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Examen de l’Ukraine au CEDAW : pour la réalisation de l'égalité des sexes, la guerre a aggravé les problèmes existants et en a créé de nouveaux, provoquant des violences sexuelles liées au conflit et la traite de personnes

Compte rendu de séance

 

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes comprend parfaitement « l'ampleur et la portée de l'agression armée génocidaire » de la Fédération de Russie contre l'Ukraine. La guerre a aggravé les problèmes existants et en a créé de nouveaux pour la réalisation de l'égalité des sexes ; elle a provoqué des déplacements internes et externes, la traite des êtres humains et des violences sexuelles liées au conflit. C’est ce qu’a déclaré une experte du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) alors qu’était examiné, hier matin et ce matin, le rapport présenté par l’Ukraine au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Dans ce contexte, a ajouté cette même experte, les violences sexuelles commises par les militaires et d'autres formations armées de la Fédération de Russie à l'encontre de la population civile ukrainienne doivent faire l'objet d'une évaluation appropriée, et la poursuite des responsables nécessitera l'harmonisation de la législation pénale ukrainienne avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Le Comité est profondément convaincu que l'Ukraine sortira de la guerre en offrant aux survivants de violences sexuelles des réparations tenant compte de leur sexe, ainsi qu'une réhabilitation médicale, un soutien psychosocial et un accès à la justice, a déclaré l’experte. Le Comité croit également qu'après la guerre, le Gouvernement sera déterminé à poursuivre la transformation de l'Ukraine en une société plus égalitaire et moins patriarcale, a-t-elle ajouté.

Au cours du débat, le Gouvernement ukrainien a été félicité pour les progrès en matière d'égalité des sexes qui ont eu lieu ces dernières années en Ukraine, dont témoignent notamment l'adoption d'instruments juridiques et politiques majeurs pour combattre la discrimination directe et indirecte à l'égard des femmes, l'établissement de quotas de genre obligatoires dans les listes électorales, ou encore la ratification de la Convention d'Istanbul.

Un expert membre du Comité a relevé que neuf millions de citoyens avaient quitté l’Ukraine après le 24 février 2022, notamment de nombreuses femmes enceintes, ce qui pose la question de savoir si et comment les enfants nés à l’étranger pourront acquérir la nationalité de leur pays d’origine. Selon des informations reçues par le Comité, a ajouté une experte, 10% à 15% des Roms n'ont pas de documents d'identité et sont donc vulnérables à la traite. D’autre part, a-t-il été souligné, 104 000 enfants placés dans des orphelinats gérés par l'État sont également exposées à un risque élevé de traite.

La représentation des femmes ukrainiennes, en particulier aux postes de haut rang, reste faible, a-t-il par ailleurs été observé.

Une experte a regretté que les manuels scolaires contiennent encore des stéréotypes discriminatoires envers les femmes et les filles. Le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent d'être cantonnées dans les secteurs d’emploi à faible revenu, a-t-il en outre été indiqué. Sont aussi préoccupants l’écart de 20% entre les salaires des femmes et des hommes, et le taux de chômage considérablement plus élevé pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes. La situation des femmes vivant dans les zones de conflit et des femmes déplacées par le conflit dans l'est de l'Ukraine, qui sont souvent les seules à subvenir aux besoins de leur famille, est aussi préoccupante, a-t-il été souligné.

Présentant le rapport de son pays, Mme Oksana Zholnovych, Ministre de la politique sociale de l’Ukraine, a notamment fait valoir que la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) avait été ratifiée en juin 2022, et que le Code ukrainien des infractions administratives avait été modifié pour sanctionner plus durement la violence domestique et la violence fondée sur le sexe.

Mme Zholnovych a ensuite fait état de l’adoption, en août dernier, de la Stratégie nationale visant à garantir l'égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes jusqu'en 2030, assortie d’un plan d’application pour la période 2022-2024 qui prévoit en particulier des mesures temporaires spéciales pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décision au sein des autorités publiques et des entreprises.

S’agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, la Ministre a précisé que depuis le début de cette année, 95 infractions pénales ont été enregistrées au motif de ce crime. Le nombre de cas de traite des êtres humains est peut-être beaucoup plus élevé, a-t-elle mis en garde.

Quelque 60 % des personnes déplacées à l'intérieur du pays sont des femmes ; un quart sont des retraités (1,2 million), principalement des femmes ; et 170 000 sont des personnes handicapées, dont 49 % de femmes, a par ailleurs fait observer la Ministre. En outre, a-t-elle ajouté, ce sont plusieurs millions de femmes ukrainiennes qui se trouvent dans les territoires temporairement occupés, vivent dans les zones d'hostilités ou ont été déportées de force vers la Fédération de Russie.

Depuis le début de la guerre, plusieurs cas de violences sexuelles commises par l'armée russe contre des civils ont été enregistrés, la violence sexuelle étant utilisée comme une arme de guerre, a par ailleurs déclaré la Ministre, soulignant que les autorités ukrainiennes avaient ouvert plusieurs dizaines de procédures pénales pour des faits de violence sexuelle commis dans le cadre du conflit armé. L'une des tâches du Gouvernement consiste à adapter rapidement son système de lutte contre la violence aux besoins particuliers des victimes de violences sexuelles liées au conflit, afin de leur fournir toute la gamme des aides et services nécessaires, a indiqué la Ministre.

Pour sa part, M. Volodymyr Dzhydzhora, Chef du Département de la coopération internationale et de l'intégration européenne au Bureau du Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien, a reconnu que l’Ukraine prenait un certain nombre de mesures pour accélérer l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et pour renforcer l'autonomie des femmes. Dans le même temps, a-t-il toutefois indiqué, le contrôle exercé par le Commissaire aux droits de l'homme montre que, malgré d'importants changements positifs, l'inégalité entre les sexes persiste dans de nombreux domaines. D’autre part, a poursuivi M. Dzhydzhora, l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a aggravé les défis et les problèmes et en a créé de nouveaux pour la réalisation des droits de différents groupes de femmes et d'hommes : déplacements internes et externes, perte des moyens de subsistance, risques de subir des violences, y compris des violences sexuelles liées au conflit, et risques de traite des êtres humains. La commission de violences sexuelles contre la population civile ukrainienne par les forces armées et d'autres formations armées de la Fédération de Russie doit faire l’objet d’enquêtes et les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice, a-t-il insisté.

La délégation ukrainienne était également composée, entre autres, de Mme Yevheniia Filipenko, Représentante permanente de l’Ukraine auprès des Nations Unies à Genève ; de la Commissaire du Gouvernement pour l’égalité entre les sexes ; ainsi que de représentants des Ministères des affaires étrangères, de l’intérieur, de la justice, de l’économie, de l’éducation et des sciences, de la réintégration, et de la santé.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Ukraine et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 28 octobre prochain.

 

Cet après-midi, à 15 heures, le Conseil doit achever l’examen du rapport du Honduras entamé hier après-midi.

 

Examen du rapport

Le Comité était saisi du neuvième rapport périodique de l’Ukraine (CEDAW/C/UKR/9), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, MME OKSANA ZHOLNOVYCH, Ministre de la politique sociale de l’Ukraine, a fait savoir, entre autres progrès accomplis par son pays, que grâce à la coopération étroite entre le Président, le Gouvernement, le Parlement et la société civile ukrainiens, la Convention d'Istanbul [Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique] avait été ratifiée, en juin 2022 ; des amendements avaient été apportés à la loi sur la publicité en 2021 afin de lutter contre la discrimination fondée sur le sexe ; et le Code ukrainien des infractions administratives avait été modifié pour sanctionner plus durement la violence domestique et la violence fondée sur le sexe.

Mme Zholnovych a aussi indiqué que les fonctionnaires de justice et les policiers suivaient des formations continues pour mieux appliquer la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dans la pratique ; que le système statistique était en cours d'amélioration pour permettre une analyse qualitative du genre ; et que l'application d'une approche sexospécifique dans le processus budgétaire aux niveaux national et local garantissait la prise en compte des besoins des différents groupes sociaux de femmes et d'hommes.

Mme Zholnovych a ensuite fait état de l’adoption, en août dernier, de la Stratégie nationale visant à garantir l'égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes jusqu'en 2030, assortie d’un plan d’application pour la période 2022-2024. Le plan prévoit en particulier des mesures temporaires spéciales pour parvenir à une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans la prise de décision au sein des autorités publiques et des entreprises, par l'application de quotas et de programmes de mentorat pour les femmes. La proportion de femmes occupant des postes de direction est passée de 28% en 2021 à 32% au 1er juillet 2022, a indiqué la Ministre, précisant que les femmes occupaient 22% des postes au Gouvernement.

S’agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, la Ministre a précisé que depuis le début de cette année, 95 infractions pénales ont été enregistrées au motif de ce crime. En septembre 2022, le Service social national a conféré le statut de victime de la traite des êtres humains à 28 personnes, dont 10 ont été exploitées en France, 3 dans la Fédération de Russie et 15 en Ukraine. Le nombre de cas de traite des êtres humains est peut-être beaucoup plus élevé, a mis en garde la Ministre.

Dans le cadre des engagements pris au titre du « Partenariat de Biarritz », la stratégie pour l'égalité des sexes dans l'éducation jusqu'en 2030 a été préparée pour être soumise au Gouvernement. En 2021-2022, tous les contenus éducatifs publiés aux frais de l'État ont passé un « examen antidiscrimination », a poursuivi Mme Zholnovych.

Pour que l'éducation se poursuive dans les conditions de guerre, les enfants peuvent continuer leurs études dans des établissements d'enseignement secondaire général dans leur nouveau lieu de résidence.

Mais la réalité aujourd'hui est la suivante : 2608 institutions éducatives ont souffert des bombardements et du pilonnage et 313 sont complètement détruites, a souligné la Ministre.

Par ailleurs, en 2021, par rapport à 2020, l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes avait diminué de près de 3% pour s’établir à 18,6%, a fait observer Mme Zholnovych. L'Ukraine améliore la législation du travail afin d’étendre les opportunités d'emploi pour les femmes, de même que la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles des employés. Un nouveau type de congé social a été créé : un congé payé unique à la naissance d'un enfant, d'une durée maximale de 14 jours civils, utilisable par le père de l'enfant ; dans le même esprit, un réseau d'institutions alternatives aux établissements d'enseignement préscolaire traditionnels est en cours de création.

En raison de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, a aussi fait savoir la Ministre, le nombre de femmes et d'hommes handicapés augmente. C'est pourquoi les mesures visant à rendre les espaces et tous les domaines de la vie inclusifs sont de plus en plus importantes. La Ministre a remercié les pays qui aident l’Ukraine à fournir des traitements et des prothèses aux personnes blessées pendant la guerre.

Quelque 60 % des personnes déplacées à l'intérieur du pays sont des femmes ; un quart sont des retraités (1,2 million), principalement des femmes ; et 170 000 sont des personnes handicapées, dont 49 % de femmes, a-t-elle précisé. En outre, ce sont plusieurs millions de femmes ukrainiennes qui se trouvent dans les territoires temporairement occupés, vivent dans les zones d'hostilités ou ont été déportées de force vers la Fédération de Russie.

Depuis le début de la guerre, plusieurs cas de violences sexuelles commises par l'armée russe contre des civils ont été enregistrés, la violence sexuelle étant utilisée comme une arme de guerre, a ensuite déclaré la Ministre, soulignant que les autorités ukrainiennes avaient ouvert plusieurs dizaines de procédures pénales pour des faits de violence sexuelle commis dans le cadre du conflit armé. L'une des tâches du Gouvernement consiste à adapter rapidement son système de lutte contre la violence aux besoins particuliers des victimes de violences sexuelles liées au conflit, afin de leur fournir toute la gamme des aides et services nécessaires, a indiqué la Ministre.

Le réseau de services de soutien spécialisés pour les victimes de violence domestique et sexiste a été étendu en 2021. Aujourd'hui, 431 équipes mobiles d'assistance sociale et psychologique, 43 refuges, 37 centres de jour d'assistance sociale et psychologique, ainsi que 66 services de conseil remplissent leurs fonctions. Près de 15 000 femmes ont eu recours à ces services spécialisés en 2022.

La Ministre a aussi décrit les services créés, au profit de personnes déplacées des zones d'hostilités actives, dans la ville de Zaporijia, qui subit depuis le début du mois d'octobre des tirs de roquettes et des bombardements sur des bâtiments résidentiels. En particulier, le Centre d'assistance aux personnes secourues, une institution d'État créée par le Gouvernement en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la population, est venu en aide à plus de 800 femmes, a-t-elle précisé.

Mme Zholnovych a fait part de la reconnaissance de son pays aux États qui le soutiennent dans sa lutte pour la liberté dans une période difficile, contre « le mal qui n'a pu être arrêté en 2014 et qui a pris un terrible élan en février 2022 ». L’Ukraine a d’ores et déjà préparé un projet de plan de restauration dans 24 domaines tenant tous compte de l’approche de genre.

M. VOLODYMYR DZHYDZHORA, Chef du Département de la coopération internationale et de l'intégration européenne au Bureau du Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien, a reconnu que l’Ukraine prenait un certain nombre de mesures pour accélérer l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes et pour renforcer l'autonomie des femmes. Dans le même temps, a-t-il toutefois indiqué, le contrôle exercé par le Commissaire aux droits de l'homme montre que, malgré d'importants changements positifs, l'inégalité entre les sexes persiste dans de nombreux domaines.

Entre 2019 et 2021, 96 personnes ont adressé au Commissaire des réclamations concernant des violations du droit à la protection contre la discrimination fondée sur le sexe et de l'égalité des droits des femmes et des hommes ; en 2022, 21 recours sur des questions similaires ont été reçus. En outre, au cours de la période 2019-2021, 426 dénonciations de violence domestique ont été reçues, et 103 en 2022.

D’autre part, a poursuivi M. Dzhydzhora, l'agression armée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, en particulier sa phase à grande échelle, a aggravé les défis et les problèmes et en a créé de nouveaux pour la réalisation des droits de différents groupes de femmes et d'hommes : déplacements internes et externes, perte des moyens de subsistance, risques de subir des violences, y compris des violences sexuelles liées au conflit, et risques de traite des êtres humains.

Les forces de l'ordre ukrainiennes mènent des enquêtes préliminaires dans plus de quarante procédures pénales concernant des actes violents de nature sexuelle commis par des militaires russes. Des cas de violence sexuelle liée au conflit ont été signalés dans les territoires temporairement occupés et désoccupés de l'Ukraine, en particulier dans les régions de Donetsk, Zaporijia, Kyiv, Luhansk, Kharkiv, Kherson et Chernihiv. Les femmes et les filles sont les plus touchées par la violence sexuelle.

La commission de violences sexuelles contre la population civile ukrainienne par les forces armées et d'autres formations armées de la Fédération de Russie doit faire l’objet d’enquêtes et les auteurs de ces actes doivent être traduits en justice, a insisté M. Dzhydzhora. L'Ukraine s'efforce déjà de réglementer la protection des victimes et de gérer la question de la traduction en justice des auteurs à tous les niveaux, a-t-il indiqué.

Questions et observations des membres du Comité

MME DALIA LEINARTE, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Ukraine, a d’abord déclaré que le Comité reconnaissait pleinement les efforts que déploie le Gouvernement ukrainien pour tenir le présent dialogue avec le Comité pendant la guerre non provoquée de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.

Mme Leinarte a ensuite félicité le Gouvernement ukrainien pour les progrès en matière d'égalité des sexes qui ont eu lieu ces dernières années en Ukraine. Elle a cité à cet égard l'adoption d'instruments juridiques et politiques majeurs pour combattre la discrimination directe et indirecte à l'égard des femmes, notamment la stratégie d’État sur l'égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes jusqu'en 2030, avec son plan d’application pour la période 2022-2024 ; l'établissement de quotas de genre obligatoires dans les listes électorales ; la ratification de la Convention d'Istanbul ; ou encore l'adoption de l’Instruction sur l’intégration des approches de genre à l’élaboration de réglementations (2020).

Le Comité comprend parfaitement l'ampleur et la portée de « l'agression armée génocidaire » de la Fédération de Russie contre l'Ukraine, a dit Mme Leinarte. La guerre a aggravé les problèmes existants et en a créé de nouveaux pour la réalisation de l'égalité des sexes ; elle a provoqué des déplacements internes et externes, la traite des êtres humains et des violences sexuelles, a-t-elle fait observer.

De nombreux acteurs procèdent actuellement, sur le terrain, à une vaste collecte de preuves, a poursuivi l’experte, avant de demander qui, en Ukraine, était chargé de coordonner la collecte des preuves. Les violences sexuelles commises par les militaires et d'autres formations armées de la Fédération de Russie à l'encontre de la population civile ukrainienne devront faire l'objet d'une évaluation appropriée, a souligné Mme Leinarte. Cependant, a-t-elle fait remarquer, la poursuite des responsables nécessite l'harmonisation de la législation pénale ukrainienne avec le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le Comité est profondément convaincu que l'Ukraine sortira de la guerre en offrant aux survivants de violences sexuelles des réparations tenant compte de leur sexe, ainsi qu'une réhabilitation médicale, un soutien psychosocial et un accès à la justice, a dit Mme Leinarte. Le Comité croit également qu'après la guerre, le Gouvernement sera déterminé à poursuivre la transformation de l'Ukraine en une société plus égalitaire et moins patriarcale.

Une autre experte du Comité a voulu savoir comment l’Ukraine intégrerait l'égalité entre les sexes, le respect des droits des femmes et le leadership des femmes comme priorités stratégiques dans sa reconstruction économique et politique.

Il a par ailleurs été suggéré qu'un soldat russe ayant porté atteinte aux droits des femmes ne puisse jamais être échangé lors d'un échange de prisonniers avec la Fédération de Russie.

D’aucuns ont voulu savoir si la ligne d'assistance téléphonique dédiée aux victimes de la traite des êtres humains était toujours en service. Selon des informations reçues par le Comité, a dit une experte, 10% à 15% des Roms n'ont pas de documents d'identité et sont donc vulnérables à la traite. D’autre part, a-t-il été ajouté, 104 000 enfants placés dans des orphelinats gérés par l'État sont également exposées à un risque élevé de traite.

D’autres questions des experts ont porté sur la lutte contre la violence domestique et sur l’aide apportée aux victimes de cette violence.

Une experte a salué les efforts de l’Ukraine pour assurer l'égalité des sexes, en dépit des problèmes causés par l'agression armée totale de la Fédération de Russie contre cet État souverain. Elle a espéré qu’après la guerre, l'Ukraine donnerait l'exemple en matière d'égalité et de parité en politique et dans la prise de décision.

S’agissant de la participation et de la représentation des femmes au niveau décisionnel et en politique, on constate une augmentation du nombre de femmes au Parlement et dans les organes administratifs locaux, a relevé la même experte. Ainsi, les femmes représentaient 20,8% des membres du Parlement en 2019, contre 11,6% en 2014, a-t-elle observé. Cependant, la part des femmes dans les conseils d'établissement et de village a diminué durant cette même période pour se situer respectivement à 37,9% (contre 46,1%) et 41,3% (contre 55,7%), a relevé l’experte. La représentation des femmes ukrainiennes, en particulier aux postes de haut rang, reste faible, malgré leur rôle essentiel à tous les stades du conflit et de la consolidation de la paix, a-t-elle aussi constaté.

L’experte a voulu savoir comment le Gouvernement entendait faire progresser la place des femmes dans le service diplomatique, dans les instances internationales, ainsi que dans la magistrature et le secteur privé. Elle a demandé si des stratégies étaient envisagées pour protéger les femmes politiciennes contre les attaques sexistes.

La même experte a demandé des informations sur les mesures prises pour permettre aux femmes déplacées à l'intérieur du pays, aux femmes appartenant à des minorités nationales et aux femmes handicapées de participer en tant qu'électrices et candidates aux élections. Elle a aussi demandé dans quelle mesure le quota de femmes inscrit dans le Code électoral avait donné de bons résultats.

Un expert membre du Comité a relevé que neuf millions de citoyens avaient quitté l’Ukraine après le 24 février 2022, notamment de nombreuses femmes enceintes, ce qui pose la question de savoir si et comment les enfants nés à l’étranger pourront acquérir la nationalité de leur pays d’origine. Il a demandé s’il était prévu de simplifier les procédures d’octroi de la nationalité ukrainienne aux personnes vivant dans les territoires ukrainiens hors du contrôle du Gouvernement.

Une autre experte a regretté que les manuels scolaires contiennent encore des stéréotypes discriminatoires envers les femmes et les filles. D’autre part, vu le nombre d’écoles qui ont fermé et les difficultés d’accès à Internet dans les campagnes, l’experte a demandé comment l’État garantissait le droit des filles à être scolarisées.

En ce qui concerne les questions d’emploi, une experte a félicité l’Ukraine d’avoir offert la possibilité aux deux parents de prendre un congé parental de 14 jours et d’avoir préparé un code de conduite pour les organisations d'employeurs sur l'égalité des sexes et la non-discrimination. Mais, a dit l’experte, le Comité est préoccupé par le fait que les femmes continuent d'être cantonnées dans les secteurs à faible revenu. En outre, a-t-elle ajouté, dans la situation de conflit où les dépenses ont été réduites et les salaires diminués, les femmes ont été gravement touchées par des pertes d'emplois importantes dans la fonction publique.

Sont aussi préoccupants l’écart de 20% entre les salaires des femmes et des hommes, et le chômage considérablement plus élevé pour les jeunes femmes (60%) que pour les jeunes hommes (43%). La situation des femmes vivant dans les zones de conflit et des femmes déplacées par le conflit dans l'est de l'Ukraine, qui sont souvent les seules à subvenir aux besoins de leur famille, est aussi préoccupante, a souligné l’experte. Elle a regretté que la loi ukrainienne ne contienne pas de mécanisme efficace pour protéger les femmes employées contre le harcèlement sexuel au travail.

La pandémie puis la guerre ont entraîné des perturbations des services de santé qui affectent plus particulièrement les femmes, a relevé une autre experte. Elle a demandé comment l’État prenait en charge les femmes ayant subi des violences dans leur foyer ou dans les lieux où elles ont dû fuir ; ainsi que les femmes victimes de violences sexuelles pendant le conflit.

Une experte a souligné que la pauvreté menaçait une grande partie de la population ukrainienne. Elle a demandé si les femmes avaient bien bénéficié des mesures de soutien décidées en leur faveur.

Réponses de la délégation

Malgré l’invasion du pays, les autorités judiciaires ukrainiennes et de police veillent à ce que les crimes de guerre perpétrés par des représentants de la Fédération de Russie fassent l’objet d’enquêtes, y compris les cas de violence sexuelle liés au conflit. Quarante-trois procédures ont été ouvertes à ce titre, mais ce n’est que le début du travail : on discerne en effet à ce stade, dans les territoires libérés [par l’armée ukrainienne], un schéma liant la présence de militaires russes [dans ces territoires avant qu’ils ne soient libérés] et la violence sexuelle, a affirmé la délégation. Il est aussi arrivé que des officiers donnent l’ordre à leurs subordonnés de commettre des violences sexuelles, ce qui est un indicateur qu’il s’agit bien d’utilisation de ces violences comme une arme dans cette guerre, a-t-elle ajouté.

Les autorités ont adopté une approche complète de l’identification de ces crimes, des enquêtes à leur sujet et des services à apporter aux victimes et survivants. Cette approche est centrée sur les besoins des victimes et survivants, et tient compte de leurs vulnérabilités, a fait savoir la délégation. Tous les intervenants concernés au sein du Gouvernement suivent des formations sur cette question. Les autorités judiciaires ont lancé une campagne de sensibilisation de la société civile. Le nombre de plaintes reçues devrait ainsi augmenter, a affirmé la délégation.

La capacité des acteurs qui fournissent une assistance aux survivants de violences sexuelles liées au conflit doit être développée, a souligné la délégation.

Des amendements ont été introduits pour améliorer le projet de loi sur la protection des femmes dans les conflits, ce qui explique le retard pris dans l’adoption de ce texte, a par la suite expliqué la délégation. Des mesures ont été introduites pour soutenir les personnes vivant dans les territoires occupés et aider celles qui se trouvent dans des zones d'hostilités actives.

La délégation a souligné que la lutte contre la violence domestique était une priorité avant la guerre et qu’une analyse supplémentaire de ce phénomène était désormais nécessaire, car l'enregistrement des cas de violence domestique a diminué en raison du conflit.

L'aide aux femmes victimes de violence est fournie sous forme de salles de crise et de lignes d'assistance téléphonique, et est financée aux niveaux national et local, a expliqué la délégation. Plusieurs lignes d'assistance téléphonique en service sont gérées par le Gouvernement et il existe également des lignes d'assistance coordonnées par des organisations non gouvernementales, a-t-elle précisé, avant d’indiquer qu’un audit des lignes d'assistance a été réalisé en septembre de cette année. De nouvelles lignes directrices relatives à la lutte contre la violence domestique et la violence sexuelle sont en cours d’élaboration, conformément à la Convention d’Istanbul, a ajouté la délégation.

Plus de 3000 victimes de la traite des êtres humains ont reçu des informations concernant leurs droits et les mécanismes de protection, a d’autre part fait savoir la délégation. Elle a par ailleurs indiqué que les autorités oeuvrent à la réintégration sociale des femmes qui souhaitent arrêter la prostitution.

Environ 12 000 jeunes orphelins ukrainiens vivent à l'étranger en raison du conflit et environ 6000 ont été relogés dans des familles d'accueil. Dans certains cas, des institutions entières ont été évacuées. Des informations préoccupantes ont été reçues concernant la situation des enfants ukrainiens à l'étranger, notamment au regard des risques de traite. L'adoption d'enfants ukrainiens a été suspendue pour atténuer ces risques, a fait observer la délégation.

La question – évoquée par une experte du Comité – des citoyens ukrainiens qui ont reçu des passeports russes est un tout nouveau problème ; a poursuivi la délégation. Le Gouvernement doit élaborer une procédure permettant de déterminer comment ces personnes ont obtenu un passeport russe.

Dans les territoires ukrainiens temporairement occupés, l’ enregistrement des naissances est gratuit et régi par une procédure simplifiée ; quelque 902 naissances ont été ainsi enregistrées dans les six premiers mois de 2022. Les personnes apatrides ou réfugiées peuvent aussi faire une demande. Des enfants roms ont été inscrits selon la même procédure. Pour ce qui est des personnes ayant fui l’Ukraine, elles peuvent demander en ligne un certificat de naissance. Les forces d’occupation russes empêchent les Ukrainiens qui résident dans les régions qu’elles occupent de se rendre dans les administrations, a d’autre part dénoncé la délégation ukrainienne.

S’agissant de la présence des femmes dans l’armée, il a été précisé que 5000 femmes environ étaient en première ligne et 50 000 dans d’autres postes dans l'armée. Accroître la capacité du secteur de la défense à remédier à la discrimination est une priorité essentielle du Gouvernement, a indiqué la délégation.

Pour améliorer la participation et la représentation des femmes, le Gouvernement va lancer la création d’un réseau de femmes leaders et s’emploiera en même temps à combattre les stéréotypes à leur encontre. Le nombre de femmes occupant des postes de cadre dans l’administration ne cesse d’augmenter, a fait valoir la délégation. Plusieurs femmes ont atteint le grade de général au fil des ans, surtout depuis 2014, date de l’abrogation du règlement interdisant l’accès des femmes à certaines fonctions jugées « difficiles », a-t-elle ajouté.

Le Ministère des affaires étrangères a adopté une stratégie pour l’égalité entre les sexes dans la diplomatie, a poursuivi la délégation, précisant que le Ministère comptait, en 2021, 40% de femmes parmi son personnel – un chiffre en constante progression. Dans le secteur privé, les dernières statistiques remontent à fin 2021, a indiqué la délégation ; actuellement, les employeurs qui emploient des femmes déplacées à l’intérieur du pays ont droit à des indemnités équivalant au montant du salaire minimal, a-t-elle fait valoir.

Les listes électorales des partis politiques doivent compter 40% de femmes au minimum, a d’autre part souligné la délégation. La lutte contre le sexisme en politique ressortit de la loi générale contre la discrimination envers les femmes, a-t-elle précisé.

Pour ce qui est des questions d’éducation, la délégation a indiqué que le système scolaire continuait de dispenser des enseignements, en ligne ou en face à face, malgré la guerre.

La Stratégie nationale visant à garantir l'égalité des droits et des chances pour les femmes et les hommes jusqu'en 2030 contient un chapitre consacré à l’accès à une éducation non discriminatoire, a-t-il été précisé. Les écoles publiques utilisent uniquement des manuels – en papier ou sous forme électronique – ayant passé un test de conformité aux exigences de la lutte contre les discriminations, a souligné la délégation. Les programmes scolaires sont analysés selon les mêmes critères et adaptés en conséquence.

La délégation a répondu à d’autres questions sur la sûreté et la sécurité des établissements scolaires. Des représentants des services de sécurité enseignent aux enfants comment se comporter en cas de danger, a-t-elle notamment précisé.

Plusieurs ministères mènent de concert un projet de sensibilisation au problème du harcèlement à l’école – un comportement qui est passible de sanctions, a d’autre part fait savoir la délégation. Le Gouvernement met aussi l’accent sur l’intégration des jeunes enfants roms dans le système préscolaire et scolaire, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne l’emploi, la délégation a fait état d’une tendance à la réduction de l’écart salarial entre les sexes depuis cinq ans. L’Ukraine prépare une stratégie nationale dans ce domaine ainsi qu’un plan d’action, qui devraient être adoptés en décembre 2022, a indiqué la délégation. Il est envisagé de préparer une législation globale et progressiste sur le travail, avec en son centre l’interdiction de toute discrimination envers les femmes au travail, en particulier s’agissant du salaire ; reste notamment à préciser la définition de la notion de « travail égal », a souligné la délégation.

Depuis trois ans, plusieurs lois ont été amendées pour mieux réprimer le harcèlement sexuel au travail, y compris au sein des forces de sécurité, a ajouté la délégation. Le Ministère de l’intérieur a élaboré des directives pour prévenir tout cas de discrimination ou de harcèlement sexuel par ses fonctionnaires.

Le « plafond de verre » qui bloque l’autonomisation des femmes est en train de se rompre, a insisté la délégation.

S’agissant des questions de santé, la délégation a d’abord précisé que l’agression russe constituait un génocide du peuple ukrainien, avec notamment l’assassinat de civils, y compris de femmes enceintes.

Un vaste programme de transformation des services de santé est en cours depuis plusieurs années pour que toutes et tous aient accès rapidement à des soins de qualité, a ensuite souligné la délégation. La portée des services médicaux a changé depuis l’agression militaire, avec la destruction ou l’endommagement de nombreuses institutions de santé, a ensuite fait observer la délégation. C’est pourquoi des équipes mobiles de maternité ont été créées : elles sont aussi actives dans les zones libérées, comme à Izioum. L’Ukraine dispose généralement d’un bon service de santé périnatale, a ajouté la délégation. De nombreux médecins ont quitté le pays pour mettre leur famille à l’abri : ils peuvent soigner leurs compatriotes réfugiés à l’étranger, a par ailleurs déclaré la délégation.

La prise en charge en soins de santé mentale est difficile et on s’attend à ce que 15 millions de personnes aient besoin d’un soutien dans ce domaine après la guerre, a d’autre part indiqué la délégation.

 

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CEDAW22.033F