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Conseil des droits de l’homme : M. Türk dénonce l’effondrement des droits de l’homme en Afghanistan et la détérioration continue et généralisée de ces droits au Nicaragua

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a tenu ce matin deux dialogues interactifs avec M. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme – l’un autour du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan et l’autre autour du rapport du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua.

Les droits de l’homme en Afghanistan se sont effondrés, affectant gravement la vie de millions de femmes, d'hommes, de filles et de garçons, a d’emblée déclaré M. Türk en présentant le premier de ces deux rapports. Les violations des droits de l'homme dans le pays ne sont pas nouvelles, mais la dynamique imposée par les Taliban depuis leur arrivée au pouvoir il y a deux ans constitue une atteinte systématique aux droits et libertés de la population, qui vise particulièrement les femmes et les jeunes filles et les exclut de la plupart des aspects de la vie publique et quotidienne, a-t-il souligné.

Le Haut-Commissaire s’est alarmé de ce que les protections institutionnelles des droits de l'homme aient été réduites à néant à tous les niveaux en Afghanistan. Il a dénoncé les restrictions de plus en plus sévères, qui « étouffent les libertés fondamentales des femmes et des jeunes filles, les confinant de fait entre les quatre murs de leur maison ». Elles deviennent invisibles, a insisté le Haut-Commissaire. Il ne saurait y avoir de perspective d’avenir stable et prospère pour l'Afghanistan sans la participation de la moitié de la population, a-t-il souligné.

Les châtiments corporels et les exécutions publiques ont repris et des rapports font état d'exécutions extrajudiciaires, de tortures et de mauvais traitements ainsi que d'arrestations et de détentions arbitraires, a par ailleurs indiqué le Haut-Commissaire. À tout cela s'ajoute un « manque profondément troublant » de responsabilisation des auteurs de violations des droits de l'homme, a souligné M. Türk.  Il a par ailleurs fustigé le musèlement imposé aux médias en Afghanistan.

La communauté internationale ne peut pas tourner le dos au peuple afghan, a insisté le Haut-Commissaire, déplorant cette « crise des droits de l'homme de premier ordre ».

L’Afghanistan a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations* ne prennent la parole dans le cadre du dialogue noué autour du rapport du Haut-Commissariat.  La plupart des intervenants ont dénoncé ce qu’une délégation a qualifié de « résultat tragique de deux années de règne des Taliban en Afghanistan ».  Certains ont pour leur part déploré que les ressources de l'Afghanistan aient été séquestrées et que l'accès du pays au financement international ait été bloqué.

Présentant ensuite son rapport sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua, M. Türk s’est dit profondément attristé par la détérioration continue et généralisée des droits de l’homme au Nicaragua. Punir et exclure ceux qui expriment leurs opinions et intensifier encore l’isolement du pays sont des politiques qui ne servent pas les intérêts du peuple nicaraguayen, ni même ceux des autorités, a-t-il déclaré.  Il s’est en outre inquiété de la montée brutale et continue de la violence dans les territoires des autochtones et des personnes d’ascendance africaine au cours de l’année écoulée, ainsi que du nombre élevé de mariages d’enfants et de grossesses d’adolescentes au Nicaragua et de l’interdiction totale de l’avortement dans le pays.

M. Türk a dit regretter l’absence de réponse du Gouvernement aux communications qui lui sont adressées et son refus de coopérer avec les organismes internationaux ou avec le Haut-Commissariat.

Le Haut-Commissaire a exhorté le Gouvernement nicaraguayen à permettre à son peuple de se rencontrer, de s’exprimer et de participer pleinement et librement aux décisions.  Il a plaidé pour la libération de toutes les personnes arbitrairement détenues, ainsi que pour la restauration, sans discrimination, des droits des individus privés de leur nationalité.  Le Haut-Commissaire a également exhorté la communauté international à poursuivre ses efforts pour influencer les autorités et soutenir les réfugiés et requérants d’asile nicaraguayens.

Le Nicaragua a fait une déclaration en tant que pays concerné, avant que de nombreuses délégations** n’interviennent dans le cadre du dialogue autour du rapport présenté par le Haut-Commissaire.  De nombreuses délégations ont dit être profondément préoccupées par la détérioration de la situation des droits de l’homme au Nicaragua.  Les autorités ont été exhortées à entamer une coopération avec les mécanismes internationaux de droits de l’homme et à reprendre le dialogue avec le Haut-Commissariat et le système interaméricain des droits de l’homme.  Nombre d’intervenants ont pour leur part dénoncé les résolutions visant spécifiquement un pays et adoptées sans l’accord du pays concerné. D’aucuns ont déploré que le rapport ne présente pas les réalisations des autorités nicaraguayennes en faveur de la population.

 

Cet après-midi à 15 heures, le Conseil doit tenir un dialogue interactif autour de la mise à jour orale du Haut-Commissaire sur la situation au Soudan et entendre une mise à jour orale du Groupe d’experts des droits de l’homme sur le Nicaragua, avant d’entamer son débat général au titre du point 2 de son ordre du jour intitulé « Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général ».

 

Dialogue autour du rapport du Haut-Commissariat sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan  

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l'homme en Afghanistan (A/HRC/54/21, à paraître en français).

Présentation du rapport

Les droits de l'homme en Afghanistan se sont effondrés, affectant gravement la vie de millions de femmes, d'hommes, de filles et de garçons, a d’emblée déclaré M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, en présentant ce rapport. Les violations des droits de l'homme dans le pays ne sont pas nouvelles, mais la dynamique imposée par les Taliban depuis leur arrivée au pouvoir il y a deux ans constitue une atteinte systématique aux droits et libertés de la population, qui vise particulièrement les femmes et les jeunes filles et les exclut de la plupart des aspects de la vie publique et quotidienne, a-t-il souligné.

Le Haut-Commissaire s’est alarmé de ce que les protections institutionnelles des droits de l'homme aient été réduites à néant à tous les niveaux en Afghanistan. Le « niveau choquant » d'oppression des femmes et des filles afghanes est d'une « cruauté incommensurable », a-t-il déclaré, avant de rappeler que l'Afghanistan a créé un précédent dévastateur en étant le seul pays au monde où les femmes et les filles se voient refuser l'accès à l'enseignement secondaire et supérieur.

M. Türk a dénoncé les restrictions de plus en plus sévères, qui « étouffent les libertés fondamentales des femmes et des jeunes filles, les confinant de fait entre les quatre murs de leur maison ». Elles deviennent invisibles, a insisté le Haut-Commissaire, déplorant la longue liste de restrictions et d'édits misogynes – de l'interdiction permanente de l'enseignement secondaire et supérieur à l'obligation de porter le hijab dans les lieux publics –, avec des punitions s'étendant aux hommes de la famille si cela n’est pas respecté. 

M. Türk a également souligné qu’il est interdit aux femmes de travailler pour des organisations non gouvernementales (ONG) nationales ou internationales, et maintenant pour les Nations Unies ; cette dernière interdiction va à l'encontre de la Charte des Nations Unies et de son principe fondamental d'égalité, compromettant à la fois les droits de l'homme et la réponse humanitaire, a indiqué le Haut-Commissaire. Les femmes et les jeunes filles dont il est jugé qu’elles ne se conforment pas à cette litanie de règles risquent l'arrestation et la détention arbitraires, le harcèlement et même la violence physique, tout comme leurs parents masculins, a insisté le Haut-Commissaire.

Que peut-il bien se passer ensuite, s’est interrogé M. Türk? Il ne saurait y avoir de perspective d’avenir stable et prospère pour l'Afghanistan sans la participation de la moitié de la population, a-t-il souligné : refuser aux femmes et aux jeunes filles le droit de participer à la vie quotidienne et publique, c'est non seulement les priver de leurs droits fondamentaux, mais c'est aussi priver l'Afghanistan des contributions qu'elles ont à offrir, a-t-il insisté.

Regrettant « l’érosion systématique des lois et des institutions » qui autrefois conféraient une certaine protection des droits de l'homme, le Haut-Commissaire a déploré la suspension de la Constitution et le fait que les lois soient désormais édictées par des décrets plutôt que par des processus consultatifs. Il a également regretté que la Commission indépendante des droits humains de l’Afghanistan, qui jouait autrefois un rôle essentiel, n'existe plus. Les châtiments corporels et les exécutions publiques ont repris et des rapports font état d'exécutions extrajudiciaires, de tortures et de mauvais traitements ainsi que d'arrestations et de détentions arbitraires, a indiqué le Haut-Commissaire. Les droits des accusés sont régulièrement violés en raison du non-respect des garanties procédurales et du manque de moyens du système de justice pénale, a-t-il poursuivi. À tout cela s'ajoute un « manque profondément troublant » de responsabilisation des auteurs de violations des droits de l'homme, a indiqué M. Türk.

Le Haut-Commissaire a par ailleurs fustigé le musèlement imposé aux médias en Afghanistan. De nombreux médias ont été contraints de cesser leurs activités, a-t-il indiqué, avant d’ajouter que la société civile est confrontée à des contraintes similaires. En outre, les autorités de facto ont eu recours à des arrestations et détentions arbitraires et parfois à une force excessive pour réduire au silence les dissidents et anéantir la liberté d'expression, a déploré le Haut-Commissaire.

En conclusion, M. Türk a assuré que la Mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan continuerait dans la mesure du possible à s’intéresser aux cas individuels et à les porter à la connaissance des autorités, ainsi qu’à exhorter ces dernières à respecter le droit international. Il a souligné qu’en l'absence d'autres institutions de défense des droits de l'homme dans le pays et de nombreuses missions diplomatiques, cette présence sur le terrain n'a jamais été aussi cruciale. La communauté internationale ne peut pas tourner le dos au peuple afghan, a insisté le Haut-Commissaire, déplorant cette « crise des droits de l'homme de premier ordre ». Il a enfin encouragé les États à agir pour aider à relever les défis auxquels l'économie afghane est confrontée ; cela impliquera des efforts concrets pour restaurer les systèmes (flux) financiers afin qu'ils profitent réellement au peuple afghan, y compris aux femmes et aux filles, et pour veiller à ce que les sanctions n'aient pas d'impact sur les besoins humanitaires, a-t-il précisé. 

Il faut radicalement changer de cap, a conclu M. Türk à l’attention des autorités de facto.

Pays concerné

L’Afghanistan a salué ce rapport complet. Rappelant que des progrès en matière de droits humains avaient été réalisés par les autorités précédentes, la délégation afghane a déploré que les Taliban aient sapé ces avancées. Elle a rappelé que l’Afghanistan reste lié par les obligations internationales en matière de droits humains qui découlent des traités auxquels le pays est partie. 

La délégation a ensuite dénoncé la pauvreté qui frappe son pays, la dégradation de l’accès à la santé ainsi que la dégradation de l’accès à l’éducation, entravé pour plus de 4 millions d’enfants. Une assistance humanitaire d’urgence est nécessaire, a-t-elle souligné. Elle a déploré la « politique d’apartheid fondé sur le genre » qui marque les politiques des Taliban, avant d’alerter sur le fait que ces dangers pour l’avenir du pays constituent aussi une menace imminente pour les pays voisins.

Le monde est témoin de la cruauté des Taliban, a insisté la délégation, déplorant que ces derniers aient anéanti l’état de droit et mis en place un système fondé sur une idéologie misogyne et soulignant la nécessité que les auteurs de ces délits rendent des comptes. 

Aperçu du dialogue

Plusieurs intervenants se sont succédé pour dénoncer ce que l’un d’eux a qualifié de « résultat tragique de deux années de règne des Taliban en Afghanistan ». La communauté internationale a assisté à l'érosion systémique et délibérée voire au déni des droits de l'homme fondamentaux, a souligné une délégation, une autre faisant observer que le rapport présenté ce matin témoigne du mépris des Taliban à l’égard des attentes de la population afghane et de la communauté internationale. Un intervenant de la société civile a pour sa part fait observer que les droits sont aujourd’hui en Afghanistan réduits à des « privilèges, accordés ou non ». 

Les restrictions extrêmes des droits des femmes ont été dénoncées, une délégation déplorant un « système de discrimination totale, d'exclusion et d'assujettissement des femmes et des filles », et une autre « la persécution et la ségrégation systématiques des femmes ».  Nombre d’intervenants ont qualifié ces actes d’« apartheid de genre », une délégation estimant que ces politiques pourraient constituer un crime contre l'humanité.

D’aucuns ont dénoncé le contrôle total des médias et la détention de personnes porteuses de voix dissidentes; la répression « systématique » des défenseurs des droits de l'homme et de la société civile; les exécutions sommaires; la détention arbitraire « généralisée »; et le démantèlement des institutions de l'État. Toutes les garanties afférentes au système juridique ont été écartées : le pays est gouverné par des décrets, tandis que les juges, les procureurs et les avocats ont été écartés du système juridique - tout comme les femmes, qui ont été effacées de toutes les sphères de la société, a fait observer une délégation.

Des délégations se sont inquiétées des informations faisant état de plus de 200 exécutions extrajudiciaires, de plus de 140 cas de torture et de mauvais traitements, de plusieurs centaines d'arrestations et détentions arbitraires, y compris des disparitions forcées, principalement d'anciens responsables gouvernementaux. À cet égard, un intervenant a fait remarquer que malgré la promesse d'amnistie générale faite en 2021, le peuple afghan vit sous le règne « de la peur et du chaos ».

Parmi les autres sources d'inquiétudes mentionnées lors du dialogue figurent les pressions constantes imposées à la communauté LGBTQIA+, les restrictions aux droits à la liberté de religion ou de croyance et à la liberté de réunion et d'association, ainsi que l'ingérence des Taliban dans l'acheminement de l'aide humanitaire.

Il devient douloureusement évident que la communauté internationale doit de toute urgence se concentrer à nouveau sur l'Afghanistan, a fait observer une délégation, jugeant le moment « critique ». 

Il a notamment été demandé instamment aux Taliban de mettre fin à toutes les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire en Afghanistan, conformément aux obligations internationales; de revenir sur leur politique à l'égard des femmes et des autres groupes vulnérables en Afghanistan; et de respecter la protection et la réalisation de tous les droits humains du peuple afghan. Il sera impossible d’arriver à une normalisation tant que les Taliban ne respecteront pas les droits de tous les Afghans et ne cesseront pas leurs actes oppressifs contre les femmes et les filles, a insisté une délégation. 

La question de l’impunité a également été soulevée par plusieurs intervenants qui ont rappelé que les auteurs de violations des droits de l'homme doivent rendre compte de leurs actes. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) ont demandé à ce que soit entendus les appels des femmes et de nombre d’organisations de la société civile à cet égard. Les victimes et les survivants de l'Afghanistan ne doivent pas être oubliés, a souligné un intervenant, demandant la mise en place urgente d'un mécanisme international de responsabilisation. Des voies efficaces de responsabilisation sont essentielles dans la quête de justice, de vérité et de réparation, a-t-il rappelé.

Quelques délégations ont demandé à ce que la situation actuelle soit analysée dans son contexte historique, l’une d’elles plaidant pour une prise en compte des causes profondes de la situation suite à « l’occupation américaine ». Une délégation a déploré que les ressources de l'Afghanistan aient été séquestrées et que l'accès du pays au financement international ait été bloqué ; ces obstacles entraînent la faim, la souffrance et la mort du peuple afghan, a-t-elle affirmé.  Le gel des avoirs n’a fait que politiser encore davantage les discussions, a affirmé une délégation, estimant qu’il faut donner à l'Afghanistan la possibilité de se relever de cette situation. Il faut témoigner de la solidarité à l’égard du peuple afghan, alors que l'économie s’est contractée et que la pauvreté s’est aggravée, dans un contexte de sanctions et de gels des avoirs, a déclaré un autre intervenant.  Un intervenant a pour sa part regretté les mesures coercitives unilatérales « sanglantes » imposées par les « pays hégémoniques » et causant des souffrances indicibles à la population. 

*Liste des intervenants: Union européenne, Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de la coopération islamique), Liechtenstein, Ukraine, Chili, France, États-Unis, Koweït, Malte, Irlande, Nouvelle-Zélande, Chine, Malaisie, Chypre, Roumanie, Namibie, Pakistan, Royaume-Uni, République tchèque, Venezuela, Iran, Sierra Leone, Lituanie, Albanie, Inde, Suisse, Costa Rica, Indonésie, Maldives, Fédération de Russie, Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement, Interfaith International, International Organization for the Elimination of All Forms of Racial Discrmination, CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Amnesty International, International Bar Association, Afghanistan Democracy and Development Organization, Human Rights Research League, Meezaan Center for Human Rights, et Association Ma'onah for Human Rights and Immigration.

Réponses et remarques de conclusion du Haut-Commissaire

M. TÜRK a déclaré que la situation en Afghanistan est une « tragédie » et une « urgence absolue ». Il a plaidé pour que la communauté internationale parle d’une seule voix et adopte une démarche cohérente ; les droits humains doivent être au coeur de cette approche et non relégués au second plan, a insisté le Haut-Commissaire, soulignant que cela doit être le domaine prioritaire dans toute réflexion ou action. 

Soulignant que l’obligation redditionnelle fait cruellement défaut – et ce, depuis des années – M. Türk a appelé à la responsabilisation des auteurs de violations des droits de l'homme, a fortiori vu l’ampleur de ces violations. 

S’agissant de la persécution à l’encontre des femmes et des filles, le Haut-Commissaire a souligné que les autorités de facto doivent bien comprendre qu’elles se sont affranchies de l’ordre international et qu’elles ont fermé les yeux sur la Charte des Nations Unies en promulguant ces décrets et lois concernant les femmes et les filles. L’Afghanistan, dans ce contexte, n’a aucun avenir, a insisté le Haut-Commissaire. 

Enfin, M. Türk a insisté sur les besoins humanitaires de la population afghane et a fait observer que le financement du plan d’aide humanitaire n’a obtenu qu’une faible portion des fonds nécessaires (9%). 

Dialogue autour du rapport du Haut-Commissaire concernant la situation des droits de l’homme au Nicaragua

Le Conseil est saisi du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme au Nicaragua (A/HRC/54/60, à paraître en français).

Présentation du rapport

Présentant son rapport, M. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, s’est dit profondément attristé par la détérioration continue et généralisée des droits de l’homme au Nicaragua. Punir et exclure ceux qui expriment leurs opinions et intensifier encore l’isolement du pays sont des politiques qui ne servent pas les intérêts du peuple nicaraguayen, ni même ceux des autorités, a-t-il déclaré.

Depuis la présentation du précédent rapport il y a un an, des personnes perçues comme des opposants ou des détracteurs du Gouvernement ont continué d’être persécutées et soumises à des mesures qui violent leurs droits fondamentaux, a souligné M. Türk, dénonçant notamment de longues peines d’emprisonnement prononcées sans procès, dans le contexte d’un système judiciaire dépourvu de toute indépendance, ainsi que les mesures d’expulsion et de privation arbitraire de la nationalité et l’interdiction faite à des Nicaraguayens de retourner dans leur propre pays.

Le Gouvernement nicaraguayen continue d’imposer de sévères restrictions à l’espace civique et démocratique, bloquant les libertés individuelles et collectives de son peuple. Il a également étendu son contrôle sur les organisations de la société civile, les ONG internationales, les universités et les médias, a regretté le Haut-Commissaire.  Rien qu’en février dernier, 316 Nicaraguayens perçus comme opposés au Gouvernement ont été arbitrairement privés de leur nationalité, de leurs biens et de tous leurs droits civils et politiques. Parmi eux figuraient des défenseurs des droits humains, des journalistes, des militants et des dirigeants sociaux et politique, a précisé M. Türk. Tous, avec leurs familles, ont été contraints de réinventer leur vie à partir de zéro dans des pays lointains.

Près de la moitié des groupes de la société civile au Nicaragua ont été fermés et beaucoup d’autres ont été contraints à l’autocensure, a poursuivi le Haut-Commissaire. Douze universités ont également été fermées au cours de la dernière année, a-t-il ajouté.

Le Haut-Commissariat continue également de documenter les violations de la liberté de religion et de conviction principalement, mais pas exclusivement, dirigées contre l’Église catholique romaine, a indiqué le Haut-Commissaire.

À ce jour, 71 personnes sont toujours détenues arbitrairement au Nicaragua, après avoir été jugées et condamnées sans garantie d’une procédure régulière, a en outre dénoncé M. Türk.

Le rapport fait également état de schémas de torture, a par ailleurs souligné M. Türk. En juillet dernier – c’est-à-dire après la période couverte par le rapport –, le Haut-Commissariat a documenté sept autres cas de torture grave de détenus, y compris l’utilisation de l’électricité et des abus sexuels et viols sur des hommes. Les femmes et les filles sont soumises à la nudité forcée et à des fouilles génitales humiliantes et inutiles, y compris avant les visites aux détenus.

Dans ce contexte, l’expulsion du pays de tous les organismes internationaux chargés de surveiller les conditions de détention est alarmante, a relevé M. Türk ; elle place les personnes privées de liberté dans une situation d’extrême vulnérabilité, s’est-il inquiété.

Parmi les autres questions très préoccupantes, figure la montée brutale et continue de la violence dans les territoires des autochtones et des personnes d’ascendance africaine au cours de l’année écoulée, a d’autre part souligné le Haut-Commissaire. Ces meurtres et attaques violentes, y compris l’incendie délibéré de maisons et le vol de terres et de biens, sont perpétrés en toute impunité, a-t-il dénoncé.

M. Türk s’est aussi dit préoccupée par le nombre élevé de mariages d’enfants et de grossesses d’adolescentes au Nicaragua, ainsi que par l’interdiction totale de l’avortement dans le pays, qui met en péril la santé sexuelle et reproductive, conduisant à des avortements non médicalisés et à la mort de femmes et de filles.

Enfin, M. Türk a dit regretter l’absence de réponse du Gouvernement aux communications qui lui sont adressées et son refus de coopérer avec les organismes internationaux ou avec le Haut-Commissariat.

Le Haut-Commissaire a exhorté le Gouvernement nicaraguayen à permettre à son peuple de se rencontrer, de s’exprimer et de participer pleinement et librement aux décisions.  Il a plaidé pour la libération de toutes les personnes arbitrairement détenues, ainsi que pour la restauration, sans discrimination, des droits des individus privés de leur nationalité.  Le Haut-Commissaire a également exhorté la communauté international à poursuivre ses efforts pour influencer les autorités et soutenir les réfugiés et requérants d’asile nicaraguayens.

Pays concerné

Le Nicaragua a déclaré que le rapport n’est qu’une mise à jour des « tromperies » et des « farces » qui ne visent qu’à déformer la réalité. Le Haut-Commissariat n’a jamais pris en compte les rapports officiels envoyés par le pays, a ajouté la délégation nicaraguayenne. Ce rapport ne cherche qu’à porter atteinte à la souveraineté et l’indépendance du pays, a-t-elle affirmé. Cette « mise à jour machiavélique » est fondée sur des informations malveillantes, partiales et venant de groupes qui ne cherchent qu’à déstabiliser le pays, a insisté la délégation. Le Nicaragua réitère son mépris pour tout rapport qui reste étranger aux efforts faits par le pays pour garantir le progrès au sein de sa population. Le Nicaragua insiste sur le fait que tant qu’il y aura des rapports comme celui-ci, le pays dénoncera la partialité du Haut-Commissariat, qui ne se penche par exemple pas sur les sanctions imposées par d’autres pays et qui constituent un crime contre l’humanité. Le Conseil doit agir dans le respect de la justice et de l’égalité sans l’intervention de politiques impérialistes, a conclu la délégation nicaraguayenne.

Aperçu du dialogue

De très nombreuses délégations ont dit être profondément préoccupées par la détérioration de la situation des droits de l’homme au Nicaragua, y compris les détentions arbitraires, les violations des droits associés aux libertés d’expression, de réunion pacifique et d’association, et les attaques constantes contre les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et autres professionnels des médias, l’opposition politique, les institutions religieuses, les universitaires et les dirigeants de la société civile.

De nombreuses délégations ont dénoncé la fermeture par les autorités, depuis le début de la crise au Nicaragua, de plus de 3000 organisations de la société civile, y compris tous les médias indépendants.  A également été condamnée la fermeture de 27 universités, qui empêche de nombreux citoyens d’avoir accès à l’éducation.

A aussi été condamnée à maintes reprises la révocation arbitraire de la nationalité de plus de 300 Nicaraguayens considérés comme des opposants au Gouvernement.

Plusieurs intervenants se sont en outre inquiétés de l’intensification de la répression contre l’Église catholique, avec l’emprisonnement et la condamnation de l’évêque de Matagalpa, Rolando José Álvarez Lagos, à plus de 26 ans de prison après son refus de s’exiler.

Il a été demandé au Gouvernement nicaraguayen d’assurer la pleine jouissance des droits de l’homme, y compris les droits civils et politiques, et de libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques. L’impunité pour les violations des droits de l’homme doit cesser, a-t-on insisté.

Les autorités ont été exhortées à entamer une coopération avec les mécanismes internationaux de droits de l’homme, en leur permettant notamment d’enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme, et à reprendre le dialogue avec le Haut-Commissariat et le système interaméricain des droits de l’homme.

Les autorités doivent aussi prendre des mesures pour prévenir les abus à l’encontre des personnes vulnérables, notamment parmi les populations autochtones et d’ascendance africaine.

Nombre d’intervenants ont pour leur part dénoncé les résolutions visant spécifiquement un pays et adoptées sans l’accord du pays concerné. Il a en outre été déploré que le rapport ne présente pas les réalisations des autorités nicaraguayennes en faveur de la population. Ont alors été saluées par plusieurs intervenants les mesures prises par le Nicaragua pour protéger les droits de l’homme de la population nicaraguayenne, ainsi que les plans d’action visant à assurer le développement du pays. Plusieurs délégations ont dit saluer la coopération du Nicaragua avec les organismes des Nations Unies. Il faut que d’aucuns arrêtent de politiser le Conseil et d’utiliser cette enceinte pour faire pression sur un pays en fonction de leurs propres intérêts, ont affirmé plusieurs délégations. Une délégation a dénoncé ce qu’elle a considéré être des tentatives des États-Unis et du Royaume-Uni, notamment, d’ébranler la société nicaraguayenne. Il faut au contraire développer un dialogue constructif, respectueux de chacun dans le domaine des droits de l’homme, a estimé une autre délégation.

**Liste des intervenants : Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Estonie (au nom d’un groupe de pays), Chili (au nom d’un groupe de pays), Ordre souverain de Malte, Suisse, Équateur, Chili, Allemagne, France, États-Unis, Géorgie, Chine, Fédération de Russie, Argentine, Pérou, Royaume-Uni, Arabie saoudite, Yémen, Algérie, Cuba, Venezuela, République populaire démocratique de Corée, Espagne, Uruguay, Iran, Ukraine, Bélarus, Australie, République arabe syrienne, Érythrée, Irlande, Aula Abierta, Centre européen pour le droit, la justice et les droits de l'homme, Peace Brigades International, United Nations Watch, Centre pour la justice et le droit international, Christian Solidarity Worldwide, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH, Human Rights Watch.

Réponses et remarques de conclusion du Haut-Commissaire

M. TÜRK a déclaré que la situation dans le pays l’attriste et le préoccupe profondément. La seule issue est de trouver le moyen de coopérer, a-t-il affirmé. Il faut que le Gouvernement du Nicaragua réagisse, réponde aux lettres et invitations qui lui sont adressées, et accepte une présence du Haut-Commissariat dans le pays afin de restaurer les droits de l’homme, a-t-il déclaré.

La méthodologie du Haut-Commissariat est rigoureuse et implique une vérification minutieuse des informations, a souligné le Haut-Commissaire, précisant qu’elle se base notamment sur des entretiens avec des victimes et des organisations en exil. Le Haut-Commissaire a insisté sur le fait qu’il était important dans ce contexte de recevoir des informations des autorités nicaraguayennes. Il a indiqué rester ouvert au dialogue, à la coopération et au travail constructif. Il a par ailleurs déploré que les autorités n’aient pas participé aux trois derniers examens du Nicaragua devant les organes conventionnels. Le Haut-Commissaire a également regretté les conséquences de la fermeture de milliers d’organisations de la société civile.

 

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

 

HRC23.106F