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Le Comité des droits de l'homme examine le rapport de la Finlande

Compte rendu de séance

 

Le Comité se penche notamment sur les mesures d'exception face au coronavirus, ainsi que sur la question du rapatriement de ressortissants finlandais encore détenus dans le nord de la Syrie

 

Le Comité des droits de l'homme a terminé aujourd'hui l'examen, qui s'est déroulé depuis le 2 mars par visioconférence, du rapport périodique présenté par la Finlande sur les mesures qu'elle a prises pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par Mme Krista Oinonen, Directrice au service des tribunaux et instruments des droits de l'homme du Ministère des affaires étrangères. Elle a insisté sur l'engagement de son gouvernement à faire de la Finlande un pays «socialement, économiquement et écologiquement durable». Dans ce cadre, le pays prépare un troisième plan d'action national consacré aux droits fondamentaux et aux droits de l'homme, dont le but est de promouvoir l'obligation des pouvoirs publics en matière de respect des droits et libertés. La cheffe de délégation a par ailleurs fait valoir que le Gouvernement vise notamment la mise en œuvre effective du Pacte, en particulier dans les domaines de la lutte contre la traite des êtres humains, contre la violence à l'égard des femmes, contre le racisme et la discrimination ou encore pour l'égalité entre les sexes et les droits de l'enfant. En raison de la pandémie de COVID-19, le Gouvernement a dû rapidement prendre des mesures incluant l'instauration de l'état d'urgence et l'adoption d'une loi sur les pouvoirs d'exception. Ces mesures ont abouti à la limitation de certains droits et libertés, notamment celle de mouvement et celle d'exercer des activités commerciales dans le secteur de la restauration. Ces dispositions sont provisoires et ne constituent pas des dérogations au Pacte, a affirmé Mme Oinonen.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Finlande, M. José Manuel Santos Pais, a notamment salué le fait que la Finlande avait amélioré son cadre législatif. Il a toutefois exprimé des préoccupations s'agissant notamment de l'évaluation «limitée, voire totalement absente» de l'impact des lois finlandaises sur les droits de l'homme et sur les droits politiques de la minorité sâme. Les membres du Comité, en particulier M. Gentian Zyberi, ont également fait des observations et posé des questions. Ils ont relevé que la Finlande avait facilité l'obtention de documents d'identité pour les demandeurs d'asile bénéficiaires de la protection internationale et octroyé d'office la nationalité finlandaise aux enfants d'apatrides nés en Finlande. Des préoccupations ont toutefois été exprimées s'agissant de la persistance de discriminations et de discours de haine dans le pays, ou encore des mesures adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La question du rapatriement des ressortissants finlandais retenus dans les camps de réfugiés au nord de la Syrie a également retenu l'attention. Des experts ont aussi évoqué, notamment, la question de l'objection de conscience, ou encore le respect de la liberté de conscience et de croyance, ainsi que le respect du droit à l'autodétermination des Sâmes.

La délégation finlandaise était composée d'une trentaine de membres, dont 80% de femmes, représentant neuf ministères différents, en particulier ceux des affaires étrangères, de la justice, intérieur, affaires sociales, ainsi que la Commission parlementaire du droit constitutionnel. Elle a notamment assuré que la loi sur les pouvoirs d'exception et la déclaration de l'état d'urgence en mars 2020 et en mars 2021 dans le cadre de la pandémie de COVID-19 étaient conformes aux dispositions de l'article 4 du Pacte. Au sujet des Sâmes, elle a attiré l'attention sur un processus de réconciliation nationale qui permettra de constituer, dès ce printemps, une commission chargée d'évaluer les discriminations historiques et la manière dont l'histoire a eu des répercussions sur les Sâmes d'aujourd'hui.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la Finlande seront rendues publiques à l'issue de la session, qui se termine le 26 mars prochain. Elles devront être adoptées dans le cadre de séances privées et seront ensuite disponibles sur la page internet de la session.

 

Le Comité des droits de l'homme entame l'examen du quatrième rapport périodique du Kenya le 9 mars à 16 heures. Les débats peuvent être écoutés en direct sur internet.

 

Présentation du rapport de la Finlande

Le Comité des droits de l'homme était saisi du rapport périodique de la Finlande (CCPR/C/FIN/7), établi sur la base d'une liste de points à traiter que le Comité lui avait adressée.

MME KRISTA OINONEN, Directrice au service des tribunaux et instruments des droits de l'homme au Ministère des affaires étrangères de la Finlande, a déclaré que l'un des objectifs du programme du Gouvernement était de parvenir à une Finlande «socialement, économiquement et écologiquement durable». L'accent est mis en particulier sur les droits fondamentaux et les droits de l'homme. Le Gouvernement s'engage à bâtir une Finlande tolérante et équitable, qui respecte et promeut les droits de l'homme de chacun. À cette fin, il prépare un troisième plan d'action national sur les droits fondamentaux et les droits de l'homme dont le but est de promouvoir l'obligation des pouvoirs publics de garantir le respect des droits et libertés fondamentaux et des droits de l'homme. Le plan d'action se concentre sur l'élaboration d'indicateurs qui seront utilisés pour suivre la pleine application de ces droits fondamentaux, avec l'objectif d'améliorer l'évaluation et de soutenir la prise de décision sur les questions liées aux droits de l'homme.

Avec la pandémie de COVID-19 qui a atteint la Finlande au printemps de l'année dernière, aucun couvre-feu général n'a été imposé en Finlande, bien que des mesures aient rapidement été prises, avec notamment la déclaration de l'état d'urgence et l'adoption, le 16 mars 2020, de la loi sur les pouvoirs d'exception. Le Gouvernement n'a invoqué ces pouvoirs d'urgence que dans le but de réorganiser les secteurs sanitaire et social, ceux de l'enseignement et de l'éducation, ainsi que pour imposer des restrictions à la circulation entre une région du sud de la Finlande et les autres régions. La loi a également imposé des restrictions à la liberté d'exercer des activités commerciales dans le domaine de la restauration. Ces dispositions sont conformes à l'article 23 de la Constitution finlandaise, qui réglemente les exceptions provisoires aux libertés et droits fondamentaux. Conformément aux dispositions de l'article 4 du Pacte, les pouvoirs d'exception invoqués ne constituant pas des dérogations aux articles du Pacte, le Gouvernement ne les a pas signalés au Secrétaire général des Nations Unies.

Lundi dernier, 1er mars 2021, le Gouvernement finlandais a déclaré l'état d'urgence pour la seconde fois, en raison de l'augmentation de cas liés aux variants du coronavirus. Il envisage notamment d'imposer de nouvelles restrictions à la liberté d'exercer une activité commerciale dans le secteur de la restauration. Les restrictions sont strictement provisoires et le Gouvernement prévoit de prendre des mesures de soutien pour atténuer les conséquences économiques de ces mesures. Le Parlement exerce pleinement un contrôle sur ces mesures, a précisé la cheffe de la délégation.

Mme Oinonen a assuré que certains projets relevant du programme du Gouvernement sont importants pour la mise en œuvre du Pacte, notamment celles relatives à la lutte contre la traite des êtres humains. Un coordonnateur de la lutte contre la traite a été nommé et un plan d'action national a été élaboré. La police a créé un groupe d'enquêteurs spécialisés chargé de dénoncer, de prévenir et d'enquêter dans ce domaine. Un groupe de travail intersectoriel est en train de rédiger une nouvelle proposition de loi pour porter assistance aux victimes de la traite des êtres humains, qui devrait être adoptée d'ici la fin 2022. La Finlande a également adopté l'année dernière un nouveau plan d'action pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. Le thème transversal du plan d'action est la prévention de la violence, y compris des formes spécifiques de violence telles que la violence liée à l'honneur et la violence numérique.

Le Gouvernement est également déterminé à lutter contre le racisme et la discrimination. Un plan d'action pour lutter contre le racisme et promouvoir de bonnes relations sera adopté ce printemps. Conformément au programme du Gouvernement, des efforts concrets sont déployés dans la lutte contre la discrimination et pour renforcer la surveillance des cas de discrimination et des crimes de haine. La police déploie constamment des efforts pour améliorer les compétences des policiers en matière de détection et de lutte contre les crimes de haine et la discrimination.

Le programme du Gouvernement est en outre très ambitieux en matière d'égalité des sexes, a poursuivi Mme Oinonen. De nombreuses initiatives et mesures ont été prises, telles qu'un programme d'égalité de rémunération et une réforme du congé parental, qui ciblent spécifiquement l'inégalité entre les sexes. Pour la toute première fois, la Finlande a élaboré une stratégie nationale pour l'enfance. Le Gouvernement s'engage à évaluer l'impact de ses décisions sur les enfants, à améliorer la budgétisation des mesures en faveur de l'enfance, à renforcer les connaissances sur le bien-être des enfants et à favoriser l'inclusion des enfants et des jeunes.

En décembre de l'année dernière, une proposition législative a été soumise au Parlement pour renforcer la protection juridique des demandeurs d'asile en permettant le recours à un avocat lors des entretiens. De plus, les délais de recours seront prolongés. La législation sur le regroupement familial est en cours d'examen pour tenir compte notamment de l'intérêt supérieur de l'enfant. Le but est de mettre fin à l'application de l'exigence de ressources financières suffisantes aux mineurs qui ont obtenu un permis de séjour fondé sur la protection internationale. Les problèmes liés au regroupement familial seront également examinés et la nécessité d'introduire d'éventuelles modifications législatives sera prise en considération.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. JOSÉ MANUEL SANTOS PAIS, rapporteur du Comité pour la Finlande, a relevé que neuf ans séparent ce septième rapport du précédent. Cela laisse présager que de nombreuses améliorations ont été apportées au cadre juridique finlandais depuis les dernières observations finales adoptées par le Comité sur la Finlande. À cet égard pourtant, le Comité nourrit certaines préoccupations, s'agissant en particulier de la mise en œuvre des recommandations et observations du Comité . Il a demandé à la délégation de fournir plus d'informations sur ce point et sur le fonctionnement des différents mécanismes chargés de cette mission.

Le rapporteur a également observé que le document de base soumis par la Finlande manquait d'exemples concrets de cas où des juridictions finlandaises se réfèrent au Pacte, alors qu'en 2013, année du précédent passage de la Finlande devant le Comité, ce dernier avait déjà demandé à l'État partie de prendre les mesures appropriées pour sensibiliser les juges, les avocats et les procureurs aux dispositions du Pacte. Le Comité a alors souhaité avoir des exemples concrets où des tribunaux nationaux ont appliqué directement le Pacte ou, le cas échéant, ont écarté des dispositions juridiques internes en conflit avec le Pacte.

M. Santos Pais a souhaité savoir, dans le cadre des mesures d'urgence adoptées par le Gouvernement pour freiner la pandémie de COVID-19, quels autres droits, outre le droit de réunion pacifique et le droit à la liberté de mouvement, sont les plus limités, et quelles garanties et recours sont à la disposition des citoyens. La Finlande a instauré, le 1er mars dernier, un deuxième état d'urgence en raison de la pandémie. À cet égard, le rapporteur a voulu savoir si le pays entendait donner suite à la déclaration, adoptée le 30 avril 2020 par le Comité (CCPR/C/128/2), sur les dérogations au Pacte dans le contexte de la pandémie de COVID-19, qui appelle les États parties à s'acquitter sans délai de leur devoir d'informer immédiatement le Secrétaire général, s'ils ne l'ont pas encore fait, des mesures d'exception qui dérogent à leurs obligations au titre du Pacte.

Concernant les différents plans d'action nationaux sur les droits de l'homme adoptés par la Finlande, dont le troisième couvre la période 2020-2023, le rapporteur a souhaité savoir si l'État partie avait évalué l'efficacité des deux précédents, notamment s'agissant des interactions entre le grand nombre de parties prenantes, et si oui, quelles sont les principales conclusions auxquelles le Gouvernement est parvenu.

Selon les informations portées à la connaissance du Comité, les évaluations d' impact sur les droits de l'homme des mesures législatives qui ont été prises sont «limitées, voire totalement absentes», notamment en ce qui concerne les projets de loi restreignant les droits des demandeurs d'asile et des migrants ainsi que les droits des Sâmes. Il a donc été demandé à la délégation de donner les raisons pour lesquelles le mécanisme d'évaluation de l'impact n'a pas fonctionné efficacement sur ces questions spécifiques et d'expliquer comment le Gouvernement entend améliorer ce mécanisme. Le Comité a aussi souhaité avoir des informations sur les résultats de l'étude d'impact de la loi sur la non-discrimination que la Finlande a complétée en novembre dernier.

Un membre du Comité a interrogé la délégation sur les réserves au Pacte émises par la Finlande (articles 10, 14 et 20), jugeant que la réserve au paragraphe 7 de l'article 14 («Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné …», qui permet à l'État partie de poursuivre la pratique juridique nationale selon laquelle une décision peut être annulée au détriment de l'accusé, «n'a pratiquement pas de sens» au regard de l'Observation générale 32 du Comité dans laquelle il exprime son interprétation de cette disposition. Il a donc été demandé à la délégation de dire si la Finlande envisage de poursuivre sa pratique juridique sans aucune réserve dans la mesure où la reprise d'un procès pénal sur des chefs d'accusation déjà jugés est limitée aux cas exceptionnels énumérés dans sa réserve actuelle.

S'agissant des discriminations et discours de haine en Finlande, des membres du Comité ont noté que d'autres mécanismes des Nations Unies ont exprimé des préoccupations récurrentes. Il semble que les personnes d'ascendance africaine sont particulièrement ciblées par la Police finlandaise. Que fait donc le Gouvernement pour protéger et intégrer ces personnes, a demandé un expert. Un autre a estimé que la procédure judiciaire visant à indemniser les victimes de discrimination semble «compliquée» et «victimise» à nouveau la personne qui demande justice, en violation même de l'article 16 de la loi finlandaise contre la discrimination. Il a été demandé à la délégation d'indiquer la durée approximative d'un processus judiciaire pour indemnisation, ainsi que le nombre de procès ouverts et résolus entre 2018 et 2020. Des données sur le nombre de personnes victimes de profilage ethnique ont aussi été demandées.

Il a été demandé à la délégation des données actualisées sur la Politique nationale en faveur des Roms. Les experts ont aussi souhaité des informations sur la pratique des tribunaux consistant à imposer des frais judiciaires aux Sâmes dans le cadre de procédures judiciaires concernant la propriété foncière et l'élevage.

Le rapporteur a rappelé que, dans des constations adoptées en novembre 2018, le Comité avait demandé à l'État partie de revoir l'article 3 de la loi sur le Parlement sâme afin de garantir que les critères d'éligibilité soient appliqués d'une manière qui respecte le droit du peuple sâme à exercer son droit à l'autodétermination interne, conformément aux articles 25 et 27 du Pacte. Le Comité souhaite des informations sur l'application effective de ces constatations, de même que sur les obstacles rencontrés et les mesures que le gouvernement entend prendre pour les surmonter. Il a été demandé si la Finlande entend ratifier la Convention n°169 de l'Organisation internationale du Travail (OIT) de 1989, relative aux peuples indigènes et tribaux.

En ce qui concerne la situation des personnes transgenres et intersexes, y compris les enfants intersexes, une experte du Comité, citant des organisations de la société civile, a relevé qu'en Finlande, le transsexualisme reste classé comme «désordre mental». De plus, les procédures pour obtenir un changement d'identité de genre durent entre deux et trois ans, sans compter que ces personnes subissent souvent sans consentement des opérations médicales «correctives» qui ne sont pas nécessaires. L'experte a alors souhaité savoir si la Finlande comptait retirer le transsexualisme de la liste des désordres mentaux, mettre un terme définitif à la pratique des stérilisations forcées, raccourcir les délais de changement d'identité sexuelle et prendre les mesures qui s'imposent pour s'assurer du consentement des personnes avant une intervention chirurgicale.

Faisant écho à une inquiétude exprimée par le Comité contre la torture quant à la privation de liberté sans base légale ni garanties juridiques suffisantes pour les personnes handicapées et les personnes âgées atteintes de démence vivant dans des institutions de protection sociale, un membre du Comité a souhaité connaître les raisons du retard de la nouvelle loi renforçant les garanties juridiques pour ces personnes. Un autre expert a voulu connaître le nombre de personnes handicapées atteintes ou décédées de la COVID-19 dans les institutions les accueillant, de même que les mesures ciblées prises pour endiguer la propagation du virus dans ces institutions.

Abordant la question des mesures antiterroristes prises par la Finlande, un membre du Comité a pour sa part qualifié de «vagues et sujettes à des abus» les modifications récentes de la définition des crimes terroristes dans le Code pénal, car non conformes au principe de légalité et pouvant indûment restreindre certains droits tels que la liberté de circulation. L'expert a souhaité des données chiffrées concernant le nombre d'affaires liées au terrorisme jugées par les tribunaux finlandais, de même que le nombre d'enquêtes pénales actuellement en cours ainsi que le type d'infractions considérées comme une menace pour la sécurité nationale. Il a également demandé si les nombreux ressortissants finlandais, dont des femmes et enfants, encore détenus dans le camp de réfugié d'al-Hol dans le nord de la Syrie seront rapatriés pour être soumis à une procédure judiciaire en raison de leur affiliation au groupe terroriste État islamique. Par ailleurs, la Finlande dispose-t-elle d'un programme de réhabilitation pour les extrémistes ou les anciens combattants terroristes étrangers.

La question du traitement des étrangers, notamment des réfugiés et des demandeurs d'asile a également retenu l'attention des membres du Comité, qui ont félicité les autorités pour l'amélioration de l'accès aux documents d'identité pour les bénéficiaires de la protection internationale et la révision en cours du régime d'aide judiciaire visant à garantir l'accès à une aide juridique de haute qualité tout au long du processus d'asile. Ils ont souhaité savoir si les demandeurs d'asile dans les centres d'accueil reçoivent suffisamment d'informations sur leurs droits et dans une langue qu'ils comprennent. Ils ont souhaité connaître par quels moyens les réfugiés et demandeurs d'asile vulnérables sont identifiés, notamment les demandeurs LGBTI, les enfants et les victimes de la traite. Il ont souhaité connaître les mesures prises pour produire des statistiques sur la détention des demandeurs d'asile gérés par la police et les gardes-frontières.

Concernant les personnes apatrides, les membres du Comité ont encore salué la Finlande pour avoir accordé la nationalité aux enfants d'apatrides nés en Finlande. Mais que compte faire le pays pour réduire le nombre d'apatride dans le monde dans le cadre de la campagne mondiale contre l'apatridie. Le Comité a souligné avoir connaissance de la présence de 3266 apatrides en Finlande. Le Comité a en outre relevé l'imposition de conditions de revenus pour les procédures de réunification des familles.

S'agissant des mécanismes de contrôle des activités du service de renseignement finlandais (Suojelupoliisi – ou Supo), le Comité a relevé que leur structure était «complexe» avec cinq organismes chargés de ce contrôle, dont une commission parlementaire du renseignement, le médiateur pour la protection des données et le chancelier de justice. Le Comité a souhaité avoir des informations sur la «structure complexe» de ce contrôle et sur la relation entre les mécanismes de contrôle et leurs mandats respectifs, notamment si l'Ombudsman du renseignement est désormais l'entité responsable de la surveillance efficace de toutes les opérations de renseignement. Il a également été demandé, dans le contexte où une décision de justice doit être obtenue à l'avance pour toute opération de collecte de renseignements, qui autorise les opérations qui ne sont pas considérées comme une violation grave de la vie privée?

S'agissant de la question de la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique et sexuelle, compte tenu que le rapport de l'État reconnaît lui-même que le harcèlement sexuel, la violence et les discours de haine contre les femmes restent répandus en Finlande, et que de nouvelles formes sont apparues avec la pandémie, un expert a demandé quelles mesures étaient prises et quels progrès ont été accomplis pour lutter efficacement contre la prévalence de ces violences, notamment en matière d'aide aux victimes, d'incitation à la dénonciation ou de frais de justice.

Une a voulu connaître précisément les critères pour déterminer si une personne effectuera 347, 255 ou 165 jours de service militaire. Par ailleurs, le Comité est informé du fait que le service militaire n'est pas entièrement sous contrôle civil, en raison de la présence de militaires dans les instances qui décident du contenu dudit service. La délégation est priée de fournir des données sur le nombre de militaires présents dans ces instances, leur raison d'y être ainsi que les fonctions et responsabilités qui leur sont attribués.

Concernant les objecteurs de conscience, le Comité est informé que nombre d'entre eux sont encore emprisonnés en Finlande, dont des Témoins de Jéhovah. La délégation a été invitée à donner le nombre mis à jour d'objecteurs de conscience emprisonnés, de même que la base juridique de ce traitement.

Concernant la liberté de conscience et de croyance, des questions ont été posées sur les mesures concrètes visant à faciliter les processus de production, d'emballage et de commercialisation des aliments casher et halal. Le Comité a également relevé que la disposition actuelle du Code pénal sur la violation du caractère sacré de la religion, a été promulguée en 1998 et n'a pas été modifiée depuis. La loi punit le blasphème public contre Dieu, la diffamation ou la profanation publique de ce qui est considéré comme sacré par une église ou une communauté religieuse. Il a été demandé à la délégation de dire si elle considère qu'une telle disposition porte atteinte à l'exercice du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, notamment avec une rédaction «aussi large que vague» qui peut être utilisée pour poursuivre des militants, journalistes, blogueurs et autres. Selon le document de base, en 2018, 70% de la population se disaient évangélistes luthériens, 1% orthodoxes et 12% autres, tandis que 27% de la population déclaraient n'appartenir à aucune communauté religieuse.

De nombreuses questions ont également été posées à la délégation s'agissant notamment de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l'horizon 2030 au regard des droits civils et politiques, de la désignation et du contrôle des procureurs et de leur relation avec la Police, de la politique en matière de justice et de détention des mineurs, du soutien de la Finlande à la société civile.

Réponses de la délégation

La délégation a assuré le Comité que le Pacte était bien intégré dans la législation finlandaise; ses dispositions ont été transposées dans le droit national. La Cour suprême finlandaise y a fait référence quatorze fois, a chiffré un membre de la délégation, ajoutant que le Pacte était l'instrument relatif aux droits de l'homme le plus souvent cité par les juridictions du pays. On constate notamment que c'est dans les tribunaux de haute instance que les dispositions du Pacte sont le plus souvent citées.

En ce qui concerne le suivi des recommandations et observations des organes conventionnels, la délégation a indiqué que le Gouvernement les portait à la connaissance de la population par le biais de communiqués de presse, dans les langues finnoise et suédoise et dans les langues locales, comme le sâme du nord. La délégation a notamment attiré l'attention sur les travaux en cours de l'organisme qui prépare les amendements à la loi sur le Parlement sâme, qui devrait remettre son rapport à la mi-mai de cette année. Les observations du Comité des droits de l'homme y sont mentionnées et seront prises en compte. La délégation a aussi fait valoir la création d'une équipe chargée d'évaluer l'impact des mesures législatives sur les questions relatives à la langue et à la culture sâmes.

S'agissant des réserves émises par la Finlande s'agissant de certaines dispositions du Pacte, notamment dans son article 14, §7 (Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné …), la Finlande estime que ces réserves sont conformes à la Convention européenne des droits de l'homme. La délégation a assuré à cet égard que le processus de réexamen d'une décision de justice au détriment de la victime, bien que pertinent, n'est et ne sera utilisé qu'à titre exceptionnel.

La Finlande accorde aujourd'hui une grande importance aux droits des victimes, a assuré la délégation. Le pays considère par ailleurs que les crimes de haine, la diffamation ou la menace doivent être punis par la loi. Ces éléments concernent notamment les faits de négation de l'Holocauste. À cet égard, le plan d'action de lutte contre le racisme est dans sa phase finale d'élaboration, a indiqué la délégation, précisant qu'il serait lancé ce printemps. Dans le cadre de son processus de préparation, de nombreux organes et organisations de la société civile ont été associés et il est apparu que les discours de haine et la violence sont la principale source de problèmes en ce domaine. Rien qu'en 2017, la police est intervenue 300 fois environ pour des affaires de haine. La moitié a abouti à une condamnation devant les tribunaux. On enregistre, par ailleurs, une vingtaine de crimes de haine par an en Finlande, ce chiffre étant relativement stable ces trois dernières années.

L'évaluation de l'impact de la loi sur la non-discrimination montre que ses objectifs ont été atteints. Néanmoins, si cette loi est satisfaisante, elle n'est pas suffisamment connue, a reconnu la délégation. En outre, la loi devra être modifiée, notamment en ce qui concerne l'indemnisation des victimes. La société civile sera invitée à participer à ce processus.

Les évaluations de l'impact des lois sur les droits de l'homme ont lieu régulièrement, a déclaré la délégation en réponse à une question. Elle a reconnu que ces évaluations ne sont pas contraignantes pour les ministères mais que ceux-ci doivent motiver par écrit le rejet de ces évaluations. Par ailleurs la cour constitutionnelle et le Parlement veillent régulièrement à ce que les lois respectent les droits de l'homme et la Constitution. Dans le cas contraire, la loi est retirée des débats et renvoyée en commission parlementaire. Cela s'est produit en 2019 avec la loi sur les renseignements. Les évaluations d'impact sont en outre rendues publiques et portées à la connaissance de l'opinion nationale. La délégation a précisé qu'un poste de formateur à l'évaluation de l'impact de l'application des lois avait été créé au Ministère de l'intérieur. Une représentante du Ministère de la justice a informé le Comité de ce que son ministère assurait actuellement des formations auprès des autres ministères en matière de droits de l'homme et des instruments internationaux dans ce domaine.

En réponse à une question sur la situation des personnes d'ascendance africaine, la délégation a souligné que la loi finlandaise interdisait toute discrimination et tout profilage sur la base de la couleur de peau. Le cadre légal actuel est considéré comme adéquat, c'est sa pleine mise en œuvre qui est à améliorer. En mai prochain, une campagne visant la lutte contre discrimination, l'enseignement de l'histoire insistant sur la contribution des Finlandais d'origine africaine à la société sera lancée. Par ailleurs, le Ministère de l'intérieur dispose de formations obligatoires en matière de discrimination et d'interdiction du profilage racial ou ethnique pour tous les agents de police et, bientôt, les agents aux frontières. Des mécanismes de recours pour les victimes existent également, notamment la possibilité de saisir le Tribunal national pour la non-discrimination et l'égalité.

S'agissant de la situation des Finlandais détenus dans les camps de réfugiés en Syrie en raison de leur affiliation à l'organisation État islamique, la délégation a notamment affirmé que l'intérêt supérieur de l'enfant était la préoccupation première du Gouvernement finlandais. Dans ce contexte, il a récemment adopté une résolution visant au retour de tous les enfants finlandais retenus dans les camps en Syrie. À ce jour, 20 d'entre eux, ainsi que six femmes, ont été rapatriés. Le Gouvernement entend poursuivre sur cette voie. Par ailleurs, la loi finlandaise ne permet pas la déchéance de la nationalité finlandaise, y compris dans le cadre de l'amendement à la loi sur la citoyenneté entré en vigueur en mai 2019. Dans l'état actuel, cela est presque « impossible », compte tenu que la loi sur la nationalité stipule que la citoyenneté finlandaise ne peut être retirée à une personne si elle risque l'apatridie.

Concernant les personnes transgenres et intersexes, une enquête a été lancée auprès des principaux hôpitaux d'Helsinki au sujet des opérations chirurgicales sur ces personnes, et en particulier sur les enfants. Il est apparu qu'aucune opération chirurgicale de cet ordre ne se réalise dans ces hôpitaux. Une loi sur les personnes transgenres sera soumise au Parlement en décembre pour une entrée en vigueur en 2022. Elle sera élaborée avec la participation de la société civile et les préoccupations du Comité seront prises en compte, a assuré la délégation.

D'importantes avancées ont été enregistrées au Ministère de la justice face aux violences faites aux femmes, avec notamment un plan d'action contenant 32 mesures, dont des campagnes de sensibilisation et l'ouverture d'une ligne téléphonique. Une récente évaluation de ce plan a reçu un satisfecit, tandis que le budget alloué au soutien des victimes a été augmenté. S'agissant des mariages forcés, un travail interrompu par la pandémie reprendra ce printemps; la réflexion portera sur la question de savoir si l'incrimination relèvera de la traite des personnes ou d'un délit à part entière. La délégation a reconnu quîl n'y avait pas suffisamment de foyers d'accueil, en particulier dans le nord du pays, au plus près de la population sâme. Il en faudrait davantage, mais pour ceux qui existent, l'accès est ouvert à tous, hommes comme femmes. Les pensionnaires reçoivent en outre soins, conseils, y compris dans leur propre langue lorsqu'elles ne parlent pas le finnois. Des services d'interprétation ont ainsi été mis à disposition pour 70% des pensionnaires actuels.

Les mineurs en détention sont bien sûr séparés des adultes. Il est prévu d'augmenter le nombre de places en prison, notamment pour les délinquants mineurs, afin de les tenir éloignés des autres détenus et d'organiser des activités spécifiques pour eux. Actuellement, la Finlande ne compte que neuf détenus mineurs, a souligné la délégation.

Le contrôle des services de renseignement militaires et civils est exercé principalement par l'Ombudsman sur le renseignement. Selon la nouvelle loi sur le renseignement, cette institution peut recevoir des informations de la part de ces services, se rendre sur les lieux et recevoir des plaintes de personnes s'estimant être victime d'abus et mener des enquêtes. L'Ombudsman a publié un rapport l'été dernier qui ne constate aucune infraction, a précisé la délégation.

Sur la question du Programme de développement durable à l'horizon 2030 et de ses effets sur les droits civils et politiques, la Finlande examine la possibilité de lancer une initiative pour lancer une réflexion avec la participation de citoyens. La Finlande soutient les organisations de la société civile en lien avec l'ONU, à qui elle verse deux millions d'euros pour soutenir des activités de sensibilisation sur les travaux de l'ONU. Elle verse également 2,7 millions d'euros à des organisations finlandaises pour leurs activités de promotion du développement durable.

La délégation a précisé que les nouvelles restrictions imposées depuis le 1er mars en raison de l'état d'urgence lié à la pandémie de COVID-19 ne concernait que le secteur de la restauration.

EN réponse à une autres question, la délégation a notamment assuré que les procureurs n'exercent aucune autorité sur la Police, y compris lors d'enquêtes. Les deux entités étant issues d'administrations gouvernementales différentes, a expliqué la délégation. Les procureurs sont nommés à vie, dans le but de garantir leur indépendance.

La Finlande entend introduire des restrictions plus strictes concernant les rituels religieux d'abattage d'animaux, ceci afin de préserver l'animal de la souffrance. Il sera notamment exigé que l'animal soit au préalable endormi. Mais il ne sera pas fait obstacle à l'importation de produits animaliers pour lesquels cette condition n'a pas été remplie, a indiqué la délégation.

Une représentante du Ministère de l'intérieur a reconnu que le système actuel de collecte des données statistiques policières, n'était pas «fiable» et se faisait «à la main». Elle a assuré qu'un nouveau système de collecte de données sera mis en place.

S'agissant des demandeurs d'asile, une aide juridictionnelle avec des avocats issu du public ou du privé et commis d'office leur est automatiquement fournie. En cas de rejet de leur demande, ils disposent d'un délai de recours de 30 jours devant les juridictions administratives. L'aide juridictionnelle est par ailleurs de 80 heures, auxquelles peuvent s'ajouter 30 heures supplémentaires renouvelables une fois, si le tribunal les juge nécessaires. La délégation a aussi indiqué que des amendements législatifs sont prévus s'agissant conditions de revenu en matière de réunification familiale.

Sur le service militaire, la délégation a indiqué que sa durée était de 347 jours pour les soldats d'infanterie, 255 pour la police militaire et les services médicaux et 165 pour une catégorie incluant des officiers dans les domaines notamment de la recherche et des transports. Elle a aussi déclaré que le rôle de militaires participant dans les groupes de travail sur le service civil est uniquement consultatif. Il existe des alternatives au service militaire: ceux qui choisissent le service civil peuvent aussi choisir librement les tâches et l'endroit où ils veulent servir. La délégation a indiqué qu'il y avait entre 30 et 50 objecteurs de conscience par an en Finlande.

En ce qui concerne les droits des Sâmes, un processus de réconciliation nationale a été lancé en 2018, qui permettra de constituer, dès ce printemps, une commission chargée d'évaluer les discriminations historiques et la manière dont l'histoire a eu des répercussions sur les Sâmes d'aujourd'hui. Il s'agit pour l'État finlandais d'assumer ses responsabilités, a déclaré la délégation. Concernant les droits du Parlement sâme, une commission composée de cinq représentants de la communauté et des représentants des cinq partis politiques finlandais a été mis en place. Le but du processus est de soumettre un texte au Parlement national, mais à condition que ce texte soit accepté par le Parlement sâme lui-même. Plus globalement, plusieurs processus législatifs sont en cours, avec des effets potentiels sur les Sâmes. Parmi ces processus, il y a la loi sur les antiquités ou celle sur le changement climatique, qui devrait avoir des effets bénéfiques pour la communauté.

 

CCPR21.002F