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Conseil des droits de l’homme : à l’approche d’élections générales, « l’état de droit continue de se détériorer au Nicaragua », affirme Michelle Bachelet

Compte rendu de séance

 

« Alors que le Nicaragua approche des élections générales du 7 novembre 2021, l'état de droit continue de se détériorer », a indiqué ce matin, devant le Conseil des droits de l’homme, la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet.

Présentant son rapport sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua, la Haute-Commissaire a précisé que l'adoption récente de plusieurs lois contraires aux libertés d'association, d'expression et de participation politique et aux garanties d'une procédure régulière constitue un exemple clair de la restriction continue de l'espace civique et démocratique. Les violations des droits humains perpétrées lors des manifestations sociales de 2018 restent impunies, a également relevé Mme Bachelet, exhortant le Gouvernement nicaraguayen à autoriser le Haut-Commissariat à accéder au pays pour s’acquitter de son mandat, qui comprend notamment la surveillance des droits de l'homme dans le contexte électoral.

S’exprimant en tant que pays concerné, le Nicaragua a fait part de la non-acceptation et du rejet absolu du rapport de la Haute-Commissaire par le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale du Nicaragua – un rapport que ce Gouvernement juge « unilatéral, biaisé et manquant d’objectivité ».

De nombreuses délégations** ont pris part au dialogue qui a suivi.

Ce matin, le Conseil a également débattu du rapport présenté hier par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme et intitulé « Promouvoir la réconciliation, la reddition des comptes et les droits de l’homme à Sri Lanka ». De nombreuses délégations* ont pris part au dialogue sur ce rapport, regrettant notamment le retrait de Sri Lanka du parrainage de la résolution 30/1 du Conseil, intitulée « Favoriser la réconciliation et l’établissement des responsabilités et promouvoir les droits de l’homme à Sri Lanka » et adoptée en 2015.

A l’issue de ce dialogue, la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, a de nouveau insisté sur l’importance de préserver la confiance des victimes et de leurs familles dans les mécanismes nationaux de reddition de comptes et a donc demandé que l’obligation redditionnelle soit mieux assurée à Sri Lanka.

 

À partir de 15 heures, cet après-midi, le Conseil sera saisi d’un rapport de la Haute-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Bélarus et d’un rapport du Groupe d’éminents experts internationaux et régionaux sur le Yémen.

 

Dialogue sur la promotion de la réconciliation, de la reddition des comptes et des droits de l’homme à Sri Lanka

La Haute-Commissaire a présenté hier son rapport intitulé « Promouvoir la réconciliation, la reddition des comptes et les droits de l’homme à Sri Lanka ».

Aperçu du dialogue

Plusieurs intervenants ont regretté que Sri Lanka ait retiré son parrainage de la résolution 30/1 (intitulée « Favoriser la réconciliation et l’établissement des responsabilités et promouvoir les droits de l’homme à Sri Lanka », 2015) et des résolutions connexes du Conseil. Ce faisant, a rappelé une délégation, Sri Lanka avait exprimé son intention de poursuivre un « processus de réconciliation et de responsabilisation inclusive, conçu et exécuté au niveau national ». Or, a regretté cette délégation, le rapport de la Haute-Commissaire conclut que ces initiatives nationales n’ont pas produit de résultats, enracinant plus profondément l’impunité et exacerbant la méfiance des victimes à l’égard du système.

D’autres délégations ont, elles aussi, exprimé leurs préoccupations au sujet de l'inversion des progrès à Sri Lanka concernant la reddition des comptes, la situation actuelle des droits de l'homme et le risque de répétition des violations passées. La nomination de hauts responsables militaires accusés d’être impliqués dans des crimes de guerre et contre l'humanité a été critiquée.

Une délégation, prenant note de la volonté du Gouvernement sri-lankais d’assurer le développement socioéconomique et la sécurité auxquels aspire l’ensemble des Sri Lankais, a rappelé que le développement durable était indissociable de la réalisation des droits de l’homme.

Une autre délégation a salué les efforts de Sri Lanka ainsi que son ouverture au dialogue sur les droits de l’homme et a jugé très important que le pays détermine lui-même les domaines où il a besoin de l’aide internationale.

Certains ont jugé décevant que le rapport ne prenne pas en compte les informations fournies par le Gouvernement de Sri Lanka. Des orateurs ont estimé que ce rapport ne se fondait pas sur les réalités auxquelles est confrontée Sri Lanka, en particulier les problèmes liés à la pandémie et au terrorisme. Pour une délégation, la recommandation « d’appliquer des sanctions ciblées contre des individus » est contre-productive. Le retrait par Sri Lanka de son parrainage à « une résolution qui ne diffère pas d’une résolution spécifique à un pays » a été jugé révélateur.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont critiqué la crémation obligatoire de dépouilles de victimes de la COVID-19 à Sri Lanka, une pratique qui a été qualifiée de contraire aux croyances des musulmans et autres minorités, de même qu'aux directives de l'OMS. Une ONG a prié le Conseil d’inviter les États Membres à appliquer le principe de compétence universelle pour poursuivre devant leurs tribunaux les auteurs de crimes internationaux commis à Sri Lanka et à procéder au gel des avoirs d’auteurs connus de graves violations des droits de l'homme dans ce pays, entre autres sanctions.

Remarques de conclusion

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme , a assuré que le Haut-Commissariat entretenait une relation ouverte et constructive avec le Gouvernement de Sri Lanka. Certaines informations et certains faits transmis par le Gouvernement ont d’ailleurs été intégrés au rapport, lequel reconnaît en outre les problèmes uniques rencontrés par le pays face à la pandémie, a indiqué Mme Al-Nashif. Mais la militarisation de certaines fonctions civiles ne concerne pas seulement la gestion de l’action contre la COVID-19, a-t-elle fait observer, citant l’implication de militaires dans des aspects relevant du patrimoine, par exemple.

Il est très important de préserver la confiance des victimes et de leurs familles dans les mécanismes nationaux de reddition de comptes, a poursuivi Mme Al-Nashif. C’est pourquoi le Haut-Commissariat demande que l’obligation redditionnelle soit mieux assurée à Sri Lanka, a dit la Haute-Commissaire adjointe. À cet égard, il faut mettre un terme à l’impunité en se penchant sur les événements passés, a-t-elle insisté.

* Les délégations suivantes ont pris part au dialogue : Royaume-Uni, Union européenne, Norvège (au nom des pays nordiques), Canada, Allemagne, Fédération de Russie, France, Macédoine du Nord, Australie, Philippines, Suisse, Venezuela, Japon, Pays-Bas, Inde, Îles Marshall, République populaire démocratique de Corée, Belgique, Gabon, Pakistan, États-Unis, Iran, Cameroun, Chine, Bélarus, Maldives, Monténégro, Viet Nam, Syrie, Cambodge, Népal, Égypte, Irlande, Azerbaïdjan, République démocratique populaire lao, Nicaragua, Cuba, Érythrée, International Movement Against All Forms of Discrimination and Racism (IMADR), Amnesty International, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Lawyers' Rights Watch Canada, Commission internationale de juristes, Commonwealth Human Rights Initiative, CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Société pour les peuples menacés, Christian Solidarity Worldwide.

Dialogue sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua

Le Conseil est saisi du rapport de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua (A/HRC/46/21, à paraître en français).

Présentation du rapport

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a déclaré que depuis sa dernière mise à jour orale devant le Conseil, la crise sociopolitique, déclenchée en avril 2018, a été exacerbée par les dommages causés à la fois par la pandémie COVID-19 et par les ouragans Eta et Iota. Alors que le Nicaragua approche des élections générales du 7 novembre 2021, l'état de droit continue de se détériorer, a-t-elle indiqué. L'adoption récente de plusieurs lois contraires aux libertés d'association, d'expression et de participation politique et aux garanties d'une procédure régulière constitue un exemple clair de la restriction continue de l'espace civique et démocratique, a-t-elle précisé. Plus tôt ce mois-ci, deux organisations de premier plan qui défendent la liberté d'expression ont été contraintes de suspendre leurs activités en raison des exigences et des contrôles introduits par la loi sur la réglementation (enregistrement) des agents étrangers, a-t-elle fait observer.

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a documenté 117 cas de harcèlement, d'intimidation et de menaces par des policiers ou des éléments progouvernementaux contre des étudiants, des paysans, des militants politiques, des défenseurs des droits de l'homme et des organisations de victimes et de femmes, a poursuivi Mme Bachelet. Il documente également 34 cas d'intimidation, de menaces, de criminalisation et de campagnes de dénigrement contre les médias et les journalistes considérés comme des « opposants ». Des sources de la société civile rapportent que plus de 100 personnes continuent d'être privées de leur liberté pour des raisons politiques, a ajouté la Haute-Commissaire.

Les violations des droits humains perpétrées lors des manifestations sociales de 2018 restent impunies, a également relevé Mme Bachelet. Le bureau a également reçu des informations sur l'augmentation des féminicides et sur les taux de grossesse élevés chez les filles et les adolescentes, a-t-elle indiqué.

Mme Bachelet a, une fois de plus, exhorté le Gouvernement nicaraguayen à autoriser le Haut-Commissariat à accéder au pays pour s’acquitter de son mandat, qui comprend notamment la surveillance des droits de l'homme dans le contexte électoral. Il est essentiel que les réformes nécessaires soient adoptées pour garantir des élections libres, équitables et transparentes, a-t-elle conclu.

Pays concerné

Le Nicaragua a fait part de la non-acceptation et du rejet absolu du rapport de la Haute-Commissaire par le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale du Nicaragua. Le pays le rejette catégoriquement parce qu’il considère que ce rapport est unilatéral, biaisé et manque d'objectivité, a précisé la délégation nicaraguayenne, ajoutant que cela ne fait que confirmer la politisation des droits de l’homme et l’instrumentalisation des débats au sein du Conseil.

Le Gouvernement de réconciliation et d’unité nationale réfute avec force ce type d’interventionnisme et de rapports qui s’immisce dans les affaires internes d’un pays, a insisté la délégation, dénonçant comme inacceptables la politisation et la manipulation des droits de l'homme qui répondent aux appels de pays interventionnistes aux appétits voraces.

Aperçu du dialogue

Le Nicaragua doit garantir l’accès à la justice et aux réparations pour toutes les victimes de violations des droits de l’homme depuis avril 2018, ont exigé de nombreuses délégations. Elles ont aussi dénoncé des exactions à l’encontre des membres de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme et des journalistes.

La nouvelle « loi sur l'enregistrement des agents étrangers » souligne brutalement l'évolution constatée vers une restriction toujours plus grande des activités des défenseurs des droits de l’homme, a déploré une délégation

Plusieurs pays ont dénoncé les actes de représailles à l’encontre des personnes qui ont coopéré avec les mécanismes des droits de l’homme des Nations Unies. A aussi été dénoncé le fait que le Nicaragua ne coopère pas avec ces mêmes mécanismes.

Des délégations ont dénoncé les nombreux cas de torture et de détention arbitraire à l’encontre des femmes et des personnes de la communauté LGBTI, en toute impunité.

Une délégation a jugé essentiel que les élections de novembre prochain se déroulent de manière libre et transparente. Mais l’adoption de la loi dite de « défense des droits du peuple à l’indépendance, à la souveraineté et à l’autodétermination pour la paix », qui restreint l’éligibilité des opposants, est un signal inquiétant à cet égard, a-t-il été relevé.

Le Nicaragua a été prié d’accorder l’accès à son territoire au Haut-Commissariat, surtout dans la perspective de ces élections.

Un certain nombre d’autres délégations ont dénoncé le caractère « biaisé » de la résolution sur laquelle se fonde le rapport de la Haute-Commissaire. Une délégation a insisté sur le fait que toute assistance technique – qu'il s'agisse du renforcement du système judiciaire, de la réforme du secteur de la sécurité ou d'autres domaines – ne peut être fournie par le Haut-Commissariat qu'à la demande de l'État concerné. L'Examen périodique universel (EPU) est le mécanisme approprié pour aborder la situation des droits de l'homme de tous les pays, a ajouté une délégation.

Plusieurs intervenants ont dénoncé le recours aux mesures coercitives unilatérales contre le Nicaragua et ont plaidé pour une véritable coopération dans le domaine des droits de l’homme.

Une organisation non gouvernementale a dénoncé les appropriations de terres ainsi que des attaques violentes contre les peuples Mískitu et Mayangna par des colons illégaux. Une autre a indiqué que depuis 2018, au moins 1614 personnes ont été privées de leur liberté au Nicaragua pour des raisons politiques, la plupart soumises à des conditions de détention inhumaines et à des mauvais traitements.

Une ONG a affirmé que la pression internationale était essentielle pour garantir des élections libres, permettre le retour des exilés, mettre fin à la censure et rétablir l'indépendance judiciaire au Nicaragua.

Remarques de conclusion

MME AL-NASHIF a assuré que le Haut-Commissariat a toujours été ouvert au dialogue et à la coopération avec le Gouvernement du Nicaragua. Le Haut-Commissariat continuera de prier le Gouvernement d’autoriser une présence sur place. En l’état, la surveillance s’exerce à distance, depuis le Panama, par le biais d’entretiens avec des témoins, entre autres méthodes. Le Gouvernement a répondu à 17 demandes écrites du Haut-Commissariat sur 34 qui lui ont été envoyées aux fins de la rédaction du présent rapport et il ne répond plus depuis le mois de juin dernier, a indiqué la Haute-Commissaire adjointe.

Le Haut-Commissariat analyse les sanctions qui frappent des pays sous l’angle de leurs effets négatifs sur certains groupes vulnérables, a ensuite expliqué Mme Al-Nashif, indiquant que le Haut-Commissariat a demandé au Gouvernement nicaraguayen des informations précises à cet égard.

Une recommandation antérieure du Haut-Commissariat a été appliquée partiellement par le Nicaragua, a par ailleurs fait observer la Haute-Commissaire adjointe : il s’agit de celle portant sur la libération de personnes détenues pour leur participation à des manifestations. Mais le Nicaragua n’a pas appliqué de réforme électorale, comme le demande la population, ce qui jette un doute sur le prochain scrutin, a ajouté Mme Al-Nashif.

**Les délégations suivantes ont participé au dialogue : Canada (au nom d'un groupe de pays), Suède (au nom des pays nordiques et baltes), Union européenne, Fédération de Russie, France, Équateur, Suisse, Venezuela, Colombie, Pays-Bas, République populaire démocratique de Corée, Belgique, Iran, Pérou, Espagne, Uruguay, Bélarus, Mexique, Syrie, Luxembourg, Ukraine, Royaume-Uni, Allemagne, Géorgie, Sri Lanka, États-Unis, Cuba, Érythrée, Right Livelihood Award Foundation, Réseau international des droits humains (RIDH), Fédération internationale des ligues de droits de l’homme, Centre pour la justice et le droit international, Service international pour les droits de l'homme, CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Human Rights Watch, Amnesty International, Organisation mondiale contre la torture.

 

HRC21.016F