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LE COMITÉ POUR L’ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L’ÉGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les trois pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir le Cambodge, la Bosnie-Herzégovine et la Lituanie.

Pour ce qui concerne le Cambodge, l’attention a notamment été attirée sur le manque de mesures de promotion active des femmes et de budget y consacré, sur l’absence de loi complète contre les discriminations à l’encontre des femmes, sur la persistance de stéréotypes sexistes, ainsi que sur la situation des travailleuses du sexe.

S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, ont été déplorés le manque de priorité accordée aux questions de genre, ainsi que les discriminations dont souffrent les femmes sur le marché du travail, les femmes de la communauté LGBTI et les femmes handicapées. Ont également été évoquées la situation des jeunes filles roms mariées avant 18 ans et qui abandonnent alors l’école, ou encore les questions liées aux violences sexuelles commises durant la guerre.

Pour ce qui est de la Lituanie, ont notamment été déplorées l’insuffisante mise en œuvre des recommandations du Comité ; les inégalités sur le marché du travail, notamment en matière salariale ; ainsi que l’absence de progrès dans la lutte contre les violences fondées sur le genre, du fait notamment de politiques très conservatrices.

Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Cambodge (CEDAW/C/KHM/6).


Audition de la société civile

S’agissant du Cambodge

NGO CEDAW a indiqué qu’elle représentait plus de 50 organisations non gouvernementales (ONG) ayant participé à l’élaboration du rapport parallèle. Elle a déploré que le cadre juridique cambodgien soit dépourvu d’une loi complète contre les discriminations à l’encontre des femmes qui permettrait de mettre en place des mécanismes juridiques ouvrant la possibilité de recours en justice. La coalition d’ONG a regretté le faible financement des politiques en faveur des femmes, dont le financement dépend largement de l’aide extérieure – une aide extérieure qui par ailleurs diminue du fait de la croissance économique du pays. Les stéréotypes à l’encontre des femmes se perpétuent, y compris de la part du Gouvernement sous prétexte de protéger la culture du pays.

Gender and Development for Cambodia a souligné que les programmes de genre ne sont pas financés au Cambodge. La compréhension qu’ont les autorités de ce qu’est un budget lié au genre est limitée, alors que les politiques pour l’égalité devraient représenter au moins 5% du budget national, a expliqué l’ONG. Elle a en outre déploré que les projets de loi ne soient jamais soumis à la société civile pour avis.

Klahaan a déclaré que les stéréotypes négatifs se font sentir sur tous les aspects de la vie des femmes et des jeunes filles au Cambodge. Depuis plusieurs années, les groupes de femmes sont empêchés de défiler à l’occasion de la Journée internationale de la femme. Le Gouvernement doit cesser de restreindre les choix et l’expression des femmes. Par ailleurs, a poursuivi l’ONG, la proportion de femmes au sein du Gouvernement est faible. La loi cambodgienne ne favorise aucune promotion active de la femme, a-t-elle déploré. La législation sur les violences familiales, quant à elle, met l’accent sur la réconciliation et l’harmonie et non sur le recours à la justice, a en outre fait observer l’ONG.

Women’s Network for Unity a déclaré qu’au Cambodge, les travailleuses du sexe ne sont pas protégées par le droit du travail et sont confrontées à de multiples discriminations. La loi de 2008 sur la traite empêche le travail des travailleuses du sexe et il y a eu plus de 300 arrestations depuis l’adoption de cette loi. En janvier 2017, une travailleuse du sexe est décédée après avoir tenté de fuir un garde de sécurité. Il y a de plus en plus de harcèlement à l’encontre de ces travailleuses et elles ne peuvent obtenir justice suite à ces faits. Le Gouvernement doit faire la différence entre traite des êtres humains et travail du sexe, a recommandé l’organisation.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a relevé qu’en 2014, le Gouvernement cambodgien avait lancé une politique nationale sur le logement décent ; aussi, s’est-elle enquise de l’attention accordée aux femmes dans le cadre de cette politique. Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur la révision du plan d’action national contre la violence sexiste et sur les succès engrangés par le précédent plan.

Les représentants de la société civile ont affirmé que la politique nationale relative au logement décent n’avait aucun résultat sur le terrain. Le Gouvernement n’a pas les moyens financiers pour mettre en œuvre sa politique de logements à bas prix et les citoyens ne sont pas assez informés de la procédure pour y accéder, de sorte que seuls les fonctionnaires ont accès à ces logements. Le Plan national d’action contre la violence sexiste n’est pas assez financé lui non plus et manque donc d’impact sur le terrain, a-t-il été souligné.

S’agissant de la Bosnie-Herzégovine

Une coalition de dix-huit ONG a déclaré que les questions de genre ne sont pas considérées comme une priorité politique dans le pays. La mise en œuvre des programmes de protection des femmes n’est pas assortie de critères d’évaluation clairs, a-t-elle en outre déploré. Elle a également déploré le manque d’engagement des autorités à mettre en œuvre, sur le long terme, des politiques de protection des droits des femmes visant plus particulièrement les groupes défavorisés de femmes, notamment les femmes déplacées, les femmes seules, les femmes âgées ou encore les femmes roms.

La représentation des femmes à tous les niveaux du pouvoir politique est loin d’atteindre les 40% que la loi impose, a d’autre part fait observer la coalition. Il faut que l’égalité de genre devienne en Bosnie-Herzégovine un principe constitutionnel, a-t-elle plaidé. Les femmes souffrent de discrimination à l’emploi ainsi qu’au niveau des salaires, a-t-elle ajouté.

Les politiques de protection des femmes victimes de violence ne sont pas mises en pratique, a poursuivi la coalition, avant de faire observer que les femmes ne dénoncent pas les violences dont elles sont victimes car elles n’ont pas confiance dans les autorités. La Bosnie-Herzégovine n’a pas pris suffisamment de mesures vis-à-vis des femmes victimes de violences sexuelles en temps de guerre, ne luttant pas ainsi contre l’impunité. Les sanctions à l’encontre des auteurs sont trop souples et ne sont pas en adéquation avec la gravité des faits.

La coalition a par ailleurs dénoncé les violences et les discriminations à l’encontre de la communauté LGBTI dans le pays. Les femmes ayant un handicap font également l’objet de discrimination, car elles ne bénéficient pas des soutiens proposés aux autres femmes. Un pourcentage important de femmes roms sont mariées avant l’âge de 18 ans, ce qui a pour conséquence un fort tôt d’abandon scolaire, a en outre dénoncé la coalition.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a demandé des informations sur la lutte contre la traite dans le pays et a souhaité savoir comment le pays coopérait avec les ONG dans ce domaine. Un expert a demandé des informations sur la définition de la notion de genre figurant dans les législations des différentes entités composant la Bosnie-Herzégovine.

Une experte a souhaité en savoir davantage sur la justice transitionnelle. Une de ses collègues a demandé pourquoi l’existence d’une loi électorale qui prévoit un important quota de femmes sur les listes électorales ne se traduit pas par des résultats concrets en termes de représentation des femmes après les élections. Par ailleurs, on ne compte que 4% de femmes parmi les maires dans le pays. Une autre experte a souhaité en savoir davantage sur la nature des discriminations touchant les femmes célibataires.

En réponse à ces questions, la société civile a fait observer qu’une définition de la discrimination fondée sur genre faisait toujours défaut dans la législation du pays, ce qui a pour conséquence l’existence de politiques incohérentes, voire diamétralement opposées, selon les différentes régions du pays. Les enseignants ne sont pas formés à l’égalité entre hommes et femmes, ni à la lutte contre les stéréotypes, a-t-il en outre été souligné.

S’agissant des victimes de violences sexuelles durant la guerre, les organisations de la société civile ont rappelé qu’un projet de loi intéressant cette question n’avait finalement pas été adopté faute de soutien à tous les niveaux de pouvoir. Il faut pourtant qu’une telle loi soit adoptée le plus rapidement possible, a-t-il été souligné. Il y a très peu de possibilités pour les victimes d’obtenir réparation lorsque l’auteur (du crime) n’a pas d’argent ; il faut donc mettre en place un fonds national pour les victimes, ont plaidé les ONG.

La société civile a par ailleurs expliqué que s’il existe effectivement des quotas pour la présence de femmes sur les listes électorales, il n’y a en revanche aucune obligation de désigner des femmes à des fonctions exécutives ou dirigeantes, ce qui explique le très faible nombre de femmes occupant des fonctions ministérielles.

S’agissant de la Lituanie

Lithuanian Women’s Lobby Organization, qui réunit quelque 39 ONG, a jugé insuffisante la mise en œuvre des recommandations du Comité dans le pays. La situation des femmes sur le marché du travail est loin d’être égale, avec un écart salarial avec les hommes sans cesse grandissant, a-t-elle fait observer. Elle a dénoncé la ségrégation à l’emploi dans le pays, qui entraîne des choix professionnels empreints de stéréotypes. Les femmes constituent plus de 80% de la main-d’œuvre dans les domaines de la santé et de l’éducation. Par ailleurs, il n’existe aucun mécanisme de contrôle de la législation qui impose à toute entreprise de plus de 50 employés de publier en interne un plan sur les questions de genre.

Vilnius Women’s House a déclaré que la lutte contre les violences fondées sur le genre n’a fait aucun progrès ces dernières années en Lituanie. La stratégie nationale de lutte contre les violences faites aux femmes a été remplacée par un programme neutre sur la prévention de la violence domestique. Le pays met en œuvre des politiques très conservatrices qui consacrent les valeurs traditionnelles de la famille, ce qui a des répercussions négatives en termes de lutte contre les violences faites aux femmes. Les juges et les procureurs eux-mêmes ne comprennent pas les notions fondamentales liées à la protection des femmes contre les violences.

Center for Reproductive Rights a attiré l’attention du Comité sur le non-respect par la Lituanie de l’article 12 de la Convention, s’agissant plus particulièrement de la santé reproductive et maternelle pour les femmes migrantes ; en effet, elles n’ont pas accès aux centres de santé car elles doivent financer leurs soins. La Lituanie doit interdire toute discrimination à l’encontre des femmes s’agissant de l’accès à la santé.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, un expert a demandé quels étaient les problèmes principaux en Lituanie s’agissant de la représentation des femmes à tous les niveaux de pouvoir. Une autre experte a demandé comment s’expliquaient les inégalités concernant l’accès au marché du travail, alors que le pays a d’excellents résultats dans le domaine de l’accès à l’enseignement supérieur. Une experte s’est demandée dans quelle mesure les ONG pourraient redoubler d’efforts en faveur de la formation des juges et des procureurs dans le domaine de la protection des femmes contre les violences.

En réponse à ces interrogations, la société civile a fait observer qu’il n’existait en Lituanie aucun mécanisme de vérification de la mise en œuvre des lois dans le domaine de la promotion et de la protection des droits des femmes. Tous les organes chargés de la lutte contre les discriminations sont « neutres » et aucun n’est axé sur la lutte contre les discriminations à l’encontre des femmes, pas même dans le domaine de la représentation politique. En Lituanie, toutes les politiques familiales aujourd’hui sont influencées par la tradition catholique, a-t-il en outre été souligné. La situation est très regrettable pour les femmes dans ce pays.

L’institution nationale lituanienne des droits de l'homme, à savoir le bureau du Médiateur du Seimas, par la voix de MME AURELIJA BALTIKAUSKAITE, spécialiste en chef de la Division des droits de l’homme, a rappelé que le bureau du Médiateur du Seimas est un organe constitutionnel et qu’en 1999, le Seimas avait établi le Médiateur pour l’égalité des chances. Le bureau a été accrédité comme institution nationale des droits de l’homme en 2017, a-t-elle ajouté. En janvier 2018, le Parlement lituanien a amendé la loi sur le Médiateur en définissant les nouveaux domaines de compétences de ce dernier, a-t-elle précisé.

Le bureau a dénoncé le manque de financement qui l’empêche d’accomplir pleinement ses tâches de manière indépendante. L’État doit investir davantage d’efforts pour assurer l’indépendance financière de l’institution, a insisté Mme Baltikauskaite. Très peu d’écoles sont aujourd’hui accessibles en fauteuil roulant, a-t-elle par ailleurs fait observer. Le bureau a également dénoncé les inégalités salariales importantes qui existent en Lituanie entre hommes et femmes.


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CEDAW19.032F