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LE FORUM SUR LA GOUVERNANCE D’INTERNET DÉBAT DES EFFETS DE LA NUMÉRISATION SUR LA POLITIQUE, LA CONFIANCE DU PUBLIC ET LA DÉMOCRATIE

Communiqué de presse
Des intervenants mettent en garde contre toute réaction excessive au problème des « fake news » et insistent sur l’importance d’une formation adéquate des citoyens

Le Forum sur la gouvernance d’Internet s’est penché, ce matin, sur les avantages et les risques que présente la numérisation pour les processus politiques, la vie démocratique et la confiance du public dans les institutions.

La séance a été ouverte par M. Philipp Metzger, Directeur de l’Office fédéral de la communication (OFCOM) de la Suisse, qui a expliqué que l’espace numérique pouvait être un promoteur important d’un discours démocratique et d’une participation plus inclusive des citoyens. En même temps, les outils numériques utilisés à mauvais escient peuvent conduire au désordre de l’information et à la méfiance du public, a-t-il ajouté; en particulier, la diffusion de fausses nouvelles (« fake news ») par le biais d’une information manipulée est une préoccupation croissante pour les pouvoirs publics, qui doivent donc trouver les moyens de permettre à chacun de pouvoir opérer la distinction entre les faits qui sont vérifiés et ceux qui sont faux, les opinions manipulées et les sentiments.

Dans ce cadre, l’éducation et la formation au numérique sont primordiales, car elles seules sont capables de permettre aux citoyens d’être en mesure de déceler l’information manipulée, a poursuivi M. Metzger. Les gouvernements doivent prendre des mesures pour gagner la confiance de leurs citoyens, grâce à davantage de transparence et de redevabilité et en soutenant des médias libres et de qualité, a conclu M. Metzger.

Mme Mariya Gabriel, Commissaire à l’économie et à la société numériques de la Commission européenne, a pour sa part fait observer que les réseaux sociaux sont de plus en plus perçus comme des menaces, les informations sur Internet étant considérées comme particulièrement peu fiables. Or, les informations fiables sont essentielles pour la démocratie, a-t-elle souligné. Toute la question est donc de pouvoir distinguer le vrai du faux, a-t-elle indiqué. Il importe à cet égard de bien connaître le circuit des fausses informations, en identifiant qui les crée, qui les propage, qui les finance. Un autre aspect essentiel réside dans la capacité des internautes non seulement d’évaluer de manière critique les informations qu’ils lisent mais aussi de prendre conscience de leur responsabilité dans la diffusion, ou non, des « fake news », a ajouté Mme Gabriel.

La première partie débat, consacrée aux avantages du numérique sur la vie démocratique, a également compté avec la participation de plusieurs intervenants: M. Hasanul Haq Inu, Ministre de l’information du Bangladesh; M. Martin Chungong, Secrétaire général de l’Union interparlementaire (UIP); M. Hossam Elgamal, Président du Centre d’information pour l’aide à la décision du Gouvernement égyptien (IDSC); Mme Jayaram Malavika, Directrice exécutive de Digital Asia Hub; Mme Dunja Mijatovic, Représentante pour la liberté des médias à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE); Mme Nanjira Sambuli, responsable de la sensibilisation à l’égalité numérique à la World Wide Web Foundation ; et M. Robert L. Strayer, Sous-Secrétaire d’État adjoint pour la politique numérique et internationale relative à l’information et aux communications au Département d’État du Gouvernement des États-Unis.

M. Haq Inu a expliqué que la numérisation élargit la participation des gens dans la société, oblige les responsables à rendre compte de leurs actes, donne du pouvoir aux gens et comble la fracture numérique. Chaque pays doit donc reconnaître que l’accès à Internet est un droit humain et l’inscrire dans sa Constitution. Ce n’est que quand l’Internet sera libre et que chacun y aura accès que les régimes autocratiques seront affaiblis, a affirmé le Ministre bangladais.

M. Chungong a pour sa part souligné que l’accès à l’Internet offrait aux parlements des outils pour regagner leur légitimité, surtout auprès des jeunes. Les parlements doivent être accessibles aux citoyens et les nouvelles technologies peuvent apporter des solutions dans ces domaines, a indiqué M. Chungong. Les parlements devraient mettre en place les cadres législatifs idoines afin de rationaliser l’utilisation de ces technologies, notamment pour combattre les « fake news », a ajouté le Secrétaire général de l’UIP.

M. Strayer a insisté sur la responsabilité des gouvernements pour ce qui est de garantir que les citoyens exercent en ligne les mêmes droits que dans la vie réelle. Il a recommandé d’adopter des modèles participatifs pour gérer la vie publique sur Internet, et a estimé que le Forum était une bonne plate-forme pour ce faire. M. Elgamal a pour sa part insisté sur le rôle du numérique pour favoriser l’inclusion sociale, aider les autorités à entrer en contact avec les communautés isolées afin de permettre à ces dernières de participer à la vie publique, et permettre aux citoyens de faire part de leurs doléances.

Mme Malavika a expliqué que si tous les citoyens, y compris ceux qui sont à la marge, ne sont pas considérés comme les acteurs d’un avenir numérique partagé, l’échec est assuré. Les données ne sont pas neutres, a-t-elle en outre souligné: il est dès lors indispensable d’engager une réflexion sur la technologie elle-même et son impact sur la société, a-t-elle indiqué. On peut utiliser les mêmes outils, qui aujourd’hui amplifient des phénomènes négatifs comme les « fake news », pour au contraire contrôler et combattre ces phénomènes négatifs, a-t-elle proposé.

Mme Mijatovic a quant à elle regretté l’« infection à l’obsession des fake news », une expression inventée, à l’origine, pour décrédibiliser le journalisme légitime. Mme Mijatovic a dit douter que les gouvernements parviennent à enrayer « un phénomène vieux comme le monde » et simplement amplifié par les médias électroniques. Désinformation et propagande doivent trouver des réponses intelligentes, tout comme les problèmes de nos sociétés, a déclaré la Représentante de l’OSCE. Elle a salué le rôle des organisations non gouvernementales dans la vérification de la validité des informations et a recommandé de protéger le journalisme d’investigation.

Mme Sambuli a insisté sur la nécessité pour les systèmes politiques de tenir compte des avis des femmes. Elle a en outre recommandé que la citoyenneté numérique revienne aux valeurs fondamentales de la démocratie. La bonne gouvernance publique oblige les parlements à tenir compte des opinions des citoyens, des femmes en particulier, qui s’expriment sur Internet, a-t-elle ajouté.

Lors du débat qui a suivi ces propos luminaires des panélistes, les participants ont échangé des bonnes pratiques concernant l’utilisation de l’outil numérique. Une intervenante a fait observer qu’aujourd’hui, seules 28% des Indiennes ont accès à Internet. Internet est un outil émancipateur qui peut changer la vie par l’éducation, notamment en contribuant à la lutte contre l’analphabétisme, a-t-il été souligné.

Une participante a expliqué qu’au Brésil, diverses initiatives avaient été prises pour accroître la participation démocratique en proposant par exemple de donner son avis sur des projets de loi en ligne; ce système peut combler les lacunes en matière de participation.

De nombreux intervenants ont insisté sur la nécessité de former les citoyens à l’utilisation rationnelle d’Internet, un média qui en train de perturber la démocratie telle qu’on la connue jusqu’ici.

La deuxième partie du débat, consacrée aux risques du numérique pour la vie démocratique, a vu la participation des panélistes ci-après: M. Bobby Duffy, Directeur de l’Institut de recherches sociales IPSOS; Mme Farida Dwi Cahyarini, Secrétaire générale du Ministère des technologies de l’information et de la communication de l’Indonésie; M. Frank La Rue, Sous-Directeur général pour la communication et l'information de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO); Mme Claudia Luciani, Directrice de la gouvernance démocratique et de l’anti-discrimination au Conseil de l’Europe; M. Gonzalo Navarro, Directeur exécutif de l’Association latinoaméricaine d’Internet (ALAI); M. Noel Curran, Directeur général de l’Union européenne de radio-télévision (UER); M. Sébastien Soriano, Président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) de la France; et Mme Nighat Dad, Directrice exécutive de la Digital Rights Foundation au Pakistan.

Mme Cahyarini a indiqué que la Constitution indonésienne garantissait le droit de chacun d’exprimer librement ses opinions, y compris sur Internet, pour autant qu’elles ne nuisent pas aux droits d’autrui. L’Indonésie est confrontée à une vaste campagne de haine sur Internet dirigée contre le Président de la République, a-t-elle ajouté.

M. La Rue a critiqué l’utilisation de l’expression « fake news », qui implique selon lui tout simplement la notion d’erreur, et a jugé plus pertinente l’idée d’utiliser le terme de « désinformation », qui renvoie à un acte malveillant. Le monde politique est vulnérable aux campagnes systématiques de désinformation, a-t-il souligné. Les gouvernements doivent apprendre à utiliser Internet pour communiquer de manière active avec les citoyens et les informer, en toute transparence, de l’action publique, a-t-il ajouté.

Mme Luciani a constaté, sur la base des travaux du Conseil de l’Europe, que les plates-formes politiques en ligne déçoivent en général leurs utilisateurs, en dépit des promesses réelles que recèle Internet. Elle a en outre indiqué que le Conseil de l’Europe voulait engager un débat avec les grandes entreprises sur les modalités de l’expression politique sur Internet.

M. Duffy a expliqué que les fausses idées diffusées dans les médias (comme celles selon lesquelles l’autisme serait dû aux vaccins ou la moitié des détenus seraient étrangers) occupent, par nature, davantage de place dans le cerveau que les informations exactes. On sait aussi que l’opposition à l’immigration, par exemple, n’est pas soluble dans les statistiques, et qu’il vaut mieux aborder le problème par des récits d’expériences individuelles, a-t-il fait observer.

M. Navarro a mis l’accent sur l’importance de la fiabilité technique des plates-formes, pour donner confiance aux citoyens. Il a insisté sur le fait qu’Internet, très riche en possibilités, ne devait pas être étouffé par une réglementation précipitée. Il a également affirmé que l’on finirait certainement par résoudre le problème des « fake news ».

M. Curran a fait observer que malgré le phénomène de la désinformation, les médias n’ont pas perdu toute la confiance du public, selon un baromètre européen. La confiance dans les réseaux sociaux obtient par contre les pires résultats, toujours selon ce même baromètre, a-t-il ajouté. Il a insisté sur la responsabilité des pouvoirs publics, qui doivent garantir un financement suffisant des médias publics. Il faut investir dans le journalisme, notamment d’investigation, et dans la formation, a-t-il indiqué.

M. Soriano a expliqué que le plus grand défi de la numérisation, pour les autorités, reste l’accélération: les États doivent en effet faire face à un niveau d’accélération inédit, dans l’histoire, des évolutions technologiques et le principal défi aujourd’hui est de devoir faire face à l’inconnu. Il y a peu, a rappelé M. Soriano à titre d’exemple, les experts conseillaient de former tous les élèves au codage informatique: or, aujourd’hui, on estime que ce n’est plus vraiment nécessaire car à l’avenir, l’intelligence artificielle effectuera le codage.

Enfin, Mme Dad a pour sa part expliqué que la censure, la criminalisation de la dissidence, et les « fake news » étaient autant de défis liés à la numérisation. Les citoyens doivent pouvoir utiliser les outils numériques sans être sanctionnés par l’État, a-t-elle souligné.

En conclusion du débat, M. Metzger s’est dit confiant dans la possibilité de résoudre les problèmes mentionnés par les intervenants, estimant qu’Internet offre beaucoup plus d’opportunités - surtout en matière de développement - qu’il ne suscite de difficultés. Le Directeur de l’OFCOM suisse a estimé que le point crucial réside dans l’accès aux services Internet et dans l’exercice des droits fondamentaux en ligne. Il a fait sienne la mise en garde d’un panéliste contre toute réaction excessive au problème des « fake news » et notamment contre le recours à la censure. M. Metzger a enfin insisté sur l’importance d’une formation adéquate des citoyens, afin qu’ils puissent sortir de la « bulle » dans laquelle Internet a tendance à enfermer ses utilisateurs.


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