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En dépit de progrès dans la recherche d’une société plus égalitaire, les enfants en Bolivie restent confrontés à des violences, notamment sexuelles, et à leurs conséquences, relèvent les experts du Comité des droits de l’enfant

Compte rendu de séance

La Bolivie a beaucoup fait dans la réglementation et dans la recherche d'une société plus égalitaire. C’est ce qu’a constaté un membre du Comité des droits de l’enfant lors de l’examen du rapport présenté par le pays au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, qui s’est déroulé hier après-midi et cet après-midi à Genève.

Les experts du Comité ont en outre salué plusieurs progrès remarquables réalisés en Bolivie, tels que l’adoption du Code de l’enfance et de l’adolescence de 2014 et celle du Protocole de prévention et de prise en charge des enfants et des adolescents des rues – même si, a-t-il été observé, le niveau d'application de ce dernier semble faible.

Cependant, a fait observer un membre du Comité, il demeure dans la société bolivienne une combinaison de facteurs qui préoccupent fortement le Comité : un sentiment patriarcal fortement ancré ; des cas d'abus sexuels et de viols de jeunes filles qui aboutissent souvent à des mariages ou unions forcés des victimes avec leurs bourreaux ; et des grossesses forcées qui sont le résultat d'abus sexuels. Le Comité a été informé que la violence dans le milieu scolaire était un sujet de grande préoccupation en Bolivie, a ajouté cet expert. D’autre part, si les châtiments corporels sont bien interdits dans le cadre familial et scolaire, on estime toutefois que des méthodes de discipline violentes sont pratiquées dans 80% des foyers boliviens, a-t-il poursuivi.

Ce même expert a également jugé préoccupant le taux élevé de placement en institutions d’enfants ayant besoin de protection et a fait état d’une forte discrimination à l’égard des enfants handicapés en Bolivie.

Un autre membre du Comité a jugé à son tour préoccupante la prévalence de mariages de filles dès 15 ans, de même que celle des violences sexuelles, parmi certaines communautés autochtones et d’ascendance africaine. Le travail est autorisé dès l’âge de 10 ans dans le secteur des travailleurs indépendants, a-t-il par ailleurs relevé, jugeant cet âge bien trop bas.

Une experte a constaté que la Bolivie avait adopté un système unifié qui garantit la gratuité des soins à la population non couverte par la sécurité sociale. Cependant, l’insuffisance des ressources financières et la pandémie de COVID-19 perpétuent de fortes inégalités dans l’accès aux services de santé, a-t-elle fait remarquer. En ce qui concerne les questions d’éducation, cette même experte s’est réjouie que la Bolivie ait rendu gratuit l’enseignement jusqu’au baccalauréat, mais s’est toutefois interrogée sur l’écart entre le taux de fréquentation scolaire des élèves issus du milieu urbain et celui des élèves du milieu rural.

Présentant le rapport de son pays, Mme Nadia Alejandra Cruz Tarifa, Vice-Ministre de l’égalité des chances au Ministère de la justice et de la transparence institutionnelle de l’État plurinational de Bolivie, a d’abord rappelé que depuis 2009, à la suite d'un processus constituant largement participatif et inclusif, son pays disposait d'une Constitution politique progressiste dans le domaine des droits de l'homme, axée sur la garantie de l'exercice des droits des populations vulnérables, notamment des enfants et des adolescents.

La violence à l’égard des enfants et des adolescents est un des problèmes assumés par l’État, a souligné la Vice-Ministre. Pour la combattre, a-t-elle indiqué, ont été définies, en matière de soins, de prévention et de répression, des lignes directrices qui, « nous le reconnaissons, ne suffisent toujours pas ».

La Vice-Ministre a insisté sur le fait que les progrès réalisés par son pays avaient subi une stagnation et même un recul en raison, d’abord, de la rupture de l'ordre constitutionnel avec l’arrivée, en 2019, d'un gouvernement de facto qui a paralysé les progrès en matière de santé, d'éducation, de logement et de protection des populations en général ; puis de la pandémie de COVID-19, qui a aggravé la régression de plusieurs droits, notamment le droit à l'éducation, le gouvernement de facto ayant écourté l'année scolaire.

Outre Mme Cruz Tarifa, la délégation bolivienne était également composée, entre autres, de Mme Mariela Macdonal Alvarez, Représentante permanente de l’État plurinational de Bolivie auprès des Nations Unies à Genève ; de M. Diego Alejandro Rivero Martinez, Directeur général pour les enfants et les personnes âgées, également Vice-Ministre de l’égalité des chances ; et de plusieurs représentants du Ministère bolivien des relations extérieures.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a notamment souligné que toute forme de violence à l’encontre des enfants et des adolescents est interdite et condamnée et a fait savoir que le Gouvernement applique une stratégie communautaire pour protéger les enfants et adolescents autochtones paysans contre la violence et les abus sexuels. Le Ministère de l’éducation applique des normes de prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire, avec des sanctions à la clef, a d’autre part indiqué la délégation.

Le nombre de grossesses parmi les adolescentes a baissé mais reste une préoccupation pour le pays, a également affirmé la délégation. Quant au nombre d’enfants placés en institution, a-t-elle reconnu, il est très élevé, même si les progrès importants accomplis depuis quelques années ont permis de réduire le phénomène de moitié.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de la Bolivie et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 3 février prochain.

 

Lundi 23 janvier, à 15 heures, Le Comité entamera l’examen du rapport de l’Azerbaïdjan.

 

Examen du rapport de la Bolivie

Le Comité est saisi du rapport valant cinquième et sixième rapports périodiques de la Bolivie (CRC/C/BOL/5-6), ainsi que des réponses apportées par le pays à une liste de points à traiter soumise par le Comité.

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME NADIA ALEJANDRA CRUZ TARIFA, Vice-Ministre de l’égalité des chances au Ministère de la justice et de la transparence institutionnelle de l’État plurinational de Bolivie, a rappelé que depuis 2009, à la suite d'un processus constituant largement participatif et inclusif, son pays disposait d'une Constitution politique progressiste dans le domaine des droits de l'homme, axée sur la garantie de l'exercice des droits des populations vulnérables, notamment des enfants et des adolescents. Elle a rappelé la promulgation en mai 2010 de la Loi 045 contre le racisme et toute forme de discrimination, qui interdit et sanctionne tout acte raciste et discriminatoire, de sorte que les normes nationales et les politiques publiques promues par l’État sont régies par le principe de non-discrimination, constituant ainsi le contexte dans lequel les enfants et adolescents s’épanouissent désormais en Bolivie.

Mme Cruz Tarifa a ensuite expliqué que la Bolivie conçoit le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant comme un devoir de l'État et comme un mandat constitutionnel visant à protéger et à rendre effectifs les droits de l’enfant. La Bolivie garantit le droit à l’identité, en éliminant les formalités qui restreignent son exercice, car « nous sommes conscients que de la garantie de ce droit dépendent d’autres droits tels que ceux relatifs à la santé ou à l’éducation », vitaux pour le développement de l’enfant, a souligné la Vice-Ministre. Aussi, a-t-elle précisé, la Bolivie octroie-t-elle gratuitement les certificats de naissance et mène d’autres actions pour veiller à ce que, dès leur naissance, les enfants puissent compter sur un document d’identité.

La Vice-Ministre a ensuite souligné que l'éducation à tous les niveaux, jusqu'à l'enseignement supérieur, était obligatoire et gratuite en Bolivie. Garantir l'accès à l'éducation étant un élément essentiel de la lutte contre la pauvreté, l’État, afin de lutter contre l’abandon scolaire auquel le pays était confronté, a mis en place depuis 2006 le bon Juancito Pinto – une prime annuelle versée aux élèves du primaire et du secondaire dans le but de les maintenir dans le système scolaire, a indiqué Mme Cruz Tarifa, avant de préciser que cette mesure a bénéficié à des millions d’entre eux. D’autre part, afin de répondre aux besoins spécifiques des enfants et des adolescents appartenant à une nation ou à un peuple autochtone paysan, l'État a mis en place des programmes d'études régionalisés, une mesure qui a impliqué la formation de plus de 20 000 enseignants au niveau de la licence et de la maîtrise. Ont par ailleurs été promus des « nids bilingues » (nidos bilingües) pour sauvegarder et revitaliser les langues originelles parlées par les peuples autochtones paysans.

La Bolivie a aussi élargi le droit à la santé : initialement, les soins étaient gratuits pour les filles et les garçons jusqu'à l'âge de cinq ans. Depuis 2019, a fait valoir la Vice-Ministre, l'accès au système de santé gratuit et universel a été mis en œuvre sans aucune limite d'âge. L’État applique aussi, depuis 2014, un Programme national de télésanté destiné à atteindre les zones les plus éloignées du pays.

En outre, a poursuivi Mme Cruz Tarifa, depuis 2015, le nombre d'enfants et d'adolescents placés en institutions a considérablement baissé. Des procédures simplifiées ont été établies dans les processus de déchéance de l'autorité parentale, de filiation, ainsi que d'adoption nationale et internationale – dans ce dernier cas avec l’appui du Registre unique des adoptions nationales et internationales.

La Bolivie a par ailleurs mené des actions soutenues pour réduire les taux élevés de grossesses parmi les adolescentes qui étaient enregistrés avant 2015, a indiqué Mme Cruz Tarifa. L'une des causes de ces grossesses étant l'abus sexuel, les opérateurs de justice et les agents de santé sont maintenant tenus d’informer les filles et les adolescentes de la portée de l'Arrêt constitutionnel 0206/2014 relatif à l'interruption légale de grossesse. Le Gouvernement travaille aussi sur la prévention, en fournissant aux filles et aux adolescents des informations, adaptées à leur âge, sur la santé sexuelle et reproductive.

Les enfants et les adolescents handicapés sont un autre secteur pour lequel l'État a adopté, en plus de la loi générale sur les personnes handicapées, des politiques publiques concernant, notamment, l'éducation inclusive et les facilités d'accès aux logements.

Mme Cruz Tarifa a ensuite insisté sur le fait que les progrès réalisés par son pays avaient subi une stagnation et même un recul en raison de deux facteurs. Le premier a été, en 2019, la rupture de l'ordre constitutionnel et l’arrivée d'un gouvernement de facto qui a paralysé les progrès en matière de santé, d'éducation, de logement et de protection des populations en général – ce qui a nui directement ou indirectement aux enfants et aux adolescents. Le deuxième a été la pandémie de COVID-19, laquelle a aggravé la régression de plusieurs droits, notamment le droit à l'éducation, le gouvernement de facto ayant écourté l'année scolaire, une situation que la Bolivie n'avait pas connue même pendant la dictature militaire.

Avec le rétablissement de la démocratie en 2020, a poursuivi la Vice-Ministre, le Président Luis Arce Catacora et le Vice-Président David Choquehuanca ont pris l'engagement de rendre à la population l'état de bien-être dans lequel elle avait vécu jusqu'avant le coup d'État de 2019. Des mesures sont ainsi venues assurer le déroulement normal de l'année scolaire, y compris par la fourniture de matériels mobiles aux élèves et aux enseignants et par la création de plates-formes d'enseignement virtuel.

La violence à l’égard des enfants et des adolescents est un autre des problèmes assumés par l’État, a ajouté la Vice-Ministre. Pour la combattre, a-t-elle indiqué, ont été définies, en matière de soins, de prévention et de répression, des lignes directrices qui, « nous le reconnaissons, ne suffisent toujours pas ». « Nous continuons à travailler sur cela, sachant que le patriarcat ne va pas tomber et que c’est à nous de le détruire pour le bien vivre de notre société dans son ensemble », a déclaré Mme Cruz Tarifa.

Avec la mise en œuvre de son modèle économique social communautaire productif [en vigueur depuis 2006, précise le paragraphe 8 du rapport], la Bolivie a réussi à générer un scénario de réduction de la pauvreté et des inégalités, et est fortement engagée dans la justice sociale, ce qui bénéficie aux enfants et aux adolescents, a conclu la Vice-Ministre.

Questions et observations des membres du Comité

M. LUIS ERNESTO PEDERNERA REYNA, coordonnateur du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la Bolivie, a d’abord constaté que la Bolivie avait beaucoup fait dans la réglementation et dans la recherche d'une société plus égalitaire. Il a également jugé positive l’adoption du Protocole de prévention et de prise en charge des enfants et des adolescents des rues, mais a indiqué que le Comité était informé d'un faible niveau d'application de ce Protocole.

Par ailleurs, le Comité a été informé que la violence dans le milieu scolaire était un sujet de grande préoccupation en Bolivie. Certes, il existe des règlements et protocoles qui établissent le devoir de fournir un soutien juridique aux écoliers qui dénoncent les enseignants, les directeurs ou le personnel des centres éducatifs coupables de violences. Mais des enfants boliviens ont dit au Comité que l'application des mécanismes pour faire face à cette violence était insuffisante. M. Pedernera Reyna a voulu savoir s’il était envisagé de créer une commission d’enquête sur les violences commises dans les établissements d’éducation.

En outre, a poursuivi l’expert, il demeure dans la société bolivienne une combinaison de facteurs qui préoccupent fortement le Comité : un sentiment patriarcal fortement ancré ; des cas d'abus sexuels et de viols de jeunes filles qui aboutissent souvent à des mariages ou unions forcés des victimes avec leurs bourreaux ; et des grossesses forcées qui sont le résultat d'abus sexuels. L’expert a regretté que, pour dénoncer des crimes sexuels, les filles doivent obtenir l'autorisation de leurs parents ; il a également regretté que le délai de prescription pour ces crimes soit trop court et que les coupables parviennent souvent à éviter les peines les plus sévères.

D’autre part, si les châtiments corporels sont bien interdits dans le cadre familial et scolaire, on estime cependant que des méthodes de discipline violentes sont pratiquées dans 80% des foyers boliviens, a poursuivi M. Pedernera Reyna. Il a regretté qu’il n'existe pas de données aux niveaux national et départemental sur la situation de la violence contre les enfants et les adolescents, ni sur la violence contre les enfants handicapés.

M. Pedernera Reyna a aussi jugé préoccupant le taux élevé de placement en institutions d’enfants ayant besoin de protection. Il a demandé si la Bolivie appliquait un plan de désinstitutionnalisation progressive.

L’expert a d’autre part évoqué « certaines tensions » dans la question de l'adoption, s’agissant notamment des délais et de la nécessité de comprendre l'adoption comme une mesure destinée à garantir le droit de l'enfant à une vie familiale.

S’agissant des enfants vivant avec leur mère détenue, M. Pedernera Reyna a par ailleurs regretté l'absence d'une politique uniforme de prise en charge et de suivi qui soit axée sur les besoins et les droits de ces enfants.

M. Pedernera Reyna a aussi fait état d’une forte discrimination à l’égard des enfants handicapés en Bolivie et a demandé ce qui était fait pour y remédier.

L’expert a d’autre part relevé que la Cour interaméricaine des droits de l’homme avait condamné la Bolivie dans l’affaire Brisa De Angulo Losada, estimant que la Bolivie avait bafoué les droits de la plaignante par un déni de justice après qu'elle eut été violée et torturée à plusieurs reprises par un membre adulte de sa famille.

M. BENYAM DAWIT MEZMUR, également membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la Bolivie, a salué plusieurs progrès remarquables en Bolivie, notamment l’adoption du Code de l’enfance et de l’adolescence en 2014 – un Code dont l’expert a toutefois demandé s’il était basé sur les dispositions de la Convention. De même, M. Mezmur a voulu savoir si la Bolivie avait harmonisé les lois coutumières et autochtones avec la Constitution et avec la Convention.

L’expert a par ailleurs souhaité en savoir davantage sur les ressources allouées au secteur de l’enfance et à la lutte contre la pauvreté. Il a suggéré que les budgets consacrés à l’enfance soient fixés par une loi, ce qui garantirait leur stabilité. Il a en outre voulu savoir si le Gouvernement tenait compte de l’opinion des enfants dans l’évaluation des mesures prises en faveur de l’enfance.

D’après les informations reçues par le Comité, a poursuivi M. Mezmur, la fourniture des services publics dans les provinces d’Amazonie et dans d’autres régions reculées laisserait à désirer. Il a par ailleurs demandé ce qu’il en était de la prise en compte des droits de l’enfant par les entreprises d’extraction minière en Bolivie.

M. BENOÎT VAN KEIRSBILCK, lui aussi membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la Bolivie, a relevé que le Code de l’enfance de 2014 fixait l’âge du mariage à 18 ans, avec une exception à 16 ans moyennant autorisation des parents ou de l’autorité judiciaire. L’expert a demandé combien de mariages précoces ont été célébrés depuis 2014 et pour quels motifs les autorisations ont été accordées. Il a jugé préoccupante la prévalence de mariages de filles dès 15 ans, de même que celle des violences sexuelles, parmi certaines communautés autochtones et d’ascendance africaine.

D’autres questions de l’expert ont porté sur les modalités de l’inscription des naissances à l’état civil. Pour nombre d’enfants vivant dans la rue, seuls ou avec leurs parents, le droit à un état civil reste théorique, a par ailleurs regretté M. Van Keirsbilck. Il a par la suite voulu savoir vers quelle instance un enfant vivant dans la rue pouvait se tourner pour recevoir un soutien matériel et social, et comment cet enfant pouvait être informé de l’existence de cette instance.

L’expert a par ailleurs demandé si la presse était sensibilisée aux droits de l’enfant, y compris pour ce qui est de leur droit à participer à la vie publique.

M. Van Keirsbilck s’est également enquis du dispositif appliqué en Bolivie pour détecter puis accompagner les enfants migrants non accompagnés.

Le travail est autorisé dès l’âge de 10 ans dans le secteur des travailleurs indépendants, a par ailleurs relevé l’expert, estimant que cet âge bien trop bas. Il a prié la délégation de dire quelle était l’ampleur du phénomène des enfants en situation de rue en Bolivie.

D’autres questions de l’expert ont porté sur la répression de la traite des êtres humains ; sur les raisons pour lesquelles l’âge de la responsabilité pénale a été abaissé à 14 ans ; et sur le nombre de mineurs détenus avec des adultes.

S’intéressant aux questions de santé, MME RATOU JEAN ZARA, également membre du groupe de travail chargé par le Comité d’examiner plus en détail le rapport de la Bolivie, a constaté que la Bolivie avait adopté un système unifié qui garantit la gratuité des soins à la population non couverte par la sécurité sociale. Cependant, l’insuffisance des ressources financières et la pandémie de COVID-19 perpétuent de fortes inégalités dans l’accès aux services de santé, a-t-elle fait remarquer. Elle s’est enquise des stratégies de sensibilisation mises en place pour réduire le taux de mortalité infantile dans les communes les moins peuplées.

Mme Zara a ensuite demandé si des chefs d’établissements ou des employeurs avaient été sanctionnés pour avoir refusé d’appliquer la loi sur l’allaitement maternel, selon laquelle les mères peuvent emmener leur bébé sur leur lieu de travail, public ou privé, pour assurer un allaitement maternel exclusif.

L’experte s’est en outre interrogée sur l’efficacité de la campagne de prévention de la grossesse chez les adolescentes et les jeunes.

S’agissant du niveau de vie, Mme Zara a relevé que, selon le rapport présenté par l’État partie, la probabilité de mourir en Bolivie avant d’avoir atteint l’âge de cinq ans était plus élevée en zone rurale qu’en zone urbaine. Elle a demandé ce qui était fait pour réduire cette inégalité.

En ce qui concerne les questions d’éducation, Mme Zara s’est réjouie que la Bolivie ait rendu gratuit l’enseignement jusqu’au baccalauréat. Elle s’est toutefois interrogée, entre autres, sur le fait que le taux de fréquentation des élèves issus du milieu urbain dépasse largement celui des élèves du milieu rural (respectivement 70,50 % et 29,50 %).

Le Comité, a rappelé un autre expert, estime qu’il est important qu’existe dans tout pays une institution séparée chargée spécifiquement, dans la durée et sur l’ensemble du territoire, de la protection des droits de l’enfant.

Un expert a insisté sur l’importance d’appliquer concrètement la loi interdisant les châtiments corporels.

Une experte s’est enquise des raisons du nombre élevé de grossesses précoces en Bolivie.

Réponses de la délégation

La délégation a affirmé que la notion d’ intérêt supérieur de l’enfant, mentionnée dans la Constitution nationale, régissait tous les programmes en faveur de l’enfance en Bolivie.

La Constitution reconnaît une justice ordinaire et une justice autochtone et paysanne, a par ailleurs indiqué la délégation. Le droit à l’identité ethnique et socioculturelle des enfants est aussi reconnu. Tous les enfants, y compris les enfants autochtones, peuvent s’attendre à ce que l’État tienne compte de leurs droits dans toutes ses décisions, a souligné la délégation.

Pour donner effet au principe selon lequel tous les enfants et adolescents ont le droit de faire entendre leur opinion sur les questions qui les concernent, le Gouvernement favorise leur participation conformément à leur âge et à leur niveau de développement, a poursuivi la délégation. Des structures de participation citoyenne spécialement destinées aux enfants ont ainsi été créées. Le Gouvernement est en train de mettre en place les modalités de participation des enfants à l’élaboration du plan pour l’enfance, a-t-il été précisé.

Plusieurs instances gouvernementales promeuvent activement la participation des enfants et adolescents de tous âges à la vie sociale, y compris au sein des communautés autochtones paysannes, et plus de 120 comités ont été créés à cette fin au niveau des départements, a par ailleurs souligné la délégation. De plus, l’État diffuse régulièrement, dans les différentes langues du pays, des publications et messages audiovisuels informant sur les droits des enfants et des adolescents.

La loi stipule d’autre part que la justice doit auditionner les enfants en privé, a ajouté la délégation.

Jusqu’à 2019, la Bolivie a enregistré une baisse de 32% des placements en institution, a d’autre part fait valoir la délégation.

Le nombre d’enfants placés en institution en Bolivie est très élevé, même si les progrès importants accomplis depuis quelques années ont permis de réduire le phénomène de moitié, a par la suite précisé la délégation. Le Gouvernement poursuivra à l’avenir les politiques qui ont permis de limiter ce problème, en particulier en soutenant mieux les familles afin d’éviter les abandons d’enfants.

S’agissant de l’adoption, la délégation a déclaré que la loi actuelle tenait compte des besoins des enfants pouvant être adoptés tout en simplifiant et accélérant les procédures. D’autre part, les critères d’accréditation des centres d’accueil pour enfants à adopter ont été revus à la hausse, a souligné la délégation.

Quelque 413 000 certificats de naissance gratuits ont été émis en 2022, a précisé la délégation, avant de faire valoir que des mesures ont été prises pour que les enfants nés dans les régions rurales soient eux aussi effectivement inscrits à l’état civil.

La délégation a par ailleurs fourni un certain nombre de statistiques concernant la réduction de la malnutrition chronique et de la mortalité infantile .

Le nombre de grossesses précoces est tombé de 87 000 en 2015 à environ 39 000 en 2020, a en outre précisé la délégation. La prochaine politique nationale de lutte contre les grossesses précoces continuera sur la même lancée, a-t-elle indiqué. Le nombre de grossesses parmi les adolescentes a baissé mais reste une préoccupation pour le pays, a par la suite déclaré la délégation.

La délégation a en outre souligné que, pour certaines cultures présentes en Bolivie, il n’y a pas de grossesses « précoces » à proprement parler. Le Gouvernement mise sur l’élaboration communautaire de programmes scolaires axés sur la prévention des grossesses et sur l’apprentissage des méthodes de contraception, le but général étant de réduire le taux de fécondité parmi les jeunes filles. Il entend, en même temps, adapter le système de santé aux besoins des jeunes, dans le respect de leurs particularités culturelles, a ajouté la délégation.

En 2022, 913 interruptions volontaires de grossesse ont été enregistrées, dont 413 chez des jeunes filles de moins de 19 ans, a indiqué la délégation.

Une jeune fille qui tombe enceinte à la suite d’une agression sexuelle, a-t-il été précisé, doit être informée de son droit à une interruption volontaire de grossesse. Les établissements de santé ont l’obligation de répondre positivement à une telle demande, même si la jeune fille se présente sans ses parents.

Le Code de la famille de 2014 autorise le mariage ou le concubinage à partir de l’âge de 18 ans, a par ailleurs indiqué la délégation, avant d’ajouter que des exceptions sont possibles dès l’âge de 17 ans avec l’autorisation des tuteurs légaux des mineurs concernés ou moyennant l’aval d’un juge.

Le Gouvernement entend s’attaquer aux causes profondes des mariages précoces et des grossesses d’adolescentes en luttant contre la pauvreté et contre l’abandon scolaire, a expliqué la délégation. Il accorde par ailleurs la priorité à l’accès des jeunes de 12 à 17 ans – en particulier les adolescentes – à la santé sexuelle et procréative, y compris à des moyens de contraception efficaces.

La délégation a aussi indiqué que le Parquet avait créé une nouvelle section chargée des enquêtes sur les mariages forcés et les atteintes sexuelles sur mineures, le Gouvernement ayant aussi adopté un plan d’action pour détecter et prévenir ces phénomènes. Ces dispositifs correspondent à la volonté des autorités de mettre fin au système patriarcal et à la domination des hommes sur les femmes, a ajouté la délégation.

Toute forme de violence à l’encontre des enfants et des adolescents est interdite et condamnée, a d’autre part souligné la délégation. Le Gouvernement applique une stratégie communautaire pour protéger les enfants et adolescents autochtones paysans contre la violence et les abus sexuels. Quelque 1672 personnes ont été formées au niveau du Gouvernement et des communautés pour faire face à ces violences. Un programme de lutte contre les violences sexuelles sur les mineurs est en cours d’application, a indiqué la délégation.

Par ailleurs, le Gouvernement bolivien a élaboré des indicateurs permettant d’évaluer les effets de ses plans en termes de bien-être social et de développement des enfants, notamment pour ce qui est de la capacité des enfants à mener une vie exempte de violence.

La délégation a également fait savoir que plusieurs ministères et le système judiciaire avaient appliqué ensemble, de 2015 à 2020, un programme national de prévention et de sanction des violences sexuelles sur les enfants et les adolescents.

Le Ministère de l’éducation applique des normes de prévention et de lutte contre la violence en milieu scolaire, avec des sanctions à la clef, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement travaille, dans le même temps, à la sensibilisation du corps enseignant – quelque 22 000 enseignants ont ainsi été formés jusqu’en 2022. Les enseignants inculpés de faits de violence (635 à ce jour) sont suspendus de leurs fonctions jusqu’au terme de leur procès, a précisé la délégation.

La Bolivie estime inutile de créer une « commission de vérité » qui serait chargée d’enquêter sur des faits survenus dans des écoles et autres institutions : les contrôles déjà effectués par les instances compétentes permettent déjà d’identifier les cas qui se produisent, a dit la délégation. La création d’une telle commission se justifierait si des actes particulièrement graves étaient à craindre, comme des actes de torture ou de génocide, a ajouté la délégation en faisant référence à des événements survenus dans les décennies précédentes.

Des politiques d’éradication de l’ exploitation des enfants au travail ont été adoptées entre 2016 et 2019, a poursuivi la délégation ; elles concernent aussi les enfants vivant dans la rue, a-t-elle précisé. En concertation avec des associations de jeunes concernés, une proposition a été adoptée en vue d’accorder une protection sociale aux enfants de moins de 14 ans qui travaillent, a-t-il par ailleurs été indiqué.

Le Gouvernement bolivien mène des activités pour favoriser la responsabilité sociale et commerciale des grandes entreprises, y compris celle des entreprises pétrolières. Le but est de défendre les enfants au travail contre toute forme de violence, a souligné la délégation. Un plan national « Mercure et santé » couvre les activités des industries extractives ; d’autres mesures et plans d’action seront lancés en 2023, afin notamment de combattre l’utilisation du mercure dans les mines artisanales, a indiqué la délégation, rappelant que la Bolivie est partie à la Convention de Minamata sur le mercure (2013).

La Direction générale de l’enfance, de la jeunesse et des personnes âgées, qui dépend du Vice-Ministère de l’égalité des chances, collabore avec les autres instances du Gouvernement chargées de la protection de l’enfance, ainsi qu’avec la justice pénale, a fait savoir la délégation. Le Gouvernement central adopte les directives de protection de l’enfance au niveau national, en coordination avec les autorités municipales, a-t-elle indiqué. Il est aussi prévu de créer des mécanismes de lutte contre les infanticides, les féminicides et les violences sexuelles envers les mineurs.

Le bureau du Défenseur du peuple dispose d’une unité spécialement chargée des droits de l’enfant, a ajouté la délégation. Le Gouvernement a pour objectif de renforcer les compétences des institutions existantes en matière de protection, plutôt que de créer de nouvelles structures, a-t-elle expliqué.

Le budget consacré à l’enfance (plus de 10 % du PIB à l’heure actuelle) augmente régulièrement, malgré les difficultés économiques que rencontre le pays, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les droits à l’éducation et à la santé sont prioritaires dans ce budget, a-t-elle précisé.

La délégation a d’autre part indiqué que le Gouvernement était en train de créer un système statistique qui permettra de renseigner tous les aspects prévus par la Convention.

En fin de dialogue, la délégation a par ailleurs fait remarquer qu’il n’est pas facile de remédier à l’héritage colonial non plus qu’au patriarcat porté par certains blocs conservateurs ou religieux qui voudraient que le pays revienne sur certains acquis.

Remarques de conclusion

M. PEDERNERA REYNA a fait observer que les données relatives à la réduction de la pauvreté en Bolivie parlaient d’elles-mêmes, avant d’assurer que le Comité s’efforcerait de formuler des recommandations utiles au pays et à ses enfants, qui représentent 54% de la population.

MME CRUZ TARIFA a souligné que le modèle économique, social et productif de son pays avait en effet permis un recul important de la pauvreté et de la pauvreté extrême, ainsi que de la malnutrition. Elle a reconnu que son pays rencontrait encore des difficultés : celles-ci ont été identifiées et feront l’objet d’une feuille de route tenant compte de l’identité plurinationale de la Bolivie, a-t-elle déclaré. La Vice-Ministre a estimé que son pays avait démontré sa volonté de respecter les droits de l’homme en ratifiant les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et en intégrant leurs dispositions dans son droit interne. Elle a assuré plaider pour une approche qui soit davantage centrée sur les besoins des enfants.

 

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