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RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE : L’ENTRÉE EN FONCTION DE LA COUR PÉNALE SPÉCIALE EST UNE ÉTAPE IMPORTANTE DE LA LUTTE CONTRE L’IMPUNITÉ, CONSTATE LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Compte rendu de séance
La MINUSCA a documenté l’assassinat de 39 civils et le déplacement de milliers de personnes en mai 2019 et l’impunité pour de tels faits entretient le cycle des violences, est-il souligné

L’entrée en fonction de la Cour pénale spéciale est une étape importante de la lutte contre l’impunité en République centrafricaine. Quant à l’Accord politique pour la paix et la réconciliation, signé le 6 février 2019 entre le Gouvernement centrafricain et quatorze groupes armés, il est source d’espoir de refaire l’unité de l’État en République centrafricaine.

C’est ce qu’ont souligné les membres du Comité des droits de l'homme alors qu’était examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par la République centrafricaine au titre de l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les experts du Comité ont rappelé que les groupes armés s’étaient engagés, aux termes de l’Accord de février 2019, à mettre fin à toutes les hostilités, mais que la MINUSCA avait notamment documenté l’assassinat de 39 civils et le déplacement de milliers de personnes en mai 2019. L’impunité pour de tels faits entretient le cycle des violences, a-t-il été souligné, un membre du Comité faisant observer que plusieurs commandants rebelles ont été nommés à des postes de haut niveau au sein du Gouvernement, empêchant de facto toute poursuite à leur encontre.

Un membre du Comité a fait état d’allégations de torture dans des lieux de détention en République centrafricaine.

Présentant le rapport de son pays, M. Leopold Ismael Samba, Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies à Genève, a indiqué que dès le retour à la légalité constitutionnelle en 2016, le Gouvernement s’était engagé à lutter contre l’impunité, à mettre en œuvre un programme de désarmement et à renforcer l’état de droit. S’agissant précisément de la lutte contre l’impunité, le Gouvernement a procédé à l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale, au redéploiement de la justice et à la reprise des activités juridictionnelles, en dépit du contexte sécuritaire toujours difficile, a souligné le Représentant permanent.

M. Samba a en outre affirmé que du côté de son Gouvernement, la quasi-totalité des 21 engagements pris dans le cadre de l’Accord de février 2019 avaient été respectés. En revanche, les progrès des groupes armés quant au respect de leurs engagements restent timides, a-t-il regretté, avant d’ajouter que l’application de l’Accord avait cependant contribué à une légère baisse des violations des droits de l’homme.

La priorité du Gouvernement centrafricain est la sécurité de la population, a indiqué M. Samba.

Outre M. Samba, la délégation centrafricaine était composée de deux représentants des Ministères des affaires étrangères et de la justice.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la République centrafricaine seront rendues publiques à la clôture de la session, le 27 mars prochain.


Cet après-midi à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Portugal (CCPR/C/PRT/5).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du troisième rapport périodique de la République centrafricaine (CCPR/C/CAF/3), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise.

Présentant ce rapport, M. LÉOPOLD ISMAEL SAMBA, Représentant permanent de la République centrafricaine auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé qu’avec la crise multidimensionnelle déclenchée en mars 2013, l’État centrafricain avait quasiment cessé de fonctionner du fait de son absence des régions contrôlées par les groupes armés. L’absence de l’autorité de l’État dans les zones contrôlées par les mouvements rebelles a donné lieu pendant ces années à d’innombrables abus et exactions et à l’application de la justice privée, a ajouté le Représentant permanent.

Cependant, face à cette situation et dès le retour à la légalité constitutionnelle en 2016, le Gouvernement centrafricain s’est engagé à lutter contre l’impunité ; à protéger et promouvoir les droits de l’homme ; à mettre en œuvre un programme de désarmement, de démobilisation, de réintégration et de rapatriement ; et à renforcer la démocratie et l’état de droit.

S’agissant d’abord de la lutte contre l’impunité, le Gouvernement a procédé à l’opérationnalisation de la Cour pénale spéciale, au redéploiement de la justice et à la reprise des activités juridictionnelles, a précisé le Représentant permanent. Ainsi, en dépit du contexte sécuritaire toujours difficile, le Département de la justice, avec le concours de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), s’emploie depuis plusieurs mois au redéploiement de tous les magistrats et autres acteurs de la justice dans leurs juridictions de résidence, sur toute l’étendue du territoire national. La Cour pénale spéciale, pour sa part, a sept dossiers bouclés en instance de jugement.

S’agissant de la justice transitionnelle, a poursuivi M. Samba, le mécanisme est caractérisé par la mise en place de la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation, dont l’objectif est de réaliser la refondation de la mémoire collective par l’édification de la vérité des faits entre bourreaux et victimes, pour permettre de rendre une justice qui prenne en compte les dommages subis par les victimes, leur réparation et surtout la réconciliation entre Centrafricains.

Au chapitre de la protection et de la promotion des droits de l’homme, la vision politique du Président de la République a pour base une refondation politique fondée sur l’édification d’une culture de paix et des droits de l’homme. Cela justifie le développement en cours d’une politique nationale des droits de l’homme, qui déterminera des axes prioritaires et stratégiques.

La République centrafricaine a, par ailleurs, engagé une réforme du service public pénitentiaire visant l’instauration d’un système carcéral démilitarisé, professionnel, sous contrôle civil, respectueux des droits de l’homme et orienté vers la réinsertion sociale.

M. Samba a ensuite décrit le programme de désarmement, démobilisation, réintégration et rapatriement, ainsi que la stratégie de réforme du secteur de la sécurité, dont les objectifs généraux sont, notamment, la sécurisation du territoire et la restauration de l’administration ; la protection des personnes et des biens ; et la gouvernance démocratique du secteur de la sécurité.

Pour ce qui concerne le renforcement de l’état de droit et de la démocratie, M. Samba a fait état de la signature, en février 2019, d’un Accord politique pour la paix et la réconciliation nationale. Du côté du Gouvernement, la quasi-totalité des 21 engagements pris dans le cadre de cet Accord ont été respectés, notamment la création d’unités spéciales mixtes de sécurité et l’accélération de la mise en œuvre de la Commission Vérité. En revanche, les progrès des groupes armés quant au respect de leurs engagements restent timides, a dit M. Samba. Cependant, a-t-il ajouté, l’application de l’Accord a contribué à une légère baisse des violations des droits de l’homme.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

S’agissant du cadre constitutionnel de l’application du Pacte, un expert du Comité a relevé que la Constitution centrafricaine disposait que les traités ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois. Mais cette disposition est restée inopérante dans les faits, les articles du Pacte n’ayant pas été transcrits dans la loi ni invoqués par les tribunaux, a observé l’expert.

Le même expert a estimé que la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales gagnerait à être dotée de compétences et d’un budget adéquats. D’autre part, la tutelle exercée par le Ministère de la justice jette le doute sur l’indépendance de la Commission. L’expert a dit ne pas comprendre pourquoi la Commission ne s’acquitte pas de sa mission de surveillance des lieux de détention à Bangui même, une mission pour laquelle la MINUSCA a proposé son aide.

Une experte s’est enquise de la procédure mise en place pour assurer le suivi des observations du Comité des droits de l’homme et pour donner effet aux constatations adoptées par cet organe conventionnel dans le cadre des plaintes déposées en vertu du Protocole facultatif se rapportant au Pacte – un Protocole ratifié par la République centrafricaine. L’experte a évoqué à cet égard l’application de la décision du Comité s’agissant de la communication Mamour contre République centrafricaine.

Un expert a rappelé que les groupes armés s’étaient engagés, aux termes de l’Accord de paix du 6 février 2019, à mettre fin à toutes les hostilités. Mais la MINUSCA a, entre autres violences, documenté l’assassinat de 39 civils et le déplacement de quelque 20 000 personnes en mai 2019. L’impunité pour de tels faits affaiblit l’appareil judiciaire et entretient le cycle des violences, a mis en garde l’expert. Or, plusieurs commandants rebelles ont été nommés à des postes de haut niveau au sein du Gouvernement, empêchant de facto toute poursuite à leur encontre, a-t-il fait observer.

Qu’en est-il des suites judiciaires données aux crimes de guerre commis en République centrafricaine par des soldats de la République démocratique du Congo, a-t-il par ailleurs été demandé ?

L’entrée en fonction de la Cour pénale spéciale est une étape importante de la lutte contre l’impunité en République centrafricaine, a relevé une experte. Elle a voulu savoir si cette Cour était pleinement opérationnelle et si elle disposait du personnel nécessaire pour lancer des enquêtes et des poursuites sur tout le territoire national. L’experte a demandé s’il était prévu que la Cour pénale spéciale accorde une aide juridictionnelle aux justiciables et si le Gouvernement allait adopter une loi de protection des témoins.

L’experte a ensuite souhaité en savoir davantage sur l’articulation entre la Cour pénale spéciale, les juridictions nationales, la Cour pénale internationale et la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation. D’autres explications ont été demandées au sujet du fonctionnement de la Commission nationale d’enquête créée en 2013.

Un membre du Comité a fait état d’allégations de torture dans des lieux de détention en République centrafricaine. Il a souhaité savoir quand le Code pénal et le Code de procédure pénale seraient harmonisés avec les procédures de la Cour pénale spéciale et si la torture serait définie comme un crime imprescriptible. Le même expert a prié la délégation de dire quelles mesures concrètes sont prises pour garantir que les aveux obtenus par la torture ne sont pas admis par les tribunaux.

Un autre expert a demandé si tous les motifs interdits de discrimination prévus par le Pacte – notamment le handicap, l’âge et l’orientation sexuelle – étaient effectivement couverts par la loi centrafricaine.

Un expert a salué l’évolution positive que constitue – notamment – l’adoption de la loi sur l’égalité entre les sexes. Il a demandé si cette loi était effectivement appliquée. S’agissant du droit au travail, l’expert a demandé si la mention, dans la loi, d’emplois « au-delà de la capacité des femmes » n’était pas discriminatoire. D’autres questions de l’expert ont porté sur la participation des femmes à la vie politique et au sein du Gouvernement.

La situation sécuritaire en République centrafricaine suscite d’importants obstacles dans la fourniture des services de santé, a noté le même expert. Il a demandé si le pays était en mesure de faire face aux urgences de santé publique, comme la crise du coronavirus.

Un expert a constaté des difficultés dans l’accès à l’avortement : le délai maximum de huit semaines de grossesse, très court, pour pouvoir procéder à un avortement, sous peine de sanctions pénales ; ainsi que la nécessité d’obtenir l’agrément d’un collège de médecins. Ces facteurs poussent certaines femmes à procéder à une interruption volontaire de grossesse clandestine, avec le risque que cela entraîne pour leur santé voire leur vie, a mis en garde l’expert.

D’autres questions ont porté sur l’abolition de la polygamie et sur l’interdiction des mutilations génitales féminines en République centrafricaine. Un expert, constatant que rares sont les femmes victimes de ces mutilations qui osent porter plainte, a voulu savoir si la police et la justice étaient sensibilisées à ce problème. La délégation a aussi été priée de dire si le Gouvernement entendait éliminer le mariage précoce en remédiant aux causes qui le favorisent. Par ailleurs, quels sont les effets de la loi de protection des femmes contre les violences et où en est le projet de nouveau Code de la famille, a-t-il été demandé ?

Un expert du Comité a demandé si les autorités avaient lancé une campagne de sensibilisation de la population au principe d’une abolition de la peine de mort.

Le Comité a conscience du fait que certaines régions de la République centrafricaine ne sont pas sous le plein contrôle du Gouvernement, a-t-il été souligné. À ce propos, un expert a fait observer que le respect des droits de l’homme exigeait un État suffisamment fort, exerçant le contrôle sur son territoire. L’Accord de 2019 est source d’espoir de refaire l’unité de l’État, a poursuivi cet expert, avant de s’enquérir des perspectives à cet égard et des mesures concrètes que l’État compte prendre pour rétablir l’exercice des droits de l’homme en République centrafricaine.

Enfin, un expert du Comité a fait observer que la procédure simplifiée [de présentation des rapports] proposée par le Comité pourrait faciliter la tâche de la République centrafricaine s’agissant de la présentation à temps de ses prochains rapports.

Un expert a demandé ce qui avait été fait pour désengorger la prison de Bangui, dont la principale maison d’arrêt contient mille détenus pour 400 places, ainsi que pour remédier aux conditions inadéquates dans les prisons en ce qui concerne l’alimentation et l’accès aux soins de santé. L’expert a relevé que, dans la seule prison pour femmes, les prévenues ne sont pas séparées des condamnées. Il a en outre demandé ce qu’il en était de la création d’un mécanisme national de prévention de la torture.

Un expert a fait état d’allégations selon lesquelles la durée légale de détention provisoire ne serait pas respectée en pratique. Il a demandé quelle était la part des mesures alternatives à la privation de liberté prononcées par les tribunaux. L’expert a enfin demandé quel pourcentage du territoire national était concerné par le redéploiement des magistrats mentionné dans le rapport.

Une experte s’est enquise des mesures concrètes prises pour assurer le retour des personnes déplacées de force et les aider à réintégrer leur milieu d’origine.

Il a été relevé que, depuis 2008, aucune poursuite ni condamnation pour des faits de traite d’êtres humains n’avait été enregistrée en République centrafricaine. Un expert a demandé si l’État sanctionnait les fonctionnaires coupables de se livrer à ce trafic. Ce même expert a, d’autre part, déploré la persistance du recrutement d’enfants soldats par des milices encore actives hors de la zone contrôlée par le Gouvernement.

Un expert a demandé à la délégation où en étaient les enquêtes au sujet de l’assassinat de deux journalistes russes et de la mort d’une journaliste française en République centrafricaine.

D’autres questions ont porté sur la diffusion du Pacte en République centrafricaine ; sur le degré d’indépendance des juges et sur les compétences du Conseil supérieur de la magistrature ; ainsi que sur les attributions et le bilan de la Haute Autorité chargée de la bonne gouvernance.

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord répondu aux questions sur la Commission nationale des droits de l’homme. La dernière loi de finances de 2019 est venue combler le déficit réglementaire relatif à la rémunération des membres de cette Commission et à son intégration au budget de l’État, a-t-il été précisé. Les autorités centrafricaines mettent en place, depuis l’Accord de 2019, la présence de la Commission dans les sept régions du pays, a ajouté la délégation. Elle a par ailleurs souligné que la loi ne prévoit aucune tutelle du Ministère de la justice sur cette Commission, la relation entre les deux tenant du partenariat. La Commission est composée en majorité d’avocats et de professeurs d’université, représentant la société civile, a indiqué la délégation.

S’agissant de l’Accord politique de paix et de réconciliation signé entre le Gouvernement et quatorze groupes rebelles, il est clair que ce document ne prévoit aucune amnistie, la Cour pénale spéciale poursuivant ses enquêtes indépendantes à cet égard, a indiqué la délégation. Au moment venu, chacun devra répondre de ses actes, a-t-elle assuré.

D’un autre côté, il est difficile pour le Gouvernement d’intervenir dans les régions encore sous le contrôle de groupes armés, a souligné la délégation, faisant observer que des rebelles continuent de commettre des actes de violence. L’Accord a prévu que des garants et facilitateurs surveillent la réalisation des engagements pris par les deux parties, a-t-elle rappelé.

Pour ce qui concerne la Commission Vérité, Justice, Réconciliation et Réparation, sa mise en œuvre est passée par plusieurs étapes, la dernière en date étant l’adoption de la loi du 27 février dernier qui porte officiellement création de cette instance, a indiqué la délégation. La société civile est bel et bien représentée au sein de cette Commission, a-t-elle ajouté.

Les juges internationaux de la Cour pénale spéciale ont tous été nommés mais n’ont pas tous pris leur service, a ensuite indiqué la délégation. Le budget de cette Cour est assuré par l’aide internationale et toutes les promesses de don à cet égard n’ont pas été remplies, a-t-elle précisé, avant de souligner que les magistrats de la Cour sont indépendants et sont les seuls à pouvoir donner des informations sur les affaires en cours d’instruction.

La délégation a indiqué que l’affaire Mamour n’avait jamais été connue de la justice centrafricaine et que le général Mamour exerçait actuellement de hautes fonctions à la Présidence de la République.

Il existe en République centrafricaine une volonté d’abolir la peine de mort, a par ailleurs assuré la délégation. Mais cette volonté se heurte à des pesanteurs, liées notamment aux épreuves que le pays a traversées, a-t-elle expliqué. Pour le moment, la population n’est pas prête à voir ses bourreaux épargnés, a-t-elle ajouté. La loi reflétant l’avis de la population, la sensibilisation à ce sujet s’impose, a reconnu la délégation.

Il est hors de question pour l’État de laisser la « justice populaire » s’en prendre à des personnes accusées de sorcellerie, a par ailleurs assuré la délégation.

La priorité du Gouvernement centrafricain est actuellement la sécurité de la population, vu la situation anormale qui prévaut en ce moment et qui rend pour l’instant difficile de penser à certains autres problèmes, a expliqué la délégation.

S’agissant des perspectives politiques, la délégation a précisé que l’Accord pour la paix et la réconciliation (ou Accord de Khartoum) contenait un catalogue de mesures visant à remédier aux causes profondes de la crise, notamment l’impunité et la redistribution inégale des richesses. L’application intégrale de l’Accord permettra à l’État de reprendre le contrôle du territoire et d’assumer pleinement ses responsabilités. La communauté internationale doit veiller, pour sa part, à ce que les engagements pris par les autres parties soient respectés, a demandé la délégation.

Pays jeune, la République centrafricaine est en même temps confrontée aux troubles que l’on connaît et qui « ne donnent pas envie de regarder au fond du puits », a fait remarquer la délégation. Elle a assuré que son pays était engagé à atteindre, à son rythme, la norme fixée par le Pacte, et a prié le Comité de l’aider dans cette démarche.

Pour lutter contre toutes les formes de discrimination et les discours de haine, le Gouvernement agit par le biais des médias, de commissions régionales et d’une commission centrale chargée d’élaborer un plan national de prévention de la discrimination.

Des sanctions sont prévues contre les membres de groupes armés qui continuent de se livrer à des exactions, a souligné la délégation. Le Gouvernement n’ayant pas accès à toutes les zones contrôlées par les groupes armés, la MINUSCA peut être appelée à jouer un rôle, a-t-elle expliqué. Pour sa part, la justice suit son cours et instruit les dossiers : tous les coupables finiront par rendre des comptes, a assuré la délégation.

Le Gouvernement, qui entend assurer le retour des personnes déplacées à l’intérieur de la République centrafricaine, mise pour cela sur une approche basée sur la nécessité de vivre ensemble, a indiqué la délégation.

La Cour pénale spéciale et les juridictions nationales entretiennent des relations de complémentarité ; la Commission Vérité, justice, réconciliation et réparation doit rendre la justice et accorder des dédommagements aux victimes. Les trois institutions travaillent donc dans le même sens, a-t-il été précisé. Quant à la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés fondamentales, elle ne rend pas compte au Ministère de la justice, lequel ne sert que de courroie de transmission entre les autorités et la Commission.

La délégation a fait état de la création d’un comité de réflexion sur l’indépendance de la justice, dont la société civile devra faire partie. Nombreux sont en effet celles et ceux qui, en République centrafricaine, s’interrogent sur le mode de désignation des juges et sur les manquements du Conseil supérieur de la magistrature, a-t-il été indiqué. Il est d’ores et déjà prévu d’instaurer un mécanisme de plainte en cas de corruption dans le milieu judiciaire, a fait savoir la délégation.

Sur le même sujet, un expert du Comité ayant fait part de préoccupations relatives à des ingérences du pouvoir exécutif dans le fonctionnement de la justice, la délégation a indiqué que le juge du siège restait quoi qu’il en soit indépendant dans sa prise de décision.

Le Code électoral adopté en février dernier se distingue par le fait qu’il oblige les partis politiques à respecter l’accès égal des femmes et des hommes aux fonctions électives, un premier seuil ayant été fixé à 30% de participation des femmes. Les tribunaux s’efforcent de remédier aux stéréotypes sexistes qui marquent encore la société centrafricaine, a indiqué la délégation. D’autre part, la formation continue des magistrats contient des enseignements à la répression de la violence sexiste.

Le Gouvernement est prêt à ouvrir des discussions sur des modifications du Code pénal relativement aux interruptions volontaires de grossesse, notamment en ce qui concerne le délai de huit semaines, qui – a reconnu la délégation – est très court.

« Pour des raisons évidentes de sécurité », les consultations nationales au sujet du nouveau Code de la famille sont interrompues : elles reprendront au moment du redéploiement des fonctionnaires sur l’ensemble du territoire, a indiqué la délégation. À ce dernier propos, la délégation a indiqué que ce processus [de redéploiement], bien avancé, était cependant régulièrement mis en cause par les actes de groupes armés. Les unités mixtes de sécurité prévues par l’Accord de paix devraient faciliter ce processus.

Répondant à des questions sur la liberté de culte, la délégation a assuré que le problème de liberté de religion ne se posait pas en République centrafricaine. Elle a précisé que les musulmans ont de tout temps été minoritaires par rapport aux chrétiens, qui sont majoritaires avec les animistes. La délégation a ajouté que les conflits confessionnels avaient été montés en épingle. Ce sont la conjoncture et les circonstances qui peuvent venir entraver la liberté de religion, et non une volonté des autorités, a insisté la délégation.

S’agissant des peuples autochtones en République centrafricaine, il est vrai que les Pygmées ont été longtemps laissés pour compte, a dit la délégation. Mais aujourd’hui, la situation est différente : rien dans la loi n’empêche les Pygmées, citoyens à part entière, de jouir des mêmes droits que les autres Centrafricains. Reste que, pour des raisons culturelles ou géographiques, l’accès à certains services publics peut leur être difficile, a reconnu la délégation.

Le Gouvernement a pris des mesures juridiques contre le recrutement d’enfants soldats. Il est aussi prévu que les enfants associés aux groupes rebelles et capturés lors d’opérations soient remis à la MINUSCA, laquelle collaborera avec l’UNICEF à leur réinsertion, a expliqué la délégation.

La délégation a enfin indiqué que, selon le parquet centrafricain, l’enquête sur les assassinats de journalistes russes et français se poursuivait.

Remarques de conclusion

M. SAMBA a dit apprécier d’avoir eu affaire à des juges sévères mais francs (en la personne des membres du Comité), qui sauront aider la République centrafricaine. L’Accord de Khartoum, produit du consensus, doit absolument être respecté, a insisté le Représentant permanent. La République centrafricaine n’est pas morte, elle a fini sa réanimation : entrée en rééducation, elle a besoin d’experts tels que les membres du Comité pour recouvrer l’usage de tous ses membres, a déclaré M. Samba.

M. AHMED AMIN FATHALLA, Président du Comité, a remercié la délégation pour ses efforts de clarification de nombreux points. M. Fathalla a pris note du fait que le Gouvernement centrafricain ne maîtrisait pas l’ensemble du territoire et accordait la priorité à la sécurité de la population. Il a en outre jugé positif que le Gouvernement soit prêt à revenir sur la question de l’avortement et qu’il se soit mis d’accord avec la MINUSCA pour améliorer le sort des anciens enfants soldats. Le Président du Comité a recommandé au pays de se doter, d’ici à ce que son Gouvernement recouvre le contrôle du territoire, des lois nécessaires pour faire respecter le Pacte.


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