souligné, des décisions ont été mises en œuvre et prolongées, affectant dans une plus ou moins grande mesure le fonctionnement normal des pouvoirs de l’État et aggravant ainsi des situations structurelles préexistantes dans différents domaines.

Dans les conclusions de son rapport, le Rapporteur spécial a notamment relevé que : le fonctionnement de la justice a rarement été considéré comme un service public essentiel ; la plupart des systèmes juridiques n’étaient pas préparés à ces situations et n’ont pas reçu les ressources budgétaires extraordinaires nécessaires ; la fermeture des tribunaux, la prolongation des détentions provisoires, l’absence d’exécution des ordonnances judiciaires ou la suspension des procès ont eu une incidence négative sur les droits fondamentaux ; la violence domestique à l’égard des femmes, des enfants et des filles a augmenté de manière alarmante dans le cadre des quarantaines, des fermetures et autres mesures restrictives, avec des mesures de protection insuffisantes pour les victimes ; le phénomène de surpopulation carcérale a de graves répercussions sur les personnes détenues dans le cas d’une pandémie telle que la COVID-19 ; et la gigantesque fracture numérique entrave un accès équitable au système judiciaire.

Face à ce constat, le Rapporteur spécial a émis plusieurs recommandations. Il a ainsi appelé les États à prendre les mesures nécessaires pour accorder la priorité aux cas de violences sexistes, de violences domestiques et de corruption. Les Etats doivent par ailleurs prendre des mesures urgentes pour combler la fracture numérique qui affecte l’accès à la justice et engendre l’exclusion, a ajouté M. García-Sayán. Il a en outre recommandé que les Etats prennent des mesures efficaces pour que les détentions préventives ne soient appliquées que de manière extraordinaire et spécifique pour des infractions très graves.

Enfin, M. García-Sayán a expliqué que la COVID-19 devait être une occasion d’adopter des politiques publiques qui garantissent l’indépendance et le bon fonctionnement des systèmes judiciaires et qui facilitent l’accès de la population à la justice dans le respect des droits de l’homme.

Aperçu du débat

De nombreuses délégations ont indiqué être pleinement engagées à garantir l'indépendance et l'impartialité des juges et des avocats, « un principe fondamental du système judiciaire ».

À l’instar du Rapporteur spécial, plusieurs délégations ont reconnu que, dans certains cas, les mesures de confinement, de quarantaine, d’isolement et de distanciation sociale ont affecté le travail des tribunaux et ont entraîné, entre autres, des retards dans les procédures et la suspension des délais de procédure et de la fourniture d’une assistance juridique. La fermeture des tribunaux, la prolongation des détentions provisoires, la non-exécution des décisions de justice et la suspension des procès ont eu des conséquences négatives sur les droits fondamentaux, a insisté une délégation.

Tout en regrettant les conséquences négatives de la pandémie en termes de fonctionnement de la justice et d’accès à la justice, plusieurs pays ont tenu à présenter les mesures qu’ils ont prises au niveau national pour assurer la continuité du système judiciaire, notamment grâce aux recours à des plates-formes virtuelles pour mener les procédures.

Certaines délégations ont souscrit au point de vue du Rapporteur spécial selon lequel les restrictions imposées dans le contexte de la pandémie doivent être conformes aux principes de légalité et de proportionnalité, considérant en outre que nonobstant des situations d’urgence, le droit international des droits de l’homme doit continuer à être appliqué. Chacun doit avoir accès à des conseils juridiques et à des procédures judiciaires équitables et efficaces, a-t-on insisté.

Les personnes en situation de vulnérabilité – notamment les victimes de violence domestique et de traite des êtres humains, les personnes handicapées, les personnes aux ressources limitées ayant un accès limité à la technologie et les personnes privées de liberté – ont été touchées de manière disproportionnée dans leur droit d’accès à la justice, a-t-il été observé.

S’agissant des détenus, certaines délégations ont regretté que, dans un certain nombre de pays, une forte proportion de personnes privées de liberté soient placées en détention provisoire, même pour des infractions mineures, ce qui contribue inutilement à la surpopulation carcérale et a de graves répercussions sur leurs conditions de santé.

Il est regrettable que le Rapporteur spécial se base dans son rapport sur des sources non fondées et donne une image globale négative de certains pays, ont affirmé certains intervenants. Une délégation a souhaité que le Rapporteur spécial fasse preuve de davantage de prudence dans le cadre de son mandat.

*Liste des intervenants : Union européenne, Cameroun (au nom du Groupe africain), Pérou (au nom d’un groupe de pays), Libye, Lituanie, France, Australie, Indonésie, Israël, Cuba, Bahreïn, Fidji, Iraq, Arménie, Chine, Inde, Maldives, Maroc, Algérie, Venezuela, États-Unis, Égypte, Jordanie, Népal, Botswana, Namibie, Malaisie, Azerbaïdjan, Pakistan, El Salvador, Afghanistan, Fédération de Russie, Organisation international de droit du développement, Pologne, Tunisie, Pérou, Albanie, Malawi, République démocratique du Congo, Arabie saoudite, Bolivie, Cameroun, Kazakhstan, Allemagne, Kirghizistan, Philippines, Iran, Tchad, L aw Council of Australia, Lawyers' Rights Watch Canada, Peace Brigades International, Dominicans for Justice and Peace - Order of Preachers, International Bar Association, Avocats sans Frontières Québec , Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil, International Commission of Jurists, Réseau International des Droits Humains (RIDH) , and Asian Legal Resource Centre.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

Combler le fossé numérique doit être à l’ordre du jour de toutes les entités onusiennes, a insisté M. GARCÍA-SAYÁN.

S’agissant de la violence sexiste, le Rapporteur spécial s’est réjoui que cette question devienne prioritaire pour de nombreux États. Ces violences requièrent une réponse spécifique, avec des mécanismes spécialisés et accessibles qui doivent être décentralisés afin de pouvoir toucher le plus de victimes possibles, a-t-il souligné. M. Garcia-Sayan a indiqué que ce sujet ferait l’objet de son prochain rapport présenté à l’Assemblée générale.

Le Rapporteur spécial s’est ensuite dit heureux que la justice soit considérée par bon nombre d’États comme un bien public essentiel.

L’état de droit peut être mis en péril dans des contextes négatifs comme celui de la pandémie, a en outre prévenu le Rapporteur spécial. L’indépendance de la justice doit prévaloir dans toutes les circonstances, a-t-il rappelé.

Dialogue avec le Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises

Le Conseil est saisi du rapport du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, intitulé : « Dixième anniversaire des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme : bilan de la première décennie d’application » (A/HRC/47/39). Quatre additifs au rapport – à paraître en français –concernent respectivement le bilan de l’application des Principes (Add.1) ; la protection des défenseurs des droits de l’homme (Add.2) ; le rôle des institutions nationales de droits de l’homme (Add.3) ; et les travaux du cinquième Forum régional sur les entreprises et les droits de l’homme pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Add.4).

Présentation du rapport

M. DANTE PESCE, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a rappelé que le 16 juin dernier avait marqué le dixième anniversaire de l'adoption à l'unanimité par le Conseil des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme. Le bilan dressé par le Groupe de travail montre que les Principes directeurs ont contribué à des progrès importants en matière de promotion des droits de l'homme dans le contexte des entreprises.

En particulier, le concept de « diligence raisonnable [des entreprises] en matière de droits de l'homme » – adopté par les entreprises elles-mêmes, les plates-formes commerciales et industrielles, les investisseurs, les États et les prêteurs multilatéraux – a favorisé une plus grande convergence entre les nombreuses institutions qui façonnent la conduite des affaires, a relevé M. Pesce.

Toutefois, a constaté le Président du Groupe de travail, les mêmes lacunes en matière de gouvernance qui ont rendu nécessaire l'élaboration des Principes directeurs entraînent toujours des violations des droits de l'homme liées aux entreprises dans tous les secteurs et toutes les régions. Le manque d'accès à des recours pour les titulaires de droits reste la lacune la plus flagrante ; quant à l’incohérence des pratiques des gouvernements et des entreprises, elle reste un obstacle majeur à des progrès plus solides.

Pour progresser, a poursuivi M. Pesce, les États devront utiliser une gamme plus large d'outils politiques afin d’encourager un comportement responsable des entreprises et leur devoir de diligence. Les entreprises elles-mêmes doivent se demander si leurs pratiques et leurs modèles commerciaux sont compatibles avec le respect des personnes et de la planète, a ajouté le Président du Groupe de travail.

Dans les rapports présentés aujourd’hui, le Groupe de travail présente à l’intention des États et des entreprises un certain nombre de recommandations quant à la manière de prévenir les risques encourus par les défenseurs des droits de l’homme. Il recommande notamment que les entreprises conçoivent des mécanismes de réclamation efficaces, adaptés à la situation des parties prenantes les plus vulnérables. Le Groupe de travail souligne aussi le rôle essentiel que les institutions nationales de droits de l’homme peuvent jouer dans la prévention et le traitement des violations des droits de l'homme liées aux entreprises et pour aider les titulaires de droits à accéder aux recours judiciaires.

Aperçu du débat

Les délégations ont estimé que les Principes directeurs étaient un excellent outil pour clarifier les obligations de l'État et la responsabilité des entreprises en matière de respect des droits de l'homme. De même, a-t-il été souligné, les Principes rendent visible la nécessité pour la dynamique du marché de donner la priorité au bien-être des personnes et au respect de l'environnement.

Parmi d’autres bons résultats à porter au crédit des Principes directeurs à l’heure de ce bilan décennal, il a été souligné que plus de cinquante États ont adopté, ou sont en train d'élaborer, des plans d'action nationaux et des lois pour améliorer la responsabilité, notamment en matière de diligence raisonnable, de transparence de la chaîne d'approvisionnement et de protection de l'environnement. Il a toutefois encore été recommandé de créer des mécanismes efficaces de responsabilisation, les entreprises devant être encouragées à faire preuve de diligence raisonnable en identifiant et en atténuant les effets négatifs de leurs activités sur le respect des droits de l’homme.

Les Principes directeurs, au même titre que les Principes directeurs de l’OCDE sur les entreprises multinationales, ne sont toutefois pas encore assez largement appliqués et la communauté internationale doit explorer les voies et moyens de renforcer leur mise en œuvre effective, a souligné une délégation.

Une délégation s’est inquiétée de la situation des défenseurs des droits de l’homme en rapport avec les activités des entreprises et a fait observer que les conditions de ces défenseurs se sont aggravées pendant la pandémie du fait des politiques de restrictions mises en place dans certains États.

Une délégation a recommandé de mieux contrôler les activités des entreprises actives dans les pays en proie à des conflits.

Le Groupe de travail a par ailleurs été prié de donner son avis sur les leçons à tirer de l'année écoulée, au cours de laquelle les acteurs du secteur de la santé et de l'industrie pharmaceutique ont continué à protéger de manière inflexible leurs droits de propriété intellectuelle sur les technologies permettant de prévenir, de contenir et de traiter la pandémie mondiale.

Une délégation a condamné l’utilisation des droits de l'homme comme excuse pour discréditer les entreprises de pays tiers et protéger un monopole technologique et des intérêts commerciaux injustes. Le Groupe de travail a été prié de ne pas politiser les droits de l’homme.

Le Groupe de travail a en outre été prié de se pencher, dans ses prochains travaux, sur les mesures coercitives unilatérales. Constatant que les Principes directeurs sont d’application facultative, une délégation a plaidé pour un instrument international qui obligerait les États parties à rendre obligatoire la diligence raisonnable.

Il a été recommandé que le Forum sur les entreprises et les droits de l’homme soit plus interactif et davantage axé sur le dialogue – plutôt que sur des présentations de projets.

**Liste des intervenants : Union européenne, Mexique (au nom d'un groupe de pays), Danemark (au nom d'un groupe de pays), États-Unis, Libye, France, Indonésie, Suisse, Équateur, Japon, Chine, Inde, Venezuela, Égypte et Argentine.

Ce débat se poursuivra demain, à 15 heures.

 

HRC21.074F