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Examen du Gabon au CERD : sont notamment évoquées la situation des peuples autochtones et une montée des discours de haine raciste

Compte rendu de séance

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Gabon au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale .

Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation gabonaise venue soutenir ce rapport, une experte a félicité le Gabon pour le développement significatif, depuis le précédent examen en 1998, d’un cadre juridique et institutionnel pertinent. L’experte a cependant relevé que la Constitution gabonaise de 2024 ne contenait pas tous les motifs de discrimination prévus par la Convention, tels que la couleur de peau, l’origine nationale et l’ascendance.

L’experte a, d’autre part, fait état d’informations selon lesquelles les défenseurs des droits humains et environnementaux du pays, parmi lesquels figurent les femmes, les agriculteurs et les peuples autochtones qui luttent contre la déforestation, sont fortement exposés aux abus et aux représailles. D’après des informations disponibles, a-t-elle déploré, des villages entiers peuplés par des communautés autochtones ont été déplacés, sans consentement préalable, pour des projets miniers à Bakoumba, et ont été relocalisés dans des zones indésirables et polluées.

Cette même experte a tenu à souligner que la souveraineté de l’État devait s’exercer au profit de toute la population, y compris des peuples autochtones. Elle a demandé quelles mesures spéciales, ou d’action positive, étaient envisagées pour lutter contre les inégalités et les formes multiples de discrimination à l’égard des minorités ethniques et des peuples autochtones et pour garantir que ces groupes jouissent effectivement de leurs droits sur l’ensemble du territoire gabonais.

Le Comité est en outre informé que depuis la survenue des événements politiques du 30 août 2023 qui ont amené au pouvoir le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), il y avait une montée de discours de haine raciste contre les Gabonais d’origine étrangère et contre les étrangers, y compris le peuple de commerçants d’origine haoussa, a poursuivi l’experte, avant d’ajouter que la situation semble plutôt s’être détériorée depuis l’élection présidentielle. Elle s’est interrogée sur la recherche de la « Gabonité d’origine » qui, selon certaines sources, semble revenir en force depuis les évènements d’août 2023. Elle a par ailleurs relevé que les forces de maintien de l’ordre gabonaises effectueraient des contrôles au faciès.

Un autre expert a fait part de la préoccupation du Comité face au manque général de données ventilées, y compris concernant l’appartenance ou l’origine ethnique, nécessaires pour suivre les progrès accomplis au Gabon en matière de droits humains et pour éclairer l'élaboration des politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Paul-Marie Gondjout, Ministre de la justice et Garde des Sceaux de la République gabonaise, a indiqué que la Constitution de 1991 révisée en 2023, la Charte de la Transition du 2 septembre 2023 et la nouvelle Constitution de 2024 avaient consacré les grands principes énoncés par l’article premier de la Convention. La nouvelle Constitution se distingue des anciennes en ce qu’elle consacre ces principes dans plusieurs articles. Les différents textes constitutionnels visent ainsi les discriminations raciales basées sur la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique, a dit le Ministre.

M. Gondjout a ensuite mentionné plusieurs mesures prises par le Gabon pour garantir la conformité du Code pénal et des autre textes législatifs avec les dispositions de l’article 4 de la Convention. Différents textes prévoient notamment la condamnation de tout acte de discrimination raciale, religieuse, ethnique et toute propagande régionaliste, ainsi que l’interdiction de proférer des menaces ou des injures à caractère raciste, régionaliste, religieux par voie électronique. Pour les personnes physiques, les textes prévoient des sanctions restrictives de libertés contre quiconque incite à la haine raciale et prononce le discours de haine, se livre à la diffamation et aux injures à caractère racial.

S’agissant de l’alignement de la loi sur les normes internationales en matière de protection des droits humains des migrants, M. Gondjout a mentionné l’élaboration d’un avant-projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi de 1986 fixant le régime d’admission et de séjour des étrangers ; le texte est en cours de validation par le Ministère de l’intérieur, a-t-il fait savoir.

Par ailleurs, a dit le Ministre, le Gabon a déployé des efforts pour mieux lutter contre la traite des êtres humains dans tous ses aspects, à travers des initiatives propres et des partenariats avec les acteurs internationaux, y compris la publication d’un décret portant création de la Commission nationale de prévention et de lutte contre la traite des personnes en République gabonaise.

La délégation gabonaise était également composée, entre autres, de Mme Mireille Sarah Nzenze, Représentante permanente du Gabon auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice, et de l’énergie et des ressources hydrauliques.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a notamment indiqué qu’actuellement, l’État passait en revue toutes les situations administratives. Des irrégularités dans l’application d’un précédent décret de naturalisation ont été détectées après ces vérifications, a-t-elle précisé, avant d’assurer que la situation administrative des Haoussas était traitée comme celle de tous les autres Gabonais. D’autre part, lors de contrôles par la police, les agents ne s’intéressent pas au faciès mais aux pièces d’identité des personnes contrôlées, a assuré la délégation.

Les politiques gabonaises de protection sociale touchent aussi les peuples autochtones, ces populations étant systématiquement inscrites à la caisse nationale d’assurance maladie et d’autres dispositifs de protection sociale, a par ailleurs fait valoir la délégation. L’État a le droit souverain d’autoriser des projets utiles au développement du pays, a d’autre part déclaré la délégation. La réduction des inégalités est un travail multisectoriel auquel le Gouvernement s’attelle au profit en particulier des personnes handicapées, des peuples autochtones et des femmes, a ajouté la délégation.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Gabon et les publiera à l’issue de sa session, le 9 mai prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Kirghizistan.

Examen du rapport du Gabon

Le Comité est saisi du dixième rapport du Gabon (CERD/C/GAB/10), document couvrant la période 1999-2021 et établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. PAUL-MARIE GONDJOUT, Ministre de la justice et Garde des Sceaux de la République gabonaise , a d’abord rappelé que depuis les événements du 30 août 2023, marqués par « le coup de la libération », son pays était engagé dans un processus de transition démocratique piloté par le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI) sous l’égide du Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema. Structuré autour de réformes institutionnelles profondes, ce processus a permis de poser les bases d’une gouvernance plus transparente et démocratique dont les points culminants ont porté, notamment, sur l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2024.

À ce processus de révision constitutionnelle, a précisé le Ministre de la justice, s’est ajoutée l’action déterminée des autorités de la Transition visant la modernisation et le renforcement de l’administration de la justice, ainsi que la mise à jour de l’arsenal juridique législatif pour sa mise en adéquation avec les traités internationaux.

M. Gondjout a ensuite indiqué que le Gouvernement s’était engagé dans le septième Recensement général de la population du Gabon (RGPL). Les questionnaires du recensement en cours permettront de disposer de données sur l’effectif et la répartition de la population selon l’âge, le sexe, l’ethnie, la nationalité et la langue parlée, notamment ; ces statistiques seront disponibles pour la population totale, les peuples autochtones, les minorités ethniques et pour les migrants, a-t-il précisé.

Le Ministre a par ailleurs indiqué que « les dispositions de la Convention sont d’application directe et peuvent être évoquées devant les tribunaux », et que pour faire mieux connaître l’instrument, plusieurs initiatives ont été mises en œuvre, allant des ateliers de renforcement des capacités aux activités de sensibilisation et à la diffusion de supports de communication.

Le Ministre a aussi indiqué que si aucun texte gabonais ne définit la discrimination raciale dans les mêmes termes que ceux de l’article premier de la Convention, la Constitution de 1991 révisée en 2023, la Charte de la Transition du 2 septembre 2023 et la nouvelle Constitution de 2024 ont adopté et consacré les grands principes énoncés par l’article premier de la Convention. La nouvelle Constitution se distingue des anciennes en ce qu’elle consacre ces principes dans plusieurs articles. Les différents textes constitutionnels visent ainsi les discriminations raciales basées sur la race, la couleur, l’origine nationale ou ethnique.

D’autre part, a poursuivi le Ministre, l’élaboration d’un plan d’action national visant à lutter contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée est envisagée pour l’année à venir, un comité restreint ayant été mis en place pour élaborer un projet.

M. Gondjout a par ailleurs fait savoir que la loi de 2024 portant réorganisation de la Commission nationale des droits de l’homme en République gabonaise avait été promulguée en novembre 2024, et que le processus d’établissement de l’institution aboutirait dans les prochaines semaines après sélection des commissaires par l’Assemblée nationale.

M. Gondjout a ensuite mentionné plusieurs mesures prises par le Gabon pour garantir la conformité du Code pénal et des autre textes législatifs avec les dispositions de l’article 4 de la Convention. Différents textes prévoient notamment la condamnation de tout acte de discrimination raciale, religieuse, ethnique et toute propagande régionaliste, ainsi que l’interdiction de proférer des menaces ou des injures à caractère raciste, régionaliste, religieux par voie électronique. Pour les personnes physiques, les textes prévoient des sanctions restrictives de libertés contre quiconque incite à la haine raciale et prononce le discours de haine, se livre à la diffamation et aux injures à caractère racial.

Les efforts du Gabon pour lutter contre les discours de haine envisagent également des mesures autres que pénales, a précisé le Ministre de la justice : ainsi, une campagne numérique intitulé « le Gabon contre la haine » a été lancée en 2023 pour éduquer les citoyens et en particulier les jeunes sur les dangers liés aux discours de haine et à la diffusion de fausses informations, a-t-il indiqué.

S’agissant de l’alignement de la loi sur les normes internationales en matière de protection des droits humains des migrants, M. Gondjout a mentionné l’élaboration d’un avant-projet de loi portant modification de certaines dispositions de la loi de 1986 fixant le régime d’admission et de séjour des étrangers ; le texte est en cours de validation par le Ministère de l’intérieur, a-t-il fait savoir.

Enfin, a ajouté le Ministre, le Gabon a déployé des efforts pour mieux lutter contre la traite des êtres humains dans tous ses aspects, à travers des initiatives propres et des partenariats avec les acteurs internationaux. Les mesures et actions décrites dans le rapport ont été renforcées en 2023 par la publication d’un décret portant création de la Commission nationale de prévention et de lutte contre la traite des personnes en République gabonaise.

Questions et observations des membres du Comité

Dans des remarques introductives, MME RÉGINE ESSENEME, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Gabon , a regretté de prime abord que le rapport présenté ne renseigne pas suffisamment sur la mise en œuvre de la plupart des recommandations formulées par le Comité dans ses dernières observations finales [en 1998]. Elle a cependant félicité le Gabon pour le développement significatif, dans l’intervalle, d’un cadre juridique et institutionnel pertinent.

Mme Esseneme a ensuite relevé que les articles premier et 2 de la Constitution gabonaise de 2024 ne contenaient pas tous les motifs de discrimination prévus par l’article premier de la Convention, tels que la couleur de peau, l’origine nationale et l’ascendance. L’experte a demandé si la nouvelle Constitution était entrée en vigueur et a voulu savoir par quel mécanisme elle pouvait être invoquée devant les instances judiciaires ou administratives, ou appliquée par les juges ou d’autres organismes de règlement de litiges. L’experte a aussi voulu savoir quels étaient les éléments constitutifs d’un « acte de discrimination raciale » qui, comme le prévoit la Constitution, sera puni par la loi.

Mme Esseneme a ensuite demandé s’il existait au Gabon une législation interdisant explicitement le profilage racial et les contrôles dits « au faciès » par les forces de l’ordre. Il est revenu au Comité, a-t-elle souligné, que les forces de maintien de l’ordre gabonaises effectuent des contrôles au faciès et rackettent les étrangers séjournant au Gabon en situation régulière ou irrégulière, en exigeant d’eux des sommes d’argent dont les montants varient selon que la personne détient ou non une carte de séjour.

S’agissant des mesures visant à prévenir et combattre les crimes et les discours de haine à caractère raciste, l’experte a demandé s’il était prévu de modifier le Code pénal gabonais de 2019 pour qu’il tienne compte des dispositions de l’article 4 de la Convention. Le Comité a été informé que depuis la survenue des événements politiques du 30 août 2023 qui ont amené au pouvoir le Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), il y avait une montée de discours de haine raciste au Gabon contre les Gabonais d’origine étrangère et contre les étrangers, y compris le peuple de commerçants d’origine haoussa, a fait savoir Mme Esseneme. La situation semble plutôt s’être détériorée depuis l’élection présidentielle, a-t-elle poursuivi, puisque dans la matinée du 25 avril 2025, le Comité a été informé de ce que 500 véhicules à usage de taxi appartenant à des non-ressortissants ont été saisies et mis en fourrière. Le Comité souhaite avoir des informations actualisées sur cette affaire qui s’apparente à des violences à caractère raciste, a dit l’experte.

Au regard du manque de jurisprudence, Mme Esseneme s’est en outre interrogée sur les mesures prises ou envisagées pour améliorer le signalement et le suivi des crimes et des discours de haine à caractère raciste et xénophobe, y compris pour ce qui est de l’établissement d’un système d’enregistrement et de collecte de données à ce sujet.

Mme Esseneme a par ailleurs demandé si les discours publics de haine raciste proférés par des politiciens étaient considérés comme des infractions à caractère personnel et comment ils devaient être dénoncés à la justice.

Mme Esseneme a ensuite demandé quelles mesures le Gabon avaient prises pour mettre en œuvre le Programme d’action de Durban [en matière de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée]. Elle a d’autre part voulu savoir de combien de plaintes l’institution nationale de droits de l’homme gabonaise avait été saisie relativement à des cas de discrimination raciale, et s’il était prévu de renforcer le mandat de l’instance en matière de prévention de la discrimination raciale.

Mme Esseneme a fait état d’informations selon lesquelles les défenseurs des droits humains et environnementaux du pays, parmi lesquels figurent les femmes, les agriculteurs et les peuples autochtones qui luttent contre la déforestation, sont fortement exposés aux abus et aux représailles.

En l’absence de jurisprudence, il est difficile pour le Comité d’apprécier l’application concrète des dispositions constitutionnelles et législatives en ce qui concerne les victimes de discrimination raciale, a d’autre part regretté l’experte. Estimant que ce manque de jurisprudence était symptomatique d’une ignorance de l’existence de la Convention, elle s’est enquise des formations ou sensibilisations à la Convention dispensées aux défenseurs des droits de l’homme, aux avocats, aux fonctionnaires de justice et aux membres des forces de l’ordre. Elle a en outre voulu savoir s’il était envisagé de renverser la charge de la preuve, afin qu’il revienne aux mis en cause de prouver que leurs actes n’étaient pas discriminatoires.

L’experte s’est par ailleurs interrogée sur le résultat de la réflexion engagée en vue d’intégrer dans les curricula des savoirs en rapport avec l’histoire, la culture et les traditions des différents groupes ethniques et des populations autochtones.

Mme Esseneme s’est ensuite interrogée sur la situation des Haoussas gabonais depuis leur naturalisation en 2015, et des autres Gabonais naturalisés, s’agissant de leur intégration à la nation. Des Gabonais naturalisés ou d’origine haoussa rencontreraient des difficultés à se faire établir des pièces d’identité, notamment des passeports, a fait remarquer l’experte. Elle s’est interrogée sur la recherche de la « Gabonité d’origine » qui, selon certaines sources, semble revenir en force depuis les évènements d’août 2023.

Mme Esseneme a voulu savoir combien d’autochtones occupaient des postes de responsabilité dans l’administration centrale et locale de l’État, et en particulier combien de femmes issues des peuples autochtones et de la minorité haoussa-gabonaise occupaient des postes électifs et des postes de décision dans la fonction publique.

Plusieurs projets ayant une incidence sur le mode de vie ou sur l’écosystème environnemental des peuples autochtones ont été réalisés au Gabon, notamment concernant le déploiement de la fibre optique et la gestion durable des forêts et la certification forestière, a poursuivi l’experte. De plus, a-t-elle ajouté, d’après des informations disponibles, des villages entiers peuplés par des communautés autochtones ont été déplacés, sans consentement préalable, pour des projets miniers à Bakoumba, et ont été relocalisés dans des zones indésirables et polluées. Mme Esseneme s’est enquise des mécanismes permettant de mener des consultations préalables afin d’obtenir le consentement libre et éclairé des populations autochtones concernées par des projets et de les faire participer à leur réalisation.

L’experte a posé d’autres questions relatives à l’accès des membres de communautés autochtones au logement, à l’eau, à l’assainissement et aux services de santé. Le Comité souhaite particulièrement savoir s’il existe des émissions en langue baka et koya parlées par les peuples autochtones, a-t-elle ajouté. Elle a demandé ce qui était fait pour permettre aux peuples autochtones de bénéficier dans les faits d’une véritable égalité de chances et de traitement par rapport aux autres composantes de la population.

Mme Esseneme a souligné que la souveraineté de l’État devait s’exercer au profit de toute la population, y compris des peuples autochtones. Elle a demandé quelles mesures spéciales, ou d’action positive, étaient envisagées pour lutter contre les inégalités et les formes multiples de discrimination, notamment la discrimination raciale, à l’égard des minorités ethniques et des peuples autochtones, tels que les Baka, Babongo, Bakoya Baghame, Barimba, Akoula et Akwoa, et pour garantir que ces groupes jouissent effectivement de leurs droits sur l’ensemble du territoire gabonais.

M. BAKARI SIDIKI DIABY, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport du Gabon , a fait part de la préoccupation du Comité face au manque général de données ventilées, y compris concernant l’appartenance ou l’origine ethnique, nécessaires pour suivre les progrès accomplis au Gabon en matière de droits humains et pour éclairer l'élaboration des politiques.

M. Diaby a par ailleurs rappelé des préoccupations exprimées en 2013 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels au sujet de pratiques discriminatoires qui peuvent découler de la politique de « gabonisation » des emplois en raison de l’introduction d’obstacles à l’emploi des Gabonais d’origine étrangère ou de pratiques facilitant leur licenciement.

M. Diaby et Mme Esseneme se sont enquis des mesures prises pour que les personnes appartenant à des peuples autochtones et à des minorités ethniques, ainsi que les personnes non-ressortissantes puissent exercer leur droit à la liberté de réunion sans discrimination, y compris dans le cadre des manifestations en opposition à des projets d’infrastructure ou en faveur de la protection de l’environnement et des ressources naturelles.

Un autre expert membre du Comité a demandé comment l’État traitait les crimes rituels commis sur des enfants défavorisés.

Plusieurs questions des experts ont porté sur la participation des femmes à la vie politique gabonaise, ainsi que sur l’intégration sociale des personnes handicapées.

 

Réponses de la délégation

La délégation a d’abord présenté les excuses du Gabon pour la présentation tardive du rapport, et a assuré de la volonté du pays de respecter ses engagements vis-à-vis du Comité de même que ses engagements internationaux.

La nouvelle Constitution prendra pleinement effet avec l’installation du Président de la République élu, soit le 3 mai prochain, et des dispositions transitoires régiront certains aspects institutionnels, a fait savoir la délégation.

La Constitution de 2024 n’est pas une révision mais un nouveau texte qui vient changer le système politique gabonais, a-t-elle par la suite précisé.

Tout plaignant ayant subi un acte à caractère raciste peut saisir la justice en invoquant la Convention, a indiqué la délégation, avant d’ajouter que si la Convention est rarement invoquée dans les décisions de justice, cela peut s’expliquer par le fait que les actes racistes, en tant qu’infractions à caractère personnel, ne sont poursuivis que sur plainte des victimes.

La délégation a précisé que plusieurs éléments et principes de la Convention – notamment ceux relatifs à la lutte contre la haine raciale, contre la discrimination raciale et contre la propagande ethnique – étaient énumérés dans des textes de loi sectoriels. Le Gouvernement tient à ce que le discours raciste n’ait pas droit de cité au Gabon, a insisté la délégation.

S’agissant des infractions commises par voie de presse, la Haute Autorité de la communication (régulateur) peut s’autosaisir et prendre des sanctions administratives, lesquelles n’empêchent pas le recours à la justice.

La révision du Code pénal de 2019 qui est en cours tiendra compte des observations que fera le Comité au sujet, en particulier, de l’article premier de la Convention, a assuré la délégation.

La délégation a souligné que toute personne qui s’avise de poser un acte troublant l’ordre public pouvait être arrêtée, sans considération de son origine ni de sa nationalité, seuls les faits étant pris en compte par les forces de l’ordre. La loi interdit le profilage racial, a indiqué la délégation. S’il faut rassembler des données biométriques, l’accord de la personne intéressée doit être obtenu, a-t-elle ajouté.

La loi sur la protection des données personnelles interdit de collecter ou de traiter des données qui font apparaître directement ou indirectement l’origine ethnique d’une personne, a-t-il été précisé. Lors de contrôles par la police, les agents ne s’intéressent pas au faciès mais aux pièces d’identité des personnes contrôlées, a insisté la délégation.

Le Gouvernement veille à ce que l’on ne trouble pas la paix publique et à ce que le discours de haine ne gagne pas de terrain, a poursuivi la délégation. Le Gouvernement, qui mène une politique d’intégration au profit de toutes les communautés, a rappelé aux internautes que le Gabon reste une terre d’accueil où toutes les populations peuvent vivre, a-t-elle souligné.

Il n’y a pas à ce stade de communiqué officiel confirmant l’affaire des taxis mentionnée par un expert, a par ailleurs indiqué la délégation.

Dans l’état actuel des statistiques nationales, qui reposent sur le recensement de 2013, il est difficile d’obtenir des données ethniques, a expliqué la délégation. Cependant, le processus actuel de recensement contient la variable ethnique et permettra de recueillir des données dans ce domaine, a-t-elle souligné. La délégation a d’autre part mentionné la création d’une agence nationale des statistiques qui aidera les services de l’État à, notamment, mieux suivre l’application de la Convention. Il est déjà possible, à l’heure actuelle, de déterminer les taux de chômage respectifs des Gabonais et des non-ressortissants, a précisé la délégation.

Les textes juridiques gabonais ne parlent pas de « crimes rituels » mais de « crimes ou assassinats avec prélèvement d’organes », a-t-il été précisé. Ces crimes, qui concernent des enfants et des adultes, sont réprimés et leurs auteurs présentés à la justice, a assuré la délégation.

Le projet de loi sur la nouvelle institution nationale de droits de l’homme gabonaise a été élaboré avec l’aide du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme (GANHRI), a par ailleurs indiqué la délégation, soulignant que les commissaires de cette institution seront désignés au terme d’un processus transparent. L’actuelle Commission nationale des droits de l’homme dispose d’un budget de près d’un demi-milliard de francs CFA, ce qui témoigne de l’importance accordée à cette instance, a ajouté la délégation.

La loi dispose actuellement que les personnes qui saisissent la justice doivent apporter la preuve de la discrimination subie, a d’autre part souligné la délégation, avant d’indiquer que les autorités examinent la possibilité de renverser la charge de la preuve.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts portant sur le mécanisme d’assistance judiciaire gratuite.

La délégation a précisé qu’il n’y avait aucune obligation pécuniaire relative à la création d’une association au Gabon, en dehors d’un émolument de 10 000 francs CFA pour publication au Journal officiel. Tous les citoyens gabonais ont le droit de se réunir librement , a ajouté la délégation ; cette garantie constitutionnelle se traduit par une loi organique. Des recours administratif et juridictionnel peuvent être introduits en cas de refus de l’autorisation de se réunir ; sans réponse des autorités, la manifestation est considérée comme autorisée, a expliqué la délégation.

Le droit gabonais consacre l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans aucune discrimination, a insisté la délégation. Toute infraction à ce principe étant sanctionnée par la loi, l’administration ne manquerait pas, le cas échéant, de donner les suites qui s’imposent en cas de violation du droit d’association des peuples autochtones, a-t-elle assuré.

L’ éducation aux droits de l’homme est intégrée à l’enseignement au civisme à l’école, a-t-il été précisé en réponse à d’autres questions des experts. La Ligue estudiantine des droits de l’homme de l’Université Omar Bongo est diverse et compte parmi ses membres des étudiants autochtones et bantous, a indiqué la délégation ; elle organise des activités de sensibilisation aux droits de l’homme et sert de relais aux autorités dans l’enseignement supérieur. L’École nationale de la magistrature dispense en formation initiale des enseignements aux droits de l’homme, qui seront renforcés, a ajouté la délégation.

S’agissant des questions relatives aux migrations, il a été précisé que la loi de 1986 vise à lutter contre l’immigration clandestine et à réguler les entrées sur le territoire. Désuet, ce texte fait l’objet d’une révision, a fait savoir la délégation. Les autorités organisent des campagnes de régularisation des situations irrégulières et il n’y a quasiment aucun cas de personne détenue pour immigration clandestine au Gabon, a-t-elle ajouté.

Il n’y a pas de camps de réfugiés au Gabon, a par ailleurs souligné la délégation. Les personnes réfugiées au Gabon sont prises en charge par le même système de santé que les Gabonais, a-t-elle indiqué.

Le Gabon a adopté plusieurs politiques visant les personnes à risque d’apatridie, a en outre fait savoir la délégation.

La délégation a indiqué qu’actuellement, l’État passait en revue toutes les situations administratives : il s’agit d’une question de sécurité nationale et de volonté de savoir qui vit au Gabon, a-t-elle souligné. Des irrégularités dans l’application d’un précédent décret de naturalisation ont été détectées après ces vérifications, a fait savoir la délégation, avant d’assurer que la situation administrative des Haoussas était traitée comme celle de tous les autres Gabonais.

Les politiques gabonaises de protection sociale touchent aussi les peuples autochtones, ces populations étant systématiquement inscrites à la caisse nationale d’assurance maladie et d’autres dispositifs de protection sociale, a par ailleurs souligné la délégation. Un programme de soins ambulatoires pour peuples autochtones a été mis sur pied, comprenant par exemple des services de consultations prénatales et de vaccination, a-t-elle fait valoir. Ce programme vise à remédier au manque d’accès aux soins dans les zones rurales, un problème qui ne touche pas seulement les peuples autochtones, a-t-elle fait remarquer. La politique nationale de santé intègre la médecine traditionnelle et celle des peuples autochtones, a ajouté la délégation.

La délégation a ensuite mentionné le lancement d’un programme d’égalité des chances destiné à remédier aux inégalités dans l’accès à la formation et à l’éducation, à l’emploi et aux soins de qualité, ainsi que d’autres mesures de lutte contre la discrimination à l’égard des peuples autochtones. Les politiques publiques n’opèrent aucune discrimination et intègrent toutes les catégories de population, a assuré la délégation.

La délégation a confirmé que la production d’or dans la zone de Bakoumba avait entraîné le déplacement et le relogement de populations autochtones. Elle a dit douter que les conditions de ce déplacement aient été telles que décrites par l’experte du Comité [Mme Esseneme] qui a abordé cette question durant le dialogue. L’État a le droit souverain d’autoriser des projets utiles au développement du pays, a déclaré la délégation.

La délégation a par ailleurs mentionné l’existence de radios communautaires qui diffusent des émissions dans les langues vernaculaires.

Le Plan décennal pour la femme gabonaise contient des mesures spécifiques en direction des femmes autochtones, a d’autre part souligné la délégation. Les femmes migrantes et réfugiées bénéficient des mesures prises par le Gouvernement en faveur des femmes en général, a-t-elle ajouté.

La réduction des inégalités est un travail multisectoriel auquel le Gouvernement s’attelle au profit en particulier des personnes handicapées, des peuples autochtones et des femmes, a indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs mentionné la création d’un observatoire des inégalités chargé de produire des indicateurs pour orienter l’action dans ce domaine. Toutes les mesures à cet égard visent l’ensemble de la population gabonaise, a-t-elle précisé.

Le Gouvernement a déployé un programme de lutte contre la traite des personnes , a poursuivi la délégation. Dans ce cadre, des protocoles normalisés ont été élaborés pour identifier les victimes potentielles dans les flux migratoires, s’agissant en particulier de l’immigration intra-africaine irrégulière organisée par des groupes criminels transfrontaliers. Les autorités connaissent des cas d’exploitation servile ou encore de mendicité forcée impliquant des enfants originaires de pays d’Afrique de l’Ouest, a-t-il été précisé. Pour contrer le problème, le Gabon sollicite notamment l’entraide judiciaire et policière des pays de transit et d’origine, a indiqué la délégation.

Il a enfin été précisé que le Gabon accordait un intérêt particulier à la coopération avec les mécanismes des droits de l’homme, et que le pays veillerait ces prochaines années à la mise en œuvre de la Convention avec l’implication de l’ensemble des acteurs de promotion et de protection des droits de l’homme. 

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CERD25.007F

 

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