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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE LA SOCIÉTÉ CIVILE SUR LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE EN SUISSE, EN ISRAËL ET EN ÉQUATEUR

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en Suisse, en Israël et en Équateur – les trois pays dont les rapports vont être examinés cette semaine.

S’agissant de la Suisse, des préoccupations ont été exprimées s’agissant, notamment, de la politique d’asile et de l’impact sur le changement climatique des investissements suisses à l’étranger. Une ONG a plaidé pour l’adoption en Suisse d’une loi générale de lutte contre la discrimination, associée à un véritable accès à la justice pour les victimes.

S’agissant d’Israël, les ONG ont attiré l’attention sur les entraves à l’accès aux soins de santé, en particulier pour les personnes vivant à Gaza et nécessitant des soins à l’extérieur. Elles ont également dénoncé les démolitions de logements et les expulsions forcées de familles palestiniennes. Ont également été évoquées la situation des Bédouins et celle des réfugiés érythréens et soudanais vivant en Israël.

Pour ce qui concerne l’Équateur, les ONG se sont notamment inquiétées de l’impact des mesures économiques imposées par le Fonds monétaire international (FMI) suite à l’accord conclu avec le pays cette année. Des inquiétudes ont également été exprimées face aux violences sexuelles, en particulier contre les mineurs, et face à la persistance du travail des enfants voire du travail forcé.


Lors de sa prochaine réunion publique, demain à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Suisse (E/C.12/CHE/4).


Audition d'organisations de la société civile

S'agissant de la Suisse

FIAN Suisse a regretté que les recommandations issues de l’examen du précédent rapport de la Suisse, en 2010, n’aient pas été appliquées. L’ONG a dit souhaiter que les autorités fédérales cantonales établissent un dialogue avec les organisations de la société civile et désignent un interlocuteur permanent quant à l’application du Pacte. L’ONG a fait observer qu’une institution nationale de droits de l’homme serait très utile pour garantir la mise en œuvre uniforme des droits de l’homme au niveau national. Elle a plaidé pour l’adoption en Suisse d’une loi générale de lutte contre la discrimination, associée à un véritable accès à la justice pour les victimes, et a recommandé que l’applicabilité directe du Pacte soit reconnue par les juridictions nationales et cantonales.

Une autre ONG a regretté que des lacunes et des dispositions discriminatoires persistent dans la politique d’asile de la Suisse. Elle a déploré en particulier un durcissement récent contre les jeunes migrants érythréens. Quant au statut d’admission provisoire (des requérants), il rend l’intégration professionnelle très difficile, a fait observer l’ONG, avant de demander que les personnes concernées aient les mêmes droits que les réfugiés. Elle a souligné que de nombreuses personnes vivant de manière illégale en Suisse ne bénéficient pas de leurs droits fondamentaux.

ATD Quart-Monde a notamment recommandé à la Suisse de faire en sorte que la pauvreté et l’extrême pauvreté figurent systématiquement au nombre des critères de discrimination reconnus par le pays. L’ONG a également recommandé la mise en place d’une politique de prévention et de lutte contre la pauvreté coordonnée au niveau fédéral.

Le Centre pour le droit environnemental a regretté que la Suisse n’atteigne pas les cibles convenues en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Elle a estimé que la Suisse devait assurer que ses flux d’investissements soient compatibles avec les objectifs dans ce domaine; en effet, l’impact sur le changement climatique des investissements suisses à l’étranger équivaut à 22 fois la totalité des émissions (de gaz à effet de serre) de la population suisse, a fait observer l’ONG.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, des membres du Comité se sont enquis des coûts pouvant être associés à une plainte pour discrimination en Suisse. Ils se sont également enquis des mesures prises dans ce pays pour concilier vie professionnelle et vie familiale, ainsi que des modalités de coopération entre les autorités et la société civile.

D’autres questions des experts ont porté sur l’introduction d’un salaire minimal en Suisse et sur l’application concrète du principe d’égalité de salaire pour un travail égal. Les membres du Comité ont également souhaité en savoir davantage sur les modalités de l’éducation inclusive et sur la « décarbonisation » des investissements suisses.

À ces questions, les organisations non gouvernementales ont notamment répondu qu’elles regrettaient le manque de préparation des autorités fédérales chargées de la préparation du présent rapport. Elles ont également déploré le manque de collaboration (des autorités) avec la société civile. L’autonomie des cantons est parfois utilisée comme prétexte par la Confédération pour se défausser de ses responsabilités, a fait remarquer une ONG.

L’égalité salariale est inscrite dans la loi, mais le problème est qu’il n’existe pas de sanctions en cas de manquement à ce principe, a-t-il en outre été souligné.

Quant à l’école inclusive, depuis plusieurs années maintenant, la question a fait l’objet d’un accord intercantonal sur la pédagogie spécialisée, visant à ce que tous les enfants puissent suivre l’école « normale ». Mais, les enfants issus de certaines familles très précaires continuent d’être placés dans des institutions spécialisées dont le cursus ne leur permet pas ensuite de revenir dans le système « normal », ni d’acquérir une formation professionnelle efficace, a regretté une ONG.

La question de la réglementation des acteurs financiers suisses en lien avec le changement climatique est reconnue par les autorités suisses, a affirmé une ONG. La Banque nationale suisse (banque centrale du pays) est censée éviter les investissements qui nuisent à l’environnement; mais son évaluation est restreinte et elle n’a pas renoncé à des investissements dans les énergies fossiles, a regretté l’ONG. Elle a aussi déploré que l’initiative « Multinationales responsables » ait de nouveau été repoussée par le Parlement.

S'agissant d’Israël

Palestinian Centre for Human Rights a déploré que le blocus contre Gaza empêche les étudiants en médecine d’aller se former à l’étranger. Elle a aussi fait état des très grandes difficultés rencontrées par les Palestiniens vivant à Gaza pour obtenir le permis de sortie médicale, imposé par Israël et indispensable pour recevoir des soins hors de Gaza. L’ONG a aussi dénoncé la sanction collective que constitue le refus des autorités israéliennes d’autoriser des proches de patients à leur rendre visite.

Physicians for Human Rights Israel a déploré le refus israélien de laisser sortir de Gaza les enfants qui y vivent pour qu’ils puissent aller suivre, à l’extérieur, des traitements spécialisés. La situation à cet égard n’a cessé de se détériorer, malgré les recommandations antérieures du Comité insistant sur la nécessité d’assurer cet accès aux soins, a affirmé l’ONG, faisant état de plusieurs centaines de demandes de permis de sortie médicale refusées de manière arbitraire. L’ONG a également déploré que les parents ne reçoivent généralement pas de permis pour accompagner leurs enfants soignés à l’extérieur de Gaza. L’ONG a en outre regretté qu’en Israël même, certaines catégories d’enfants – notamment les enfants de demandeurs d’asile déboutés, les enfants de travailleurs immigrés ou les enfants de touristes dont le visa a expiré – n’aient pas accès aux soins.

Al Marsad – Al Haq a dénoncé, pour sa part, l’exploitation illégale des ressources énergétiques du Golan syrien occupé par Israël. L’ONG a condamné plusieurs projets d’énergie renouvelable menés par Israël, notamment l’installation de 25 éoliennes sur les rares terres arables encore accessibles aux Syriens autochtones.

Aid Organisation for Refugees and Asylum Seekers in Israel (ASSAF) a évoqué le statut temporaire de quelque 30 000 réfugiés et demandeurs d’asile originaires d’Érythrée et du Soudan vivant en Israël depuis 2006. Ces personnes n’accèdent pas à la sécurité sociale, ni aux soins de santé autres que d’urgence et les requérants d’asile handicapés ou souffrant de trouble de santé mentale ne reçoivent pas de traitements spécialisés, a déploré l’ONG, avant de condamner en outre le séquestre par l’État israélien des sommes gagnées pendant leur séjour par les requérants d’asile. Seuls 13 Érythréens et un Soudanais ont obtenu l’asile en Israël, a fait remarquer la délégation.

Legal Centre for Arab Minority Rights in Israel a déploré qu’Israël refuse à quelque 34 000 Bédouins - vivant dans 35 villages non reconnus et considérés comme illégaux - l’accès aux services de base essentiels tels que l’eau potable, l’électricité, les soins de santé, les écoles, les routes et l’assainissement. L’ONG a aussi déploré qu’Israël, prétextant la construction d’énormes projets d’infrastructure dans la région de Naqab (Néguev), procède en réalité au déplacement des Bédouins.

Al Mezan Centre for Human Rights a insisté sur le fait qu’Israël, s’il s’est retiré formellement de Gaza en 2005, n’en garde pas moins le contrôle effectif sur le territoire gazaoui de par les incursions fréquentes qu’il y mène ainsi que par sa maîtrise de l’espace aérien, maritime et terrestre de Gaza. L’ONG a déploré les difficultés rencontrées au quotidien par les pêcheurs, ainsi que les difficultés d’accès aux soins et à l’électricité (que rencontrent les Gazaouis). Elle a en outre regretté que la politique de fermeture de Gaza menée par Israël se poursuive malgré les observations du Comité en 2011.

Geneva International Centre for Justice a dénoncé les destructions de logements par Israël qui affectent des familles voire des communautés palestiniennes entières. Les expulsions forcées qui en découlent constituent une violation des droits au logement, à l’eau et à l’assainissement – des droits pourtant garantis par le Pacte. Les informations fournies dans le rapport au sujet des expulsions pour dettes ou défaut de paiement ne permettent pas de comprendre le problème des expulsions en Israël, a insisté l’ONG.

Housing and Land Rights Network / Habitat International a attiré l’attention du Comité sur la persistance d’une discrimination institutionnelle en Israël à l’encontre du peuple palestinien, à travers les politiques d’aménagement du territoire et d’exploitation des ressources. L’ONG a également déploré la destruction de logements appartenant à des Palestiniens à Jérusalem-Est et le déplacement de centaines de Palestiniens de Cisjordanie.

Kayan Feminist Organization a fait état, quant à elle, d’une discrimination systématique contre les femmes palestiniennes citoyennes d’Israël. Elle a déploré, en particulier, que la police ne réagisse pas lorsque ces femmes viennent dénoncer des violences dont elles sont victimes et que seules 20% des femmes palestiniennes citoyennes israéliennes soient intégrées au marché du travail.

Women’s Centre for Legal Aid and Counseling a dénoncé la violation, par les autorités d’occupation, des droits des Palestiniennes à un environnement propre et à l’eau et à l’assainissement. Israël utilise la Cisjordanie palestinienne comme une véritable décharge industrielle, a en outre dénoncé l’ONG.

Negev Coexistence Forum for Civil Equality a déploré la situation impossible dans laquelle vivent les Bédouins obligés de demander à leur oppresseur la permission de vivre sur leurs terres ancestrales. L’ONG a souligné qu’en 2018, quelque 2326 logements appartenant à des Bédouins avaient été détruits sous le prétexte d’avoir été construits sans autorisation. Elle a aussi dénoncé le fait que 68,2% des enfants bédouins vivent dans l’extrême pauvreté.

Al Haq a déclaré que, depuis l’examen du précédent rapport du pays, Israël continue de confisquer les terres de Palestiniens et de procéder à des transferts de population à des fins de modification de la composition démographique des territoires concernés. L’ONG a en outre dénoncé l’exploitation illégale des ressources naturelles des Palestiniens au profit d’Israël, de ses entreprises et de ses colonies de peuplement.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, des membres du Comité ont fait observer que le cas était très compliqué, le Comité devant en effet ici examiner la situation des droits de l’homme non seulement en Israël même mais aussi dans les territoires occupés – territoires où, selon Israël, le Pacte ne s’applique pas. Le problème consiste donc à trouver une manière de dialoguer de manière constructive avec la délégation israélienne, étant entendu que le Comité n’est pas un organe judiciaire.

Un expert a demandé aux ONG de commenter l’adoption par la Knesset en 2017 de la « Loi fondamentale sur Israël en tant qu'État-nation du peuple juif » et ses répercussions sur la jouissance des droits.

S'agissant de l’Équateur

Une coalition d’organisations non gouvernementales a relevé que les mesures économiques imposées à l’Équateur par le Fonds monétaire international (FMI) en 2019 n’avaient pas fait l’objet d’une étude d’impact, contrairement à ce que le Comité avait déjà recommandé au pays en 2004 au sujet de précédentes mesures d’ajustement structurel.

Une autre ONG a ajouté que l’accord conclu cette année avec le FMI avait entraîné en Équateur une précarisation de l’emploi, une baisse des salaires dans les secteurs privé et public, de même qu’une réduction des capacités de l’État. L’impact de ces mesures sur la santé ne s’est pas fait attendre, a ajouté l’ONG, faisant notamment état d’une forte augmentation du nombre de cas de fièvre dengue.

Une autre ONG a dénoncé la responsabilité de l’État équatorien ou son inaction face à la persistance de formes contemporaines d’esclavage ou de travail forcé dans des plantations équatoriennes appartenant à la société japonaise Furukawa. L’ONG a demandé à l’État d’accorder de justes réparations aux victimes et d’imposer des sanctions adaptées à la gravité des crimes commis.

Une autre ONG a regretté qu’en Équateur, très peu d’accusations de violences contre les enfants et adolescents – dont une majorité de jeunes filles victimes d’inceste ou de violence sexuelle – aboutissent à des sanctions pénales. Elle a aussi regretté que le Parlement équatorien ait refusé d’autoriser l’avortement en cas de viol. L’ONG a aussi regretté la persistance des châtiments corporels dans ce pays et a appelé à l’adoption de définitions juridiques claires des différentes formes de violence contre les jeunes.

Coalicion Nacional des Mujeres del Ecuador a fait observer que la corruption à tous les niveaux en Équateur empêche d’améliorer le sort des catégories les plus défavorisées. Elle a en outre relevé que six femmes sur dix en Équateur ont subi des violences sous une forme ou une autre et que l’on recense déjà trente féminicides pour cette seule année 2019.

Une ONG a elle aussi dénoncé les violences sexuelles commises contre les enfants en Équateur et déploré que les plaintes déposées dans ce contexte n’aboutissent pas. Une autre ONG a regretté qu’il soit impossible de déterminer la part des dépenses publiques consacrées à l’enfance. Elle a en outre fait part de sa préoccupation face à l’ampleur du travail des enfants dans le pays et au manque de politiques publiques contre ce problème.

Une ONG a déploré des violations des droits des personnes LGBTI en Équateur, dans un contexte de fort conservatisme social et d’appareil juridique disparate et lacunaire. A également été soulevé le problème des « cliniques de réhabilitation » clandestines pour personnes LGBTI. L’ONG a par ailleurs dénoncé la criminalisation des femmes qui avortent, alors que 435 d’entre elles – dont certaines ont en fait été victimes de fausse couche – sont actuellement emprisonnées en Équateur.

Une ONG a fait remarquer que l’inégalité dans l’accès à la terre entraîne des violations du droit à l’alimentation.

D’autres préoccupations ont été exprimées par des organisations non gouvernementales équatoriennes au sujet de la sécurité des défenseurs des droits de l’homme, de la surpopulation carcérale ou encore de la vulnérabilité des peuples autochtones et des peuples isolés confrontés à l’emprise des sociétés d’extraction minière.


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