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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT DU TADJIKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport du Tadjikistan sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Présentant ce rapport, M. Yusuf Rahmon, Procureur général de la République du Tadjikistan, a indiqué que son Gouvernement procédait actuellement à des consultations avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au sujet d’une nouvelle stratégie nationale pour les droits de l’homme, dont la protection des droits des migrants et de leurs familles sera l’une des priorités. Plusieurs initiatives concrètes sont aussi prévues dans ce domaine, a indiqué M. Rahmon, citant notamment la création d’emplois productifs, le renforcement de la formation professionnelle et la diversification des flux migratoires vers l’étranger. D’autres mesures concernent le soutien aux travailleurs migrants de retour au pays et le renforcement des compétences des femmes, en particulier.

Le Gouvernement collabore d’autre part avec les États partenaires du Tadjikistan pour améliorer les conditions d’accueil des Tadjiks émigrés, a poursuivi le Procureur général. Le pays a passé plusieurs accords avec des pays tiers, notamment avec les Émirats arabes unis, au sujet du séjour de ses ressortissants. En 2018, quelque 484 000 citoyens tadjiks travaillaient à l’étranger, dont 64 000 femmes; la Fédération de Russie accueille 96% de ces personnes et le Kazakhstan 3%, a précisé M. Rahmon. Cinq représentations, diplomatique et consulaires, sont ouvertes en Fédération de Russie, a-t-il indiqué. Le Tadjikistan a suivi les précédentes recommandations du Comité s’agissant des quinze agences privées de recrutement opérant dans le pays, dont les activités sont désormais contrôlées par l’État, a en outre fait valoir M. Rahmon.

La délégation tadjike était également composée de Mme Sumangul Taghoizoda, Ministre du travail, des migrations et de l’emploi; de M. Umed Bobozoda, Médiateur de la République du Tadjikistan; de M. Jamshed Khamidov, Représentant permanent auprès des Nations Unies à Genève; ainsi que de deux hauts fonctionnaires représentant l’Agence nationale de statistique et l’Office présidentiel.

La délégation a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les experts du Comité s’agissant, notamment, de la situation des Tadjiks émigrés à l’étranger, en particulier en Fédération de Russie, et de celle des immigrants étrangers au Tadjikistan; des accords bilatéraux conclus par le Tadjikistan concernant les droits des travailleurs migrants; des services consulaires offerts aux Tadjiks expatriés; du contrôle des agences de placement privées; de la lutte contre la traite de personnes; des transferts de fonds en provenance de la diaspora tadjike; des mesures prises en faveur de la réintégration des travailleurs tadjiks de retour dans le pays; ou encore de l’institution nationale des droits de l'homme.

M. Can Ünver, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Tadjikistan, a dit apprécier les efforts du Gouvernement pour trouver des solutions aux problèmes que rencontrent les Tadjiks qui travaillent en Fédération de Russie. Mais la situation des Tadjiks de la diaspora, si elle s’est améliorée, est encore perfectible, a-t-il souligné. La question se pose notamment de savoir si le Gouvernement peut empêcher la manipulation et l’exploitation de travailleurs migrants par des agences de recrutement ou par des employeurs individuels, a-t-il précisé.

M. Azad Taghi-Zada, également corapporteur, a fait observer que, selon certaines sources, le nombre total de travailleurs tadjiks à l’étranger serait beaucoup plus important que ne le disent les chiffres officiels. Il a ensuite attiré l’attention sur les conditions très difficiles, proches de l’esclavage, dans lesquelles vivent les travailleurs migrants dans certains pays de destination au Moyen-Orient; aussi, a-t-il demandé quelles mesures les autorités du Tadjikistan prenaient pour garantir le respect des droits de leurs ressortissants à l’étranger.

Au cours du dialogue qui s’est noué entre la délégation et les membres du Comité, un expert a fait état d’un rapport de l’ONG russe Memorial selon lequel plusieurs Tadjiks auraient été victimes, à Saint-Pétersbourg, d’agressions par des membres de mouvements nationalistes. Le Président du Comité a, pour sa part, rappelé que 90% des émigrants tadjiks sont installés en Fédération de Russie et que cela exige que de vigoureux accords de collaboration soient conclus avec ce dernier pays pour garantir certains droits, notamment pour ce qui est du droit pour les enfants des travailleurs immigrés de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle.

Un membre du Comité a quant à lui jugé préoccupante la difficulté pour les travailleurs immigrés en conflit avec la justice au Tadjikistan d’accéder aux services d’interprètes. Il a en outre constaté que les travailleurs immigrés n’étaient pas libres de s’installer où ils veulent au Tadjikistan, ni d’y occuper n’importe quel emploi.

Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Tadjikistan et les rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 12 avril prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport initial de la Libye (CMW/C/LBY/1).


Présentation du rapport

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique du Tadjikistan (CMW/C/TJK/2), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été préalablement soumise par le Comité.

Présentant ce rapport, M. YUSUF RAHMON, Procureur général de la République du Tadjikistan, a assuré que son pays accordait une très grande importance au respect de ses obligations envers les travailleurs migrants. Il a indiqué que sa présentation porterait sur des éléments qui ne figurent pas dans le rapport – document achevé en 2017. Ainsi, la commission ministérielle chargée de faire appliquer les obligations du Tadjikistan a-t-elle été considérablement renforcée depuis 2017, a-t-il précisé: elle compte notamment avec la présence des médiateurs des droits de l’homme et de l’enfance. D’autre part, a souligné le Procureur général, le Tadjikistan procède actuellement à des consultations avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme au sujet de la nouvelle stratégie nationale pour les droits de l’homme, dont la protection des droits des migrants et de leurs familles est l’une des priorités. Plusieurs initiatives concrètes sont prévues dans ce domaine, a indiqué M. Rahmon, citant notamment la création d’emplois productifs, le renforcement de la formation professionnelle et la diversification des flux migratoires vers l’étranger. Des formations linguistiques et professionnelles sont aussi envisagées, de même que des programmes de reconversion professionnelle. D’autres mesures concernent le soutien aux travailleurs migrants de retour au pays et le renforcement des compétences des femmes, en particulier.

Le Gouvernement collabore d’autre part avec les États partenaires du Tadjikistan pour améliorer les conditions d’accueil des Tadjiks émigrés, a poursuivi le Procureur général. Le pays a passé plusieurs accords avec des pays tiers, notamment avec les Émirats arabes unis et le Qatar, au sujet du séjour de ses ressortissants. En 2018, quelque 484 000 citoyens tadjiks travaillaient à l’étranger, dont 64 000 femmes; la Fédération de Russie accueille 96% de ces personnes et le Kazakhstan 3%, a précisé M. Rahmon. Cinq représentations, diplomatique et consulaires, sont ouvertes en Fédération de Russie, a-t-il indiqué.

Le Tadjikistan a suivi les précédentes recommandations du Comité s’agissant des quinze agences privées de recrutement opérant dans le pays, dont les activités sont désormais contrôlées par l’État, a en outre fait valoir M. Rahmon.

Le Procureur général a précisé que les mesures de protection des travailleurs tadjiks émigrés étaient financées d’abord par le budget national, ensuite par l’aide internationale. Il a ensuite fourni d’autres précisions relatives à la formation et à la reconversion professionnelles – compte tenu des priorités du Tadjikistan pour ces prochaines années, à savoir le développement des zones rurales, le tourisme et l’artisanat.

Les dépouilles de travailleurs migrants décédés à l’étranger sont rapatriées gratuitement par la compagnie aérienne nationale, a d’autre part indiqué M. Rahmon. Il a en outre souligné que conformément à la législation relative aux droits civils, les ressortissants tadjiks établis à l’étranger ont le droit de voter (lors des élections au Tadjikistan).

Le rapport soumis au Comité fournit des informations sur la lutte contre la corruption des services de douane et d’immigration, a poursuivi le Procureur général. En particulier, le nouveau système d’émission de visas électroniques garantit la transparence et l’impartialité du système, puisqu’aucun contact n’est nécessaire avec des fonctionnaires, a-t-il fait valoir.

M. Rahmon a également indiqué que les consulats dont dépendent les justiciables de nationalités étrangères arrêtés dans le pays sont toujours informés de la détention de leurs ressortissants au Tadjikistan.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. CAN ÜNVER, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Tadjikistan, a salué les améliorations apportées récemment dans le domaine migratoire dans ce pays. Il a dit apprécier les efforts du Gouvernement pour trouver des solutions aux problèmes que rencontrent les Tadjiks qui travaillent en Fédération de Russie. M. Ünver a ensuite dit avoir eu connaissance de plaintes pour discrimination émanant d’étrangers installés au Tadjikistan et a voulu savoir si ces personnes disposent effectivement du droit d’association.

M. Ünver a ensuite recommandé que le Gouvernement tadjik veille à ce que les sommes renvoyées dans le pays par la diaspora tadjike soient utilisées pour le bien de l’économie et fasse en sorte que le coût associé à ces transferts de fonds ne soit pas exagéré. D’autre part, la situation des Tadjiks de la diaspora, si elle s’est améliorée, est encore perfectible, a fait observer le corapporteur. La question se pose notamment de savoir si le Gouvernement peut empêcher la manipulation et l’exploitation de travailleurs migrants par des agences de recrutement ou par des employeurs individuels, a-t-il précisé. Il s’est en outre enquis des services mis à la disposition des travailleurs tadjiks émigrés par les consulats du Tadjikistan.

M. AZAD TAGHI-ZADA, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport tadjik, a regretté que ce rapport n’apporte pas de réponses complètement satisfaisantes à certaines questions posées par le Comité, s’agissant en particulier des statistiques: en effet, selon certaines sources, le nombre total de travailleurs tadjiks à l’étranger serait beaucoup plus important que ne le disent les chiffres officiels. S’agissant également des services consulaires, M. Taghi-Zada a voulu savoir dans quelle mesure ces services sont gratuits, en quoi ils consistent et s’ils répondent aux besoins des travailleurs migrants. Le corapporteur a aussi demandé combien de condamnations avaient été prononcées pour des violences exercées contre des migrants tadjiks à l’étranger.

M. Taghi-Zada a ensuite attiré l’attention sur les conditions très difficiles, proches de l’esclavage, dans lesquelles vivent les travailleurs migrants dans certains pays de destination au Moyen-Orient. Il a demandé quelles mesures les autorités du Tadjikistan prenaient pour garantir le respect des droits de leurs ressortissants à l’étranger.

Un autre expert du Comité a rendu hommage aux efforts du Tadjikistan pour organiser les flux migratoires et a salué l’adoption de la stratégie nationale des droits de l’homme. Mais il a regretté que le rapport ne donne que des informations de nature juridique, sans les étayer par des statistiques confirmées. L’expert a fait observer qu’environ deux millions de Tadjiks travaillent à l’étranger, souvent dans des conditions empreintes d’irrégularités. Il a prié la délégation de dire si les accords bilatéraux passés par le Tadjikistan avec des pays tiers concernaient aussi la protection sociale des émigrés et le droit de rapatrier au Tadjikistan les sommes gagnées (par les émigrés tadjiks).

Un expert a fait état d’un rapport de l’ONG russe Memorial selon lequel plusieurs Tadjiks auraient été victimes, à Saint-Pétersbourg, d’agressions par des membres de mouvements nationalistes. Il a demandé quelle était la réaction du Gouvernement du Tadjikistan face à cette situation. Un autre expert s’est demandé comment le Tadjikistan défendait les droits des travailleurs migrants tadjiks établis en Fédération de Russie – un pays qui n’a pas ratifié la Convention. Ce même expert a, à son tour, posé des questions sur l’encadrement juridique et fiscal des transferts d’argent opérés par les Tadjiks expatriés. Un autre membre du Comité a souligné le rôle primordial joué dans l’économie tadjike par ces transferts: il a voulu savoir si des plans existent pour intégrer ces transferts aux politiques nationales de développement.

La délégation a aussi été priée de décrire la situation et le statut des Afghans qui viennent travailler au Tadjikistan.

Plusieurs questions des experts ont en outre porté sur la lutte contre la traite des êtres humains. Les experts ont également demandé des précisions sur l’intégration des travailleurs migrants tadjiks de retour dans le pays et sur la prise en charge de leurs familles qui restent au Tadjikistan lorsqu’ils sont à l’étranger. Il a été demandé si le Tadjikistan et la Fédération de Russie avaient déjà discuté du droit au regroupement familial des immigrés tadjiks.

Un expert a jugé préoccupante la difficulté pour les travailleurs immigrés en conflit avec la justice au Tadjikistan d’accéder aux services d’interprètes. Il a en outre constaté que les travailleurs immigrés n’étaient pas libres de s’installer où ils veulent au Tadjikistan, ni d’y occuper n’importe quel emploi.

Un expert a fait état d’un incident grave, survenu le 2 novembre 2017 à la frontière avec la Fédération de Russie, lors duquel un train transportant 150 migrants tadjiks a été arrêté par les autorités russes: les migrants ont été détenus dans des conditions très rudes, entraînant notamment la mort d’un nourrisson. Il est du devoir des autorités du pays de départ de protéger leurs citoyens par tous les moyens, a rappelé l’expert, demandant quelles mesures le Gouvernement tadjik comptait prendre.

M. Ahmadou Tall, Président du Comité, a mis en évidence le risque de traite des êtres humains auquel les femmes sont exposées et la précarité du sort des femmes tadjikes parties travailler à l’étranger comme domestiques.

M. Tall a par la suite rappelé que 90% des émigrants tadjiks sont installés en Fédération de Russie et que cela exige que de vigoureux accords de collaboration soient conclus avec ce dernier pays pour garantir certains droits, notamment pour ce qui est du droit pour les enfants des travailleurs immigrés de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle. M. Tall a voulu savoir si ces enfants avaient accès au système scolaire russe et leurs familles aux prestations sociales.

D’autres questions des experts ont porté sur le mode de calcul des retraites des anciens émigrés tadjiks; sur le nombre de consulats tadjiks ouverts en Fédération de Russie et au Kazakhstan; et sur l’immigration irrégulière au Tadjikistan même.

Réponses de la délégation

La délégation a cité les statistiques russes selon lesquelles on dénombrait 1 187 000 Tadjiks entrés en Fédération de Russie en 2018, tous n’étant pas classés comme travailleurs. La délégation a assuré que le nombre d’émigrants tadjiks en Fédération de Russie n’était pas aussi important que ne le disent certains observateurs: en effet, toutes les personnes qui se rendent dans ce pays ne sont pas des migrants et il faut aussi tenir compte des statuts spéciaux (permis saisonniers, permis d’étudiants, patentes, etc…).

La Fédération de Russie n’étant pas partie à la Convention, le Tadjikistan a passé un accord avec ce pays aux termes duquel a été créée une commission bilatérale chargée de la protection des droits des ressortissants tadjiks, a fait valoir la délégation.

Le Tadjikistan entretient une collaboration très étroite avec les autorités judiciaires de la Fédération de Russie, a poursuivi la délégation. Chaque cas (impliquant des ressortissants tadjiks), qu’il s’agisse de délits commis ou de préjudices subis par des Tadjiks, est examiné attentivement. D’autres modalités de collaboration bilatérale existent, dans le cadre desquelles les questions relatives aux travailleurs migrants tadjiks peuvent être abordées. Le Tadjikistan envisage, d’autre part, de demander que ses ressortissants puissent résider en Fédération de Russie pendant 180 jours sans visa, de telle sorte que les enfants des travailleurs puissent aller à l’école, a ajouté la délégation. Elle a fait observer que de plus en plus de migrants partaient s’installer en Fédération de Russie avec leurs enfants.

La délégation a aussi fait état d’accords entre la Fédération de Russie et le Tadjikistan dans les domaines de la réadmission, de l’assistance sociale et des conditions de résidence, notamment. De nombreux Tadjiks sont interdits de séjour en Fédération de Russie; heureusement, une amnistie prononcée par les autorités russes en 2017 a permis la légalisation de quelque 120 000 Tadjiks qui vivaient auparavant dans l’illégalité, a indiqué la délégation.

S’agissant de l’incident survenu en 2017 à la frontière russe mentionné par un expert, la délégation a notamment indiqué que le Ministère tadjik des affaires étrangères avait demandé à son homologue russe de couvrir les frais de rapatriement des personnes concernées vers le Tadjikistan – ces personnes n’ayant en fin de compte pu pénétrer en territoire russe puisqu’elles avaient été obligées de descendre du train.

Les assassinats de ressortissants tadjiks à l’étranger donnent lieu à des enquêtes de justice supervisées par les représentations diplomatiques du Tadjikistan, a d’autre part indiqué la délégation, avant de faire état d’une baisse régulière du nombre de Tadjiks victimes de meurtres à l’étranger – de 94 en 2013 à 27 en 2018. La délégation a admis que les crimes contre les émigrés tadjiks en Fédération de Russie ne sont pas toujours élucidés.

La délégation a fait état d’accords bilatéraux de collaboration concernant les droits des travailleurs migrants avec plusieurs pays membres de la Communauté des États indépendants, ainsi qu’avec les Émirats arabes unis et – bientôt – avec le Qatar. Ces accords portent sur les conditions de travail et la défense des droits fondamentaux des Tadjiks expatriés, hommes et femmes, y compris les questions en lien avec les transferts de fonds. Avant de signer ces accords, le Tadjikistan a procédé aux études préalables nécessaires pour s’assurer que ses ressortissants ne seront pas soumis à l’esclavage, a précisé la délégation.

De nombreuses femmes tadjikes migrantes travaillent dans l’économie informelle des pays d’accueil, ce qui les rend vulnérables à l’exploitation; elles rencontrent aussi des problèmes d’accès aux services de santé, a indiqué la délégation.

Le Tadjikistan a convenu avec le Kazakhstan que les Tadjiks pourraient y rester désormais pendant trente jours sans enregistrement, ce qui va beaucoup améliorer la situation des familles; une demande allant dans le même sens a été adressée à la Fédération de Russie. En outre, grâce à l’insistance des autorités de Douchanbé, la première école tadjike a ouvert récemment à Moscou, a indiqué la délégation.

Les accords bilatéraux avec les États de destination imposent – notamment – un congé payé annuel pour que les migrants puissent rejoindre leurs familles au Tadjikistan, a ajouté la délégation. Elle a aussi indiqué que le Gouvernement tadjik travaillait, depuis plusieurs années, avec le Ministère de l’emploi de la Fédération de Russie à un accord relatif aux retraites des travailleurs migrants.

La délégation a par ailleurs précisé que, lors des dernières élections présidentielles tadjikes de 2012, 24 bureaux de vote avaient été ouverts en Fédération de Russie.

Le Ministère tadjik du travail et de l’emploi surveille étroitement les activités des agences de recrutement privées opérant au Tadjikistan, lesquelles sont tenues de fournir des rapports trimestriels, a d’autre part fait valoir la délégation. Quelque deux mille personnes ont, en 2018, trouvé un emploi à l’étranger grâce à ces agences, a-t-elle indiqué.

Le projet de loi visant à réglementer les activités des agences de recrutement prévoit notamment l’obligation pour elles d’obtenir une licence, a ajouté la délégation. Deux procès au pénal ont été intentés contre des agences ayant envoyé des travailleurs tadjiks en Arabie saoudite pour y travailler dans des conditions illégales, a-t-elle fait savoir.

La délégation a précisé que les consulats tadjiks (à l’étranger) jouaient un rôle très important au profit des Tadjiks expatriés: les consulats peuvent en effet procéder à l’enregistrement des naissances, assumer des fonctions de notariat et même participer aux négociations avec les pays d’accueil sur les questions relatives à l’accès des Tadjiks à l’emploi, entre autres. Les services consulaires du pays en Fédération de Russie ont été renforcés récemment, a ajouté la délégation. Une aide juridique peut aussi être accordée aux Tadjiks désirant s’opposer à une interdiction de travailler ou à une expulsion de la Fédération de Russie.

Un décret paru en 2005 a porté création d’une commission interdépartementale contre la traite des êtres humains. Cette commission est chargée d’analyser et de quantifier le problème et de proposer des solutions. À un autre organisme spécialisé est confiée la tâche de recueillir et de venir en aide aux personnes sauvées de la traite. Ici aussi, la tendance est à la baisse, a assuré la délégation.

Les transferts d’argent opérés par la diaspora tadjike se placent, selon la Banque centrale russe, au sixième rang des transferts opérés depuis la Fédération de Russie par les travailleurs migrants dans ce pays. Ces transferts ne sont pas pris en compte dans le calcul du PIB tadjik, dont ils représentent environ 15% du volume, a indiqué la délégation. Ces flux, qui ont atteint un pic en 2013, équivalaient à 1,9 milliard de dollars des États-Unis en 2018, a-t-elle précisé.

La délégation a fourni un certain nombre de statistiques sur la population tadjike: elle compte 40% de mineurs, sur un peu plus de neuf millions d’habitants; le taux de fécondité reste élevé, se situant à 3,8%; et il reste au pays cinq millions de personnes en âge de travailler, dont 2,4 millions bénéficient d’un contrat. En outre, selon les statistiques de la Banque mondiale, la pauvreté a fortement chuté au Tadjikistan entre 2000 et 2017. Parallèlement, de nombreux logements neufs ont été construits.

En outre, plus de 90% des émigrés tadjiks sont des hommes de moins de 30 ans et les deux premières causes de migration sont le travail et les études, a précisé la délégation.

Pour la réintégration des travailleurs tadjiks (de retour au pays), les autorités tadjikes agissent par le biais de l’emploi, en ouvrant de nombreux chantiers, ainsi que par le biais de la validation des acquis professionnels, de prestations sociales ou encore de l’octroi de microcrédits à taux préférentiels; de tels microcrédits ont déjà profité à plus de mille anciens émigrés.

Les autorités tadjikes misent actuellement sur la création d’emplois locaux et ruraux, les secteurs prioritaires étant l’artisanat et l’agriculture, a rappelé la délégation. Une réforme foncière et une politique de soutien de l’accès des femmes à la propriété foncière ont été lancées, a-t-elle ajouté. Depuis l’indépendance en 1991, quelque 190 000 hectares de terres arables ont été dégagés et redistribués, contre 77 000 hectares pendant toute la période des 70 années précédentes, a fait valoir la délégation.

Aucune plainte n’a été enregistrée dans le pays pour des faits de discrimination ou d’arrestation arbitraire d’immigrés étrangers au Tadjikistan, a ensuite fait valoir la délégation. Cependant, des plaintes ont effectivement été déposées contre des refus d’octroi de permis de travail et d’autorisation d’entrée au Tadjikistan; d’autres plaintes ont concerné le versement de salaires. La délégation a précisé que les ressortissants étrangers travaillant au Tadjikistan y bénéficient des mêmes droits que les nationaux, y compris en matière de droits syndicaux.

Les Afghans au Tadjikistan parlent le dari, une langue persane très proche du tadjik; un peu plus de 2000 Afghans sont réfugiés au Tadjikistan et quatre cents autres y bénéficient d’un permis de travail octroyé sur la base d’une politique de quotas.

Il a enfin été précisé que les étrangers en conflit avec la loi au Tadjikistan ont le droit de suivre la procédure dans une langue qu’ils maîtrisent.

La délégation a indiqué que les résidents au Tadjikistan avaient les mêmes droits que les citoyens s’agissant de la création de syndicats et de l’appartenance à des syndicats.

La production de coton au Tadjikistan atteint 300 000 à 400 000 tonnes par an, a ensuite indiqué la délégation. La récolte brute est actuellement exportée à hauteur de 90%: il reste ainsi une marge importante dans la création d’une industrie locale de traitement du coton, et donc pour la création d’emplois, a-t-elle fait valoir.

La délégation a également mis en avant les progrès enregistrés par son pays en matière de participation des femmes au travail et à la vie publique. La polygamie, bien qu'interdite par la loi, concernerait néanmoins 3% des familles au Tadjikistan, a en outre indiqué la délégation.

Le médiateur des droits de l’homme du Tadjikistan – qui est l’institution nationale de droits de l’homme (INDH) dans ce pays – bénéficie d’une accréditation au titre du « statut B » auprès de l’Alliance globale des institutions nationales de droits de l'homme (GANHRI, instance chargée de promouvoir le respect par les INDH des Principes de Paris qui leur sont applicables), a ajouté la délégation.

Remarques de conclusion

M. TAGHI-ZADA a relevé qu’un énorme travail avait été consenti par le Tadjikistan dans le domaine législatif et dans la gestion des flux migratoires, ce qui témoigne du sérieux avec lequel l’État partie aborde la question. Mais, a relevé l’expert, les chiffres donnés par la Fédération de Russie, principal pays d’accueil (de travailleurs migrants tadjiks), donnent de la situation une image très différente de celle présentée par le Tadjikistan; il est très problématique que l’écart entre les évaluations du nombre de Tadjiks expatriés en Fédération de Russie aille du simple au triple, a souligné le corapporteur. Il a recommandé au Tadjikistan de veiller à ce que son appareil administratif soit bien adapté à la situation réelle.

M. Taghi-Zada a ensuite fait observer que les immigrés tadjiks au Qatar et en Arabie saoudite sont soumis à la loi de ces pays, à savoir une loi très dure reposant sur le système de parrainage par l’employeur appelé kafala. Or, l’expérience des Philippines, notamment, montre que l’application de cette loi peut entraîner des violations du droit à la vie des travailleurs migrants, a mis en garde le corapporteur.

M. RAHMON a assuré que les remarques et recommandations du Comité seraient toutes prises en compte et étudiées par le Gouvernement du Tadjikistan.

Enfin, M. TALL a remercié la délégation pour ce dialogue riche et fructueux et a, lui aussi, salué les efforts louables déployés par le Tadjikistan pour donner effet à la Convention.



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CMW/19/4F