Aller au contenu principal

LE CONSEIL DES DROITS DE L’HOMME ENTAME SON DÉBAT ANNUEL SUR LES DROITS FONDAMENTAUX DES FEMMES

Compte rendu de séance
La première partie du débat porte sur la violence à l’égard des femmes dans le monde du travail

Le Conseil des droits de l’homme a entamé, ce matin, son débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes, en tenant une réunion-débat sur la violence à l’égard des femmes dans le monde du travail. La discussion a été introduite par la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, et par Mme Katrín Jakobsdóttir, Première Ministre de l’Islande.

Animé par M. Surya Deva, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, la réunion a compté avec la participation de trois panélistes : Mme Maria-Luz Vega, coordonnatrice de l’Initiative pour l’avenir du travail à l’Organisation internationale du Travail (OIT); Mme Dubravka Šimonović, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences; et Mme Novelita Valdez Palisoc, Représentante de la région Asie à la Fédération internationale des travailleuses et travailleurs domestiques et Présidente de l’Union des travailleuses et travailleurs domestiques des Philippines.

Mme Bachelet a déploré l’impunité qui banalise la violence sexiste au travail et le manque d’accès égalitaire à la justice – deux facteurs qui exposent particulièrement les femmes et les filles au risque de violence. La Haute-Commissaire a aussi mis en avant le coût très élevé des violations des droits fondamentaux des femmes, étant donné l’importance de leur participation à la vie économique mondiale. Mme Jakobsdóttir a pour sa part notamment relevé que le mouvement #Metoo avait donné des résultats importants dans le domaine de la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles.

De nombreux intervenants* ont pris part au débat. Plusieurs délégations ont décrit les mesures prises par leur pays pour améliorer les conditions de travail des femmes. Elles ont notamment évoqué l’adoption de lois pour l’égalité professionnelle et de règlements obligeant les employeurs à enquêter sur toutes les dénonciations de harcèlement sexuel; elles ont aussi mentionné la collaboration entre groupements d’employeurs et syndicats pour contrer le harcèlement au travail.

De très nombreuses délégations ont salué la Convention (n° 190) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail adoptée récemment par l’Organisation internationale du Travail. Elles ont espéré que cet instrument encouragerait les États à se doter de lois pour mieux protéger les femmes et à créer, à l’intention des femmes victimes de violence, des voies de recours.


Le Conseil poursuivra ses travaux à la mi-journée pour clore son débat interactif groupé sur les exécutions sommaires et sur le droit à l’éducation, avant de se pencher sur les rapports du Groupe de travail chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes, dans la législation et dans la pratique et du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises.


Débat annuel d’une journée sur les droits fondamentaux des femmes - Réunion-débat sur « la violence à l’égard des femmes dans le monde du travail »

M. COLY SECK, Président du Conseil, a souhaité la bienvenue à la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, ainsi qu’à Mme Katrín Jakobsdóttir, Première Ministre de l’Islande; au modérateur du débat, M. Surya Deva, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises; et aux conférencières et conférenciers invités.

Déclarations liminaires

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire aux droits de l’homme, a déploré l’impunité qui banalise la violence sexiste au travail, de même que le manque d’accès égalitaire à la justice – deux facteurs qui exposent particulièrement les femmes et les filles au risque de violence. La Haute-Commissaire a aussi mis en avant le coût très élevé des violations des droits fondamentaux des femmes, étant donné l’importance de leur participation à la vie économique mondiale.

La Haute-Commissaire a recommandé que les lois pertinentes, dont la portée est encore trop limitée, soient adaptées pour tenir compte des besoins de protection des femmes travaillant dans les secteurs moins protégés que sont le travail domestique et le secteur informel. Elle a aussi plaidé pour l’introduction de voies de recours pour les femmes dont les droits ne sont pas respectés. Mme Bachelet a insisté sur le fait que si les États ont la responsabilité primaire de protéger les femmes et les hommes contre les mauvais traitements, les employeurs des secteurs tant privé que public sont tenus de protéger les travailleurs. La Haute-Commissaire s’est enfin félicitée que l’Organisation internationale du Travail ait adopté, il y a quelques jours, une nouvelle norme internationale du travail pour combattre la violence et le harcèlement au travail.

MME KATRÍN JAKOBSDÓTTIR, Première Ministre de l’Islande, a rappelé que l’année prochaine, le monde célébrera les 75 ans des Nations Unies et qu’à l’époque de la création de l’Organisation, seules quatre signataires étaient des femmes. Aujourd’hui, les femmes sont toujours loin d’avoir atteint la parité en matière de représentation politique, a-t-elle en outre fait observer. Elle a fait valoir que l’Islande se situe au premier rang de l’indice de réduction de l’écart entre hommes et femmes, même s’il reste de nombreux défis à relever pour atteindre la parfaite égalité.

Aujourd’hui, les femmes subissent des reculs dans leurs droits, a poursuivi Mme Jakobsdóttir. C’est notamment le cas dans la remise en cause de leur liberté (en matière de santé) reproductive. Le corps des femmes est aujourd’hui « re-politisé ». Le mouvement #MeToo a donné des résultats importants dans le domaine de la lutte contre le harcèlement et les violences sexuelles. L’Islande est déterminée à montrer l’exemple. Le pays s’est engagé à prendre en compte les révélations du mouvement #MeToo pour atteindre l’égalité de genre. Pour conclure, la Première Ministre a souligné qu’on ne pouvait pas attendre 75 ans de plus pour atteindre l’égalité des sexes.

Le modérateur du débat, M. SURYA DEVA, Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, a rappelé que le Groupe de travail avait pour mandat de diffuser les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, lesquels partent du principe que les employeurs doivent respecter les droits humains, et donc ceux des femmes et des filles. M. Deva a fait remarquer que, comme la liberté d’association pourrait jouer un rôle très important dans la lutte contre la violence envers les femmes dans le monde du travail, les entreprises devraient aider les femmes à créer des syndicats et à y occuper des postes de direction. M. Deva a aussi recommandé que les entreprises adoptent une « tolérance zéro » à l’égard de la violence envers les femmes au travail.

Présentation des panélistes

MME MARIA-LUZ VEGA, Coordinatrice de l’Initiative sur l’avenir du travail à l’Organisation internationale du travail (OIT), s’est réjouie de l’adoption la semaine dernière de la Convention sur la violence et le harcèlement dans le monde du travail lors de la 108ème session de la Conférence internationale du travail. Il s’agit là d’une percée, a-t-elle souligné, avant de rappeler que le processus d’élaboration de cette Convention avait démarré avant même le mouvement #Metoo, alors que l’OIT avait déjà perçu le problème des violences dans le travail. La violence et le harcèlement constituent des violations des droits de l’homme, a-t-elle insisté. L’impact disproportionné des violences sur les femmes entache la capacité des victimes à travailler. Il faut protéger l’ensemble du monde du travail. Il faut une tolérance zéro à l’égard du harcèlement, a souligné Mme Vega.

MME DUBRAVKA ŠIMONOVIĆ, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a souligné l’importance de la nouvelle Convention que vient d’adopter l’Organisation internationale du Travail pour combattre la violence et le harcèlement au travail. Elle a expliqué que son mandat portait sur les obligations des États contre la violence envers les femmes, eu égard en particulier à la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, qui a quarante ans cette année. Les définitions de la violence envers les femmes et du harcèlement contenues dans ces deux instruments sont compatibles, a souligné Mme Šimonović, avant de rappeler que le Protocole facultatif se rapportant à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes prévoyait un mécanisme de plainte.

MME NOVELITA VALDEZ PALISOC, Représentante de la région Asie à la Fédération internationale des travailleuses et travailleurs domestiques, Présidente nationale de l’Union des travailleuses et travailleurs domestiques des Philippines, a indiqué qu’elle avait été victime de mauvaises conditions de travail en tant que travailleuses domestiques, qu’elle n’avait alors pas accès à la sécurité sociale et avait vécu des violences sexuelles. Elle a expliqué être alors restée silencieuse parce qu’elle se sentait redevable pour ses employeurs. Elle a ajouté avoir ensuite rejoint un syndicat de travailleurs domestiques et avoir travaillé avec l’OIT pour que le travail domestique soit reconnu comme une forme de travail assorti de droits qu’il ne faut jamais abandonner. Elle a dit avoir aussi pris conscience que les employeurs ont des responsabilités. Elle a ajouté que le syndicat qu’elle préside appuie l’application de la Convention n°189 de l’OIT sur les travailleuses et travailleurs domestiques à travers le monde en informant ces travailleurs de leurs droits; il incite aussi les travailleurs domestiques à dénoncer les cas de harcèlement dans le monde du travail, a-t-elle précisé.

Aperçu du débat

Le problème de la violence contre les femmes a été qualifié de « problème juridique, culturel, de leadership et, surtout, de [problème de] responsabilité » devant être traité par le biais d’une approche globale. Les intervenants ont fait part de leur préoccupation devant le fait que la moitié de la population a peur de subir la violence et des mauvais traitements au travail.

Une délégation a souligné que les femmes sont encore plus vulnérables aux violences que les hommes quand leur métier les expose au regard du public. La vulnérabilité particulière des femmes employées dans le secteur domestique a aussi été soulignée, de même que celle des femmes appartenant à des minorités nationales dans certains pays. Il a aussi été constaté que les femmes travaillant dans le secteur de la justice de certains pays n’étaient pas non plus à l’abri des comportements sexistes et violents au travail. Il a été souligné que le cyberharcèlement était une forme complexe et insidieuse de violence au travail.

Une délégation a indiqué que, selon des études, les États qui parviennent à juguler le problème de la violence contre les femmes au travail peuvent enregistrer des gains économiques considérables.

Pour remédier à ces problèmes, des délégations ont préconisé des politiques publiques qui traitent des causes structurelles des inégalités dans les relations de pouvoir entre hommes et femmes, y compris les mentalités patriarcales. L’adoption de mesures de prévention, de formation et de sensibilisation a été également recommandée. Le rôle des employeurs dans la prévention des violences envers les femmes a été souligné.

La mise en œuvre de nouveaux cadres juridiques concernant l’égalité entre les femmes et les hommes sur le lieu de travail et l’éradication des pratiques néfastes ciblant les femmes sont essentielles pour mettre un terme à la discrimination fondée sur le sexe qui prévaut dans de nombreux pays, a insisté une délégation.

Plusieurs délégations ont décrit les mesures prises par leurs pays pour améliorer les conditions de travail des femmes. Elles ont évoqué, notamment, l’adoption de lois pour l’égalité professionnelle et de règlements obligeant les employeurs à enquêter sur toutes les dénonciations de harcèlement sexuel; elles ont également mentionné la collaboration entre groupements d’employeurs et syndicats pour contrer le harcèlement au travail.

De très nombreuses délégations ont évoqué la Convention (n° 190) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail adoptée récemment par l’Organisation internationale du Travail. Elles ont espéré que cet instrument encouragerait les États à se doter de lois visant à mieux protéger les femmes et à créer, à l’intention des femmes victimes de violence, des voies de recours.

Remarques de conclusion

MME JAKOBSDÓTTIR a expliqué que la réalité de 2019 était que la moitié seulement des femmes sont actives sur le marché du travail, en raison notamment des abus et du harcèlement dans le cadre du travail. Cette situation est inacceptable, a-t-elle déclaré. Elle s’est réjouie de constater que tous les interlocuteurs étaient d’accord pour souligner qu’il s’agissait d’un problème structurel dont la responsabilité incombe à tous. Il faut éradiquer le harcèlement, l’ensemble des abus et autres violations des droits de l’homme avec la coopération de tous sur le marché du travail, a insisté la Première Ministre islandaise. Le monde passe à côté de formidables opportunités – non seulement sur le plan économique, mais aussi pour la société dans son ensemble – en excluant les femmes du marché du travail, a-t-elle conclu.

M. DEVA a relevé qu’au cours de ces discussions, ont été soulevées cinq questions importantes : les bonnes pratiques, le renforcement des capacités, la mobilisation des hommes, le rôle des employeurs dans la lutte contre la violence et, enfin, la reddition de comptes. Le modérateur du débat a expliqué qu’il fallait changer les mentalités s’agissant des questions de genre au sein des entreprises. Les comités au sein des entreprises doivent prendre au sérieux les questions liées au harcèlement et aux violences sexuelles et prendre les mesures adéquates. Le Président du Groupe de travail sur la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises a par ailleurs regretté que les syndicats d’entreprise soient principalement représentés par des hommes.

MME VEGA a relevé que l’adoption (la semaine dernière) d’une nouvelle convention de l’OIT (la Convention n°190) était une réponse à de nombreuses questions posées. L’OIT est ouverte à la discussion, notamment par le dialogue social, afin de traduire dans les faits ce nouvel instrument. S’agissant de la manière d’encourager les employeurs à participer réellement à la lutte contre la violence sur les lieux de travail, Mme Vega a souligné que l’article 9 de la Convention susmentionnée était très clair sur ce sujet. Il faut prendre des mesures contre les auteurs de violences et protéger les travailleurs contre les risques de violence, a conclu la Coordinatrice de l’Initiative sur l’avenir du travail à l’OIT.

MME ŠIMONOVIĆ a encouragé tous les États à ratifier cette nouvelle Convention de l’OIT et toutes les autres conventions pertinentes dans ce domaine, y compris la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, pour faire en sorte que la question des violences à l’encontre des femmes relève du passé, a conclu la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences.

La Présidente de l’Union des travailleuses et travailleurs domestiques des Philippines, MME VALDEZ PALISOC, a notamment expliqué que des campagnes de sensibilisation allaient maintenant être mises en œuvre pour encourager les États à ratifier les Conventions n°189 et 190 de l’OIT.
____________

*Délégations ayant participé au débat annuel sur les droits fondamentaux des femmes: Norvège (au nom également d'un groupe de pays); Union européenne; Bahamas (au nom également de CARICOM); Autriche (au nom également d'un groupe de pays); Uruguay (au nom également d'un groupe de pays); Espagne; Grèce; Israël; France; Philippines; Chine;; Thaïlande; Vanuatu; Organisation internationale du droit du développement; Fédération de Russie; Tunisie; Australie; Danemark; Bulgarie; Italie; Egypte; Royaume-Uni; OIF; Plan International, Inc (au nom également de Défense des enfants – international; Terre Des Hommes Fédération Internationale; et Foundation ECPAT International (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking in Children for Sexual Purposes); Bureau international catholique de l'enfance; Kayan - Feminist Organization; Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture; Congrès juif Mondial; Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc.; Iraqi Development Organization; Fondation Alsalam; Association of World Citizens; World Barua Organization (WBO); Global Welfare Association; Fédération des femmes cubaines; Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale - OCAPROCE Internationale; Health and Environment Program (HEP); Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; et l'Organisation internationale pour les pays les moins avancés (OIPMA).

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC19.067F