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Il n'existe toujours pas d'action coordonnée au niveau international pour répondre à la crise de la faim causée par la pandémie, regrette le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation

Compte rendu de séance

 

Il n'existe toujours pas d'action coordonnée au niveau international pour répondre à la crise de la faim causée par la pandémie de COVID-19, comme cela a été le cas pour la réponse de santé publique, a regretté le nouveau Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, M. Michael Fakhri, en présentant son rapport devant le Conseil des droits de l’homme, cet après-midi. La crise sanitaire mondiale est une crise des droits de l'homme, mais les États membres sont réticents à considérer la crise alimentaire qui y est liée comme une question relevant elle aussi des droits de l'homme, a-t-il en outre déploré.

M. Fakhri a également rappelé qu’en avril 2020, le Programme alimentaire mondial estimait que le nombre total de personnes souffrant de la faim aiguë doublerait en 2020, pour passer à 265 millions à la fin de l’année. Nous attendons toujours le décompte final pour 2020, « mais il ne semble pas bon », a-t-il affirmé. Il a insisté sur le fait que pour recouvrer la santé, nous n'avons pas seulement besoin de vaccins ; nous avons aussi besoin d'une bonne alimentation.

De très nombreuses délégations* ont pris part au dialogue qui a suivi cette présentation du Rapporteur spécial. Nombre d’intervenants ont plaidé pour une action coordonnée à tous les niveaux pour faire face à la crise alimentaire imminente et aux conséquences de la COVID-19. La pandémie a fait comprendre aux pays qu'il était nécessaire de rendre le système alimentaire plus résilient et plus robuste, a-t-il été par ailleurs souligné.

Cet après-midi, le Conseil a également engagé avec Mme Ikponwosa Ero, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, un dialogue auquel ont participé de nombreuses délégations**.

Présentant ce qui est son dernier rapport avant la fin de son mandat, Mme Ero a attiré l’attention sur les nombreuses réalisations de son mandat, mais aussi sur les défis qui restent à relever, notamment en ce qui concerne le manque de ressources pour les organisations de la société civile et le manque de volonté politique pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les personnes atteintes d'albinisme.

L’Experte indépendante a également rendu compte de la visite qu’elle a effectuée au Brésil à l’automne 2019, après quoi le Brésil a fait une déclaration, en tant que pays concerné.

Le dialogue avec Mme Ero se poursuivra demain après-midi.

En fin de séance, les pays suivants ont exercé leur droit de réponse : Azerbaïdjan, Arabie saoudite, Arménie, Brésil.

 

Demain matin, à 10 heures, le Conseil tiendra un dialogue interactif avec le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées.

 

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation (A/HRC/46/33 ).

Présentation du rapport

M. MICHAEL FAKHRI, nouveau Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, a d’abord rappelé qu’en avril 2020, le Programme alimentaire mondial (PAM) estimait que le nombre total de personnes souffrant de faim aiguë doublerait en 2020, pour passer à 265 millions à la fin de l’année. « Nous attendons toujours le décompte final pour 2020 », a indiqué l’expert, « mais il ne semble pas bon ».

Dans ce contexte, le Rapporteur spécial a regretté qu’il n'existe toujours pas, au niveau international, d'action coordonnée pour répondre à la crise de la faim causée par la pandémie de COVID-19 comme cela a été le cas pour la réponse de santé publique. La crise sanitaire mondiale est une crise des droits de l'homme, mais les États Membres sont réticents à considérer la crise alimentaire qui y est liée comme une question relevant elle aussi des droits de l'homme, a déploré M. Fakhri. La difficulté consiste à faire comprendre aux États Membres que la crise de la faim est un problème international qui nécessite une coordination, une coopération et une solidarité internationales, a-t-il insisté.

La plupart des pays connaissent la crise de la faim principalement sous la forme d'un effondrement des chaînes d'approvisionnement locales et des institutions locales, a poursuivi le Rapporteur spécial. Le présent rapport donne aussi une idée de la dimension internationale de cette crise, avec notamment la dépendance à l'égard des importations alimentaires, les sanctions économiques et l'accaparement des terres, a-t-il indiqué.

Le problème principal est que cette crise alimentaire est due en grande partie au fait que près de la moitié des 3,3 milliards de travailleurs dans le monde risquent de perdre leurs moyens de subsistance, a expliqué le Rapporteur spécial. La crise de la faim est plus complexe que la question des vaccins, et pourtant il n'y a pas de processus de coordination en place, a-t-il regretté. Il a insisté sur le fait que pour recouvrer la santé, nous n'avons pas seulement besoin de vaccins ; nous avons aussi besoin d'une bonne alimentation.

Le Rapporteur spécial a ensuite évoqué le Sommet des Nations Unies sur les systèmes alimentaires que le Secrétaire général convoquera en 2021. M. Fakhri a noté que plus de 500 organisations affiliées au Comité de la sécurité alimentaire mondiale et représentant des millions de personnes avaient protesté contre ce Sommet, notamment parce que les droits de l'homme avaient été initialement exclus de son ordre du jour. Le Rapporteur spécial a espéré que le Sommet s'alignerait sur l'Appel à l'action du Secrétaire général visant à placer explicitement les droits de l'homme au cœur de tous les processus et résultats des Nations Unies.

Aperçu du dialogue

Une délégation a fait observer que le monde n’était pas en voie d'atteindre l'objectif « Faim zéro » d'ici 2030, la COVID-19 risquant en effet ajouter 132 millions de personnes aux quelque 690 millions d’êtres humains qui souffraient déjà de la faim en 2019. Aujourd’hui même, a-t-il été précisé, 30 millions de personnes au bord de la famine sont déjà confrontées à des conditions de vie extrêmes, à la violence et à la maladie : une action urgente et un financement sont essentiels pour protéger leur accès à la nourriture.

Des délégations ont plaidé, comme le Rapporteur spécial, pour une action coordonnée à tous les niveaux pour faire face à la crise alimentaire imminente et aux conséquences de la COVID-19. Face à ce défi, les États et les organisations internationales doivent œuvrer de concert pour combattre la pandémie par une approche fondée sur les droits de l’homme, a-t-il été recommandé.

La pandémie a fait comprendre aux pays qu'il était nécessaire de rendre le système alimentaire plus résilient et plus robuste, a-t-il par ailleurs été souligné. Dans ce contexte, une délégation a indiqué que son pays avait adopté une loi institutionnalisant le programme de cantines scolaires, un programme qui contribuera aussi à promouvoir les petits producteurs agricoles locaux ; une autre a mentionné un projet d’appui à l’intensification maraîchère dans des zones péri-urbaines, pour améliorer l’offre en produits maraîchers frais et la diversification du régime alimentaire.

A d’autre part été dénoncé le fait que la faim et la famine soient utilisées comme armes dans les conflits armés, ce qui affecte grandement les migrants, les réfugiés et d'autres groupes vulnérables. Un groupe de pays a recommandé que le Rapporteur spécial intègre la question des « obstacles rencontrés par les personnes vivant sous occupation pour réaliser leur droit à l'alimentation » dans son étude prioritaire sur les conflits armés et les crises prolongées.

Une délégation a rappelé que, pour de nombreuses nations maritimes et insulaires, le secteur de la pêche est déterminant pour assurer la sécurité alimentaire, surtout en ces temps difficiles.

Plusieurs délégations ont décrit l’assistance humanitaire que leurs pays octroient en matière de sécurité alimentaire et d'atténuation de la famine. Un intervenant a demandé que le Rapporteur spécial se penche également sur la question du détournement des aides humanitaires.

D’autres questions ont porté sur les mesures à prendre pour que la perspective des droits de l'homme soit incorporée dans les conventions relatives au commerce des denrées alimentaires.

Un pays s’est dit en désaccord avec l'approche du Rapporteur spécial concernant l'ordre du jour du prochain Sommet sur les systèmes alimentaires : l'agroécologie et la maîtrise des agriculteurs sur les semences, a estimé ce pays, devraient être discutées dans des plates-formes spécialisées plutôt qu’au Conseil. D’autres intervenants ont souligné l’importance de l’agroécologie dans la transition vers des systèmes alimentaires durables et ont recommandé que cette question soit abordée lors du Sommet sur les systèmes alimentaires.

Après avoir remercié le Rapporteur spécial pour son rapport qui propose des solutions concrètes à la crise liée à la pandémie, une ONG a demandé aux États de protéger les zones rurales et de promouvoir des systèmes agraires plus équitables. Une autre organisation a plaidé pour que les marchés servent les besoins sociaux plutôt que les profits.

Enfin, ont été dénoncées dans plusieurs pays ou territoires des violations du droit à l’alimentation, notamment la destruction de cultures et d’infrastructures et la violation du droit d’accéder à la nourriture et à l’eau. Ont également été dénoncées d’autres entraves à la souveraineté alimentaire des pays, comme les mesures coercitives unilatérales.

* Liste des intervenants : Union européenne, Pakistan (au nom de l'Organisation de la coopération islamique), Équateur (au nom d'un groupe de pays), Fédération de Russie, Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), Allemagne, Macédoine du Nord, État de Palestine, Jordanie, Malaisie, France, Mauritanie, Équateur, Ordre souverain de Malte, Togo, Arménie, Libye, Iraq, Indonésie, Maldives, Arabie saoudite, Philippines, Venezuela, Inde, Maroc, Iran, Afrique du Sud, Namibie, Norvège, Égypte, Cameroun, Suisse, Népal, Ghana, Chine, Angola, Viet Nam, El Salvador, Liban, Fidji, Soudan, Cuba, Bangladesh, Programme alimentaire mondial (PAM), Saint-Siège, Vanuatu, Algérie, Djibouti, Guatemala, Cambodge, Syrie, Centre Europe - Tiers Monde,Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII,Human Rights Advocates Inc., Sikh Human Rights Group, FIAN International e.V., Al Mezan Centre for Human Rights , Peace Brigades International, Coalition internationale habitat,Terra de Direitos et Asian-Pacific Resource and Research Centre for Women (ARROW).

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. FAKHRI a estimé que l’agroécologie et les droits de l’homme allaient de pair. Il a espéré que ces deux aspects seraient abordés pendant le prochain Sommet sur les systèmes alimentaires, qui sera ainsi plus fructueux. De l’avis du Rapporteur spécial, ce Sommet devra aussi aborder le problème que constitue la concentration des pouvoirs aux mains des multinationales.

M. Fakhri a ensuite souligné qu’un grand travail restait à accomplir pour que le respect des droits de l’homme soit intégré aux chaînes d’approvisionnement internationales. Il a espéré que l’arrivée d’une nouvelle directrice générale à l’OMC serait l’occasion de mettre le droit à l’alimentation au cœur des négociations commerciales.

Une délégation ayant mentionné la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysans, le Rapporteur spécial a déclaré que l’intégration de cet instrument dans le droit national des pays était particulièrement importante pour transformer les systèmes alimentaires des pays et donner effet au droit à l’alimentation.

L’expert a en outre jugé très préoccupants les embargos unilatéraux pendant cette période de pandémie, car « ils sont souvent une manière de punir les civils dans des conflits plus larges ».

Dialogue avec l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme

Le Conseil est saisi du rapport de l’Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme ( A/HRC/46/32) et de l’additif 1 au rapport relatif à sa visite au Brésil.

Présentation du rapport

Présentant son rapport, MME IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a expliqué qu’il fournit un résumé des réalisations de ce mandat au cours des six dernières années. Elle a attiré l’attention sur l'élaboration d'un plan d'action régional sur l’albinisme (2017-2021) adopté par l’Union africaine pour traiter la question des attaques et des violations extrêmes des droits de l'homme contre les personnes atteintes d'albinisme en Afrique. Ce mandat a également produit une quantité exponentielle d’informations et de recherches, ainsi que des visites de pays. Des rapports spécifiques sur les femmes et les enfants, l'accès à la justice, ainsi que l'albinisme dans le monde ont par ailleurs été publiés.

Des progrès significatifs ont également été réalisés dans la mobilisation des ressources ayant permis la réalisation de nombreuses activités relevant du mandat, a poursuivi l’Experte indépendante. La sensibilisation aux personnes atteintes d'albinisme dans le monde s'est considérablement accrue grâce à des événements grand public et innovants ayant impliqué des cinéastes, des musiciens et des médias, a-t-elle ajouté.

Cependant, a affirmé l’Experte indépendante, il reste de nombreux défis à relever tels que le manque de ressources pour les organisations de la société civile et le manque de volonté politique pour résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les personnes atteintes d'albinisme, y compris la violence et les cancers de la peau dont un très grand nombre d’entre elles souffrent.

Rendant compte de la visite qu’elle a effectuée au Brésil du 28 octobre au 8 novembre 2019, l’Experte indépendante a évoqué certains des principaux problèmes auxquels sont confrontées les personnes atteintes d’albinisme dans ce pays, citant notamment la marginalisation et la discrimination en raison de leur apparence, ce qui n’est pas sans impact sur l'accès au travail, par exemple. De même, elle a relevé que les personnes atteintes d'albinisme au Brésil seraient environ 1 000 fois plus susceptibles que la moyenne des Brésiliens de contracter un cancer de la peau et d'en mourir prématurément.

Pays concerné

Le Brésil a indiqué qu’il a pris différentes mesures depuis la visite de l’Experte indépendante. Le pays a notamment pris des mesures pour renforcer l’accès aux soins de santé primaire, spécialement pour les personnes atteintes d’albinisme puisque le Gouvernement conçoit des initiatives qui admettent le caractère spécifique de ces personnes. La campagne axée sur la « visibilité des personnes atteintes d’albinisme » sera bientôt lancée, a ajouté la délégation brésilienne. Cette campagne a pour but de lutter contre les discriminations dont ces personnes sont victimes, a-t-elle précisé. Une ligne téléphonique a été ouverte afin que les personnes atteintes d’albinisme puissent dénoncer des pratiques discriminatoires à leur encontre. Ces personnes reçoivent en outre des kits contenant notamment de la crème solaire afin de prévenir les cancers de la peau, a indiqué la délégation brésilienne.

Aperçu du dialogue

De nombreuses délégations ont salué le travail de l’Experte indépendante, dont le mandat arrive à son terme, en saluant les grandes avancées enregistrées durant ce mandat, notamment l’adoption du plan d’action adopté pour l’Afrique, qui constitue « une avancée majeure dans la promotion des bonnes pratiques en matière de protection des personnes atteintes d’albinisme ». Une délégation s’est ainsi réjouie des efforts déployés par l’Experte indépendante dans la réalisation des objectifs assignés à son mandat. Plusieurs délégations ont appelé au renouvellement du mandat de l’Experte indépendante.

Plusieurs délégations ont insisté sur la nécessité de maintenir les acquis et de s’attaquer aux causes profondes des violations des droits des personnes atteintes d’albinisme, surtout pour ce qui est des femmes et des enfants, qui sont touchés de manière disproportionnée.

Les personnes atteintes d’albinisme sont exposées à un double défi : celui de faire face aux problèmes de santé qu’elles rencontrent et celui de se protéger contre les différentes représentations sociales négatives qui les visent, a souligné une délégation.

Il faut continuer à lutter contre les violences et les attaques à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme – des actes qui s’apparentent à des crimes de haine –, ont plaidé plusieurs délégations.

Plusieurs délégations ont mis en avant les mesures prises dans leur pays pour protéger et garantir l’accès des personnes atteintes d’albinisme aux soins de santé.

**Liste des intervenants : Union européenne, Danemark (au nom des pays nordiques et baltes), Israël, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Portugal, Sénégal, Venezuela, Malaisie, Afrique du Sud, Namibie, Burkina Faso, Egypte, Cameroun, Chine, Lesotho, Fidji, Botswana, Djibouti, Tanzanie, ONU-Femmes, Kenya, Nigéria, Angola, Panama, Etats-Unis et Ouganda.

Réponses et remarques de conclusion de l’Experte indépendante

MME ERO a déclaré qu’elle avait déployé beaucoup d’énergie pour que les politiques en matière de protection des personnes atteintes d’albinisme aient, pour ces personnes, des répercussions concrètes sur le terrain.

Elle a dit regretter le « génocide au ralenti » [contre ces personnes] qui se poursuit dans certains pays durant la pandémie actuelle de COVID-19. Les pratiques nocives se sont développées en Afrique et en Asie du Sud, a-t-elle précisé. Par exemple, a-t-elle indiqué, certains bannissent les personnes atteintes d’albinisme au motif qu’elles seraient atteintes par la COVID-19. Certaines personnes atteintes d’albinisme restent chez elles pour éviter la stigmatisation, a insisté l’Experte indépendante. Elle a regretté que les Etats ne consultent pas les personnes les plus vulnérables, notamment les personnes atteintes d’albinisme, dans le cadre des plans de réponse à la pandémie qu’ils élaborent.

L’Experte indépendante a par ailleurs dénoncé l’impunité des auteurs des violations à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme.

 

HRC21.023F