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Examen du rapport du Sénégal devant le CERD : des préoccupations sont exprimées s’agissant notamment de la discrimination fondée sur l’ascendance, ainsi que de la situation des migrants et des personnes atteintes d’albinisme

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique présenté par le Sénégal au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Au cours du dialogue noué avec la délégation sénégalaise venue présenter ce rapport, une experte membre du Comité, a rappelé qu’en 2012 déjà, le Comité regrettait que le Sénégal invoque l’absence de plaintes et de décisions de justice en la matière comme preuve de l’absence de discrimination raciale dans le pays ; l’experte a regretté que la situation n’ait pas changé aujourd’hui.  Elle a, dans ce contexte, fait observer que selon une enquête menée en 2018 sur le profil des migrants à Dakar, 13,9% des migrants interrogés déclarent avoir subi une agression physique ou un vol au Sénégal ; et ils sont autant à affirmer avoir subi des discriminations. 

S’agissant de la discrimination fondée sur l’ascendance et sur la caste, l’experte a rappelé qu’en 2012, le Comité́ avait réitéré les préoccupations qu’il avait déjà exprimées en 2002 relativement à la persistance au Sénégal d’un phénomène de castes, qui entraîne la stigmatisation et l’ostracisme de certains groupes ainsi que des violations de leurs droits. L’experte a regretté que le Sénégal ne lutte pas suffisamment contre les stéréotypes à la base des castes.

Cette même experte a en outre relevé que, selon des informations, le discours de haine anti-LGBTQ+ se propage sur les réseaux sociaux dans des commentaires rédigés en wolof, donc pas automatiquement traduits dans une langue utilisée par les modérateurs.

Une autre experte a relevé que le Comité sénégalais des droits de l’homme a été relégué au statut B, s’agissant de sa conformité aux Principes de Paris, pour non-respect des critères substantiels consacrés par lesdits Principes.

Les informations dont dispose le Comité font état d’une situation grave pour les personnes atteintes d’albinisme au Sénégal, a poursuivi cette experte. Ces informations mettent en exergue les discriminations, les agressions physiques et sexuelles, les enlèvements, et parfois même l’exhumation de leur cadavre dont font l’objet ces personnes en raison de certaines croyances, a-t-elle précisé.

Un expert s’est interrogé sur l’usage excessif de la force par les forces de défense et de sécurité. Il a relevé que selon certaines informations, les défenseurs des droits de l’homme sont menacés au Sénégal et qu’il y aurait eu, ces derniers mois, plus de 30 morts lors de manifestations. Il a demandé s’il existait un mécanisme d’enquête pour les fautes commises par les forces de l’ordre.

Présentant le rapport de son pays, M. Alioune Ndiaye, Secrétaire général du Ministère de la justice du Sénégal, a déclaré que le Sénégal a accompli d’énormes progrès en matière de promotion et de protection des droits humains depuis son dernier examen par le Comité. Ces progrès sont notés à travers, notamment, l’adoption de textes favorisant la prévention et la lutte contre la discrimination, y compris la discrimination raciale, a-t-il précisé, avant d’attirer l’attention sur le vote de la loi de 2022 relative à la non-discrimination au travail, qui révise et complète certaines dispositions du Code du Travail.

Sur le plan stratégique, l’État a initié des programmes importants pour éradiquer ou prévenir toutes formes de discrimination, a poursuivi M. Ndiaye. Il a repris à titre d’exemples les initiatives de l’État en Casamance, telles que le Projet Pôle de développement de la Casamance (PPDC) qui a enregistré des résultats importants en termes de renforcement de la productivité agricole et d’amélioration des liaisons de transport entre le réseau classique et les pistes rurales aux fins d’assurer un meilleur accès aux services sociaux de base.

L’État du Sénégal s’est aussi fortement investi pour la réalisation effective des droits à l’éducation, à la santé, à un environnement sain et à l’intégration de la dimension genre dans le secteur extractif et celui de l’énergie, a par ailleurs souligné le chef de la délégation.

La délégation sénégalaise était également composée, entre autres, du Représentant permanent du Sénégal auprès des Nations Unies à Genève, M. Coly Seck, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère des affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, du Ministère de la femme, de la famille, et de la protection des enfants, du Ministère du travail, du dialogue social, et des relations avec les institutions, et de la Primature.

Au cours du dialogue, la délégation a notamment affirmé qu’au Sénégal, il n’y a pas de discrimination car tous les groupes de la population sont mélangés avec des citoyens qui ont tous des liens de cousinage. Les textes interdisent toute discrimination et il n’y a pas de discrimination dans la pratique, a-t-elle insisté. Les castes sont de l’ordre de la tradition, a par ailleurs déclaré la délégation, avant d’ajouter que les traditions sénégalaises permettent de vivre en harmonie.

La délégation a d’autre part indiqué qu’elle était circonspecte par rapport aux mots utilisés évoquant un « usage excessif de la force » par les forces de l’ordre. Elle a déclaré que les forces de l’ordre ont fait leur travail correctement et ont fait preuve de retenue, conformément aux principes de proportionnalité et de légitimité. Il faut prendre en compte le fait que de nombreux bâtiments publics et privés ont été détruits lors de « manifestations illégales », a ajouté la délégation, déplorant l’usage de pierres et de cocktails Molotov durant ces événements.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Sénégal et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 31 août prochain.

 

Lundi après-midi, à partir de 15 heures, le Comité examinera le rapport du Turkménistan.

 

Examen du rapport du Sénégal

Le Comité est saisi du rapport valant dix-neuvième à vingt-troisième rapports périodiques du Sénégal (CERD/C/SEN/19-23).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, M. ALIOUNE NDIAYE, Secrétaire général du Ministère de la justice du Sénégal, a indiqué que l’élaboration du rapport a été faite suivant une dynamique participative impliquant la société civile à travers le Conseil consultatif national des droits de l’homme et du droit international.  Il a souligné que la révision constitutionnelle d’avril 2016 avait apporté des innovations en matière de renforcement des droits civils et politiques, notamment la modernisation du rôle des partis politiques dans le système démocratique.  Le Sénégal a accompli d’énormes progrès en matière de promotion et de protection des droits humains depuis son dernier examen par le Comité, a déclaré le chef de la délégation. Ces progrès sont notés à travers, notamment, l’adoption de textes favorisant la prévention et la lutte contre la discrimination, y compris la discrimination raciale, a-t-il précisé, avant d’attirer l’attention sur le vote de la loi de 2022 relative à la non-discrimination au travail, qui révise et complète certaines dispositions du Code du Travail.

Tenant compte de la participation croissante des femmes à la vie active, le Gouvernement a voulu éliminer leur discrimination au travail en adoptant un décret relatif au travail des femmes enceintes, qui traite des travaux interdits aux femmes enceintes et de la protection et des aménagements accordés à la femme allaitante, a poursuivi M. Ndiaye.

M. Ndiaye a aussi mentionné la réforme législative opérée pour une meilleure prise en charge des droits des réfugiés et des personnes en situation d’apatridie par l’adoption de la loi portant statut des réfugiés et des apatrides. À travers cette loi, l’État du Sénégal a apporté des innovations majeures telles que la mise en place d’un organisme administratif chargé d’assurer avec efficience la protection juridique et administrative des réfugiés et des apatrides, a-t-il souligné.

Sur le plan stratégique, l’État a initié des programmes importants pour éradiquer ou prévenir toutes formes de discrimination, a poursuivi M. Ndiaye. Il a repris à titre d’exemples les initiatives de l’État en Casamance, telles que le Projet Pôle de développement de la Casamance (PPDC) qui a enregistré des résultats importants en termes de renforcement de la productivité agricole et d’amélioration des liaisons de transport entre le réseau classique et les pistes rurales aux fins d’assurer un meilleur accès aux services sociaux de base.

S’agissant de la protection des communautés touchées par l’exploitation des ressources naturelles, l’État a organisé des audiences et consultations publiques impliquant les populations, a par ailleurs indiqué M. Ndiaye. L’indemnisation prévue dans le Code minier a conduit l’État à mettre en place un comité interministériel pour s’assurer du versement effectif des indemnités aux ayants-droits et leur conformité avec la législation en vigueur et les conventions ratifiées par le Sénégal.

Les droits des femmes et des filles ont aussi été mis au rang des priorités de l’État, a d’autre part indiqué M. Ndiaye. Ainsi, le Sénégal a notamment adopté le Plan d’action national sur l’éradication des violences basées sur le genre et la promotion des droits humains (2015-2021), la Stratégie pour l’équité et l’égalité de genre (2016-2026), la Stratégie pour l’éradication des mutilations génitales féminines (2022-2030) et le Plan d’action contre les mariages d’enfants (2022-2026), a-t-il précisé.

L’État du Sénégal s’est aussi fortement investi pour la réalisation effective des droits à l’éducation, à la santé, à un environnement sain et à l’intégration de la dimension genre dans le secteur extractif et celui de l’énergie, a par ailleurs souligné le chef de la délégation.

Au niveau de la santé, des efforts ont été aussi enregistrés durant les dix dernières années, avec notamment la gratuité des soins de santé pour les enfants âgés de moins de cinq ans et les femmes enceintes.

S’agissant des actions prises par le Gouvernement pour prévenir la discrimination à l’égard des personnes atteintes d’albinisme, M. Ndiaye a attiré l’attention sur l’existence d’un ensemble de mesures prises sur les plans juridique et réglementaire, institutionnel et programmatique.

Le Secrétaire général du Ministère de la justice a en outre souligné que la lutte contre la surpopulation carcérale et les longues détentions, ainsi que l’amélioration des conditions de détention et du sort des détenus figurent parmi les politiques prioritaires du Sénégal. Le pays a adopté en 2020 la loi relative au placement sous surveillance électronique qui a élargi les modes d’aménagement des peines. Cette réforme majeure qui a introduit le bracelet électronique dans le système judiciaire sénégalais a essentiellement pour objectif le désengorgement des prisons et la maîtrise de la population carcérale, a expliqué M. Ndiaye. Sur le même registre, un projet de révision du Code de procédure pénale est en cours, qui permettra à terme de limiter la durée de la détention préventive en matière criminelle, ceci pour mieux lutter contre les longues détentions, a-t-il ajouté.

Le chef de la délégation a également relevé que les institutions nationales de protection et de promotion des droits humains ont été renforcées, notamment l’Observateur national des lieux de privation de liberté (ONLPL) dont le budget a quasiment doublé en 2023.

M. Ndiaye a également signalé que le Sénégal a engagé un processus de réforme majeure du Comité sénégalais des droits de l’Homme (CSDH), visant à permettre à cette institution nationale des droits de l’homme de se conformer aux Principes de Paris.

Enfin, M. Ndiaye a déclaré que « dans le dessein de mieux prendre en compte les droits de l’homme dans les politiques publiques de l’État, le Gouvernement a, à travers le Plan Sénégal émergent, initié des actions transversales, portant sur des programmes à vocations structurantes et ayant comme finalité intégrée le renforcement de la protection sociale et l’amélioration de l’accès aux services sociaux de base ainsi qu’aux opportunités pour l’émergence de transformations qualitatives dans les relations sociales en milieu urbain et rural ».

Questions et observations des membres du Comité

Mme STAMATIA Stavrinaki, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Sénégal, a déclaré que la situation dans le pays est tellement dynamique aux niveaux économique, social, et politique que le Comité compte sincèrement que l’État partie fournisse des informations actualisées, en tenant compte de l’effet très négatif que la COVID-19 a eu sur le pays, pour garantir un dialogue constructif dans un contexte effectif. Malheureusement, malgré le dynamisme de la société civile, le Comité n’a reçu qu’un seul rapport [émanant d’elle], alors que le Comité sénégalais des droits de l’homme n’a pas utilisé la voie du dialogue direct avec le Comité, a ensuite déploré l’experte.

S’agissant des statistiques et indicateurs socioéconomiques, Mme Stavrinaki a fait observer que les données statistiques mentionnées dans le rapport datent de 2013, alors que le document de base de l’État partie reçu par le Haut-Commissariat le 29 avril 2015 ajoute des données statistiques sur la composition démographique mais sans faire référence aux indicateurs socioéconomiques ventilés par origine éthique.

L’experte a ensuite souhaité savoir si la législation nationale interdit la discrimination directe et indirecte conformément à la Convention.

Un rapport de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) indique que bien que soutenue, la croissance reste non inclusive et caractérisée par la lenteur de la réduction de la pauvreté et la persistance des inégalités, a d’autre part relevé Mme Stavrinaki, avant de s’enquérir des mesures prises pour identifier les actions nécessaires afin d’y remédier.

S’agissant de la mise en œuvre de l’interdiction de la discrimination raciale, Mme Stavrinaki a demandé des informations sur l’application de l’article 166 bis du Code pénal, qui punit « tout agent de l’ordre administratif et judiciaire, tout agent investi d’un mandat électif, tout agent des collectivités publiques, tout agent ou préposé de l’État, des établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte ou des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, qui aura refusé sans motif légitime à une personne physique ou morale, le bénéfice d’un droit pour cause de discrimination raciale, ethnique ou religieuse » [paragraphe 29 du rapport du Sénégal].  L’experte a également demandé des informations sur les mesures prises pour lutter contre le profilage racial.

S’agissant des crimes à motivation raciste, Mme Stavrinaki a souhaité savoir si tous les motifs de discrimination raciale interdits par la Convention, y compris l’ascendance, sont prévus dans le Code pénal et s’ils activent l’application de la circonstance aggravante.

Mme Stavrinaki a en outre relevé que, selon des informations, le discours de haine anti-LGBTQ+ se propage sur les réseaux sociaux dans des commentaires rédigés en wolof, donc pas automatiquement traduits dans une langue utilisée par les modérateurs. L’experte a demandé des informations sur la suspension récente de l’accès à certaines applications de réseaux sociaux qui pourrait avoir un effet dissuasif sur la liberté d’expression et sur la liberté de réunion des groupes relevant de la Convention.

Déjà en 2012, le Comité regrettait que le Sénégal invoque l’absence de plaintes et de décisions de justice en la matière comme preuve de l’absence de discrimination raciale dans le pays, a rappelé Mme Stavrinaki, affirmant regretter que la situation n’ait pas changé aujourd’hui.  Elle a, dans ce contexte, fait observer que selon une enquête menée en 2018 sur le profil des migrants à Dakar, 13,9% des migrants interrogés déclarent avoir subi une agression physique ou un vol au Sénégal ; et ils sont autant à affirmer avoir subi des discriminations.  L’experte s’est dès lors enquise des mesures concrètes prises pour expliquer les voies de recours en matière de discrimination raciale aux différentes composantes ethniques de la population et aux non-ressortissants. 

S’agissant de la discrimination fondée sur l’ascendance et sur la caste, Mme Stavrinaki a rappelé qu’en 2012, le Comité avait réitéré les préoccupations qu’il avait déjà exprimées en 2002 relativement à la persistance au Sénégal d’un phénomène de castes, qui entraîne la stigmatisation et l’ostracisme de certains groupes ainsi que des violations de leurs droits. L’experte a regretté que le Sénégal ne lutte pas suffisamment contre les stéréotypes à la base des castes. 

S’agissant du développement et du désenclavement de la Casamance, Mme Stavrinaki a indiqué que des informations récentes présentent une situation tendue et complexe dans cette région. Elle a notamment relevé qu’en mars 2022, l’armée sénégalaise a lancé l’opération Nord Bignona pour démanteler les bases rebelles du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) à proximité de la frontière avec la Gambie, ainsi que pour lutter contre l’exploitation forestière illégale et le trafic de bois. Selon l’Agence nationale gambienne de gestion des catastrophes (NDMA), cette opération a contraint 691 ressortissants sénégalais à se réfugier en Gambie. Plus récemment, la presse note que depuis les manifestations du 1er juin dernier, des mesures de restriction des transports sont appliquées sur la mobilité des personnes et des biens en partance ou en provenance de Ziguinchor. L’experte a dès lors demandé des informations plus récentes sur la situation de groupes ethniques affectés par ce conflit.

Concernant la protection des enfants talibés, l’experte a indiqué que selon certaines informations, en 2021, il y a eu quelques poursuites et condamnations de maîtres coraniques pour maltraitance sur des talibés, notamment pour avoir frappé et enchaîné des enfants et pour avoir causé la mort d’un garçon à la suite de coups en 2020.  Cependant, selon un rapport d’Amnesty international publié en décembre dernier, ces efforts restent insuffisants et les enfants talibés sont toujours « en proie à la mendicité forcée, à des violences et à des conditions d’hygiène et de santé déplorables ». Aucun pays ne doit tolérer que des enfants soient maltraités, exploités, torturés dans des écoles ou ailleurs, a souligné Mme Stavrinaki.

S’agissant de la situation des non-ressortissants, Mme Stavrinaki a rappelé que le Sénégal est à la fois un pays d’envoi, d’accueil et de transit migratoire. Depuis 2014, au moins 3310 personnes ont disparu ou sont mortes sur la route migratoire reliant l’Afrique de l’Ouest aux îles Canaries, d’après l’Organisation internationale des migrations (OIM), a-t-elle observé.  Elle a relevé que l’adoption de la loi de 2022 portant statut des réfugiés et des apatrides clarifie dans une certaine mesure le cadre législatif appliqué en matière de droits des réfugiés. Dans ce contexte, elle a notamment demandé des informations sur les modalités d’attribution du statut de réfugié, ainsi que sur les aspects institutionnels.

Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), en 2020, neuf travailleurs sur 10 occupaient un emploi informel et 97% des unités économiques non agricoles opéraient dans l'économie informelle, a poursuivi l’experte. Il s’ensuit que tous les travailleurs, notamment les travailleurs migrants, sont exposés à l’exploitation et aux barrières que l’emploi informel pose à la jouissance des droits humains, a-t-elle souligné.

Mme Stavrinaki a aussi relevé qu’à la date du 26 juin 2023, sur un effectif total de 13 284 détenus, 1111 étaient de nationalité étrangère, soit un pourcentage de 8,36%. Elle s’est inquiétée que les migrants qui doivent faire l’objet de mesures de refoulement ou d’expulsion soient souvent gardés dans les locaux des services de police ou de gendarmerie en attente de la procédure d’expulsion.

Le Comité sait qu’au Sénégal, le travail des enfants est illégal ; pourtant, selon des informations, des enfants continuent d’être abusés sexuellement et exploités dans les mines d’or du pays, a d’autre part indiqué Mme Stavrinaki. La majorité de ces enfants orpailleurs sont des enfants migrants, ressortissants de pays d’Afrique de l’Ouest, qui sont forcés de travailler pour survivre, a-t-elle souligné.

Mme Mazalo Albertine Tébié, corapporteuse du Comité pour l’examen du Sénégal, a relevé que le Comité sénégalais des droits de l’homme a été relégué au statut B, s’agissant de sa conformité aux Principes de Paris, pour non-respect des critères substantiels consacrés par lesdits Principes. Elle a dès lors souhaité savoir quelles mesures ont été prises pour remédier à cette situation et pour éviter à l’avenir la rétrogradation de l’institution nationale des droits de l’homme, [une rétrogradation] « qui envoie un message négatif aux acteurs du système de promotion et de protection des droits humains ».

Tout en saluant les mesures prises par l’État dans la gestion des ressources naturelles, à travers notamment le Code minier, Mme Tébié a toutefois souligné que, selon les informations dont dispose le Comité, l’exploitation de ces ressources, au travers des conséquences néfastes des activités d’extraction, aurait un impact négatif sur l’environnement et sur la vie des populations, surtout sur leur santé, et engendrerait des tensions locales.

Mme Tébié a par ailleurs relevé que le Sénégal souffre des effets du dérèglement climatique, à savoir la montée des eaux et l’érosion des côtes, la désertification et la raréfaction des pluies dans certaines régions du pays. Ce phénomène aurait entraîné des conséquences sociales et économiques très lourdes sur la vie des populations vivant dans les zones concernées, a-t-elle souligné. Elle s’est notamment enquise des mesures prises pour faire face à la perte des traditions et des modes de vie des populations affectées par ces phénomènes climatiques.

Les informations dont dispose le Comité font état d’une situation grave pour les personnes atteintes d’albinisme au Sénégal, a poursuivi l’experte. Ces informations mettent en exergue les discriminations, les agressions physiques et sexuelles – notamment le viol des femmes atteintes d’albinisme –, les enlèvements, et parfois même l’exhumation de leur cadavre dont font l’objet ces personnes en raison de certaines croyances, a précisé l’experte. Ces personnes feraient également l’objet de discriminations dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’emploi et de la vie publique, a-t-elle insisté.

Mme Tébié a en outre indiqué que le Comité est préoccupé par la situation de certains groupes sociaux, particulièrement les femmes, qui feraient face à de multiples discriminations, tant en droit que dans la pratique.

Mme Tébié a ensuite relevé que, selon les informations dont dispose le Comité, beaucoup d’enfants nés sur le territoire sénégalais ne disposent pas d’actes ou d’extraits de naissance, y compris parmi les réfugiés. Elle a rappelé que la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants avait, à l’issue d’une de ses missions effectuée au Sénégal, recommandé à l’État partie de généraliser l’enregistrement des enfants à la naissance sur tout le territoire national. Mme Tébié a demandé quelles mesures avaient prises l’État pour répondre à ce défi.

Mme Tébié a en outre rappelé que le Sénégal avait été une plaque tournante essentielle dans la traite négrière et l’esclavage. Aussi, a-t-elle demandé à la délégation d’indiquer comment le système éducatif sénégalais prend en charge la transmission de ce passif historique.

L’experte s’est par ailleurs enquise des mesures prises et des actions concrètes menées pour donner effet à la Déclaration et au Programme d’action de Durban. Elle a enfin voulu connaître les activités phares menées par le Sénégal pour marquer la célébration de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine.

Un autre expert a demandé davantage d’informations concernant l’aide juridictionnelle au Sénégal.

D’autres experts se sont inquiétés de la situation de l’institution nationale des droits de l’homme, qui – a-t-il été affirmé – a « plongé » il y a une dizaine d’années alors qu’elle était une référence en Afrique, étant l’une des plus anciennes du continent.

Un expert s’est interrogé sur l’usage excessif de la force par les forces de défense et de sécurité. Il a relevé que selon certaines informations, les défenseurs des droits de l’homme sont menacés au Sénégal et qu’il y aurait eu, ces derniers mois, plus de 30 morts lors de manifestations. Il a demandé s’il existait un mécanisme d’enquête pour les fautes commises par les forces de l’ordre.

Une experte a pour sa part attiré l’attention sur la disparition de 60 migrants sénégalais qui ont péri au large de Cabo Verde en essayant de rejoindre l’Espagne. Il semble s’agir d’un phénomène assez récurrent, a-t-elle souligné, avant de demander si les autorités sénégalaises avaient enquêté sur ce phénomène migratoire.

Un expert a demandé si une enquête avait été ouverte à la suite de la plainte de l’équipe de football d’Égypte contre des insultes racistes proférées par des supporters sénégalais.  Cet expert a en outre demandé des informations sur l’expulsion de ressortissants guinéens.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué qu’au Sénégal, il n’y a pas de discrimination car tous les groupes de la population sont mélangés avec des citoyens qui ont tous des liens de cousinage. Les textes interdisent toute discrimination et il n’y a pas de discrimination dans la pratique, a-t-elle insisté. Il est impossible de trouver quelque chose qui n’existe pas, a-t-elle affirmé.

Les castes sont de l’ordre de la tradition, a par ailleurs déclaré la délégation, avant d’ajouter que les traditions sénégalaises permettent de vivre en harmonie.

L’État a, dans tous les cas, pris toutes les mesures pour se prémunir d’éventuels cas de discrimination, a déclaré la délégation.

La délégation a par ailleurs regretté que les organisations de la société civile n’aient pas soumis davantage de rapports.

S’agissant du Comité sénégalais des droits de l’homme, la délégation a souligné qu’il faisait la fierté du pays. Cette institution nationale des droits de l’homme jouissait du statut A [de pleine conformité aux Principes de Paris] jusqu’en 2012 et c’est à partir de cette date-là qu’il y a eu des problèmes, s’agissant de sa situation financière et de son indépendance. La délégation a assuré de la volonté du Gouvernement sénégalais de faire en sorte que l’institution retrouve son statut A grâce à un nouveau projet de loi qui est discuté en ce moment au niveau de la Primature et qui a été élaboré en coopération avec les organisations de la société civile. Aujourd’hui, même si la loi n’a pas encore été adoptée par le Parlement, l’institution fonctionne et a vu son budget doubler cette année, a ajouté la délégation.

S’agissant de l’exploitation des ressources, la délégation a indiqué que toutes les dispositions sont prises par le Sénégal pour satisfaire les communautés locales. Pour chaque projet, il y a aujourd’hui une consultation de ces communautés, a-t-elle assuré.

Toutes les zones côtières africaines sont touchées par le phénomène de la migration, a d’autre part souligné la délégation, avant d’ajouter que la migration relève d’un choix individuel. Il n’est pas possible de faire le lien entre la migration et certaines activités industrielles qui ont nécessité le déplacement de pêcheurs, a par ailleurs affirmé la délégation.

Les forces de l’ordre sont poursuivies dans les cas d’utilisation excessive de la force, a ensuite affirmé la délégation.  Aucun chiffre ne fait mention du nombre de 30 morts évoqué par un membre du Comité, a-t-elle en outre déclaré.

La délégation a par la suite indiqué qu’elle était circonspecte par rapport aux mots utilisés évoquant un « usage excessif de la force ». Elle a déclaré que les forces de l’ordre ont fait leur travail correctement et ont fait preuve de retenue, conformément aux principes de proportionnalité et de légitimité. La délégation a remis en cause les sources qui ont fait état d’un « usage excessif de la force ». Il faut prendre en compte le fait que de nombreux bâtiments publics et privés ont été détruits lors de « manifestations illégales », a souligné la délégation, déplorant l’usage de pierres et de cocktails Molotov durant ces événements.

S’agissant des défenseurs des droits de l’homme, la délégation a déclaré ne pas connaître de cas de défenseurs emprisonnés au Sénégal. Cela étant, les défenseurs ne sont pas au-dessus des lois, a-t-elle souligné. La liberté d’expression est consacrée et existe au Sénégal, mais le principe est que personne n’est pas au-dessus des lois, a insisté la délégation. Elle a ajouté que s’il y a des exemples concrets de défenseurs des droits de l’homme empêchés de faire leur travail, elle serait reconnaissante au Comité de lui en faire part. Le Sénégal a une tradition d’accueil et de respect des défenseurs des droits de l’homme afin qu’ils puissent exercer leurs activités librement, a déclaré la délégation.

S’agissant des restrictions imposées sur les réseaux sociaux, la délégation a indiqué qu’il s’agissait de mesures temporaires pour limiter les « activités terroristes » au Sénégal, notamment durant des manifestations.

S’agissant de la plainte de l’Égypte dans le cadre d’un match de football, la délégation a rappelé qu’il y avait eu deux plaintes concomitantes de l’Égypte et du Sénégal. Les supporters sénégalais ont fait preuve de trop d’enthousiasme durant la rencontre, mais en aucun cas, il n’y a eu d’actes racistes de leur part, a affirmé la délégation.

S’agissant de la situation en Casamance, la délégation a déclaré qu’il n’y avait pas de problèmes ethniques dans cette région. En Casamance, le problème n’est pas ethnique mais géographique, a-t-elle précisé. Dans ce contexte, la délégation a fait savoir que la Mission permanente du Sénégal avait envoyé début août une note au Comité pour rappeler qu’il y a des expressions utilisées dans les rapports qui ne sont pas correctes. Dans le précédent rapport, le Gouvernement sénégalais a ainsi réfuté toute référence aux ethnies s’agissant du conflit en Casamance, a rappelé la délégation. De même, le Sénégal souhaite que le Comité retire toute mention de « réparations » à une ethnie particulière dans le cadre de cette situation. 

La délégation a d’autre part souligné que les mineurs en conflit avec la loi sont soumis à une justice pour mineurs qui leur est spécialement dédiée. Par ailleurs, une stratégie nationale a été adoptée pour lutter contre toutes les formes de violence à leur encontre, a ajouté la délégation. Une stratégie a en outre été mise en œuvre afin de sortir les enfants de la rue et de la mendicité. A ce jour, la moitié de l’objectif des 10 000 enfants ont déjà été sortis de la rue depuis la mise en œuvre de cette stratégie, a précisé la délégation.

S’agissant des enfants talibés, la délégation a fait savoir que la justice prend en main de nombreux enfants en situation de mendicité. Un grand nombre d’enfants se retrouvent dans les écoles coraniques en raison de la prolifération de ces écoles au Sénégal, a-t-elle souligné. Toutes les plaintes pour violences ou abus à l’encontre des enfants font l’objet d’une enquête, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que de nombreux enfants en situation de rue au Sénégal sont des migrants.

S’agissant des migrations, la délégation a rappelé que le Sénégal avait voté en 2022 une loi créant la Commission nationale des réfugiés et des apatrides afin d’améliorer l’identification du statut des migrants. Cette Commission donne aussi son avis sur les procédures de reconnaissance des réfugiés.

La délégation a indiqué qu’il n’y avait pas de discrimination dans l’enregistrement des naissances, des mariages ou des décès. Tous les enfants nés sur le territoire sénégalais peuvent être enregistrés, a-t-elle assuré.

En ce qui concerne les questions d’éducation, la délégation a relevé les excellents résultats du Sénégal s’agissant du taux de scolarisation et de la qualité des programmes. Elle a en outre rappelé que l’école était obligatoire et gratuite dans le pays. Des programmes de rescolarisation d’enfants en décrochage scolaire sont en outre mis en œuvre, a souligné la délégation.  Par ailleurs, toutes les écoles ont un programme d’éducation aux droits humains, a ajouté la délégation.

S’agissant de la mémoire de l’esclavage, la délégation a souligné l’existence de nombreuses activités mémorielles, notamment sur l’île de Gorée, avec la Maison des esclaves.

Évoquant l’expulsion de Guinéens, la délégation a expliqué que dans le cadre de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), il est prévu que s’il y a un risque de troubles à l’ordre public, un pays peut reconduire à la frontière certains des ressortissants d’un autre pays de l’organisation. La délégation a ajouté qu’il s’agissait en l’espèce d’un petit groupe d’individus qui participaient aux manifestations.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.

 

 

 

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