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LE CONSEIL DÉBAT DE LA LIBERTE D’OPINION ET D’EXPRESSION ET DU DROIT DE REUNION PACIFIQUE ET DE LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION

Compte rendu de séance
Il achève aussi son débat sur les droits de l’homme des migrants et sur la solidarité internationale

Le Conseil des droits de l'homme a tenu, ce matin, un débat interactif groupé avec le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye, et avec son homologue chargé du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, M. Clément Nyaletsossi Voule, qui ont tous deux présenté leurs rapports. Auparavant, le Conseil a achevé – en entendant de nombreux intervenants* – son débat interactif groupé, entamé hier, avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. Felipe González Morales, et avec l’Expert indépendant sur les droits de l'homme et la solidarité internationale, M. Obiora C. Okafor.

Présentant son rapport, M. Kaye a fait observer que certains États exercent des pressions pour imposer le silence, notamment par le biais d’attaques contre les journalistes et de politiques qui permettent un contrôle toujours plus grand par l’État de l’activité des médias. Le Rapporteur spécial a par ailleurs souligné que de nombreuses organisations de la société civile disent être ciblées par une surveillance visant à limiter leur liberté d’expression et à empiéter sur leur vie privée au-delà des limites autorisées par le droit international.

M. Voule a, quant à lui, exprimé ses inquiétudes quant aux mesures adoptées par certains États pour restreindre et contrôler indûment l’accès aux outils numériques, ainsi que leur utilisation, afin de réduire l’espace civique. Il a indiqué que son rapport explore aussi le rôle et la responsabilité des entreprises de technologie numérique dans ce domaine. Dans ce rapport, le Rapporteur spécial recommande aux États de créer un cadre légal et institutionnel propice à l’exercice du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association à l’ère numérique.

De nombreuses délégations** sont intervenues dans le cadre du débat qui a suivi la présentation des rapports de ces deux titulaires de mandat. Étant directement concernés par ces rapports, l’Équateur ainsi que son Défenseur du peuple, et l’Arménie et la Tunisie ont fait des déclarations.


Le Conseil poursuivait ses travaux, cet après-midi, en se saisissant des rapports de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et de la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation.


Fin du débat interactif groupé sur les droits des migrants et la solidarité internationale

Aperçu du débat

S’agissant des droits des migrants, les délégations ont souligné qu’il y avait une discrimination disproportionnée à l’encontre des femmes et des filles migrantes. Certaines délégations ont relevé qu’il fallait particulièrement protéger les migrants vulnérables comme les femmes, les filles, les personnes handicapées ou encore les migrants musulmans. Une délégation a expliqué que les femmes migrantes sont une source de revenus pour les pays d’origine et de destination.

Plusieurs délégations ont dénoncé la criminalisation des migrants, en violation du droit international. Nombre d’intervenants ont reconnu le rôle positif des migrants. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont défendu le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières comme moyen de protéger les droits de l’homme des migrants. Le temps est venu pour la communauté internationale de redoubler d’efforts pour mettre en œuvre les dispositions de ce Pacte, a affirmé une délégation.

Certaines délégations ont souligné que les flux migratoires devaient se faire dans un cadre légal et qu’il était indispensable de lutter contre l’immigration illégale.

Une délégation a affirmé que la crise migratoire en Amérique latine était due à la politique du Gouvernement vénézuélien.

Certaines délégations ont présenté les politiques de leur pays qui visent à garantir les droits non seulement des migrants mais aussi de leurs ressortissants à l’étranger, grâce à leurs représentations consulaires et diplomatiques.

Une ONG a mis en garde contre la militarisation des frontières, estimant qu’elle n’était pas propice au respect des droits de l’homme. Une autre organisation a décrit les raisons pour lesquelles de nombreuses femmes ukrainiennes doivent quitter leur pays, évoquant notamment le conflit qui fait rage dans l’est du pays.

Une ONG a attiré l’attention sur le risque de double discrimination que les femmes migrantes encourent dans les pays d’accueil, insistant sur leur risque d’être victimes de la traite des êtres humains.

S’agissant de la solidarité internationale, une délégation a déclaré que lorsqu’elle est portée par des valeurs humanistes, la solidarité internationale devrait viser prioritairement la consolidation de la stabilité des États, qui est un prérequis essentiel à la promotion de l’état de droit et à la protection des droits de l’homme.

Une organisation s’est dite préoccupée par la criminalisation des acteurs de la société civile qui accueillent les migrants. L’immigration irrégulière ne constitue pas un crime, a insisté cette organisation ; il faut au contraire sauver les personnes en mer et permettre la création de voies de migration sûres. Cette ONG a demandé à l’Expert indépendant comment mettre un terme à l’indifférence mondiale généralisée face au sort des migrants.

Sauver des personnes en mer n’est pas un crime mais une obligation au regard du droit de la mer, a souligné une ONG.

Réponses et conclusions des experts

M. OBIORA C. OKAFOR, Expert indépendant sur les droits de l’homme et la solidarité internationale, s’est félicité que plusieurs délégations aient souligné l’urgence de ne plus criminaliser les personnes qui accordent une aide d’urgence aux migrants. Il a recommandé aux États d’interdire explicitement la criminalisation de cette manifestion de solidarité. Le Conseil pourrait adopter une résolution à ce sujet et aborder la question lors de l’Examen périodique universel, a ajouté l’Expert. En tout état de cause, les États doivent respecter leurs obligations internationales de longue date s’agissant du sauvetage en mer des personnes en détresse, a rappelé M. Okafor, insistant aussi sur l’obligation – implicite sinon explicite – de laisser ces personnes débarquer sur le territoire de ces États. L’Expert indépendant a aussi recommandé de prendre des mesures contre les organisations de la société civile qui empêchent le sauvetage de migrants.


Débat interactif groupé sur la liberté d’opinion et d’expression et sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association

Présentation de rapports

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression (A/HRC/41/35), M. David Kaye. Des additifs au rapport traitent de la visite du Rapporteur spécial en Équateur (Add.1), du suivi de ses visites de pays (Add.2), des préoccupations exprimées par les parties consultées par le Rapporteur spécial pour préparer son rapport (Add.3) et d’une consultation d’experts au sujet du thème du rapport, à savoir l’industrie privée de surveillance (Add.4).

Présentant son rapport, M. DAVID KAYE a d’abord relevé que la liberté d’expression était florissante, comme en témoignent des enquêtes extraordinaires, des initiatives pour aligner le droit national sur les normes internationales ou encore les décisions judiciaires qui garantissent la liberté d’expression. Mais il est aussi vrai que certains États exercent des pressions pour imposer le silence, notamment par le biais d’attaques contre les journalistes et de politiques qui permettent un contrôle toujours plus grand par l’État de l’activité des médias.

M. Kaye a relevé que de nombreuses organisations de la société civile disent être ciblées par une surveillance visant à limiter leur liberté d’expression et à empiéter sur leur vie privée au-delà des limites autorisées par le droit international. De très nombreux éléments communiqués au Rapporteur spécial portent sur l’utilisation, par des gouvernements, de logiciels de surveillance conçus, commercialisés et entretenus par des entreprises privées. Autrement dit, des entreprises privées vendent des technologies répressives.

Si les gouvernements doivent être en mesure de déployer des moyens techniques pour protéger des objectifs légitimes – et il ne s’agit pas ici de condamner toute surveillance, a précisé l’expert –, il faut néanmoins se demander si les entreprises évaluent leurs produits pour être sûres qu’ils ne sont pas utilisés à des fins abusives et si elles ne devraient pas hésiter à vendre leurs produits à des gouvernements répressifs. M. Kaye a indiqué qu’après évaluation, il était arrivé à la conclusion que ces entreprises n’assument pas leurs responsabilités au titre des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, consistant à respecter les droits de l’homme et, à tout le moins, à atténuer les effets de leurs produits sur les droits de l’homme.

Le Rapporteur spécial a appelé un moratoire immédiat sur la vente, le transfert et l’utilisation des outils de l’industrie de la surveillance privée aussi longtemps que des mesures n’ont pas été adoptées pour réglementer ces pratiques et garantir qu’États et acteurs non étatiques utilisent ces outils de manière légitime. M. Kaye a précisé que son rapport contient un certain nombre de recommandations sur ce que les États et les acteurs privés devraient faire pour mettre en place les sauvegardes nécessaires visant à protéger les droits de l’homme et à remédier aux violations des droits de l’homme.

M. Kaye a ensuite rendu compte de sa mission en Équateur. Il a salué les prises de position du Gouvernement de ce pays valorisant l’importance du travail de la presse et de la protection des droits de l’homme, ainsi que les efforts déployés pour promouvoir une presse indépendante et la profession de journaliste. Le Rapporteur spécial a cependant fait observer qu’un important travail de révision des textes législatifs et réglementaires restait à accomplir pour donner effet à ces engagements.

Le Conseil est également saisi du rapport du Rapporteur spécial sur le droit de réunion pacifique et la liberté d’association (A/HRC/41/41), M. Clément Nyaletsossi Voule. Deux additifs au rapport décrivent aussi les visites du Rapporteur spécial en Tunisie (Add.3) et en Arménie (Add.4). Un autre additif présente les réponses et observations relatives aux communications faites aux États (Add.1) et un autre encore traite de la participation de la société civile à l’application du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Add.2).

Présentant son rapport, M. CLÉMENT NYALETSOSSI VOULE a précisé qu’il portait sur le thème de l’exercice du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association à l’ère numérique. Il a expliqué que ce rapport était le fruit d’un vaste processus de consultations menées dans différentes régions du monde. M. Voule a expliqué avoir tenté, dans son rapport, de démontrer les possibilités remarquables offertes par les technologies numériques pour l’exercice des droits fondamentaux relevant de son mandat. Les nouvelles technologiques numériques ont ainsi renforcé la capacité des organisations de la société civile à agir, à défendre une cause et à apporter des solutions innovantes aux problèmes sociaux, notamment, a-t-il souligné. En dépit de ces vastes possibilités, la révolution numérique a également apporté une série de nouveaux risques et menaces pesant sur ces droits fondamentaux. Dans son rapport, le Rapporteur spécial exprime ses inquiétudes quant aux mesures adoptées par certains États pour restreindre et contrôler indûment l’accès aux outils numériques, ainsi que leur utilisation, afin de réduire l’espace civique. Le rapport explore aussi le rôle et la responsabilité des entreprises de technologie numérique dans ce domaine.

Dans son rapport, le Rapporteur spécial recommande aux États de créer un cadre légal et institutionnel propice à l’exercice des droits de réunion pacifique et d’association à l’ère numérique. M. Voule invite les entreprises de technologie numérique à respecter les libertés de réunion pacifique et d’association et à faire preuve de diligence raisonnable pour ne pas causer de violations de ces droits ou devenir complices de telles violations.

M. Voule a ensuite rendu compte de ses deux visites en Tunisie et en Arménie. S’agissant de la Tunisie, il a notamment plaidé pour que la cohésion politique et la cohérence institutionnelle du pays soient consolidées. Il a par ailleurs exprimé ses inquiétudes concernant des arrestations arbitraires et un recours disproportionné à la force lors des manifestations de janvier 2018 contre les mesures d’austérité et a encouragé les autorités tunisiennes à adopter une nouvelle loi sur le droit de réunion, conforme aux normes internationales relatives aux droits humains.

S’agissant de l’Arménie, le Rapporteur spécial a expliqué que pour consolider la transition démocratique, les autorités devaient s’attaquer de manière rapide et stratégique aux causes sous-jacentes qui ont poussé les Arméniens à descendre dans la rue. L’Arménie devrait s’assurer en priorité qu’il n’y ait ni lois discriminatoires ni discrimination dans l’application des lois existantes régissant le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, en particulier pour ce qui est de l’exercice de ces droits par les groupes les plus à risque, tels que les minorités nationales et religieuses et la communauté LGBTI.

Pays concernés

L’Équateur s’est félicité du dialogue franc noué entre le Rapporteur spécial et les autorités, les universitaires et autres membres des médias du pays. Le Rapporteur spécial a constaté, dans son rapport, que le Gouvernement du Président Moreno avait apporté un changement réel dans la protection et la promotion du droit à la liberté d’expression, a fait valoir la délégation équatorienne. La présence du Rapporteur spécial a permis aux institutions équatoriennes de se familiariser avec ses analyses et propositions en matière de liberté d’expression, a-t-elle indiqué. Pour donner effet aux recommandations de M. Kaye, l’Équateur va notamment créer un comité interinstitutionnel pour la protection des journalistes et travailleurs du secteur de la communication, a fait savoir la délégation.

Le Défenseur du peuple de l’Équateur a attiré l’attention sur la subsistance en Équateur de limites structurelles au niveau des normes, qui doivent être modifiées. Le décret relatif à la personnalité juridique des organisations sociales viole le principe de réserve ; la question devrait en effet relever d’une loi et non pas d’un décret. Par ailleurs, les règlementations afférentes aux peuples autochtones devraient être reconnues par les propres organisations de ces peuples. Il est important de lancer un appel à l’Etat équatorien pour qu’il assure le droit à réparation pour les opposants politiques et les journalistes assassinés. Ces réparations doivent inclure la reconnaissance des faits, l’indemnisation à hauteur du préjudice et l’assurance de la non-répétition de ces crimes.

L’Arménie a, quant à elle, expliqué avoir collaboré activement avec M. Voule. Le pays s’est dit convaincu d’avoir créé un nouvel ordre reposant sur la démocratie directe. L’Arménie est à la croisée des chemins après la situation du printemps 2018. Les transitions non violentes sont possibles et la société civile est fondamentale pour assurer ce type de transition, a insisté la délégation arménienne, ajoutant que le pays doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer le suivi de ces politiques de démocratisation. L’Arménie souscrit à l’opinion du Rapporteur spécial selon laquelle la population a besoin d’avoir confiance en son système judiciaire. S’agissant des droits des travailleurs, le Gouvernement arménien reconnaît les inquiétudes du Rapporteur et voudrait prendre des mesures en établissant un fort partenariat entre les différents acteurs arméniens dans ce domaine.

La Tunisie a, pour sa part, remercié le Rapporteur spécial pour la visite qu’il a effectuée en septembre 2018 sur invitation des autorités tunisiennes. Cette visite s’inscrivait dans le cadre des efforts de construction démocratique déployés par la Tunisie, a souligné la délégation tunisienne. Elle a insisté sur l’engagement ferme de son pays à poursuivre le chemin de la transition démocratique et sur son soutien au rôle de la société civile à cet égard. Pour parachever son travail, la Tunisie a déjà adopté des lois organiques concernant l’institution nationale de droits de l’homme et la Cour des comptes. Les autorités ont aussi créé une plateforme électronique pour simplifier la constitution d’associations et l’implantation en Tunisie d’organisations non gouvernementales internationales, a fait valoir la délégation.

Débat interactif

S’agissant de la liberté d’opinion et d’expression, une délégation a relevé que la surveillance illicite peut mener à des arrestations arbitraires et à la torture et que les pays qui s’y livrent compromettent leur propre stabilité à long terme, car ces actes sapent la confiance dans les gouvernements. Plusieurs délégations ont assuré que leur pays exerçait un contrôle strict sur l’exportation de matériel de surveillance. Une délégation s’est dite favorable à une réglementation plus stricte des entreprises qui vendent des logiciels de surveillance.

Une délégation a cité deux initiatives – le Code de conduite international des entreprises de sécurité privées et le Document de Montreux – comme modèles pour une éventuelle réglementation non contraignante des entreprises de surveillance privées. Elle a prié le Rapporteur spécial de dire si ces instruments, destinés aux sociétés militaires et de sécurité privées, pourraient être étendus aux entreprises de surveillance, ou s’il envisage de créer de nouveaux mécanismes qui s’en inspirent. Une autre délégation a fait observer que les défenseurs des droits de l’homme en ligne sont les premiers visés par la surveillance numérique.

Nombre d’intervenants ont souligné que les outils de surveillance numérique risquent d’infliger des dommages. Une délégation a demandé au Rapporteur spécial comment, dans ce contexte, il était possible d’assurer l’obligation redditionnelle et a souhaité savoir s’il existait des bonnes pratiques en la matière.

D’autres questions posées à M. Kaye ont porté sur l’utilisation des technologies modernes pendant les compagnes électorales, sur le rôle que peut jouer le Conseil des droits de l’homme s’agissant de toutes ces questions et sur les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.

S’agissant des recommandations contenues dans le rapport du Rapporteur spécial, une délégation a souhaité en savoir davantage sur les mécanismes envisagés pour contrôler la vente des logiciels de surveillance. Une autre s’est interrogée sur le moratoire général proposé par le Rapporteur spécial : en pratique, qui sera chargé de déterminer si les mesures de sauvegarde préconisées par le Rapporteur spécial sont efficaces, a demandé la délégation ?

L’exercice des libertés doit se faire en harmonie avec les lois et l’ensemble de la législation nationale, ont en outre souligné plusieurs délégations. Une délégation a affirmé que l’utilisation de caméras dans l’espace public, y compris dans les transports publics, peut renforcer le niveau de bonne gouvernance et prévenir la criminalité, entre autres effets positifs.

Une délégation s’est enquise auprès des deux Rapporteurs spéciaux des bonnes pratiques en matière de conception de régimes de réglementation qui préservent les libertés d’expression et d’association pacifique tout en permettant aux forces de l’ordre de s’acquitter de leurs missions légales.

Dans leurs déclarations, les ONG ont notamment demandé aux États de respecter leurs obligations conventionnelles et d’adopter des règlementations sur l’utilisation des outils de surveillance numérique. La coopération de certains gouvernements avec des entreprises qui produisent des outils de surveillance en ligne a été dénoncée. Une ONG a recommandé aux États d’interdire la surveillance indiscriminée en ligne.

Les menaces proférées en ligne contre les défenseuses des droits de la femme ont été condamnées. Une ONG a dénoncé la loi sur le blasphème du Pakistan qui cible les minorités religieuses. Le Conseil des droits de l’homme a été prié de se pencher sur toutes les tentatives visant à entraver la vie démocratique en ligne.

En ce qui concerne le droit de réunion pacifique et la liberté d’association, les délégations ont globalement partagé le constat du Rapporteur spécial selon lequel si l’âge numérique a ouvert un nouvel espace pour la jouissance du droit de réunion pacifique et de la liberté d’association, il entraîne aussi de nouveaux problèmes dans ce domaine. De nombreuses délégations se sont dites préoccupées par les restrictions juridiques imposées à l’espace public, en ligne comme « dans la vie réelle ». Plusieurs délégations se sont plus particulièrement dites préoccupées par la réduction de l’espace démocratique en ligne.

Des intervenants ont souscrit à l’opinion de M. Voule selon laquelle la surveillance des individus par la technologie numérique doit respecter les principes de légalité, de nécessité et de proportionnalité, et viser un but légitime conforme aux normes du droit international des droits de l’homme.

A par ailleurs été soulignée la nécessité de rendre les acteurs privés conscients de l’importance qu’il y a à maintenir un équilibre entre le droit de réunion pacifique, la liberté d’expression et le respect des autres droits de l’homme, en particulier ceux couverts par l’Objectif de développement durable n°16 (paix, justice et institutions efficaces). Les États et les entreprises ont des responsabilités importantes dans le domaine de la jouissance du droit de réunion pacifique, a-t-il été rappelé.

La réalisation des droits de l’homme à l’ère numérique oblige non seulement les États, mais aussi les utilisateurs à adopter un comportement responsable, a souligné une délégation. La nécessité de pouvoir contrôler des contenus sur Internet pour éviter la diffusion de discours ayant des conséquences sociales néfastes, comme l’incitation à la violence, a aussi été mise en avant.

Certaines délégations ont critiqué la référence faite à leur pays dans le rapport de suivi présenté par le Rapporteur spécial. Une délégation a recommandé aux titulaires de mandats au titre des procédures spéciales de ne pas s’immiscer dans les affaires internes des pays. D’autres délégations ont insisté sur le fait que les rassemblements publics doivent toujours respecter les lois et règlements en vigueur et que certaines restrictions aux libertés publiques trouvent leur justification dans la nécessité de protéger l’ordre public, la paix et l’intérêt général.

Une délégation a déploré l’interdiction de manifester imposée dans les régions de l’est de l’Ukraine en conflit. Une autre délégation a fait valoir que, depuis la visite effectuée dans son pays par le Rapporteur spécial, certains défenseurs des droits de l’homme et journalistes détenus avaient été libérés en attendant leur procès devant les tribunaux turcs.

Des ONG ont attiré l’attention du Conseil sur des allégations de violation des droits à la liberté d’opinion, d’association ou de manifestation dans de nombreux pays à travers le monde.

Réponses et conclusions des experts

M. KAYE a reconnu qu’il pouvait y avoir des chevauchements dans les mandats des deux Rapporteurs dont les rapports sont ici examinés, raison pour laquelle les deux experts travaillent précisément ensemble afin d’éviter les doublons. Le Rapporteur spécial a souligné que son rapport mettait l’accent sur les différentes manières dont les normes existantes peuvent s’articuler pour devenir des cadres de protection particulière.

Les États qui achètent des technologies de surveillance doivent veiller à ce que tout cela se fasse en conformité avec leurs lois et prévoir des possibilités de recours efficaces (face à l’utilisation de ces technologies), a poursuivi le Rapporteur spécial. M. Kaye a invité l’ensemble des États à adhérer à l’Arrangement de Wassenaar et a invité ceux qui l’ont déjà fait à approfondir le processus. Les entreprises doivent elles aussi mettre en place des systèmes de protection afin de veiller à ce que l’utilisation de technologies qui violent les droits de l’homme soit interdite. Dans ce contexte, il faut des lois qui permettent aux pays de lancer des actions très concrètes en justice en cas de manquement ou de violation des droits de l’homme, a insisté le Rapporteur spécial. Les réformes dans ce domaine doivent inclure l’ensemble des populations, y compris les peuples autochtones, a-t-il ajouté.

M. Kaye a remercié les organisations de la société civile pour leur collaboration à l’élaboration de son rapport. Il a estimé que la Déclaration de Montreux et le Code de conduite mentionnés pourraient effectivement jouer le rôle de plateforme pour réfléchir plus avant sur les activités des entreprises qui produisent des outils de surveillance. Il est essentiel que les États s’abstiennent de prendre des mesures de contrôle indiscriminées, a enfin souligné le Rapporteur spécial.

M. VOULE a salué la collaboration exemplaire dont il a bénéficié de la part des autorités des deux pays qu’il a visités. Il a jugé important que ses recommandations servent de base au renforcement des institutions de l’Arménie et s’est dit prêt à poursuivre son soutien technique à ce pays. Pour ce qui est de la Tunisie, le Rapporteur spécial a salué le rejet des propositions de modification du décret 88/2011 – héritage important de la révolution dans ce pays –, qui auraient risqué de restreindre la liberté d’expression.

S’agissant de la liberté d’expression à l’ère numérique, thème de son rapport, le Rapporteur spécial s’est félicité que de nombreuses délégations aient souscrit à l’idée que l’espace numérique est un espace démocratique où les citoyens doivent pouvoir exercer leurs droits, y compris le droit de réunion et d’association. Les problèmes à cet égard résident dans les coupures d’Internet et d’autres mesures qui visent à restreindre ces droits. Les États doivent donc éviter des mesures telles que les lois sur la cybercriminalité qui définissent les crimes de manière trop vague. M. Voule a précisé qu’à son avis, les lois contre le terrorisme et le crime organisé ne sont généralement pas conformes aux principes de légalité et de proportionnalité. Le Rapporteur spécial a aussi fait observer que les coupures d’Internet encouragent plutôt la désinformation et n’atteignent pas l’objectif affiché de lutte contre le terrorisme.

M. Voule a lui aussi remercié la société civile pour sa contribution inestimable à ses propres travaux. Il s’est dit prêt à discuter avec les États qui soutiennent que son rapport contient de fausses affirmations, afin de les corriger si nécessaire. Le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que les coupures d’Internet constituent une violation des droits de l’homme, surtout au moment des élections et autres référendums.

M. Voule a recommandé que le Conseil invite les entreprises concernées par son rapport afin qu’elles puissent s’expliquer. Il a précisé s’être entretenu avec des entreprises technologiques, y compris dans la Silicon Valley, et a indiqué que certaines d’entre elles sont demandeuses d’orientations sur le rôle qu’elles devraient jouer pour protéger les droits de l’homme en ligne à l’ère numérique.

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*Délégations ayant participé au débat interactif sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression et sur le droit de réunion pacifique et de la liberté d’association: Union européenne; Suède (au nom des pays baltes et nordiques); Angola (au nom du Groupe africain); Estonie (au nom d'un groupe de pays); Costa Rica (au nom d'un groupe de pays); Canada; Brésil; Fédération de Russie; ONU-Femmes; Pakistan; Lituanie; Tunisie; Inde; Australie; État de Palestine; Cuba; Burkina Faso; République tchèque; Algérie; Israël; Japan; Monténégro; Venezuela; Allemagne; Egypte; Maldives; Jordanie; Pays-Bas; France; Arabie saoudite; République de Corée; Malte; Afrique du Sud; Bahreïn; Myanmar; Botswana; Lettonie; Iraq; Afghanistan; Chili; Bolivie; Suisse; Colombie; Chine; Iran; Belgique; Luxembourg; Royaume-Uni ; Népal; Autriche; Nigéria; Ukraine; Irlande; Albanie; Turquie; Grèce; Cameroun; Viet Nam; République unie de Tanzanie; Indonésie; Équateur; Chypre; Christian Solidarity Worldwide (au nom également du Service international pour les droits de l'homme; Helsinki Foundation for Human Rights; et CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens); Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc; Organisation mondiale contre la torture - OMCT; Article 19 - Centre international contre la censure (au nom également du Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement); Al Mezan Centre for Human Rights; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil; Association américaine de juristes; Fondation de la Maison des droits de l'homme; American Civil Liberties Union; International Center for Not-for-Profit Law (au nom également de l'Article 19 - Centre international contre la censure); Peace Brigades International Switzerland; Commonwealth Human Rights Initiative; Association pour la communication progressive; Human Rights Now; et Shivi Development Society.

*Délégations ayant participé au débat interactif sur les droits de l’homme des migrants et sur les droits de l'homme et la solidarité internationale: Azerbaïdjan; Bahamas; Colombie; Chine; Iran ; Luxembourg; Népal; Nigéria; Bangladesh; Sénégal; Lesotho; Cameroun; Chypre; El Salvador; Alliance globale des institutions nationales des droits de l'homme; Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII (au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales1); Franciscain International; Comité consultatif mondial de la Société des amis; Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) Asociación Civil (au nom également de Amnesty International); Human Rights Law Centre; Terre Des Hommes Fédération Internationale; Volontariat international femmes, éducation et développement (au nom également de Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco); Mouvement international de la réconciliation; Ingénieurs du Monde; Comisión Mexicana de Defensa y Promoción de los Derechos Humanos, Asociación Civil; Action Canada pour la population et le développement; World Federation of Ukrainian Women's Organizations; Organisation internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale; Asian-Pacific Resource and Research Centre for Women (ARROW); et Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain Inc.

1Déclaration conjointe: Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII; Mouvement international de la jeunesse et des étudiants pour les Nations Unies; VIVAT International; Teresian Association; Organisation internationale pour le droit à l'éducation et à la liberté d'enseignement (OIDEL); Volontariat international femmes, éducation et développement; Passionists International; Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco; et Union mondiale des organisations féminines catholiques.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


HRC19.065F