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La Conférence du désarmement entend les déclarations de dignitaires de dix pays dans le cadre de son débat de haut niveau

Compte rendu de séance

 

Elle entend les interventions de ministres de la Slovaquie, de l'Ukraine, de la Pologne, de la Grèce, de Malte et de la Lettonie ainsi que de hauts dignitaires de la Roumanie, de la République de Corée, de la Moldova et du Qatar

 

La Conférence du désarmement a repris ce matin son débat de haut niveau entamé hier et qui s’achèvera demain après-midi, 24 février – et non plus le 25 comme prévu initialement. Elle a entendu ce matin les déclarations par visioconférence de dignitaires de dix États.

Sont intervenus les ministres des affaires étrangères de la Slovaquie, de l'Ukraine, de la Pologne, de la Grèce, de Malte et de la Lettonie, ainsi que des Secrétaires d'État de la Roumanie et de la Moldova, le premier Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, et le Secrétaire général du Ministère des affaires étrangères du Qatar.

Comme leurs homologues intervenus hier, plusieurs dignitaires ont salué la prolongation récente du traité New START de réduction des armes stratégiques nucléaires entre les États-Unis et la Fédération de Russie comme un pas dans la bonne direction, notamment dans la perspective de la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui doit se tenir cette année. Des délégations ont également mentionné les situations de tensions sur le plan de la sécurité internationale, notamment en Ukraine, en Iran, au Moyen Orient et dans la péninsule coréenne.

En début de séance, le Président de la Conférence du désarmement, M. Gonçalo de Barros Carvalho e Mello Mourão (Brésil), a présenté au gouvernement et au peuple de l’Italie ses sincères condoléances après l’assassinat, hier, de l’Ambassadeur d'Italie en République démocratique du Congo, M. Luca Attanasio, lors de l’attaque du convoi dans lequel il se trouvait.

 

Le débat de haut niveau de la Conférence du désarmement reprendra demain matin et devrait se conclure lors de la séance de l'après-midi.

 

Débat de haut niveau

 

M. IVAN KORČOK, Ministre des affaires étrangères et européennes de la Slovaquie, a constaté que l'on assiste des violations des normes internationales et à un constant renforcement des forces militaires, notamment le développement de nouveaux types d'armes. La dépendance croissante de nos sociétés dans les domaines du numérique et de l'espace créent de nouvelles vulnérabilités. Les technologies nouvelles et émergentes posent des défis à la sécurité et la stabilité internationales. La communauté internationale devrait tirer parti de la situation sans précédent à laquelle elle est confrontée en raison de la pandémie de COVID-19 qui doit être considérée comme une opportunité plutôt que comme encore un facteur négatif pour les travaux dans le domaine du désarmement. Le ministre a appelé à davantage de flexibilité et de volonté politique; de coopération et de multilatéralisme. S’agissant de la Conférence du désarmement, Il a appelé à relancer une dynamique positive au sein des différents groupes pour réaffirmer son caractère irremplaçable.

M. Korčok a souligné l'importance qu'auront les conclusions de la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires pour les travaux de la Conférence. La Slovaquie est favorable à une approche équilibrée des trois piliers du Traité (engagements de désarmement, de non-prolifération et de coopération). Il a par ailleurs souligné qu'il fallait préserver le Plan d’action global commun pour l’Iran et accueilli avec satisfaction les signes positifs lancés par le nouveau gouvernement des États-Unis. Il a en outre exhorté la République populaire démocratique de Corée à abandonner tous ses armements nucléaires de manière irréversible. Enfin, soulignant que, dans l'esprit du multilatéralisme, tous les États membres de l'ONU intéressés devraient être autorisés à participer aux travaux de la conférence en tant qu’observateurs, il a déploré que, cette année, cinq États se soient vu refuser leur statut d'observateur.

M. DMYTRO KULEBA, Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, a appelé à la reprise des travaux de fond de la Conférence, notamment les travaux sur un instrument juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité. Il a aussi invité à considérer le désarmement dans un cadre plus large, qui prenne en compte d’autres aspects de la vie humaine.

Lorsqu'un pays enfreint les normes fondamentales de l'ONU, aucun progrès n'est possible, a déclaré le ministre ukrainien, soulignant que la Russie continuait d'occuper illégalement le Donbass ainsi que la république autonome de Crimée et Sébastopol. Encore plus préoccupant : la Russie a renforcé sa présence militaire en Crimée avec des capacités nucléaires, portant atteinte au statut non nucléaire de la péninsule ukrainienne. L'Ukraine organisera un premier sommet sur la Crimée, une initiative vitale pour améliorer la situation sécuritaire en Europe. Il faut rester vigilants face aux tentatives visant à saper les efforts de désarmement et des organes existants dans ce domaine. Si la Conférence doit remplir sa tâche de négociation de nouveaux instruments, il faut aussi accorder l’attention voulue au respect d’arrangements existants tels que le Mémorandum de Budapest et la Convention sur les armes chimiques.

M. ZBIGNIEW RAU, Ministre des affaires étrangères de la Pologne, a souligné que la Conférence du désarmement devait suivre de près les progrès technologiques rapides dans le domaine du désarmement, en particulier s'agissant de l'intelligence artificielle, des systèmes léthaux autonomes ou des cybercapacités. La prolongation du traité New START de réduction des armes stratégiques nucléaires est à même d'insuffler un nouvel élan aux régimes de désarmement. Mais la Pologne souhaite aussi que la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires débouchera sur des engagements solides, notamment de la part des signataires du New START et espère qu'elle débouchera sur de nouveaux progrès dans le domaine du désarmement nucléaire, de la non-prolifération et des utilisations pacifiques de l'énergie nucléaire..

La Pologne, qui est membre du Conseil des Gouverneurs de l’Agence internationale de l'énergie atomique, souligne qu'il ne faut pas négliger la menace réelle posée par la République populaire démocratique de Corée. Elle est par ailleurs vivement préoccupée par les attaques chimiques en Syrie et l'empoisonnement d'Alexei Navalny en Russie.

M. DAN NECOLAESCU, Secrétaire d’État aux questions stratégiques, Ministère des affaires étrangères de la Roumanie, a estimé qu'il fallait passer au niveau supérieur pour améliorer la batterie de mesures dont dispose la communauté internationale dans le domaine du désarmement nucléaire. La Roumanie est prête à collaborer avec ses partenaires pour la réussite de la dixième Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Le Traité a jusqu'à présent tenu ses promesses et reste la meilleure voie vers un monde sans armes nucléaires. La position adoptée par la Roumanie est que la prochaine étape logique pour faire progresser le désarmement nucléaire et prévenir la prolifération est le début de négociations, au sein de la Conférence, sur un traité d'interdiction de la production de matières fissiles. La Roumanie se félicite des efforts visant à renforcer la compréhension commune entre les États dotés d'armes nucléaires et les États non dotés d'armes nucléaires, par exemple grâce à l'initiative «Créer un environnement propice au désarmement nucléaire».

M. Necolaescu a félicité les États-Unis et la Russie pour la prolongation du traité New START. Il a par ailleurs attiré l'attention sur l'utilisation possible, par le terrorisme, des progrès des sciences biologiques, ce qui exige que la communauté internationale se saisisse de cette question et prenne des décisions pour contrecarrer ce risque.

M. JUNG KUN CHOI, Vice-Ministre des affaires étrangères de la République de Corée, a déploré « l’érosion du consensus », alors même que la pandémie et d’autres phénomènes ayant un impact mondial menacent la survie de l’humanité. Nous sommes à la croisée des chemins, a-t-il prévenu. Il a espéré que la prorogation du traité New START relancerait les efforts de désarmement. Il a exhorté les pays concernés, notamment ceux dotés de l’arme nucléaire, à respecter leurs engagements et à participer en toute bonne foi aux efforts collectifs de désarmement, notamment s'agissant du traité d’interdiction de la production de matières fissiles. Il a rappelé que la Conférence du désarmement reste la seule plateforme multilatérale pour négocier des instruments dans ce domaine. M. Choi a attiré l'attention sur les nombreuses initiatives diplomatiques de son pays en faveur de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, engageant la République populaire démocratique de Corée et les États-Unis et d’autres parties concernées. La République de Corée était prête à travailler avec tous pour de futurs accords, y compris concernant la situation dans sa région.

M. NIKOLAOS DENDIAS, Ministre des affaires étrangères de la Grèce, a déploré que la pandémie de la COVID-19 ait également affecté les travaux de la Conférence du désarmement. Il a cependant encouragé à une adaptation aux questions et menaces émergentes, grâce à une approche progressive et équilibrée dans le système de contrôle international du TNP. Cela peut se faire par la coopération, le respect des principes du droit international ; l’adaptation aux développements scientifiques et techniques actuels, et des garanties de sécurité crédibles à tous les États parties en remédiant aux asymétries et déséquilibres. Il a fermement appuyé la préservation et l’universalisation du Traité de non-prolifération des armes nucléaires lors de la Conférence d’examen d’août prochain.

La Grèce déplore que la Conférence du désarmement demeure dans l'impasse et ne soit pas en mesure d’adopter son programme de travail. Le ministre a par ailleurs qualifié d’«anachronisme» le fait que la Grèce, qui est le plus ancien observateur de la Conférence du désarmement et a formellement exprimé son intérêt pour la rejoindre, ne soit pas encore membre. Le Ministre des affaires étrangères de la Grèce a également déploré que la participation des États observateurs devienne l’otage d’intérêts bilatéraux. La Conférence du désarmement ne saurait rester bloquée à jamais, a-t-il enfin voulu.

M. EVARIST BARTOLO, Ministre des affaires étrangères et des questions européennes de Malte a aussi attaché une grande importance au renouvellement du traité New START, sans lequel les deux grandes puissances nucléaires n'auraient plus de limites juridiquement contraignantes sur leurs arsenaux respectifs. Cette décision est largement applaudie compte tenu de l’érosion actuelle du dialogue et des tensions liées au désarmement.

Aucun pays, petit ou grand, n'est à l'abri des effets de l’utilisation d’armes nucléaires, a encore rappelé M. Bartolo, soulignant que la stabilité et la sécurité mondiales se voient renforcées par la prolongation de New START, et que les États-Unis et la Russie devraient tirer parti de cette ouverture pour relancer leurs discussions diplomatiques sur d’autres questions en suspens. Ainsi, Malte exprime l'espoir que le nouveau gouvernement des États-Unis intensifiera ses efforts dans ce sens, notamment concernant le programme nucléaire de la République populaire démocratique de Corée et le Plan d’action commun P5+1 sur le programme nucléaire de la République islamique d’Iran. Partant, la Conférence d’examen « ne peut que réussir », a souligné le Ministre maltais, qui a indiqué que, si bien les menaces persistent, les efforts de collaboration, eux, se font jour, pour un monde reposant sur l’esprit de dialogue et de coopération.

M. GHEORGE LEUKA, Secrétaire d’État du Ministère des affaires étrangères et de l’intégration européenne de la République de Moldova, a souligné la nécessité et l’urgence de relever sans cesse les défis et d’axer les efforts sur les aspects techniques du désarmement. Il a rappelé à cet égard que la République de Moldova avait encore sur son territoire un stock de plus de 20 000 tonnes de munitions de l’ère soviétique, mais hors du contrôle des autorités constitutionnelles du pays, ce qui demeure une menace permanente et présente des risques élevés aux niveaux local et régional. Il a aussi souligné l’importance du Traité sur le commerce des armes, non seulement pour garantir la transparence et l’établissement des responsabilités dans le transfert des armes classiques, mais également pour prévenir le trafic illégal par des entités séparatistes non reconnues. M. Leuka a aussi souligné la nécessité du renforcement de l’aspect humanitaire de la Convention sur les armes à sous-munitions, en particulier par un appui soutenu aux victimes. Il faut par ailleurs garantir la non-utilisation d’armes chimiques tant par des acteurs étatiques que non-étatiques. Enfin, la Moldova plaide en faveur de la participation des femmes dans le processus de prise de décision dans le domaine du désarmement, de la paix et de la sécurité, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité.

M. EDGARS RINKĒVIČS, Ministre des affaires étrangères de la Lettonie, a déclaré que la tentative d’assassinat d'Alexeï Navalny par un agent neurotoxique montre à quel point des mesures rapides et efficaces sont nécessaires pour contrecarrer les menaces engendrées par les armes chimiques et biologiques, entre autres. Il a aussi mentionné l’impact de l’utilisation des armes conventionnelles et regretté que des instruments internationaux, comme le Traité "Ciel ouvert" (Open Skies), aient subi des reculs. Le moment est venu de tirer parti du mouvement en faveur de la coopération internationale positive dans le cadre de lutte contre la pandémie de COVID-19 en l’appliquant aux questions relatives au désarmement sous toutes les formes.

Le ministre letton a estimé que la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires vient à point nommé pour réviser le Plan d’action agréé en 2010, mais aussi introduire des idées novatrices, conformément aux obligations des uns et des autres. Des négociations immédiates en vue d'un traité sur les matières fissiles sont tout aussi nécessaires, a estimé le ministre, qui a rappelé que l’année dernière, il s’était exprimé sur les risques concernant la maîtrise des armements si toutes les parties ne se plient pas aux règles établies. Il importe à la fois de faire respecter ces règles et d’élargir l’universalisation de ce traité, a-t-il conclu.

M. AHMEN BIN HASSAN AL HAMMADI, Secrétaire général auprès du Ministère des affaires étrangères du Qatar, a fait valoir l’aspect humanitaire des efforts de désarmement nucléaire, et salué la prolongation du traité New START, qui marque un progrès pour en finir avec le cercle vicieux de ce type d’armement. Fort de la conviction de la nécessité d’un monde sans armes, le Qatar ne ménage aucun effort pour en finir avec les armes de destruction massive. Il mène ainsi un important effort de sensibilisation au désarmement nucléaire, en particulier à travers un centre d’éducation nationale. S'agissant de la situation au Moyen-Orient, le Secrétaire d'État qatarien a dénoncé la menace permanente posée par la présence dans la région d’un pays doté de l’arme nucléaire. Dans ce contexte, il a vivement plaidé en faveur de la création, le plus rapidement possible, d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, à commencer par la tenue, au cours de cette année, d’une deuxième conférence internationale sur cette question.

 

 

DC21.014F