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Conseil des droits de l’homme : Mme Achiume insiste sur l'urgente nécessité de décoloniser les systèmes économiques, juridiques et politiques mondiaux et alerte contre un « retour de bâton », à l'échelle mondiale, contre la justice raciale et ses défenseurs

Compte rendu de séance

 

En 2020, à la suite du meurtre de George Floyd, de Breonna Taylor et d'autres, la communauté internationale a assisté à un soulèvement transnational sans précédent pour la justice raciale. Ce soulèvement a déclenché des processus de transformation menés par des défenseurs de la justice raciale qui ont mis en évidence la nature historique et systémique du racisme et ont ouvert la voie à la réparation de ces injustices. Or, immédiatement après les soulèvements en faveur de la justice raciale, certains gouvernements ont réagi par la violence et les représailles à l'encontre de ceux qui s'exprimaient en faveur de la justice.

C’est ce qu’a observé ce matin, devant le Conseil des droits de l’homme, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme E. Tendayi Achiume, avant d’alerter contre un « retour de bâton » à l'échelle mondiale contre la justice raciale et ses défenseurs – notamment les défenseurs des droits humains des autochtones et de ceux appartenant à des groupes marginalisés sur le plan racial et ethnique.

Mme Achiume a également souligné que la pandémie de COVID-19 avait mis en évidence et aggravé certaines hiérarchies raciales et ethniques – avec notamment ce que l'on pourrait décrire comme un « apartheid vaccinal ».

Présentant par ailleurs son rapport sur les Objectifs de développement durable et la lutte contre la discrimination raciale, la Rapporteuse spéciale a affirmé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne tenait pas sa promesse de « ne laisser personne de côté » s'agissant des principes d'égalité raciale et de non-discrimination. Si le rapport reconnaît certains progrès accomplis depuis l'adoption du Programme, il conclut toutefois que ce Programme est incapable de remettre en question la dynamique de sous-développement discriminatoire sur le plan racial ancrée dans l'ordre économique international. Le rapport expose donc l'urgente nécessité de décoloniser les systèmes économiques, juridiques et politiques mondiaux, un objectif qui ne pourra être atteint qu'en dépassant les visions, modèles et moyens eurocentrés du développement économique, a souligné la Rapporteuse spéciale.

Présentant en outre un deuxième rapport sur la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, Mme Achiume s’est notamment inquiétée que l'agression territoriale en Ukraine ait été justifiée par la prétendue élimination du néonazisme. L'utilisation du néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale sape les efforts pour lutter contre cette idéologie, a mis en garde la Rapporteuse spéciale.

Ce matin, de très nombreuses délégations* ont ensuite pris part au dialogue avec la Rapporteuse spéciale.

Les délégations ont réitéré leur détermination à combattre le racisme et la discrimination raciale dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine ou encore du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Ont été particulièrement dénoncés les discriminations et actes racistes ciblant les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les réfugiés et les minorités ethniques et linguistiques, de même que l’islamophobie, le nationalisme ou encore la russophobie.

Le racisme est un « affront » qui menace la réalisation de tous les Objectifs du développement durable, lesquels sont tous interconnectés, a-t-il été affirmé. Un groupe de pays a estimé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne s’attaquait pas aux causes sous-jacentes et systémiques du racisme et de la discrimination raciale. Ce Programme ne permet pas de lutter contre l’ordre international « injuste issu du colonialisme » et cet ordre international, dans sa forme actuelle, perpétue le racisme, a-t-il été déclaré. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a pourtant le potentiel de faire avancer le principe d’égalité au plan international, a affirmé un groupe de pays, disant appuyer l’appel de la Rapporteuse spéciale à un véritable engagement de la communauté internationale contre le racisme.

De nombreux pays souffrent encore aujourd’hui des conséquences du colonialisme, a-t-il été rappelé, une délégation attribuant le racisme institutionnalisé au sentiment de supériorité et d’impunité né durant les périodes de la traite des esclaves et du colonialisme.

La Fédération de Russie et l’Ukraine ont exercé leur droit de réponse à la fin de la séance.

 

À 15 heures cet après-midi, le Conseil sera saisi d’un rapport du Secrétaire général sur la situation relative aux droits humains dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol (Ukraine) temporairement occupées, ainsi que d’une présentation orale de la Haute-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.

 

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée

Le Conseil est saisi d’une étude de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme portant sur les Objectifs de développement durable et la lutte contre la discrimination raciale (A/HRC/50/60, version préliminaire en anglais) ainsi que d’un rapport traitant de la lutte contre la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée (A/HRC/50/61).

Présentation

MME E. TENDAYI ACHIUME, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, a d’abord rappelé qu’en 2020, à la suite du meurtre de George Floyd, de Breonna Taylor et d'autres, la communauté internationale avait assisté à un soulèvement transnational sans précédent pour la justice raciale. Ce soulèvement, a salué l’experte, a déclenché des processus de transformation menés par des défenseurs de la justice raciale – défenseurs qui ont mis en évidence la nature historique et systémique du racisme et ont ouvert la voie à la réparation de ces injustices.

Immédiatement après les soulèvements en faveur de la justice raciale, certains gouvernements ont réagi par la violence et les représailles à l'encontre de ceux qui s'exprimaient en faveur de la justice, a regretté la Rapporteuse spéciale, qui a alerté contre un « retour de bâton » à l'échelle mondiale contre la justice raciale et ses défenseurs – notamment les défenseurs des droits humains des autochtones et de ceux appartenant à des groupes marginalisés sur le plan racial et ethnique. Dans certains pays, a déploré Mme Achiume, des attaques sans fondement contre la théorie critique de la race cherchent à diaboliser les demandes d'une prise en compte plus honnête et plus profonde du racisme systémique. La Rapporteuse spéciale a donc exhorté les États à prendre des mesures immédiates et ciblées pour faire face à la réaction brutale contre la justice raciale et ses défenseurs.

Mme Achiume a ensuite relevé que la pandémie de COVID-19 avait mis en évidence et aggravé certaines hiérarchies raciales et ethniques – avec notamment ce que l'on pourrait décrire comme un « apartheid vaccinal », a-t-elle dénoncé. Les États les plus riches et les plus puissants ont permis aux entreprises de réaliser des profits exponentiels en cette période de crise, tout en négligeant les besoins des populations qui sont marginalisées pour des raison ethniques et raciales, alors même que les prix de l'énergie et de la nourriture explosent, a-t-elle fait observer.

S’agissant ensuite du rapport concernant les Objectifs de développement durable et la lutte contre la discrimination raciale , Mme Achiume a indiqué qu’il analysait comment le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et plus largement le programme de développement international, atténuait mais, simultanément, perpétuait la discrimination raciale au sein des pays et entre eux. Pendant des siècles, les puissances coloniales ont justifié par le racisme et l'exploitation leur domination sur les peuples colonisés, notamment en affirmant, à tort, que les peuples non blancs étaient biologiquement inférieurs. Aujourd’hui, si les discours explicitement racistes ont été pour l’essentiel abandonnés, les notions de « retard » économique, politique, social et culturel des peuples anciennement colonisés du monde « en développement » persistent, a fait remarquer la Rapporteuse spéciale.

La pandémie de COVID-19 montre très bien les caractéristiques de l'économie mondiale du développement, a poursuivi Mme Achiume. L'accès inégal au traitement et aux technologies de prévention de la COVID-19 entre les États, et l'impact racialisé de la maladie au sein des États, illustrent le racisme systématique qui est enraciné dans les héritages historiques de l'esclavage, du colonialisme et de l'exploitation.

Le rapport montre qu'en dépit de sa rhétorique prometteuse – notamment une vision de l'avenir du monde ancrée dans la paix, la justice, l'égalité et les droits de l'homme –, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne tient pas sa promesse de « ne laisser personne de côté » s'agissant des principes d'égalité raciale et de non-discrimination. Cela est dû en particulier au fait que les engagements en faveur de la justice raciale sont largement absents de l'opérationnalisation des Objectifs de développement durable, ce dont témoigne l'absence de ventilation par race dans les cibles et indicateurs, a souligné la Rapporteuse spéciale.

En outre, si le rapport reconnaît certains progrès accomplis depuis l'adoption du Programme de développement durable, il conclut toutefois que ce Programme est incapable de remettre en question la dynamique de sous-développement discriminatoire sur le plan racial ancrée dans l'ordre économique international. Le rapport expose donc l'urgente nécessité de décoloniser les systèmes économiques, juridiques et politiques mondiaux, un objectif qui ne pourra être atteint qu'en dépassant les visions, modèles et moyens eurocentrés du développement économique.

Mme Achiume a aussi tenu à exprimer son soutien indéfectible à celles et ceux qui contestent activement le racisme systémique au sein des institutions internationales.

S’agissant ensuite de son rapport sur la lutte contre la glorification du nazisme, Mme Achiume a indiqué qu’il relevait la prééminence de partis et organisations politiques racistes, nationalistes et d'extrême droite actifs dans plusieurs pays. Ces organisations utilisent les technologies numériques pour diffuser des idéologies racistes et défendre des programmes politiques d'exclusion. Si certains progrès ont été réalisés dans la remise en cause publique des idéologies racistes grâce aux soulèvements de 2020 en faveur de la justice raciale, la Rapporteuse spéciale a dit recevoir des informations préoccupantes de la société civile faisant état d'une violente réaction des acteurs politiques néonazis et d'extrême droite, voire de certains acteurs gouvernementaux, contre les militants de la justice raciale.

Enfin, la Rapporteuse spéciale a dit être inquiète du fait que l'agression territoriale en Ukraine ait été justifiée par la prétendue élimination du néonazisme. La résolution 76/149 (2022) de l’Assemblée générale, a-t-elle rappelé, vise à protéger les groupes et les individus victimes de violations de leurs droits ancrées dans le néonazisme. À cet égard, a mis en garde l’experte, l'utilisation du néonazisme comme prétexte pour justifier une agression territoriale sape les efforts pour lutter contre cette idéologie.

Aperçu du dialogue

Les délégations ont réitéré leur détermination à combattre le racisme et la discrimination raciale dans le cadre de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, de la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine ou encore du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en tant qu’outils de développement social, de lutte contre les inégalités et de réalisation des droits de l’homme pour tous. Le racisme est un « affront » qui menace la réalisation de tous les Objectifs du développement durable, lesquels sont tous interconnectés, a-t-il été affirmé. Aussi, faut-il faire davantage pour lutter contre ce phénomène et notamment faire en sorte que tous les États ratifient la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, a-t-il été souligné.

Un groupe de pays a estimé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ne s’attaquait pas aux causes sous-jacentes et systémiques du racisme et de la discrimination raciale. Ce Programme ne permet pas de lutter contre l’ordre international « injuste issu du colonialisme » et cet ordre international, dans sa forme actuelle, perpétue le racisme, a-t-il été déclaré. Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 a pourtant le potentiel de faire avancer le principe d’égalité au plan international, a affirmé un groupe de pays, disant appuyer l’appel de la Rapporteuse spéciale à un véritable engagement de la communauté internationale contre le racisme. Une délégation a souligné que pour réaliser les Objectifs du développement durable, des engagements forts sont nécessaires.

Une délégation a jugé inacceptable que plus de vingt ans après l’adoption de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, on assiste toujours à des actes racistes et même à leur justification dans de nombreux pays – en particulier dans des pays industrialisés. Ces États doivent prendre des mesures concrètes et reconnaître leurs responsabilités historiques liées à la période coloniale, a-t-il été indiqué. Aborder la question du colonialisme est en effet important, a insisté un groupe de pays, ajoutant que de nombreux pays souffrent encore aujourd’hui des conséquences du colonialisme et des iniquités de l’histoire.

Certaines organisations non gouvernementales ont dénoncé un « racisme mondialisé » et un « système économique international foncièrement injuste, gouverné par des riches contre des pauvres ».

Ont été particulièrement dénoncés les discriminations et actes racistes ciblant spécifiquement les personnes d’ascendance africaine, les migrants, les réfugiés, ou encore les minorités ethniques ou linguistiques. Ont également été dénoncés l’islamophobie, le nationalisme ainsi que la russophobie qui selon deux délégations est « ancrée dans les pays occidentaux ». Ces pratiques, parfois soutenues par les discours politiques et des lois racistes et discriminatoires sont dangereuses au regard de l’histoire, a mis en garde une délégation.

S’exprimant sur le racisme structurel qui touche les personnes d’ascendance africaine, certains ont insisté sur l’importance de collecter des données ventilées afin de mieux appréhender le phénomène et de le combattre en connaissance de cause. Une délégation a attribué le racisme institutionnalisé au sentiment de supériorité et d’impunité né durant les périodes de la traite des esclaves et du colonialisme.

À l’instar de la Rapporteuse spéciale, certains intervenants ont déploré que l'agression territoriale en Ukraine ait été justifiée par la prétendue élimination du néonazisme, ce qui, a-t-il été souligné, décrédibilise la nécessité de lutter contre le néonazisme.

*Ont pris part à ce dialogue : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Brésil (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Pakistan, Côte d’Ivoire (au nom du Groupe des États africain), Jordanie (au nom du Groupe des États arabes), Azerbaïdjan (au nom d’un groupe de pays), Brésil (au nom de la Communauté des pays de langue portugaise), Israël, Pérou, Équateur, Libye, Cuba, Sénégal, Iraq, Djibouti, Canada, Bangladesh, Maroc, Royaume-Uni, Fonds des Nations Unies pour l’enfance, France, Venezuela, Bahreïn, Namibie, Fédération de Russie, Belgique, Australie, Malaisie, Arabie saoudite, Égypte, Chine, Inde, Grèce, Portugal, Bélarus, Géorgie, Afghanistan, Afrique du Sud, Bolivie, Argentine, Costa Rica, Malawi, Ukraine, Luxembourg, Lesotho, États-Unis, Indonésie, République populaire démocratique de Corée, Barbade, Mauritanie, République islamique d’Iran, Arménie, Türkiye, Union européenne (au nom d’un groupe de pays), État de Palestine, Union européenne des étudiants juifs (au nom d’un groupe d’ONG), Parlement des jeunes pour les objectifs du développement durable, Al-Haq, Mouvement international des jeunes pour les Nations Unies, Minorities Rights GroupInternational Humanist Ethical Union, Justicia GlobalFriends World Committee for Consultation, Action Canada pour la population et le développement, Institute for NGO Research.

Réponses et conclusion de la Rapporteuse spéciale

MME ACHIUME s’est dite d’accord avec une déclaration faite ce matin selon laquelle la prise en compte de la question du genre était fondamentale dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Elle a souligné que le rapport sur ce Programme qu’elle a présenté ce matin évoque brièvement la question de la nature intersectionnelle et transversale du développement – un aspect qui devrait être abordé sous le prisme de la justice sociale, a-t-elle affirmé. Elle a renvoyé aux pistes d’intervention que propose son rapport pour lutter contre le racisme dans le cadre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

Pour lutter contre le racisme systémique, il faut commencer par se mettre d’accord sur les causes profondes de ce problème, au nombre desquelles figure l’héritage historique, a souligné Mme Achiume.

L’antisémitisme nécessite une approche forte, centrée sur les droits humains, a poursuivi la Rapporteuse spéciale, précisant que le second rapport qu’elle a présenté ce matin esquisse ce que pourrait être une approche de la lutte contre l’antisémitisme ancrée sur les droits humains, notamment dans la lutte contre la glorification du nazisme. Elle a regretté que certaines condamnations de l’antisémitisme soient parfois instrumentalisées pour cibler les militants qui défendent l’égalité des droits du peuple palestinien. Une approche de principe devrait permettre d’éviter toute instrumentalisation, a insisté l’experte.

Pour conclure, Mme Achiume a recommandé de prendre au sérieux les engagements pris en vertu de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et en vertu de la Déclaration et du Programme d’action de Durban.

 

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