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Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants examine le rapport du Chili où une nouvelle loi sur la migration doit entrer en vigueur cette année

Compte rendu de séance

 

La nouvelle loi sur la migration qui doit entrer en vigueur cette année au Chili et le traitement des migrants aux frontières nord du pays étaient au cœur du dialogue qu’ont noué cette semaine les experts du Comité des droits des travailleurs migrants avec la délégation chilienne venue présenter son rapport sur l’application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Ce projet de nouvelle loi constitue « un changement de paradigme », a souligné un membre du Comité. Les experts se sont réjouis que ce texte tienne compte de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, du principe d’égalité des droits ainsi que de dispositions importantes de la Convention.

Cependant, les experts se sont dit préoccupés que certaines expulsions effectuées dans la cadre du « Plan Colchane » de gestion des migrations dans le nord du pays semblent avoir été collectives, sans examen des dossiers des migrants au cas par cas. Or, les expulsions collectives sont interdites par plusieurs instruments internationaux – en particulier, l’article 22 de la Convention, qui insiste sur l’importance, avant toute expulsion, de l’examen des situations individuelles, ont rappelé MM. Edgar Corzo et Álvaro Botero, les deux corapporteurs du Comité chargés d’examiner plus en détail le rapport chilien. En outre, les personnes concernées doivent bénéficier de suffisamment de temps pour pouvoir faire recours des décisions les concernant, a-t-il été rappelé.

Présentant le rapport de son pays par vidéo-conférence depuis Santiago du Chili, M. Juan Francisco Galli, Sous-Secrétaire d’État à l'intérieur au Ministère de l'intérieur et de la sécurité publique, a souligné qu’après le retour à la démocratie, son pays était devenu un pays attrayant pour de nombreuses nations limitrophes, ce qui explique pourquoi le taux d’immigrants actuel s'élève à 7,8 % de la population totale, contre moins de 2,5% en 2014.

Pour gérer ce changement migratoire, a indiqué M. Galli, le Président Piñera a conçu en 2018 un plan d’action visant une migration responsable, ordonnée, sûre et régulière. Parallèlement, la nouvelle « loi sur la migration », qui entrera bientôt en vigueur, introduit des changements importants, à savoir la création d'un nouveau cadre institutionnel, l’obligation pour les personnes qui entrent avec l'intention de vivre au Chili de demander un visa dans un consulat et enfin la dépénalisation de l'entrée clandestine au Chili, en même temps que des garanties pour une procédure régulière.

Complétant cette présentation du rapport de son pays, le sénateur José Miguel Insulza, a expliqué que l’arrivée massive de migrants désireux de travailler au Chili avait obligé le pays à prendre des mesures politiques, concrétisées par la loi sur la migration – un texte qui conforte le statut des personnes admises et dont l’objectif est d’instaurer une véritable égalité entre les travailleurs étrangers et leurs homologues chiliens.

Outre MM. Galli et Insulza, la délégation chilienne était composée de M. Frank Tressler Zamorano, Représentant permanent du Chili auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants des Ministères des relations extérieures ; de l’intérieur et de la sécurité ; de la santé ; de la justice et des droits de l’homme ; de la femme et de l’égalité entre les sexes ; du travail et de la prévention sociale ; de l’éducation ; et du logement et de l’urbanisme. La Cour suprême, le Ministère public et la police judiciaire du Chili étaient également représentés.

La délégation chilienne a assuré que toute expulsion ne peut intervenir qu’au terme d’un processus rigoureux, excluant un traitement collectif. Chaque personne concernée se voit en effet signifier individuellement les motifs de la décision la concernant et dans plusieurs cas, les tribunaux ont refusé des expulsions au motif de la situation individuelle des justiciables, a-t-elle fait valoir.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Chili et les rendra publiques à l'issue de la session, le 16 avril prochain.

Mercredi prochain, à 16 heures, le Comité tiendra une réunion publique informelle avec les Etats et autres parties prenantes. Il doit ensuite clore cette 32ème session dans l’après-midi de vendredi prochain.

Présentation du rapport

Le Chili présentait son deuxième rapport périodique (CMW/C/CHL/2), établi sur la base d’une liste de points à traiter transmise par le Comité.

Le rapport a été présenté par M. JUAN FRANCISCO GALLI, Sous-Secrétaire d’État à l'intérieur au Ministère de l'intérieur et de la sécurité publique du Chili, chef de la délégation chilienne, et par M. JOSÉ MIGUEL INSULZA, sénateur au Congrès national du Chili et ancien Ministre de l’intérieur.

M. GALLI a d’abord indiqué qu’après le retour à la démocratie, le Chili était devenu un pays attrayant pour de nombreuses nations limitrophes, ce qui explique pourquoi le taux d’immigrants actuel s'élève à 7,8 % de la population totale, contre moins de 2,5% en 2014. Au cours des cinq dernières années, la tendance s’est fortement accélérée et un million d'étrangers sont arrivés au Chili. Pour gérer ce changement migratoire, le Président Piñera a conçu en 2018 un plan d’action visant une migration responsable, ordonnée, sûre et régulière.

Parallèlement, un projet de loi déposé par le Gouvernement vise à moderniser la réglementation actuelle sur le séjour des étrangers, qui date de 1975 et comporte donc de nombreuses lacunes. La nouvelle « loi sur la migration », qui entrera bientôt en vigueur, introduit des changements importants. D’abord, a indiqué M. Galli, la loi prévoit la création d'un nouveau cadre institutionnel, le « service national des migrations » et ses directions régionales. Ensuite, les personnes qui entrent avec l'intention de vivre au Chili devront demander un visa dans un consulat et avoir une carte d'identité dès le premier jour ; l’offre de visas est flexible, pour permettre un contrôle adéquat des migrations. D’autre part, la nouvelle loi engagera l'État à protéger les droits des étrangers, mais aussi à veiller à ce qu’ils respectent leurs devoirs et obligations. Enfin, la loi dépénalisera l'entrée clandestine au Chili, en même temps que les procédures seront renforcées et que les garanties d'une procédure régulière seront reconnues, a précisé le Secrétaire d’État.

Un nouveau Conseil de la politique migratoire prendra en considération le devoir de l'État chilien de veiller à ce que la population migrante maintienne des niveaux élevés de régularité, a précisé M. Galli.

M. Galli a encore indiqué que la nouvelle loi prévoit plusieurs possibilités de régularisation du statut migratoire des étrangers se trouvant dans des situations de grande vulnérabilité, comme les victimes de la traite des personnes, du trafic de migrants ou de la violence domestique.

Le Secrétaire d’État a ajouté que la nouvelle loi sur la migration garantit à tous les étrangers l'égale protection de leurs droits, notamment en accordant des moyens de conseil et de défense juridique aux étrangers qui ne sont pas en mesure de se les procurer eux-mêmes.

Par ailleurs, la loi prévoit qu'avant d'ordonner une mesure d'expulsion, l'autorité doit prendre en considération plusieurs circonstances, comme la gravité de l'infraction commise, la récidive, les liens familiaux, l'intérêt supérieur de l'enfant et les contributions que l'étranger a apportées. Des procédures d’appel sont aussi prévues, jusque devant la Cour suprême, et la loi tient compte du principe de non-refoulement, a précisé M. Galli.

M. Galli a indiqué qu’en avril (ce mois-ci), le Chili lancerait un nouveau processus de régularisation, le deuxième en trois ans, notamment pour donner des réponses aux étrangers entrés régulièrement mais tombés dans l'irrégularité, par exemple en raison de la pandémie. Le Gouvernement chilien a pris des mesures pour aider les migrants confrontés aux problèmes engendrés par la pandémie : entre autres dispositions, tous les étrangers ayant déposé une demande de résidence permanente ont vu leur carte d’identité prolongée jusqu'en février 2022, tandis que l'accès à la vaccination a été renforcé, de sorte que tous les étrangers, pour autant qu'ils ne soient pas des touristes, peuvent être vaccinés contre le coronavirus, a précisé le Secrétaire d’État.

Soulignant lui aussi que la population immigrée au Chili représente désormais près de 8% de la population totale, M. INSULZA a déclaré que cette arrivée massive, depuis quelques années, de migrants désireux de travailler et de vivre au Chili a obligé le pays à prendre des mesures politiques, concrétisées par la loi que vient de présenter M. Galli. Ce texte rend plus difficile l’entrée au Chili, mais elle conforte le statut des personnes admises, a ajouté le sénateur.

Avec cette loi, a poursuivi M. Insulza, l’objectif des autorités est d’instaurer une véritable égalité entre les travailleurs étrangers et leurs homologues chiliens : mêmes prestations sociales, mêmes droits au logement et à l’éducation, ainsi que droit à la réunification familiale, entre autres. La « question migratoire » n’existait pas auparavant ; aujourd’hui, les autorités veulent que les travailleurs étrangers s’intègrent encore mieux dans la société chilienne, a insisté le sénateur.

Questions et observations des membres du Comité

Les deux corapporteurs désignés par le Comité pour l’examen plus spécifique du rapport du Chili étaient MM. ÁLVARO BOTERO et EDGAR CORZO.

M. BOTERO a salué le « changement de paradigme » que constitue le projet de nouvelle loi sur la migration, avec notamment la prise en compte de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, du principe d’égalité des droits et de dispositions importantes de la Convention.

Le Comité, a fait savoir M. Botero, a été alerté à plusieurs reprises, ces derniers mois, au sujet de l’application du « Plan Colchane », concernant le traitement de migrants aux frontières nord du pays. Une partie de ces migrants auraient été renvoyés par avion dans leurs pays, dont plus de cent au Venezuela, en février, outre des expulsions de Colombiens par voie de terre, a précisé le corapporteur. Le Comité a appris que des expulsions auraient été opérées alors même que des recours étaient en suspens, a-t-il ajouté. L’expert a notamment souhaité savoir si certaines de ces personnes avaient déposé des demandes d’asile au Chili. D’autre part, ces expulsions semblent avoir été collectives, sans examen des dossiers au cas par cas, a fait remarquer M. Botero. Les expulsions collectives sont interdites par plusieurs instruments internationaux, dont la Convention, a-t-il rappelé.

M. CORZO a pour sa part salué les efforts déployés par le Chili pour ne plus criminaliser le « fait d’être un migrant ». L’article 22 de la Convention insiste sur l’importance, avant toute expulsion, de l’examen des situations individuelles, a-t-il rappelé. M. Corzo a souhaité en savoir davantage sur les recours ouverts aux migrants dont la demande de séjour au Chili est refusée.

Le corapporteur a en outre demandé si les personnes concernées par les incidents de février dernier avaient bénéficié de mesures de protection contre le coronavirus et, plus généralement, si la nouvelle loi protégera contre le risque d’expulsion les migrants qui demandent des soins. Il faut prendre en compte la vulnérabilité des migrants et tenir à leur égard un discours qui ne soit pas stigmatisant, a recommandé l’expert.

Un autre membre du Comité s’est enquis des critères qui régissent la naturalisation d’enfants nés au Chili de parents en situation irrégulière. Les parents peuvent-ils se prévaloir de la nationalité chilienne de leur enfant, acquise en vertu du droit du sol, pour demander leur propre naturalisation. Qu’en est-il de l’intérêt supérieur de l’enfant si ses parents sont expulsés du Chili ?

D’autres questions ont porté sur les conditions qui avaient été posées pour pouvoir bénéficier de la procédure de régularisation extraordinaire lancée en avril 2018 [paragraphe 186 du rapport], ainsi que sur l’adoption d’un nouveau plan d’action national contre la traite de personnes. Il a également été demandé si les migrants bénéficient d’une aide juridique gratuite.

La délégation a en outre été priée de décrire les mesures prises, par le biais non seulement des consulats chiliens mais aussi d’initiatives régionales, pour faciliter la vie des Chiliennes et des Chiliens établis à l’étranger.

Un expert a voulu savoir combien de visas sont accessibles aux différentes catégories de travailleurs souhaitant venir au Chili.

D’autres questions ont porté sur la situation au Chili des migrants originaires du Venezuela et sur les transferts de fonds de travailleurs depuis et vers le Chili.

Des membres du Comité ont souligné que le Chili est un grand pays d’accueil et ont salué les mesures concrètes prises ces dernières années en faveur de l’intégration des travailleurs migrants.

La dynamique migratoire a toujours été au cœur de la construction de l’État chilien, a relevé un membre du Comité. Il a été rappelé que l’immigration au Chili provenait traditionnellement des pays limitrophes et était donc hispanophone ; la situation ayant changé avec l’arrivée de nombreux Haïtiens, la question se pose de savoir quelles mesures l’État a prises en faveur de l’intégration de cette population francophone, a-t-il été souligné.

Un expert s’est dit préoccupé par les décisions administratives sommaires justifiant l’expulsion de migrants et par les délais très courts – deux jours parfois – entre l’arrivée d’un migrant et son expulsion. L’expert a demandé si des garanties procédurales suffisantes étaient accordées aux candidats à l’immigration, y compris pour ce qui est de la possibilité de faire appel dans des délais suffisamment courts.

Il a par ailleurs été demandé si, compte tenu du processus de transformation profond en matière de migration que traverse le Chili, le Gouvernement entendait revenir sur ses réserves aux articles 22 et 48 de la Convention, concernant, respectivement, la double imposition et le droit d’une personne expulsée de demander des réparations si la décision d'expulsion est par la suite annulée.

Un expert a mentionné un rapport officiel chilien faisant état d’irrégularités administratives dans le contrôle des migrations ainsi que de lacunes dans le traitement des demandes d’asile et de protection internationale.

La délégation a en outre été interrogée sur le rôle des organisations non gouvernementales à l’appui des initiatives du Gouvernement en matière de migration. Elle a aussi été priée de dire comment l’accès équitable aux vaccins contre la COVID-19 par les migrants serait assuré. D’autres questions ont porté sur les droits syndicaux des travailleurs migrants.

Réponses de la délégation

S’agissant du « Plan Colchane », la délégation a expliqué qu’il concerne l’immigration clandestine de Péruviens ou de Vénézuéliens établis au Pérou qui s’est faite à partir de ce dernier pays entre juin et septembre 2020 dans le contexte des fermetures de frontières pendant la pandémie de COVID. Les arrivants avaient été informés de manière erronée, par la rumeur, qu’ils pourraient bénéficier d’une procédure de régularisation aux frontières mêmes. Le Chili a compté 450 arrivées au mois d’août, puis 700 en septembre et plus de 2500 en octobre, a précisé la délégation.

Très préoccupé par les risques courus par ces arrivants (cinq personnes sont décédées en essayant d’entrer clandestinement au Chili, les points de passage se trouvant entre 2500 et 3000 mètres d’altitude) et par les traitements qu’ils subissent de la part de trafiquants, le Gouvernement chilien a d’abord dressé, auprès d’un échantillon de plus de 800 migrants, une typologie des personnes concernées, pour cerner leur parcours : il s’est avéré que 90 % d’entre elles étaient originaires du Venezuela. Les autorités sur place ont procédé à des examens de santé dans un centre de soins local. Le contrôle aux frontières a ensuite été renforcé, en même temps qu’un appel était lancé aux candidats à l’immigration pour qu’ils déposent des demandes d’entrée en bonne et due forme auprès des consulats chiliens. Quoi qu’il en soit, environ 16 000 personnes sont entrées illégalement au Chili en 2020, a indiqué la délégation.

Dans ce contexte, le « Plan Colchane » prévoit des mesures d’expulsion à titre d’alternative à la détention, a expliqué la délégation chilienne. Mais, a-t-elle assuré, il n’y a pas eu d’expulsion collective, comme le montrent les chiffres : seuls 138 Vénézuéliens ont été expulsés et une cinquantaine de Colombiens. Les recours postérieurs à certaines expulsions ont été rejetés à 80%, a précisé la délégation. Le 21 mars, a-t-elle ajouté, la Cour suprême a rendu quatre arrêts confirmant la légalité de décisions d’expulsion des autorités administratives ; mais la Cour a aussi invalidé trois autres décisions d’expulsion.

Aucun enfant ni aucun adulte accompagnant un enfant n’a été expulsé à la suite des événements à la frontière nord, a en outre assuré la délégation. Le Chili n’a reçu aucune demande d’asile ou de protection de la part des migrants expulsés, a-t-elle par ailleurs fait observer.

Au regard de la loi en vigueur, l’entrée clandestine au Chili est un délit passible de trois à cinq ans de prison, a ensuite indiqué la délégation. Le Gouvernement chilien s’efforce cependant d’appliquer le principe de non-criminalisation, au profit d’un traitement administratif de l’immigration clandestine, qui est alors considérée comme une infraction et peut éventuellement aboutir à une expulsion, mais non à l’emprisonnement, a-t-elle précisé. La nouvelle loi sur la migration éliminera la qualification pénale de l’immigration illégale, a-t-elle ajouté.

L’expulsion n’intervient qu’au terme d’un processus rigoureux, excluant un traitement collectif : chaque personne concernée se voit en effet signifier individuellement les motifs de la décision la concernant, a assuré la délégation, soulignant que dans plusieurs cas, les tribunaux ont refusé des expulsions au motif de la situation individuelle des justiciables.

La délégation a par la suite précisé qu’il se passe au moins dix jours entre l’entrée illégale d’une personne et son expulsion éventuelle et a assuré qu’en aucun cas le Chili n’expulsera de migrant entré illégalement et accompagné d’un mineur.

Les étrangers arrivant au Chili par des points de passage non autorisés sont placés dans des logements temporaires, le temps que leur situation soit examinée. Ils bénéficient de soins de santé, a-t-il aussi été précisé.

La délégation a par ailleurs indiqué que les autorités organisent des formations destinées aux personnels de santé pour qu’ils tiennent compte des besoins spécifiques des migrants venant d’Haïti ; les autorités chiliennes ont en outre renforcé les cours de langue espagnole (à l’intention de ces migrants) pour favoriser leur insertion sociale. Par ailleurs, le Chili compte quelque 120 médecins francophones.

Le pouvoir judiciaire ne dispose pas de statistiques ventilées par nationalité des recours déposés par les immigrants contre des décisions les concernant s’agissant de la naturalisation ou de décisions d’expulsion, a d’autre part indiqué la délégation. Toute décision d’expulsion est basée sur le constat d’une situation d’irrégularité, a-t-elle rappelé.

La Cour suprême a rendu 25 arrêts, dont 21 après des recours en amparo, a en outre indiqué la délégation. La majorité de ces arrêts ont accordé une protection constitutionnelle aux migrants, y compris à des migrants ayant des enfants, dont l'expulsion n'a pas été exécutée à la suite de la décision de la Cour. Les liens familiaux ne sont pas seulement considérés à travers le prisme de la législation nationale, mais aussi à travers celui des conventions internationales qui protègent les droits des enfants, a fait valoir la délégation. Cela a conduit la Cour suprême à annuler des décisions de tribunaux inférieurs qui n'avaient pas assuré la protection à laquelle les migrants avaient droit en raison de leur situation familiale.

Avec treize autres pays d’Amérique latine associés au « processus de Quito », le Chili cherche à apporter une réponse régionale à la crise migratoire résultant de la situation au Venezuela, a par ailleurs souligné la délégation. Le Chili met à la disposition des Vénézuéliens des visas spéciaux leur donnant droit au regroupement familial ou au séjour au Chili pendant une année, entre autres mesures. Environ 455 000 migrants d’origine vénézuélienne vivent au Chili, surtout dans la région de Valparaiso, a précisé la délégation.

Quelque 99 % des migrants qui ont fait appel à la procédure de régularisation extraordinaire lancée en avril 2018 ont reçu une réponse favorable, a en outre indiqué la délégation.

Si un migrant est victime de traite des êtres humains, le Ministère de l’intérieur concentrera son action sur les responsables de la traite, a d’autre part expliqué la délégation. Une unité de la police est spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée autour des migrants, à savoir la traite et les flux financiers illégaux. La protection des victimes est consacrée par la loi, les victimes étrangères bénéficiant à cet égard des mêmes mesures de soutien que les victimes chiliennes. Les victimes étrangères bénéficient de visas humanitaires ainsi que d’une aide pour rentrer dans leur pays si elles le souhaitent.

Depuis 2011, a précisé la délégation, 47 affaires de traite ont été portées devant les tribunaux, avec quelque 285 victimes identifiées, dont 157 femmes, originaires avant tout de Bolivie et du Paraguay. La plupart des cas concernent l’exploitation sexuelle et l’exploitation au travail. Quelque 21 condamnations ont été prononcées. Le plan d’action 2019-2022 contre la traite est axé sur la prévention et sur la sensibilisation des fonctionnaires à la détection des victimes de la traite, a ajouté la délégation.

D’autre part, a indiqué la délégation, un important travail est fait depuis de nombreuses années, en coopération avec les consulats des pays concernés, en matière d’assistance consulaire au profit des étrangers et des migrants au Chili. Ont ainsi été traduits en plusieurs langues, y compris en quechua, les documents administratifs ainsi que les procédures à suivre.

Plus d’un million de Chiliens et Chiliennes sont quant à eux établis à l’étranger. Ils peuvent, depuis peu, prendre part aux élections présidentielles au Chili en votant depuis l’étranger. Le programme « Espérance » a pour mission de faciliter le retour de ces personnes au Chili et l’État continue de renforcer le réseau de consulats chiliens, actuellement au nombre de 111, a également fait savoir la délégation.

Le Chili a recommandé à vingt-deux États, pendant l’Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme, de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Gouvernement chilien prend des mesures contre la discrimination et contre les discours de haine envers les migrants, des problèmes dont l’ampleur atteint, selon certaines études, le même niveau qu’en Europe au moment de la crise migratoire de 2015, a poursuivi la délégation.

Répondant à des questions relatives au statut de réfugié au Chili, la délégation a indiqué que l’inscription à la procédure de demande d’asile, gratuite, donne droit à l’octroi d’une carte de séjour de huit mois. En cas de refus de la demande, le requérant peut faire recours dans les trente jours. La nouvelle loi sur la migration accorde une protection supplémentaire aux personnes déboutées, a fait valoir la délégation.

Il arrive régulièrement que des personnes entrées illégalement au Chili fassent une demande d’asile en tant que moyen de régulariser leur situation, a observé la délégation. Près de 14 000 demandes d’asile ont été déposées en quatre ans, ce qui ne s’était encore jamais vu, a-t-elle ajouté.

Tout enfant né au Chili de parents migrants, même en situation irrégulière, reçoit la nationalité chilienne, a indiqué la délégation. Les migrants mineurs vénézuéliens isolés bénéficient de mesures de soutien. En outre, le Chili a ratifié des conventions bilatérales avec le Pérou, l’Équateur et la République dominicaine pour le regroupement familial.

Remarques de conclusion

En conclusion du dialogue, M. BOTERO a insisté sur le fait qu’avant toute expulsion, chaque cas doit faire l’objet d’une analyse individuelle et a souligné que les personnes concernées doivent bénéficier de suffisamment de temps pour pouvoir faire recours des décisions les concernant et faire valoir leurs arguments. Le Comité a notamment été informé de l’expulsion, quatre jours après son entrée illégale à Colchane, d’un Vénézuélien accompagné d’un mineur, a ajouté l’expert.

M. CORZO a relevé les efforts considérables déployés par le Gouvernement chilien et a lui aussi insisté sur la nécessité de veiller à ce que les procédures tiennent compte des situations individuelles.

Enfin, M. GALLI a remercié le Comité et les experts de leurs questions et a indiqué qu’il transmettrait au Comité des informations plus précises relatives aux délais de recours. La nouvelle loi et les nouvelles institutions sur la migration obligeront l’État à définir plus précisément sa politique migratoire, a-t-il relevé. L’un des objectifs des autorités est, tout en respectant les règles procédurales, de décourager les entrées illégales au Chili, compte tenu en particulier des risques physiques encourus par les migrants concernés, a-t-il ajouté.

 

CMW21.002F