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Le CERD célèbre le soixantième anniversaire de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, sur fond de résurgence des idéologies de supériorité raciale et de crise de liquidités à l’ONU

Résumés des réunions

À la veille de clore sa cent seizième session, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a commémoré aujourd’hui le soixantième anniversaire de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 21 décembre 1965.

Après une brève cérémonie d’ouverture animée par Mme Gay McDougall, Vice-Présidente du Comité, les travaux de la journée se sont articulés autour de trois tables rondes, auxquelles ont participé de nombreux panélistes ainsi que de nombreuses délégations et les membres du Comité. La première était consacrée au thème « Soixante ans de la Convention: de la mise en œuvre mondiale à la mise en œuvre locale – progrès et défis » ; la seconde, au thème « Réaliser la promesse d'égalité sans distinction de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique » ; et la troisième, au thème « S'appuyer sur les progrès accomplis pour façonner l'avenir ». 

Dans sa déclaration introductive, Mme McDougall a rappelé que la Convention avait été adoptée le 21 décembre 1965 sur la base du constat que la discrimination raciale est un fléau pour l'humanité qui doit être éliminé de toute urgence par tous les pays du monde. « Nous devons reconnaître l'héritage douloureux du racisme et de la discrimination qui a marqué les sociétés du monde entier », a-t-elle déclaré, avant de rendre hommage « au courage de celles et ceux qui ont résisté et se sont rebellés, ceux qui ont élevé la voix, qui se sont organisés et qui ont persévéré dans l'espoir d'un changement ». L’assemblée a ensuite observé une minute de silence.

Dans son allocution d’ouverture, M. Michal Balcerzak, Président du Comité, a regretté que les soixante années d’efforts depuis l’adoption de la Convention « semblent s'évanouir en raison du manque de mise en œuvre de la Convention et du manque de soutien, notamment politique et financier, à l'organe de surveillance que les États eux-mêmes ont créé ». M. Balcerzak s’est en outre inquiété d’une « résurgence des idéologies de supériorité raciale, notamment le suprémacisme blanc. Les discours racistes et xénophobes se répandent, amplifiés par les plates-formes numériques où la responsabilité s'affaiblit, » a-t-il aussi mis en garde.

Pour sa part, Mme Nada Al-Nashif, Haut-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a notamment souligné qu’au vu des « immenses défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui » – en particulier l'héritage du colonialisme et de l'esclavage qui alimente le racisme aujourd'hui ou encore la résurgence de plates-formes et d'organisations qui promeuvent ouvertement la haine raciale, la xénophobie et les doctrines de supériorité raciale –, il importe que ce Comité soit pleinement opérationnel.  Aussi, a-t-elle mis en garde contre l'affaiblissement du précieux tissu des organes conventionnels, et en particulier du CERD, par les crises de liquidité persistantes aux Nations Unies, qui entraînent des réductions historiques de leurs ressources, limitant ainsi leur capacité à s'acquitter de leurs importantes fonctions de surveillance.

De nombreuses délégations ont ensuite fait des déclarations dans le cadre de cette cérémonie d’ouverture, avant que le Comité n’engage ses trois tables rondes successives.

Le Comité mettra un terme aux travaux de sa cent seizième session demain après-midi à partir de 15 heures.

Commémoration du soixantième anniversaire de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Cérémonie d’ouverture

En ouverture de la commémoration, MME GAY MCDOUGALL, Vice-Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a rappelé que la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale avait été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies il y a soixante ans, le 21 décembre 1965, sur la base du constat que la discrimination raciale est un fléau pour l'humanité qui doit être éliminé de toute urgence par tous les pays du monde. 

Mme McDougall a jugé « important que nous nous souvenions collectivement et que nous exprimions notre profond regret pour les millions et millions de vies perdues, celles qui ont été brisées, celles dont les rêves ont été anéantis, à cause du mensonge selon lequel une vie est supérieure à une autre ». 

« Nous devons reconnaître l'héritage douloureux du racisme et de la discrimination qui a marqué les sociétés du monde entier », a insisté Mme McDougall, rappelant que « les peuples autochtones de tous les continents ont subi des siècles de dépossession, d'assimilation forcée et de discrimination systématique » et que « l’on estime à trente millions le nombre d'Africains arrachés de force à leur terre natale en Afrique et transportés vers des côtes étrangères ou ayant traversé le Sahara à pied pour être vendus à des fins d'exploitation brutale ».

Mme McDougall a aussi mentionné « les communautés asiatiques, confrontés à l'exploitation coloniale, à des lois d'exclusion et à la violence enracinée dans les préjugés »; « les Roms, victimes de sectarisme et d'exclusion pendant des siècles »; les nouveau-nés, dont les chances dans la vie sont limitées dès leur naissance dans des sociétés fondées sur l'ascendance; et enfin celles et ceux qui « cherchent simplement une vie meilleure mais se noient dans des bateaux surchargés ou se heurtent à des frontières fermées ».

« Le racisme et la discrimination ne sont pas des abstractions », a souligné Mme McDougall ; « ce sont des blessures infligées à l'âme d'une nation et de l'humanité. Nommer cela à haute voix, ce n'est pas attiser la colère pour le plaisir, mais insister sur la vérité, comme première étape vers la réparation », a-t-elle déclaré.

Mme McDougall a rendu hommage « au courage de celles et ceux qui ont résisté et se sont rebellés, ceux qui ont élevé la voix, qui se sont organisés et qui ont persévéré dans l'espoir d'un changement » et dont la bravoure « nous rappelle que la justice exige une action persistante et non des lamentations occasionnelles ».

L’assemblée a ensuite observé une minute de silence.

Allocutions d'ouverture : « Soixante ans de la Convention : du fondement juridique à l'action pour le changement »

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme, a rendu hommage, au nom également du Haut-Commissariat, aux victimes de la discrimination raciale, du racisme, de la ségrégation raciale et de l'apartheid, ainsi qu'à celles et ceux qui ont lutté et continuent de lutter contre la discrimination raciale. 

Il y a soixante ans, a rappelé Mme Al-Nashif, l'Organisation des Nations Unies a donné effet à l'une des promesses centrales de sa création – éliminer la discrimination raciale – en élaborant un traité qui établissait des obligations juridiquement contraignantes à cette fin. La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale a non seulement répondu à cet impératif, mais, en tant que premier des « traités fondamentaux relatifs aux droits de l'homme », elle a marqué une étape importante dans l'évolution du droit international des droits de l'homme, a souligné la Haute-Commissaire adjointe. 

En effet, adoptée au plus fort de la guerre froide, sans abstention ni vote contre, la Convention était révolutionnaire pour l'époque, non seulement en raison des normes qu'elle consacrait, mais aussi en raison du mécanisme que les États ont accepté volontairement pour contrôler leur propre mise en œuvre de cet instrument : le « Comité pour l'élimination de la discrimination raciale » (CERD) a ainsi été le premier organe créé en vertu d'un traité relatif aux droits de l'homme et le précurseur de l’écosystème des mécanismes de lutte contre la discrimination raciale.

Vu « les immenses défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui » – en particulier l'héritage du colonialisme et de l'esclavage qui alimente le racisme aujourd'hui ou encore la résurgence de plates-formes et d'organisations qui promeuvent ouvertement la haine raciale, la xénophobie et les doctrines de supériorité raciale –, il importe que ce Comité soit pleinement opérationnel, a fait remarquer Mme Al-Nashif.

Dans ce contexte, elle a mis en garde contre l'affaiblissement du précieux tissu des organes conventionnels, et en particulier du CERD, par les crises de liquidité persistantes aux Nations Unies, qui entraînent des réductions historiques de leurs ressources, limitant ainsi leur capacité à s'acquitter de leurs importantes fonctions de surveillance. Elle a estimé qu’un regain de courage et de volonté politiques était nécessaire de la part de tous les États parties pour permettre au Comité et à tous les organes conventionnels de retrouver leur mode de fonctionnement normal. 

M. MICHAL BALCERZAK, Président du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a regretté que les soixante années d’efforts depuis l’adoption de la Convention « semblent s'évanouir en raison du manque de mise en œuvre de la Convention et du manque de soutien, notamment politique et financier, à l'organe de surveillance que les États eux-mêmes ont créé ». « Nous assistons non pas à une consolidation, mais à une érosion du système des droits de l'homme chargé de protéger contre la discrimination raciale », a souligné M. Balcerzak. 

En six décennies, a-t-il poursuivi, la Convention a stimulé des réformes constitutionnelles, inspiré des législations nationales, renforcé des institutions et donné plus de pouvoir à la société civile. Mais ces progrès sont inégaux, a fait remarquer l’expert. « Le racisme structurel et systémique persiste dans toutes les régions, affectant l'accès à la justice, à l'éducation, aux soins de santé, au logement, à l'emploi et à la participation politique », a-t-il fait observer. De même, « l'héritage de l'esclavage, du colonialisme et de l'apartheid continue de façonner la vie des personnes d'ascendance africaine, des peuples autochtones et de nombreuses communautés ethniques et minorités à travers le monde », a ajouté M. Balcerzak.

L’expert s’est en outre inquiété d’une résurgence des idéologies de supériorité raciale, notamment le suprémacisme blanc. Les discours racistes et xénophobes se répandent, amplifiés par les plates-formes numériques où la responsabilité s'affaiblit, a-t-il relevé. Les crimes haineux sont en augmentation, tandis que l'impunité prévaut trop souvent, a-t-il déploré. Dans de nombreux endroits, a-t-il ajouté, les lois et les politiques restreignent désormais l'enseignement relatif au racisme, au colonialisme ou à l'esclavage, compromettant ainsi le pouvoir transformateur de l'éducation que les États se sont engagés à défendre en vertu de l'article 7 de la Convention. 

« À une époque où l'existence même de la discrimination raciale et du racisme est de plus en plus niée », a insisté M. Balcerzak, « le Comité appelle les individus, les défenseurs des droits de l'homme et les organisations de la société civile à persévérer dans leurs efforts pour dénoncer et combattre l'injustice raciale. » 

Aperçu du débat

Plusieurs délégations ont souligné que le 60ème anniversaire de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale constituait un moment essentiel pour mesurer les progrès réalisés depuis son adoption, mais aussi pour rappeler sa pertinence face à la persistance du racisme, de la discrimination raciale, de la xénophobie et des discours de haine dans le monde. Beaucoup ont estimé que, malgré des avancées substantielles aux niveaux international, régional et national, des lacunes importantes subsistent et que ces phénomènes connaissent même une résurgence inquiétante dans de nombreuses régions.

Un grand nombre de délégations ont appelé à une mise en œuvre pleine, effective et concrète de la Convention, rappelant que les engagements juridiques, à eux seuls, ne suffisent pas. Elles ont insisté sur la nécessité de résultats tangibles, mesurables, fondés sur des données fiables, et de politiques publiques capables de s’attaquer aux formes historiques, structurelles et contemporaines de discrimination. Plusieurs États ont également réaffirmé l’importance de coopérer étroitement avec le Comité et de tenir compte de ses recommandations, et ont encouragé ceux qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à la Convention et à reconnaître la compétence du Comité pour examiner les communications individuelles.

Certains pays ont mis l’accent sur les formes systémiques de racisme toujours persistantes, particulièrement envers les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones, les migrants, les minorités raciales ou ethniques et d’autres groupes historiquement marginalisés. Plusieurs intervenants ont rappelé l’héritage durable de l’esclavage, de la traite transatlantique, du colonialisme, ou encore des génocides de populations autochtones, en soulignant la nécessité de reconnaître cette histoire, d’avancer vers la justice contemporaine, et pour certains, de progresser vers des formes de réparations.

L’attention a également été attirée sur des défis plus récents, tels que les discriminations facilitées par les technologies numériques, la propagation rapide des discours de haine en ligne, la désinformation, ou encore les nouvelles formes d’extrémisme raciste. Les délégations ont insisté sur l’urgence de renforcer les mécanismes de prévention et de protection, ainsi que les cadres normatifs complémentaires.

Plusieurs États ont également présenté des mesures qu’ils ont prises au niveau national visant à lutter contre la discrimination raciale: réformes constitutionnelles, lois antidiscrimination, reconnaissance de groupes autochtones ou afro-descendants, politiques pour l’égalité, stratégies nationales de lutte contre le racisme, mécanismes de collecte de données ventilées, création d’institutions indépendantes, plans d’action contre la haine, ou promotion de la tolérance et du vivre-ensemble. D’aucuns ont insisté sur leur engagement multilatéral, notamment dans la mise en œuvre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, ou encore dans le cadre de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Quelques délégations ont dénoncé des facteurs aggravants tels que l’adoption de mesures coercitives unilatérales, perçues comme amplifiant les inégalités et portant atteinte aux droits humains de groupes vulnérables. D’autres ont évoqué des situations particulières, dont la situation du peuple palestinien ou encore les conséquences persistantes du colonialisme et de l’apartheid.

Nombre de délégations ont souligné que la lutte contre le racisme et la discrimination raciale demeure un combat mondial, et que la Convention ainsi que le Comité restent des instruments indispensables pour assurer l’égalité, la justice et la dignité humaine aujourd’hui comme pour les générations futures.

Liste des intervenants : Ghana (au nom du Groupe africain), Haïti (au nom du Groupe africain et de la CARICOM), Union européenne, Conseil de l’Europe, Venezuela (au nom du Groupe des amis de la Charte des Nations Unies), Belgique, Afrique du Sud, Chili, Qatar, France, Venezuela, Slovénie, Équateur, Canada, Égypte, Colombie, Maroc, République dominicaine, Algérie, Espagne, Mexique, Émirats arabes unis, Portugal, Brésil, Tunisie, Azerbaïdjan, Cuba, Pakistan, Gambie, et Grèce.

Table ronde 1 : « Soixante ans de la Convention : de la mise en œuvre mondiale à la mise en œuvre locale – progrès et défis »

La table ronde a été animée par Mme Faith Dikeledi Pansy Tlakula, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale. 

Ont fait des présentations les panélistes ci-après: Mme Ilze Brands Kehris, Sous-Secrétaire générale aux droits de l'homme et Coprésidente permanente du Réseau des Nations Unies sur la discrimination raciale et la protection des minorités; Mme Irina Schoulgin Nyoni, Ambassadrice pour les droits de l'homme, la démocratie et l'État de droit au Ministère des affaires étrangères de la Suède; M. José Francisco Calí Tzay, Représentant permanent du Guatemala auprès des Nations Unies à Genève; Mme Gloria Monique de Mees, Commissaire, Rapporteuse pour les personnes d’ascendance africaine à la Commission interaméricaine des droits de l'homme; Mme Michaela Moua, Coordonnatrice de la Commission européenne pour la lutte contre le racisme; M. Idrissa Sow, Président de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples; M. Bertil Cottier, Président de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI); et Mme Anh Thu Duong, Codirectrice du Global Cities Hub.

Ont ensuite pris part au débat: Soudan, Arabie saoudite, Türkiye, Brésil, Tunisie, République bolivarienne du Venezuela, Australie, République islamique d’Iran, institution nationale des droits de l’homme de l’Azerbaïdjan, Amnesty International, Global Forum of Discriminated Minorities et Arménie.

Dans leurs présentations, les panélistes ont insisté sur le fait que l'élimination de la discrimination raciale avait été l'un des objectifs fondamentaux des Nations Unies [au moment de leur création] et qu’elle restait aujourd'hui au cœur de l’action de l’Organisation. Pour sa part, le Comité joue un rôle déterminant en mettant en lumière les progrès accomplis, mais aussi les défis qui restent à relever, en examinant chaque État partie, un par un, et en recommandant des mesures concrètes pour lutter contre la discrimination raciale, a-t-il été souligné.

À cet égard, il a été observé que si des progrès indéniables ont été accomplis dans la lutte contre la discrimination raciale depuis l’adoption de la Convention, le racisme, souvent ancré dans l'héritage de l'esclavage et du colonialisme, touchait encore d'innombrables personnes à travers le monde, et ce alors même que les principes fondamentaux de non-discrimination et d'égalité raciale sont remis en question et menacés. Le problème lancinant et non résolu de la justice réparatrice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine a été mentionné.

De plus, a-t-il été souligné, pour les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones et les migrants, les changements climatiques et la dégradation de l’environnement entraînent des répercussions disproportionnées qui renforcent les vulnérabilités historiques dont ces personnes sont victimes. 

Les lois et les normes n'atteignent leur objectif que lorsqu'elles sont effectivement mises en œuvre par les États, intégrées dans la gouvernance locale et les pratiques communautaires, et ressenties dans les expériences vécues, a rappelé une panéliste. À cet égard, a-t-il été souligné, le leadership du Comité et ses orientations sont essentiels pour la lutte contre la discrimination raciale, tout comme l’est la collaboration des États et des autres acteurs pour contrer ses manifestations diverses et néfastes.

Des exemples ont été donnés d’initiatives en matière de lutte contre la discrimination raciale, tel le Réseau des Nations Unies sur la discrimination raciale et la protection des minorités, créé en 2012 et qui met l'accent sur la sensibilisation et le renforcement des capacités afin d'aider à traduire les normes mondiales en actions locales.  Ont également été mentionnées des mesures concrètes prises par certains pays, y compris l’adoption de plans nationaux contre le racisme, le renforcement des cadres juridiques et les mesures de discrimination positive. Il a été recommandé, à ce propos, que les autorités régionales et locales soient aidées à concevoir et à appliquer des politiques antiracistes, compte tenu de l’existence, à leur niveau, d’un potentiel largement inexploité pour traduire les normes en réalité.

L’importance de la lutte contre les crimes haineux sur les réseaux sociaux a été mise en avant, dans un contexte marqué notamment par la discrimination inhérente aux algorithmes, la haine en ligne et la banalisation de la haine raciale dans le discours politique et public. Les effets du racisme sur la santé mentale des communautés racialisées ont en outre été évoqués.

A enfin été déploré la crise des liquidités qui affaiblit la capacité du système des organes conventionnels, y compris le CERD, d’accomplir leur mandat de protection. 

Des experts du Comité ont insisté, pour leur part, sur l’importance de trouver des moyens concrets de faire appliquer la Convention au niveau local pour, par exemple, éliminer la discrimination qui frappe les musulmans dans les sociétés occidentales. 

Il a en outre été suggéré que le Comité soit doté de moyens pour enquêter sur le plan local. 

Les délégations qui ont ensuite pris part au débat ont notamment réaffirmé l’engagement de leurs pays contre le racisme. Elles ont mis en avant les mesures que leurs pays prennent dans ce contexte, telles que l’adoption de cadres juridiques interdisant la discrimination raciale et la haine et la violence racistes, l’organisation de campagnes de sensibilisation aux valeurs de l’égalité, la lutte contre antisémitisme, ou encore la collaboration avec les minorités et les groupes vulnérables. 

Des délégations ont en outre décrit les mécanismes que leurs pays ont mis en place pour assurer le suivi des recommandations du Comité. 

Les États ont été appelés à faire preuve de davantage de vigilance contre la discrimination à l’égard des migrants. Il a également été recommandé que les États s’engagent en faveur d’une mise en œuvre réelle de la Convention, en s'attaquant aux séquelles de l'esclavage et du colonialisme et en démantelant les structures contemporaines de discrimination raciale enracinées dans ces préjudices historiques.

Ont été condamnés le ciblage explicite des personnes d’ascendance africaine dans le conflit au Soudan ainsi que la menace militaire qui plane sur le Venezuela.

Table ronde 2 : « 60 ans de la Convention : réaliser la promesse d'égalité sans distinction de race, de couleur, d'ascendance ou d'origine nationale ou ethnique »

La table ronde a été animée par Mme Verene Albertha Shepherd, Vice-Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale.

Ont fait des présentations les panélistes ci-après: Mme Sheryl Lightfoot, Vice-Présidente du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones; M. Pastor Elías Murillo Martínez, membre de l'Instance permanente pour les personnes d'ascendance africaine; Mme Rossalina Latcheva, Cheffe du secteur de la lutte contre le racisme et la non-discrimination à l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne; Mme Meena Varma, Directrice exécutive d’International Dalit Solidarity Network; Mme Claire Charters, professeure à la Faculté de droit de l’Université d'Auckland; et Mme Mãe Nilce de Iansã, du National Network of Afro-Brazilian Religions and Health (RENAFRO).

Ont ensuite pris part au débat: Maurice, Mozambique, Fédération de Russie, État de Palestine, Mexique, Brésil, Race and Equality, Global Forum for Communities Discriminated by Work and Descent, et l’Institut des droits de l’homme de la Catalogne. 

Dans leurs présentations, les panélistes ont souligné que, soixante ans après l’adoption de la Convention, ses promesses demeurent largement non réalisées pour des millions de personnes. Il a été rappelé que la lutte contre la discrimination raciale reste intimement liée à l’héritage de l’esclavage, du colonialisme et du racisme structurel, lesquels continuent de façonner les réalités aujourd’hui vécues par les peuples autochtones, les personnes d’ascendance africaine, les Dalits, les Roms et les communautés religieuses afro-brésiliennes, entre autres.

Les intervenants ont insisté sur le fait que la discrimination raciale demeure structurelle et systémique, et profondément ancrée dans les institutions, les politiques publiques et les cadres constitutionnels qui produisent des désavantages cumulatifs. Il a été relevé que les peuples autochtones restent confrontés à des formes persistantes de discrimination liées notamment à la dépossession de leurs terres, territoires et ressources, et au fait que des structures juridiques non autochtones continuent d’avoir primauté sur leurs systèmes constitutionnels et sociaux propres.

Plusieurs panélistes ont également évoqué des formes contemporaines de discrimination, telles que le profilage racial algorithmique, la haine en ligne, l’instrumentalisation politique du racisme et de la xénophobie, ainsi que les défis émergents associés aux technologies numériques et à l’intelligence artificielle. Il a été rappelé que ces phénomènes alimentent des risques graves pour l’égalité raciale et, dans certains cas, pour la paix et la sécurité internationales.

Les présentations ont mis en évidence la persistance de discriminations fortes dans divers contextes. Des données récentes montrent, par exemple, que les communautés roms continuent de connaître des taux élevés de discrimination, de violence, de ségrégation scolaire et d’exclusion socioéconomique, ainsi que des conditions de logement précaires et une espérance de vie nettement inférieure à la moyenne. Les personnes d’ascendance africaine sont également confrontées au harcèlement, aux violences racistes, au profilage racial ainsi qu’à des obstacles dans l’accès au logement et au marché du travail. Des discriminations répétées visant les femmes, les jeunes et les personnes handicapées ont également été relevées.

Les panélistes ont rappelé que plus de 260 millions de personnes sont touchées par la discrimination fondée sur la caste dans divers pays, notamment en Inde, au Népal, au Pakistan, à Sri Lanka, au Bangladesh, ainsi qu’au Japon et au sein de la diaspora au Royaume-Uni; il a été souligné que la recommandation générale n°29 du Comité, concernant la discrimination fondée sur l’ascendance, constitue un outil fondamental pour y répondre. L’accent a notamment été mis sur l’impunité persistante pour les violences fondées sur la caste, sur la discrimination intersectionnelle touchant particulièrement les femmes dalits, ainsi que sur la nécessité de procéder à une collecte de données ventilées, de renforcer l’accès à la justice et de suivre de manière effective la mise en œuvre des recommandations du Comité.

Il a par ailleurs été indiqué que des recherches cartographiques couvrant des centaines de communautés religieuses afro-brésiliennes ont révélé à leur encontre de nombreuses violations, souvent absentes des sources officielles et il a été souligné que la plupart des victimes n’ont pas accès à la justice ni à des mesures de réparation.  La violence religieuse touche profondément les familles et les communautés, a-t-on insisté. À cet égard, la nécessité de politiques spécifiques, de la participation des communautés concernées à leur élaboration et de l’inclusion de l’histoire religieuse dans les programmes scolaires a été mise en avant.

Enfin, plusieurs intervenants ont souligné l’importance du rôle du Comité, notamment à travers ses recommandations générales, ses procédures d’alerte précoce et d’action urgente, ainsi qu’au travers de son suivi des communications (plaintes individuelles). Il a été rappelé que les travaux du Comité ont inspiré des avancées majeures, telles que la proclamation de la première Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, l’élaboration de normes sur les droits collectifs des peuples autochtones et la reconnaissance internationale de la discrimination fondée sur l’ascendance.

Les délégations qui ont pris part au débat ont réaffirmé l’importance de la Convention dans la lutte contre la discrimination raciale. Plusieurs d’entre elles ont mis en avant les mesures adoptées dans leurs pays respectifs, qu’il s’agisse de l’interdiction constitutionnelle de la discrimination, de l’existence de commissions indépendantes chargées de la sensibilisation du public, du renforcement de cadres juridiques ou encore de l’élaboration de politiques publiques destinées à promouvoir l’égalité. Certaines délégations ont insisté sur l’importance de l’éducation, du dialogue interculturel, de la participation directe des communautés concernées et du renforcement des institutions en tant que piliers essentiels d’une société plus inclusive.

D’aucuns ont rappelé que, malgré les progrès réalisés, de nombreuses personnes et communautés – notamment les personnes d’ascendance africaine, les peuples autochtones, les minorités, les migrants et les réfugiés – continuent de faire face à une discrimination persistante, enracinée dans l’héritage du colonialisme et de l’esclavage. Des appels ont été lancés en faveur de mesures de réparation, de la lutte contre l’intolérance et de politiques volontaristes pour transformer les structures qui reproduisent les inégalités historiques.

Certains intervenants ont dénoncé des pratiques discriminatoires dans divers contextes nationaux, évoquant notamment des restrictions linguistiques, la marginalisation de certaines populations ou encore l’existence de systèmes institutionnels produisant des inégalités structurelles. Il a été souligné que l’absence d’application des normes existantes demeure un obstacle majeur à l’élimination de la discrimination raciale.

Plusieurs délégations ont décrit des mécanismes mis en place par leurs pays pour assurer le suivi des recommandations du Comité, et ont encouragé la coopération internationale afin de concrétiser les objectifs de la Convention. Elles ont en outre présenté des actions ciblées au bénéfice des peuples autochtones, des communautés afro-descendantes ou des groupes historiquement exclus, notamment à travers des plans de justice régionale, des consultations menées avec les autorités traditionnelles ou encore des mesures affirmatives visant les droits collectifs et la mémoire historique.

Des préoccupations ont été particulièrement exprimées concernant la situation de certaines communautés, telles que les femmes d’ascendance africaine déplacées par le conflit armé en Colombie ou les communautés roms confrontées à des violences, à la ségrégation et à des violations répétées de leurs droits. Des appels ont été lancés pour que ces situations fassent l’objet d’une attention spécifique du Comité et de mécanismes dédiés.

Des experts du Comité ont posé aux panélistes plusieurs questions portant notamment sur la collecte de données et la publication de statistiques, jugées par certains États difficiles à concilier avec la protection de la vie privée. Les membres du Comité se sont interrogés sur la manière de surmonter ces obstacles, en particulier dans le domaine de la santé et dans des situations marquées par des formes intersectionnelles de discrimination, notamment à l’encontre des Roms.  Ils se sont en outre enquis des perspectives d’une déclaration internationale concernant les personnes d’ascendance africaine et des formes de coopération envisageables pour renforcer les travaux du Comité dans ce domaine.

Table ronde 3 : « La Convention à 60 ans – Un instrument vivant : s'appuyer sur les progrès accomplis pour façonner l'avenir »

La table ronde a été animée par Mme Régine Esseneme, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, qui a indiqué que le débat serait l’occasion de réfléchir à la manière dont les leçons tirées des réalisations et des lacunes passées peuvent éclairer les réponses aux défis dans la lutte contre la discrimination raciale, en particulier en ce qui concerne le traitement réservé aux migrants, les inégalités socioéconomiques aggravées au sein des États et la montée des discours et des crimes de haine. Elle a souligné que la Convention était un instrument vivant, dont la pertinence continue d’être réaffirmée à travers sa procédure d’alerte précoce et d’action urgente, sa procédure de communications (plaintes interétatiques et individuelles), ainsi que ses recommandations générales.

Ont fait des présentations les panélistes ci-après: M. Albert K. Barume, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones; Mme Stamatia Stavrinaki, membre du CERD; Mme Ashwini K.P., Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée; M. Mattias Åhren, professeur invité à la Faculté de droit de l’Université de Lund; M. Carlos Quesada, Directeur exécutif de Race and Equality; M. Paul Divakar Namala, du Global Forum of Communities Discriminated on Work and Descent; ainsi qu’une représentante de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 

Ont ensuite pris part au débat : Uruguay, Brésil, Chine, institution nationale de droits de l’homme de l’Azerbaïdjan, une ONG de République de Corée, Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, International Indian Treaty Council, Peace Woman Belgium 2018, Race and Equality et Rencontre africaine pour les droits de l’homme (RADDHO).

Dans leurs observations, les panélistes ont d’abord fait état d’une augmentation documentée, depuis dix ans, des actes de discrimination envers les personnes pour des raisons liées à leur race et à leur sexe. 

L’UNESCO a présenté son « Alliance mondiale contre le racisme et la discrimination », en tant qu’instrument capable de traduire la Convention en engagements concrets au niveau international. 

L’engagement sans faille du Comité envers les droits des peuples autochtones a été salué. Les peuples autochtones sont souvent présentés comme incapables de se prendre en charge et cette incapacité supposée est justifiée pour confisquer leurs terres et leurs ressources, pour lesquelles il existe une forte demande au niveau mondial, a-t-il été souligné. 

Le Comité, qui n’est pas un organe juridique, applique néanmoins une procédure systématique pour examiner les plaintes (ou communications) dont il est saisi pour des faits de discrimination dans l’emploi, pour des discours de haine ou pour d’autres formes d’inégalité, a-t-il été rappelé. Sur cette base, a-t-il été souligné, le Comité est capable d’identifier les dommages causés par la discrimination raciale et de proposer des solutions. Malheureusement, a-t-il été déploré, seule une minorité des États parties [à la Convention] a accepté la compétence du Comité pour recevoir des plaintes.

Les États ont été appelés à s’appuyer sur les institutions nationales de droits de l’homme pour mieux appliquer la Convention, de même qu’à obliger les entreprises privées à rendre compte de leurs efforts en matière de lutte contre les discours de haine et racistes.

A été citée, en tant que bon exemple de la manière dont le Comité peut contribuer à la réalisation des droits humains – en particulier ceux des peuples autochtones –, la décision Ågren rendue en 2021 par le CERD. Dans cette affaire, a-t-il été rappelé, le Comité a estimé que la Suède avait violé le droit de la communauté autochtone sâme de Vapsten, qui élève des rennes, de contrôler ses terres, en autorisant un projet minier sur les terres de cette communauté contre son gré. Le rôle important joué par les observations générales du Comité a également été mis en avant.

En Amérique latine, les États et la société civile ne tiennent pas suffisamment compte des travaux du Comité, a regretté un intervenant. Il a recommandé que le Comité s’appuie davantage sur les travaux de la société civile pour mieux comprendre la situation dans les pays de cette région et que les organisations de la société civile disposent de ressources pour contribuer aux travaux du Comité.  Le Comité devrait insister davantage pour que les États remettent leurs rapports dans les temps, a-t-il en outre été demandé.

Dans leurs interventions, les délégations se sont notamment jointes aux panélistes pour appeler à une meilleure collaboration des États parties avec le Comité. Des intervenants ont fait remarquer que la crise des liquidités aux Nations Unies devait inciter à un contrôle de l’application de la Convention qui se fasse au plus près du terrain.

Malgré la nécessité de lutter contre l’arrogance et les préjugés fondés sur la race, la couleur et la langue, l’incitation à la haine et la xénophobie persistent, ce qui montre que la Convention reste plus pertinente que jamais, a fait observer un intervenant. L’instrument devra s’adapter aux nouveaux défis qui se posent, notamment face au développement de l’intelligence artificielle, a souligné une délégation.

Il a été souligné que le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme avait publié un guide pour aider les États à intégrer à leurs lois nationales antidiscrimination les principes inscrits dans les instruments onusiens des droits de l’homme. 

L’attention du Comité a par ailleurs été attirée sur le problème de l’extraction de lithium, qui se fait dans certains pays au détriment des droits des peuples autochtones, ainsi que sur la question des réparations devant être accordées aux descendants d’esclaves.

Dans des remarques de conclusion, un panéliste a mis en garde contre les dangers que courent les peuples autochtones confrontés à des acteurs privés qui veulent s’approprier leurs ressources. Il a prié le Comité de tenir compte de cette nouvelle situation étant donné qu’entre 40% et 50% des minéraux de la transition, en particulier le lithium, se trouvent sur, ou à côté, des terres des peuples autochtones.

Il a par ailleurs été recommandé que le Comité mette à jour son observation générale n° 29 concernant les états d’urgence.

Remarques de conclusion

Le Président du Comité, M. MICHAL BALCERZAK, a remercié les États, la société civile, les intervenants, le Haut-Commissariat et le secrétariat pour leur soutien, rappelant le chemin parcouru par le CERD depuis les années 1970 et l’importance du travail collectif réalisé. Il a par ailleurs rendu hommage aux trois membres du Comité dont le mandat s’achève.

M. YEUNG SIK YUEN, membre du Comité, a exprimé sa gratitude au Comité à la veille de son départ après douze ans de mandat [de membre du Comité], évoquant une expérience marquante, parfois difficile, et formulant l’espoir que le CERD poursuive sa mission malgré les défis.

MME GAY MCDOUGALL, membre du Comité, a souligné l’honneur et le privilège que ce fut pour elle de servir le Comité.  Elle a salué le travail commun de toutes les parties prenantes engagées contre le racisme, et a dit espérer avoir contribué positivement aux travaux du Comité.

 

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