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Le Comité des droits des personnes handicapées examine le rapport de l'Estonie

Compte rendu de séance

 

 

Les experts se penchent sur le tutorat, sur les efforts pour éviter l'institutionnalisation et le placement involontaire, sur la privation de la capacité juridique, sur l'impact de la COVID-19

 

Le Comité des droits des personnes handicapées a terminé aujourd'hui l'examen, qui se tient depuis le 12 mars en visioconférence, du rapport périodique présenté par l'Estonie sur les mesures qu'elle a prises en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Le rapport a été présenté par M. Rait Kuuse, Secrétaire général adjoint à la politique sociale au Ministère des affaires sociales de l'Estonie, qui a assuré le Comité que son pays accordait un rang de priorité de plus en plus élevé aux droits des personnes handicapées et aux politiques d'accessibilité. Il a notamment indiqué qu'un système avait été mis en place pour le développement de la capacité de travail, qui a eu un effet très positif sur le taux d'emploi des personnes handicapées. La transition d'un système fondé sur les soins institutionnels vers un système s'appuyant sur les soins communautaires a été l'une des priorités du Gouvernement.

Dans un message adressé au Comité au nom de l'institution indépendante de surveillance de l'application de la Convention en Estonie, cette dernière salue une nette amélioration de la sensibilisation aux droits des personnes handicapées dans le pays et estime que la situation s'est considérablement améliorée dans ce domaine. Mais elle souligne notamment que les personnes handicapées sont toujours privées de l'égalité d'accès aux services, notamment s'agissant de la protection sociale, des soins de santé, du logement et de l'éducation. La Chancelière dénonce une passivité de l'État pour assurer la promotion des droits des personnes handicapées face à des autorités locales qui ne s'acquittent pas toujours de leurs responsabilités en matière de protection sociale et d'assistance aux personnes handicapées.

La délégation estonienne était également composée de représentants du Ministère des affaires sociales, du Ministère de l'éducation et de la recherche, du Ministère des affaires économiques et des communications, du Ministère de la justice et du Ministère des affaires étrangères.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Estonie, M. Jonas Ruskus, après avoir salué la mise en place d'un système de soutien à la capacité de travail des personnes handicapées, qui a eu un effet positif important sur l'emploi des personnes handicapées, a surtout porté son attention sur l'institutionnalisation des personnes handicapées, faisant observer à l'État partie que la désinstitutionnalisation ne signifiait pas simplement déplacer les gens des grandes institutions vers des structures plus petites. Les foyers collectifs perpétuent l'institutionnalisation et la ségrégation sociale des personnes handicapées, a souligné le rapporteur. Il a d'autre part jugé discriminatoire une législation prévoyant la privation de la capacité juridique d'une personne en raison d'une déficience. D'autres membres du Comité ont posé des questions sur le soutien de l'État aux organisations de personnes handicapées, la participation des femmes handicapées à l'élaboration de la législation et des politiques dans les domaines qui les concernent, l'impact des mesures prises face à la pandémie de COVID-19, la privation des droits de personnes handicapées désignées comme ayant une capacité juridique restreinte, entre autres.

Les observations finales du Comité sur le rapport de l'Estonie seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 1er avril prochain. Elles devront être adoptées dans le cadre de séances privées et seront par la suite disponibles sur la page internet de la session.

 

Le Comité des droits des personnes handicapées prévoit de tenir sa prochaine séance publique (en visioconférence – cliquer ici pour écouter la séance) le lundi 22 mars de 12h30 à 14h30 pour un débat général dans le cadre de la rédaction d'une observation générale sur l'article 27 de la Convention, relatif au droit au travail et à l'emploi. Une deuxième séance publique consacrée à cette question se tiendra le mercredi 24 mars à la même heure.

 

Présentation du rapport de l'Estonie

Le Comité des droits de l'homme était saisi du rapport initial de l' Estonie (CRPD/C/EST/1), établi sur la base d'une liste de points à traiter que le Comité lui avait adressée. Le Comité dispose également d'un document de base adressé par l'Estonie à l'ensemble des organes conventionnels auxquels elle est partie.

M. RAIT KUUSE, Secrétaire général adjoint à la politique sociale au Ministère des affaires sociales de la République d'Estonie, a affirmé que son pays accordait un rang de priorité de plus en plus élevé aux droits des personnes handicapées et aux politiques d'accessibilité. Présentant l'évolution récente de la situation s'agissant des efforts pour éliminer la discrimination et garantir l'égalité de traitement des personnes handicapées dans la société estonienne, le chef de la délégation a notamment indiqué qu'un nouveau système avait été mis en place en 2016 pour le développement de la capacité de travail en se fondant sur une approche individuelle et une gestion au cas par cas pour chaque personne handicapée. La mise en place de ce système a eu un effet très positif sur la participation au marché du travail des personnes handicapées, leur taux d'emploi passant de 31,2% en 2015 à 41,5% en 2019.

L'accessibilité et la conception d'infrastructures adaptées à chacun font partie des priorités que s'est fixées l'Estonie. Ainsi, un règlement adopté en 2018 prévoit des normes précises en matière de construction de bâtiments, prenant en compte les besoins spéciaux des personnes handicapées. Une équipe spéciale sur l'accessibilité a procédé à un examen de l'accessibilité au sein de la société estonienne, en mettant l'accent sur le logement, les bâtiments publics, les infrastructures routières, les transports publics, les supports audiovisuels et les moyens de communication électroniques. Depuis janvier, l'interprétation en langue des signes est disponible par l'intermédiaire de la Caisse estonienne de la sécurité sociale et est fournie à tous les groupes d'âge par l'intermédiaire d'applications de visioconférence via Internet.

La transition d'un système fondé sur les soins institutionnels vers un système s'appuyant sur les soins communautaires a été l'une des priorités du Gouvernement. Au cours des 10 dernières années, le budget des services de soins spéciaux a doublé. La responsabilité d'aider les personnes handicapées est partagée entre l'État et les autorités locales, mais les disparités régionales ont conduit à des inégalités quant à la disponibilité et à la qualité de l'aide a reconnu le chef de délégation. L'Estonie se trouve par ailleurs dans un processus de réforme des systèmes d'aide aux enfants ayant des besoins spéciaux et vise à regrouper les évaluations et les décisions dans les domaines social et éducatif afin que les parents n'aient pas à se tourner vers plusieurs institutions.

L'Estonie a encore des efforts à faire pour répondre aux exigences de la Convention et aux besoins des personnes handicapées, a reconnu la délégation. Elle est confrontée à des défis dans les domaines de l'égalité de traitement et de la non-discrimination, de l'accessibilité et de la responsabilité des autorités locales en matière de protection sociale et de surveillance.

Institution nationale

Dans une déclaration qui a été lue en son nom, Mme ÜLLE MADISE, Chancelière de justice d'Estonie, explique que, depuis le 1er janvier 2019, le poste qu'elle occupe est une institution de contrôle indépendante, conforme aux dispositions de l'article 33 de la Convention. Au cours de ces deux dernières années, la Chancelière de justice a constaté une nette amélioration de la sensibilisation aux droits des personnes handicapées parmi les fonctionnaires et les prestataires de services et, surtout, dans l'ensemble de la société estonienne. Elle a toutefois également constaté qu'il avait fallu du temps pour poser certains jalons. À titre d'exemple, les élections tenues en 2019 n'ont pas rempli les conditions suffisantes d'accessibilité pour les personnes handicapées, mais en raison des critiques émises par son bureau, les prochaines élections seront accessibles à toutes les personnes à mobilité réduite, les sourds, les aveugles et l'ensemble des citoyens.

La situation s'est considérablement améliorée, mais des difficultés subsistent, souligne la Chancelière dans son message. La loi sur l'égalité de traitement est, en fait, contraire aux principes de la Constitution et de la Convention. Malgré l'adoption de cette loi, les personnes handicapées sont toujours privées de l'égalité d'accès aux services, notamment s'agissant de la protection sociale, des soins de santé, du logement et de l'éducation. Les efforts et la motivation sont encore insuffisants pour rendre ces services accessibles aux personnes handicapées. La Chancelière dénonce une passivité de l'État pour assurer la promotion des droits des personnes handicapées, qui a pour conséquence que certaines municipalités ne fournissent pas les services en fonction des besoins des populations.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JONAS RUSKUS, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Estonie, a félicité le Gouvernement de l'Estonie pour le nouveau système de soutien à la capacité de travail des personnes handicapées, qui a eu un effet positif important sur l'emploi des personnes handicapées. Cependant, le système d'évaluation du handicap n'est toujours pas aligné sur le modèle inscrit dans la Convention. Il est préoccupant de constater que des enfants handicapés ont perdu leur statut de personne handicapée du fait de décisions des organes chargés de l'évaluation du handicap, se voyant ainsi retirer les aides pour leur intégration sociale. Le rapporteur a voulu savoir comment ce problème avait été résolu et si les recommandations des organisations de personnes handicapées avaient été prises en compte.

Les foyers collectifs perpétuent l'institutionnalisation et la ségrégation sociale des personnes handicapées, a souligné le rapporteur. Il a demandé si le Gouvernement avait l'intention de réorienter les Fonds structurels de l'Union européenne destinés à la construction de nouvelles institutions vers le développement de dispositifs d'assistance aux personnes et de rendre les services et installations publics accessibles aux personnes handicapées. Le rapporteur a par la suite demandé comment l'Estonie évitait la coercition et l'institutionnalisation non consensuelle, a demandé le rapporteur. En même temps, il a souligné que la désinstitutionnalisation ne signifiait pas déplacer les gens des grandes institutions vers des structures plus petites.

M. Ruskus a d'autre part voulu savoir si le Gouvernement envisageait d'abroger la législation discriminatoire permettant la privation de la capacité juridique d'une personne en raison d'une déficience. Il a ajouté à cet égard que le projet de protocole additionnel à la Convention d'Oviedo sur les droits de l'homme et la biomédecine du Conseil de l'Europe était sérieusement en conflit avec la Convention, car il légitime le recours à la force et à la privation arbitraire de liberté, contient un langage stigmatisant faisant référence aux personnes souffrant de handicaps psychosociaux et porte atteinte au droit à la non-discrimination. L'Estonie a-t-elle l'intention de s'opposer à l'adoption de ce protocole ?

Un autre membre du Comité s'est dit préoccupé par le fait que l'Estonie n'accordait pas un soutien financier suffisant aux organisations de personnes handicapées.

Un expert a demandé à la délégation d'informer le Comité des mesures prises pour favoriser la participation des femmes handicapées à l'élaboration de la législation et des politiques dans le domaine de l'égalité des sexes et du handicap. Il a aussi voulu savoir quels mécanismes ont-ils été mis en place pour permettre aux enfants handicapés d'exprimer leurs opinions sur des questions qui affectent leur vie ?

Une experte a demandé des informations sur l'état actuel du projet de proposition d'amendement de la loi sur l'égalité de traitement et a demandé si les réformes abordaient la discrimination multiple et intersectionnelle. Elle a voulu savoir si, dans la législation estonienne, la définition de la discrimination fondée sur le handicap comprenait le refus d'aménagement raisonnable.

Les membres du Comité ont également voulu savoir si les mesures prises face à la pandémie de COVID-19 tenaient compte de la situation des personnes handicapées. Un expert a en outre demandé quelles mesures spécifiques protègent les femmes ayant une déficience intellectuelle pendant la pandémie.

Un expert a demandé ce que la législation estonienne entendait par «capacité juridique passive» et «capacité juridique active» et a demandé s'il était envisagé de réduire la durée de la tutelle. Le rapporteur a pour sa part relevé que des personnes désignées comme ayant une capacité juridique restreinte avaient été privées de leurs droits: leurs droits politiques étaient limités en matière de tutelle. L'expert a voulu savoir si des dispositions avaient été prévues afin de garantir la pleine capacité juridique des personnes handicapées, sur un pied d'égalité avec les autres. Il s'est par ailleurs demandé si des discussions ont lieu autour de la réforme du code civil afin de s'assurer de la conformité de ses dispositions avec celles de la Convention. Il a également demandé à l'Estonie de clarifier l'état actuel des dispositions relatives à la prise de décision assistée et d'indiquer au Comité les progrès accomplis dans leur mise en œuvre.

Les membres du Comité ont demandé si des protections avaient été mises en place contre le traitement médical involontaire et le placement involontaire d'une personne handicapée. Ils ont voulu savoir quelles mesures sont prévues pour garantir que les personnes souffrant de handicaps psychosociaux ne soient pas privées de leur liberté en raison de leurs déficiences ?

Il a été demandé à la délégation estonienne si la situation des personnes dans les établissements de santé mentale avait été prise en compte dans les plans de désinstitutionalisation. Les experts ont également demandé à la délégation de préciser quelles mesures le pays avait prises pour assurer des services d'assistance personnalisés auprès des personnes handicapées ?

Un expert s'est dit préoccupé par le fait que des personnes handicapées soient transférés dans des foyers de plus petite taille. Ont-elles pu choisir dans lequel elles souhaitaient vivre et avec qui ? Les experts ont aussi voulu savoir si les règles appliquées dans ces foyers étaient les mêmes que dans les grandes institutions.

En ce qui concerne le système de justice, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des dispositions pour fournir aux personnes handicapées des moyens alternatifs et améliorés d'information et de communication, tels que le braille, la langue des signes, la lecture facile, la transcription audio et vidéo ? Il s'agit de moyens à même de favoriser la participation effective des personnes handicapées dans toutes les procédures judiciaires sur un pied d'égalité avec les autres.

Un membre du Comité s'est inquiété d'informations selon lesquelles des enfants seraient internés dans des foyers pour des motifs disciplinaires.

D'autres questions ont été posées au sujet notamment de l'exigence du consentement éclairé en ce qui concerne tout type de traitement médical et d'intervention, y compris la thérapie électro-convulsive; de la stérilisation forcée et la contraception forcée; les modalités d'accès à l'éducation pour les enfants sourds et aveugles; la recherche génétique dans le domaine de la prévention des incapacités; la représentation des personnes handicapées au parlement; la déchéance des droits politiques en raison de la tutelle; l'inclusion des personnes handicapées dans les programmes de vaccination contre la COVID-19; les efforts menés pour l'enseignement du braille.

Réponses de la délégation

M. RAIT KUUSE, secrétaire général adjoint chargé de la politique sociale au Ministère des affaires sociales de l'Estonie, a indiqué qu'avant l'entrée en vigueur de réformes récentes, les personnes ayant des besoins spéciaux étaient placées dans de grandes institutions isolées. L'Estonie a réussi à réformer le système et ne dispose plus que de quelques grands établissements où des services de soins spéciaux sont fournis. La plupart des personnes concernées ont déménagé dans des maisons modernes et plus petites dans des villes où ils peuvent utiliser les services publics et aller travailler s'ils le souhaitent. La délégation a par la suite ajouté que l'Estonie s'était engagée à passer d'un système de soins institutionnels à un réseau de soins communautaires dans le domaine des services de soins spéciaux. D'ici 2023, l'Estonie prévoit de fermer 10 grands foyers de soins spéciaux et de créer des centres de services communautaires supplémentaires. Huit grandes maisons de soins spéciaux avaient déjà été fermées. Pendant la pandémie de COVID-19, les soins à domicile ont été l'un des services qui n'ont pas été suspendus ; une formation d'urgence a été dispensée aux personnes qui viennent en aide. L'Estonie a encouragé les prestataires de services à trouver des moyens créatifs de fournir des services, tels que l'exploitation à l'extérieur. Pendant la pandémie de COVID-19, les refuges pour femmes et enfants étaient tous ouverts, mais un seul était entièrement accessible aux femmes et aux filles handicapées.

À une question sur la prise de décision assistée, la délégation a indiqué que l'Estonie examinait actuellement quelles mesures pourraient être prises pour améliorer son système actuel dans ce domaine.

L'Estonie a fait des progrès au fil des ans pour apporter son soutien aux organisations représentant les personnes handicapées, a affirmé la délégation, reconnaissant toutefois que davantage pouvait être fait. Un partenariat à long terme avec un cadre de financement était désormais en place et les municipalités locales apportent également leur soutien aux organisations locales.

Des amendements à la loi sur l'égalité de traitement sont nécessaires, a reconnu un membre de la délégation estonienne, ajoutant qu'un projet de proposition était en cours d'élaboration et que le but était d'élargir le champ d'application de la loi concernant la discrimination pour des motifs liés à la religion ou à d'autres convictions, à l'âge, au handicap et à l'orientation sexuelle.

L'aide aux enfants ayant des besoins spéciaux et des handicaps est l'une des priorités de l'Estonie. Le besoin et le volume des services sociaux ont été évalués par les gouvernements locaux, qui ont également cartographié le nombre de spécialistes de l'aide, de personnes de soutien et le besoin d'assistance des enfants. La formation des enseignants comprenait des sujets et des compétences développées sur la manière d'inclure et de soutenir correctement les enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux et les enfants handicapés dans le processus d'apprentissage.

La délégation a expliqué que toutes les stratégies de l'Estonie étaient soumises à une consultation publique et que les stratégies devaient tenir compte des droits et des besoins des personnes handicapées. Le Plan de développement de la protection sociale s'est concentré sur les objectifs stratégiques du marché du travail, de la protection sociale, de l'égalité des sexes et des politiques d'égalité de traitement.

La délégation a ajouté qu'en Estonie, seul des degrés spécifiques de handicap mental permettait d'établir la tutelle d'une personne. La tutelle n'est établie que dans les cas où l'utilisation de mécanismes de prise de décision assistés n'est pas possible ; l'étendue de la tutelle doit toujours être aussi restreinte que possible. Afin de déterminer la nécessité de désigner un tuteur, le tribunal ordonne une expertise. Les tribunaux désignent des tuteurs pour les adultes ayant une capacité juridique active restreinte par une ordonnance ayant une validité maximale de cinq ans. Le code de procédure pénale de l'Estonie permet aux personnes handicapées de participer à des procédures judiciaires, notamment en utilisant la langue des signes.

La pandémie de COVID-19 a durement frappé la société estonienne, mais le pays a maintenu ouverts les services pour les personnes handicapées. Les services de réadaptation et les écoles ont également été maintenus ouverts la plupart du temps. Tout au long de l'année scolaire en cours et de la pandémie, le principe fondamental de l'éducation des enfants ayant des besoins éducatifs spéciaux était de maintenir un «apprentissage par contact». Un autre principe auquel on s'est tenu a été de maintenir ouverts et disponibles tous les services vitaux destinés aux enfants et aux autres personnes ayant des besoins spéciaux. Pour s'assurer que l'éducation reste accessible pendant la pandémie, le personnel des classes et des écoles ayant des besoins éducatifs spéciaux a été le premier groupe parmi les enseignants à se faire vacciner. La vaccination des prestataires de services sociaux a également commencé.

La délégation a par la suite expliqué que, pendant cette pandémie, les soins à domicile font partie des services à ne pas être suspendus et une formation d'urgence a été dispensée au personnel aidant. L'Estonie a encouragé les prestataires de services à trouver des moyens créatifs de fournir des services. Pendant la pandémie, les refuges pour femmes et enfants étaient tous ouverts, mais un seul était entièrement accessible aux femmes et aux filles handicapées, a ajouté la délégation.

En Estonie, chacun a accès aux services de santé en fonction de ses besoins. Depuis les premiers jours de la pandémie de COVID-19, les personnes handicapées ont été considérées comme un groupe ayant des besoins de communication particuliers. Les services de santé mentale ont été conçus pour tenir compte de ces besoins. Différentes méthodes de contact avec les médecins et les établissements de santé ont été appliquées, telles que le chat vidéo, le téléphone et le courrier électronique. Les canaux de communication électroniques ont tenu compte des normes d'accessibilité.

En réponse à de nouvelles questions, la délégation a de nouveau assuré les membres du Comité que les besoins des personnes handicapées étaient pleinement pris en compte dans le cadre des mesures prises par les autorités pour combattre la pandémie de COVID-19. L'accent a été mis en particulier sur la disponibilité des services nécessaires et sur la fourniture d'informations dans un format accessible et compréhensible aux personnes handicapées.

Un membre de la délégation a déclaré que tous les élèves d'Estonie avaient le droit de vivre chez eux, d'étudier avec leurs pairs à l'école locale et de recevoir une éducation de qualité. Au cours de la pandémie COVID-19, le principe fondamental de l'éducation des élèves ayant des besoins éducatifs spéciaux et des handicaps était de maintenir l'apprentissage en présentiel autant que possible.

La représentante de la Chancelière de justice a indiqué que l'Estonie avait adhéré en 2002 à la Convention contre la torture, ainsi qu'à son Protocole facultatif, qui est entré en vigueur en 2006. Le Chancelier de justice remplit le rôle de mécanisme national de prévention prévu par le Protocole, chargé d'examiner régulièrement le traitement des personnes privées de liberté dans les lieux de détention. Ses visites d'inspection se poursuivent malgré la pandémie, en prenant les précautions nécessaires. Les établissements surveillés comprennent les établissements pour enfants nécessitant un traitement spécial en raison de problèmes comportementaux, les institutions spéciales de protection sociale, les établissements de santé offrant un traitement psychiatrique, les prisons, les services de police, etc. Les visites d'inspection peuvent avoir lieu à tout moment, de jour comme de nuit, annoncées ou non, et si des mauvais traitements pouvant être considérés comme criminels sont constatés, le parquet en est informé. La délégation a par ailleurs assuré que les moyens d'immobilisation dans les établissements ne sont utilisés que dans les circonstances prévues par la loi sur la santé mentale.

Un membre de la délégation a déclaré que la tutelle n'était prononcée que dans les cas où le recours à la prise de décision assistée n'est pas possible. Elle n'est en outre appliquée que de manière aussi limitée que possible. La pratique judiciaire montre que les tribunaux imposent, d'année en année, des tutelles de moins en moins contraignantes. La délégation a aussi précisé que la capacité de voter d'une personne est examinée séparément dans chaque cas par un tribunal, qui est assisté par un expert pour prendre une décision.

Un membre de la délégation a déclaré que tous les traitements, y compris les services de santé mentale, étaient fournis sur la base du libre arbitre et du consentement éclairé. Des critères ont été établis autour des soins psychiatriques d'urgence involontaires. Une personne ne peut être stérilisée qu'à sa propre demande. Les demandes de stérilisation doivent également être faites par écrit. Les mineurs ne peuvent pas être stérilisés.

Historiquement, en Estonie, les personnes handicapées mentales étaient regroupées dans quelques grands établissements de soins à travers le pays. Les grandes institutions étant maintenant fermées, l'objectif est de permettre aux gens de retourner dans leur région d'origine ou là où ils le souhaitaient. Chacun peut choisir où vivre et avec qui. Chacun dispose de sa propre chambre, mais les couples peuvent vivre ensemble. L'Estonie a jeté les bases d'un système de services de soins spéciaux flexible et centré sur la personne afin que les gens puissent vivre chez eux.

En ce qui concerne l'accès aux établissements de soins de santé pendant la pandémie de COVID-19, l'accès avait été limité pour les traitements planifiés et les procédures électives. Cependant, les soins ambulanciers et les salles d'urgence étaient ouverts à tous, y compris les personnes handicapées, en cas de besoin de soins immédiats ou de contrôles médicaux urgents.

En réponse à une question, la délégation a déclaré que le programme de vaccination contre la pandémie de COVID-19 de l'Estonie avait accordé la priorité aux agents du système de santé ; ils sont aujourd'hui plus de 30 000 à avoir été vaccinés. Viennent ensuite les travailleurs sociaux et les résidents des maisons de soins ainsi que les maisons de soins spéciaux et leurs résidents. Le troisième groupe était constitué de personnes de plus de 70 ans et de personnes souffrant de maladies ou de diagnostics particuliers, comme le diabète, qui représentent 250 000 personnes.

Conclusions

M. KUUSE, Secrétaire général adjoint à la politique sociale, a reconnu la nécessité pour l'Estonie de renforcer le débat public et de comprendre la nécessité de donner la priorité au bien-être des personnes handicapées.

La représentante de la Chancelière de justice a remercié le Comité pour ses questions importantes, ainsi que la délégation estonienne pour ses réponses, notant que de nombreuses clarifications sur les projets futurs envisagés par de l'État avaient été données, ce qui a permis à son bureau d'avoir une vision plus optimiste de l'avenir. Le Bureau de la Chancelière de justice continuera de s'acquitter de ses fonctions de mécanisme indépendant de suivi de manière constructive et en bonne coopération avec les personnes handicapées.

M. RUSKUS, rapporteur du Comité sur le rapport de l'Estonie, a félicité le pays pour ses efforts pour faire appliquer la Convention, en partenariat avec des organisations de personnes handicapées, et pour les progrès réalisés en matière d'accessibilité ainsi que les réformes visant à promouvoir l'emploi des personnes handicapées. Cependant, de nombreux éléments de l'approche médicale au handicap persistent en Estonie. Il a noté au cours des échanges avec la délégation que les personnes handicapées étaient toujours considérées comme des sujets de «besoins spéciaux». Il a souligné à cet égard que les droits des personnes handicapées à la liberté, à l'égalité et à l'inclusion sociale n'étaient pas des «besoins spéciaux». Il a aussi constaté que la privation de la capacité juridique des personnes handicapées perpétuait l'approche médicale du handicap, au lieu de mettre en œuvre une approche fondée sur les droits de l'homme, comme le prévoit la Convention.

 


HRC21.002F