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LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME DIALOGUE AVEC LE RAPPORTEUR SPECIAL SUR LA PROMOTION DE LA VERITE, DE LA JUSTICE, DE LA REPARATION ET DES GARANTIES DE NON-REPETITION

Compte rendu de séance

 

Il achève son dialogue avec le Mécanisme d’experts sur le droit au développement

 

Le Conseil des droits de l’homme a tenu, cet après-midi, son dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabian Salvioli, qui a présenté son rapport consacré au processus de mémorialisation dans le contexte des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Le Conseil a également achevé son dialogue, entamé ce matin, avec le Président du Mécanisme d’experts sur le droit au développement, M. Bonny Ibhawoh, en entendant les interventions de plusieurs délégations*.

Présentant son rapport, M. Salvioli a rappelé que sans mémoire du passé, il ne peut être question de respecter les droits à la vérité, à la justice et à la réparation, et encore moins d’accorder des garanties de non-répétition. C’est pourquoi les processus mémoriels doivent constituer le « cinquième pilier » de la justice transitionnelle, pilier que le Rapporteur spécial décrit dans son rapport. À cet égard, les autorités doivent en particulier s'assurer que les politiques de mémoire représentent fidèlement les points de vue des victimes. Sans tomber dans un relativisme dangereux, les différents récits de la violence passée peuvent coexister dans une société démocratique. Mais ce processus ne devrait jamais aboutir à la négation, la justification ou la relativisation des violations commises, a expliqué M. Salvioli.

Le Rapporteur spécial a aussi rendu compte de ses visites en El Salvador et en Gambie, pays dont les délégations ont ensuite fait des déclarations. Pendant le débat qui s’est ensuite noué avec M. Salvioli, et auquel de nombreuses délégations** ont pris part, plusieurs délégations ont insisté sur l’importance de l’éducation et de l’histoire dans l’entretien de la mémoire. Certains intervenants ont en outre mis en garde contre la résurgence actuelle de discours négationnistes et révisionnistes.

À la fin de la séance, la République de Corée et le Japon ont exercé leur droit de réponse.

 

Conformément à la décision qu’il a prise en début de semaine, le Conseil tiendra demain matin, à 10 heures, dans la Salle des Assemblées du Palais des Nations, un débat urgent consacré à la situation des droits de l’homme au Bélarus. Ce débat a été demandé par l’Allemagne au nom des pays membres du Conseil des droits de l’homme qui sont également membres de l’Union européenne.

Les séances de la quarante-quatrième session du Conseil sont retransmises sur le site UN Web TV.

 

Dialogue avec le Mécanisme d’experts sur le droit au développement

Débat

Plusieurs délégations ont affirmé qu’il ne fallait pas politiser la question du droit au développement. D’autres ont insisté pour que le Mécanisme coopère avec les autres organismes des Nations Unies travaillant sur cette question, afin de favoriser une meilleure efficacité et d’éviter les doublons et certaines contradictions. Il est très important que le Mécanisme puisse travailler en toute efficacité pour mener à bien son mandat et améliorer l’aide au développement dans les pays en voie de développement, a insisté une délégation.

Une délégation a appelé le Mécanisme à davantage orienter son travail vers des visites de pays.

Plusieurs délégations ont appuyé les efforts du Mécanisme à se saisir du droit au développement et ont dit espérer qu’il pourra proposer des recommandations pratiques aux États afin de lever les obstacles à la mise en œuvre de ce droit.

A aussi été souligné le lien nécessaire entre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et la mise en œuvre du droit au développement ; l’un ne saurait aller sans l’autre. Une délégation a insisté pour que le droit au développement soit inscrit dans l’ensemble des travaux des Nations Unies.

Une délégation a plaidé pour l’échange de bonnes pratiques dans le domaine du droit au développement.

Pour de nombreuses délégations, la pandémie de COVID-19 rappelle plus que jamais le devoir de la communauté internationale de mettre en œuvre le droit au développement.

*Liste des intervenants : Union européenne, Burkina Faso (au nom du Groupe africain), État de Palestine, Pakistan, Cuba, Inde, Indonésie, Maroc, Chine, Bangladesh, Iran, Népal, Malaisie, Soudan, Égypte, Nigéria, Tchad, Tanzanie, Venezuela, China Foundation for Poverty Alleviation,Interntational Human Rights Association for American Minorities,China Family Planning Association,Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII,Sikh Human Rights Group,Sociedade Maranhense de Direitos Humanos,Beijing Zhicheng Migrant Worker’s Legal Aid and Research Center,iuventum e.V.,Beijing Children’s Legal Aid and Reaserch Center, et Center for Environmental and Management Studies.

Remarques et conclusion du Mécanisme d’experts

M. Bonny Ibhawoh, Président du Mécanisme d’experts sur le droit au développement, a indiqué, s’agissant de la coopération avec les autres organismes des Nations Unies, que le Mécanisme avait déjà des liens avec le Rapporteur spécial sur le droit au développement pour établir des domaines de coopération

M. Armando Antonio DE NEGRI FILHO, membre du Mécanisme, a expliqué que le lien entre le droit au développement et la réalisation des Objectifs de développement durable était essentiel. L’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 peut être considéré comme une implication des États à mettre en œuvre le droit au développement, a-t-il insisté. L’expert a ainsi appelé les États à agir collectivement et individuellement pour le mettre en œuvre.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition

Présentation du rapport

Le Conseil était saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, rapport intitulé « Processus de mémorialisation dans le contexte des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire : le cinquième pilier de la justice transitionnelle » ( A/HRC/45/45). Des additifs à ce rapport portent en outre sur les visites du Rapporteur spécial [ou de son prédécesseur pour ce qui concerne Sri Lanka] à Sri Lanka ( Add.1), en El Salvador (Add.2) et en Gambie (Add.3).

Présentation

M. FABIAN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition , a rappelé que sans mémoire du passé, il ne peut être question de respecter les droits à la vérité, à la justice et à la réparation, et encore moins d’accorder des garanties de non-répétition. C’est pourquoi les processus mémoriels doivent constituer le « cinquième pilier » de la justice transitionnelle permettant aux pays de sortir de la logique de haine. À cet égard, a recommandé le Rapporteur spécial, les autorités doivent s'assurer que les politiques de mémoire représentent fidèlement les points de vue des victimes et sont établies en collaboration avec la société civile, en particulier les organisations de défense des droits de l'homme. Il est aussi important d'établir « une vérité dialogique », qui permette d'expliquer un passé brutal mais sans le justifier ; de rendre leur dignité aux victimes ; d'alléger les tensions ; et de permettre à la société de vivre en paix avec l'héritage des anciennes divisions.

Sans tomber dans un relativisme dangereux ou créer une pensée homogène, a poursuivi M. Salvioli, les différents récits et interprétations de la violence passée peuvent coexister dans une société démocratique. Mais ce processus ne devrait jamais aboutir à la négation, la justification ou la relativisation des violations commises. En outre, l'histoire, le travail de la société civile et les actions culturelles jouent tous un rôle important dans la mémoire, en présentant les événements passés et présents aux nouvelles générations, en déconstruisant les cultures politiques toxiques et en présentant correctement les faits sur la scène publique.

Le Rapporteur spécial s’est dit inquiet de la tendance à manipuler l'information et la mémoire au détriment des victimes de violations des droits de l'homme. Il a déploré les discours discriminatoires, ethniques, ultra-nationalistes et haineux, y compris sur les réseaux sociaux, qui contribuent à la polarisation et à la radicalisation de la violence.

S’agissant ensuite de sa visite effectuée en El Salvador, en avril et mai 2019, le Rapporteur spécial a reconnu les progrès réalisés en matière de vérité et de garanties de non-répétition après la signature des accords de paix, ainsi que les initiatives plus récentes de recherche d’adultes et d’enfants disparus et les mesures pour faire avancer les enquêtes criminelles sur les violations commises. Mais il s’est dit préoccupé par l'adoption de la loi d'amnistie, la lenteur des enquêtes criminelles et l'absence de débat sur les événements passés.

Pour ce qui est de la Gambie, où il s’est rendu en novembre 2019, le Rapporteur spécial a pris note avec satisfaction du processus engagé pour faire face aux graves violations des droits de l'homme commises sous le régime autoritaire de l'ancien président Yahya Jammeh. Mais le Rapporteur spécial a invité les autorités gambiennes à progresser plus rapidement sur les aspects en suspens du programme de justice transitionnelle, notamment la responsabilisation et la sanction des auteurs, les réparations et la réforme des institutions et du secteur de la sécurité.

Pays concernés

El Salvador a remercié le Rapporteur spécial de sa visite, pendant laquelle – a souligné la délégation salvadorienne – l’expert a bénéficié de la coopération du Gouvernement et a tenu des réunions avec des hauts fonctionnaires des trois organes de l'État, ainsi qu’avec des victimes et des parents de victimes du conflit armé, et avec des représentants d'organisations de la société civile et d'institutions universitaires.

Le Gouvernement salvadorien s'est engagé à déployer des efforts systématiques pour garantir les droits d'accès à la vérité, à la justice et à la réparation, ce qui suppose la responsabilisation des organes de l'État et l'adoption d'une législation qui garantisse les droits des victimes de violations des droits de l'homme, a poursuivi la délégation d’El Salvador. Conformément à cet engagement, le Président Bukele a fait usage, le 28 février 2020, de son veto contre la « loi spéciale sur la justice de transition, la réparation et la réconciliation nationale », approuvée par l'Assemblée législative mais qui ne tenait pas compte des demandes des victimes et de leurs familles et contenait d'autres lacunes juridiques, a indiqué la délégation.

La Gambie a indiqué que son Gouvernement prenait note des recommandations figurant dans le rapport du Rapporteur spécial. La pandémie de COVID-19 a entraîné des retards dans l’adoption de plusieurs lois par le Parlement, a poursuivi la délégation gambienne. Cependant, depuis la visite du Rapporteur spécial, le Gouvernement s’est efforcé d’améliorer le cadre juridique pour aligner le pays sur les instruments internationaux en matière de droits de l’homme. Le Code pénal a été amendé et le Parlement est saisi de projets de loi sur plusieurs sujets, y compris une révision de la Constitution.

Le Gouvernement a lancé un processus de transition géré par une commission de vérité qui a présenté il y a peu un rapport intermédiaire, a ensuite indiqué la délégation gambienne. Ladite commission a travaillé en particulier dans le domaine de l’octroi de réparations et d’une assistance aux victimes. Un programme de protection des témoins a aussi vu le jour.

Sri Lanka a indiqué qu’un nouveau Gouvernement avait été élu récemment sur l’île pour assurer en particulier la sécurité nationale, résoudre les problèmes économiques sur le terrain et protéger la population contre la criminalité. Des mesures de redistribution seront prises, ainsi que des dispositions dans les domaines de l’éducation, du logement et de l’emploi, a précisé la délégation sri-lankaise.

La délégation a ensuite indiqué que son pays prenait note du rapport de M. Salvioli. Le Gouvernement sri-lankais est attaché à la réconciliation dans le cadre d’un processus conforme aux objectifs gouvernementaux, lesquels comprennent notamment la réalisation des Objectifs de développement durable, a poursuivi la délégation. Sri Lanka regrette que le rapport (sur la visite effectuée dans le pays par le précédent titulaire de mandat) ne tienne pas compte des progrès réalisés en matière de réconciliation, ni du rôle du Ministère de la justice, a-t-elle ajouté.

Débat

Des délégations ont noté avec satisfaction que le Rapporteur spécial a souligné dans son rapport, d’une part, que la commémoration est un processus à long terme dans lequel l'État doit jouer un rôle actif et décisif et, d’autre part, que la voix des victimes de violations des droits de l'homme doit jouer un rôle clé dans la construction de la mémoire.

Compte tenu de la pandémie actuelle, le Rapporteur spécial a été prié de dire quelle serait selon lui la meilleure façon de garantir la poursuite des enquêtes et de la documentation sur les conflits en cours et comment le Conseil pourrait contribuer à assurer la sûreté et la sécurité des documentalistes chargés de ces missions. Le Rapporteur spécial a aussi été prié de donner des conseils pratiques s’agissant de l’application de sa recommandation visant l’ouverture des archives au public, y compris celles des Nations Unies.

Le mandat du Rapporteur spécial est une contribution importante et complète utilement les initiatives nationales, régionales et internationales, a noté un groupe de pays, qui a appelé les membres du Conseil à soutenir le renouvellement de ce mandat.

La justice transitionnelle exige une ferme volonté politique, la transparence et l’inclusion de toutes les parties, a souligné une délégation. Plusieurs intervenants ont insisté sur l’importance de l’éducation dans l’entretien de la mémoire. Un groupe de pays a souligné le rôle important joué par l’État en adoptant les politiques publiques à l’appui du processus mémoriel et de la préservation de la mémoire. La construction de monuments commémoratifs a été citée comme exemple de bonne pratique. Cependant, le processus de mémoire ne se substitue pas aux réparations et à l’octroi de garanties de non-répétition ; il les complète, a fait remarquer une délégation.

Il a été recommandé de valoriser les archives et les lieux de mémoire par des journées dédiées à la mémoire, par l’éducation aux droits de l’homme et par un soutien à un enseignement de l’histoire fondé sur les faits.

Certains intervenants ont évoqué le rôle important joué par la justice pénale internationale, en particulier la Cour pénale internationale.

Plusieurs intervenants ont déclaré qu’il fallait lutter contre les discours de haine tout en protégeant le droit à la liberté d’expression. Ils ont mis en garde contre la résurgence actuelle de discours négationnistes et révisionnistes.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont déploré l’impunité dont bénéficient des auteurs de crimes commis au Mexique et à Sri Lanka, ainsi que le manque de garanties de non-répétition en Colombie et d’autres violations des droits de l’homme en Ukraine. Elles ont aussi insisté sur l’importance de l’éducation, en tant que moyen de rapprocher des conceptions opposées.

Réponses et conclusion du Rapporteur spécial

M. SALVIOLI a remercié les Gouvernements de la Gambie et d’El Salvador, qui lui ont facilité la tâche. Il s’est dit préoccupé par le projet de loi salvadorien qui prévoit l’impunité pour certains auteurs de violations des droits de l’homme. Les responsables de crimes doivent être poursuivis et sanctionnés conformément au droit international, a-t-il rappelé, soulignant que les recommandations qui figurent dans son rapport de visite constituent une feuille de route pour le Gouvernement salvadorien.

M. Salvioli a ensuite félicité la Gambie d’avoir adapté sa définition de la torture aux normes internationales. Le Rapporteur spécial a indiqué avoir fait part à la commission chargée de la réforme constitutionnelle de certaines préoccupations, et a espéré qu’il en serait tenu compte. Après un régime dictatorial de vingt ans, des craintes demeurent au sein de la population gambienne, alors même que vivent parmi cette population des personnes ayant peut-être commis des crimes, a souligné le Rapporteur spécial.

Le Rapporteur spécial a ajouté que le refus d’États de présenter des excuses publiques pour des crimes commis par le passé revenait à bafouer une nouvelle fois les droits des victimes.

En réponse à la demande d’une ONG, M. Salvioli a en outre indiqué qu’il intégrerait à l’avenir dans ses travaux la dimension sexospécifique.

Enfin, l’enseignement la mémoire n’est pas assimilable à l’éducation aux droits de l’homme, a insisté M. Salvioli, ajoutant que les deux sont nécessaires pour créer des sociétés pacifiées. Le fait de cacher des archives est aussi pernicieux que de les détruire, a-t-il conclu.

**Ont participé au débat : Estonie (au nom d’un groupe de pays nordiques et baltes), Union européenne, Burkina Faso (au nom du Groupe africain), Pérou (au nom d’un groupe de pays), Suisse (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, Israël, Belgique, Sierra Leone, Arménie, Indonésie, Libye, Maroc, Chili, Chine, Paraguay, Botswana, Iran, Angola, Suisse, République de Corée, Venezuela, Népal, Timor-Leste, Pérou, Croatie, Fédération de Russie, Soudan, Irlande, Royaume-Uni, Égypte, Cambodge, Japon, France, Syrie, Iraq, Association for Defending Victims of Terrorism, International Movement Against All Forms of Discrimination and Racism (IMADR), Mexican Commission of Defense and Promotion of the Human Rights, International Lesbian and Gay Association, Commission internationale de juristes, Peace Brigades International Switzerland, Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL), Mouvement international de la réconciliation,Conscience and Peace Tax International (CPTI), Public Organization "Public Advocacy".

 

HRC20.091F