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LE COMITÉ DES DROITS DES PERSONNES HANDICAPÉES EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Communiqué de presse

Le Comité des droits des personnes handicapées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par l'Union européenne sur les mesures prises par l'organisation régionale en application des dispositions de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Comme le rappelle ce rapport, «l'Union européenne a conclu la Convention le 22 janvier 2011 en qualité d'organisation d'intégration régionale au sens de l'article 44 de la Convention».

Le rapport a été présenté par le Directeur général pour l'emploi, les affaires sociales et l'inclusion de la Commission européenne, M. Michael Servoz. Faire en sorte que les personnes handicapées participent pleinement à la société sur un pied d'égalité avec les autres personnes faisait partie intégrante des valeurs fondamentales de l'Union, a-t-il assuré. Les traités de l'Union européenne lui accordent une responsabilité commune avec ses États Membres pour ce qui est d'assurer que la discrimination n'ait pas sa place en Europe. M. Servoz a aussi souligné que le passage d'une approche protective désuète à une approche davantage fondée sur les droits guidait la politique de l'Union européenne telle qu'énoncée dans la Stratégie européenne en faveur des personnes handicapées, qui vise à éliminer les barrières, en particulier dans les domaines de l'accessibilité, de la participation, de l'égalité, de l'emploi, de l'éducation et de la formation, de la protection sociale, de la santé et de l'action extérieure. Le taux d'emploi des personnes handicapées de l'Union se situe autour de 48%, alors que 27,8% seulement des personnes handicapées ont achevé un cycle d'éducation du troisième degré; un tiers des personnes handicapées est confronté à un risque de pauvreté. L'Union européenne veille à ce que le droit de l'Union interdisant la discrimination fondée sur le handicap dans le domaine de l'emploi soit pleinement appliqué par ses États membres. Enfin, une «carte européenne du handicap» permettra à toute personne handicapée voyageant entre les pays participants d'avoir accès à des avantages dans les domaines de la culture, des loisirs, des transports et des sports, aux mêmes conditions que les handicapés ressortissants. Des représentantes du Cadre européen de promotion, de protection et de suivi de l'application de la Convention et de l'Agence de l'Union européenne pour les droits fondamentaux ont attiré l'attention sur les mécanismes de plainte à la disposition des personnes handicapées de l'Union.

La délégation de l'Union européenne était également composée de représentants de la délégation de l'Union européenne auprès des Nations Unies à Genève et de la Commission européenne. Elle a répondu aux questions qui lui étaient posées par les membres du Comité s'agissant, notamment, de la coordination au niveau de l'Union européenne de l'action en faveur de la Convention; de l'intention de l'Union de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention; de l'impact, sur la vie des personnes handicapées, de la ratification de la Convention par l'Union européenne; des conséquences pour les personnes handicapées des mesures d'austérité prises dans le contexte de la crise financière; du contrôle de l'utilisation des fonds européens; du projet de loi sur l'accessibilité; des questions relatives à la capacité juridique; du droit de vote; des nouvelles directives sur l'emploi; de la santé mentale; ou encore de la question de la stérilisation forcée.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Union européenne, M. Damjan Tatic, a félicité l'Union européenne en tant que première organisation régionale à avoir adopté un traité des droits de l'homme, ce qui constitue un jalon historique. L'Union européenne se doit de devenir pleinement accessible et ouverte pour les personnes handicapées: des progrès ont été réalisés en ce sens, mais le chemin à parcourir reste encore long. Il faut regretter en particulier que la loi sur l'accessibilité n'ait pas encore été adoptée. Le rapporteur également déploré l'absence d'une interdiction globale de la discrimination fondée sur le handicap, ainsi que le fait que tous les citoyens de l'Union européenne ne jouissent pas pleinement de leur capacité juridique. À cet égard, les personnes handicapées ayant un handicap psychosocial sont généralement placées en institution et sont privés de leur liberté sans leur consentement dûment informé. Le corapporteur, M. Munthian Buntan, a quant à lui jugé préoccupant que nombre de questions ne soient pas tranchées, s'agissant notamment de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention ou de la persistance du placement de personnes handicapées en institution.


La prochaine séance publique du Comité est prévue pour le vendredi 4 septembre à 17 heures, à l'occasion de la clôture de la session. Les observations finales du Comité sur chacun des rapports examinés au cours de la session pourront alors être consultées sur la page internet de la session.


Présentation du rapport de l'Union européenne

Le Comité est saisi du rapport initial de l'Union européenne (CRPD/C/EU/1), ainsi que de ses réponses (CRPD/C/EU/Q/1/Add.1 à paraître en français) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRPD/C/EU/Q/1).

M. MICHAEL SERVOZ, Directeur général pour l'emploi, les affaires sociales et l'inclusion de la Commission européenne, a rappelé que l'Union européenne était un partenariat politique et économique unique entre 28 pays. Il a souligné que l'Union européenne partageait les valeurs énoncées dans ses traités et dans sa Charte des droits fondamentaux. La caractéristique unique de l'Union européenne réside dans le fait que des États indépendants ont mis en commun certains éléments de leur souveraineté et accordé des pouvoirs à des institutions communes afin d'atteindre des objectifs communs. L'un des principaux objectifs de l'Union européenne est de promouvoir les droits de l'homme; la Charte des droits fondamentaux rassemble ces droits en un seul document et que, depuis 2009, les institutions de l'Union européenne sont juridiquement tenues de les respecter, tout comme les gouvernements de l'Union européenne sont tenus de le faire en appliquant le droit de l'Union européenne. Faire en sorte que les personnes handicapées participent pleinement à la société sur un pied d'égalité avec les autres personnes fait partie intégrante des valeurs fondamentales de l'Union, a souligné le chef de la délégation. Il a précisé que les traités de l'Union européenne accordent à l'Union une responsabilité commune avec ses États Membres pour ce qui est d'assurer que la discrimination n'ait pas sa place en Europe.

Le nombre d'Européens vivant actuellement avec un handicap est actuellement estimé à environ 80 millions, a poursuivi M. Servoz. Le passage d'une approche protective désuète à une approche du handicap davantage fondée sur les droits, qu'entérine la Convention, guide la politique de l'Union européenne telle qu'énoncée dans la Stratégie européenne 2010-2010 en faveur des personnes handicapées. Cette Stratégie vise à éliminer les barrières, en particulier dans les domaines de l'accessibilité, de la participation, de l'égalité, de l'emploi, de l'éducation et de la formation, de la protection sociale, de la santé, et de l'action extérieure. Appliquer la Convention relève d'un processus et si l'Union européenne a bien progressé, elle a encore beaucoup à faire, a reconnu M. Servoz, admettant que des inégalités significatives persistent, en particulier dans les domaines de l'emploi et de l'éducation. Au sein de l'Union, le taux d'emploi des personnes handicapées se situe autour de 48%, alors que 27,8% seulement des personnes handicapées ont achevé un cycle d'éducation du troisième degré. En outre, un tiers des personnes handicapées sont confrontées à un risque de pauvreté.

L'emploi ainsi que l'équité et l'inclusion constituent de hautes priorités pour l'Union européenne, qui doit veiller à ce que le droit de l'Union interdisant la discrimination fondée sur le handicap dans le domaine de l'emploi soit pleinement appliqué. Ayant rappelé les investissements que le Fonds social européen réalise en faveur de l'intégration sociale et de l'égalité des chances en matière d'emploi et d'éducation, M. Servoz a souligné que développer les capacités des personnes handicapées afin qu'elles jouissent pleinement de leurs droits signifie aussi qu'elles ne devraient pas vivre dans des institutions. À cet égard, les fonds européens peuvent et devraient être utilisés pour soutenir la promotion d'un mode de vie autonome pour les personnes handicapées.

M. Servoz a par ailleurs attiré l'attention sur le projet de la Commission européenne visant l'instauration d'une carte européenne du handicap qui permettra à toute personne handicapée voyageant entre les pays participants d'avoir accès à un certain nombre d'avantages dans les domaines de la culture, des loisirs, des transports et des sports, aux mêmes conditions que les ressortissants handicapés du pays concerné. La Commission est également en train d'élaborer une nouvelle Stratégie pour la diversité (2015-2019) qui inclura le handicap. Il a en outre indiqué que la Commission avait récemment publié des directives internes visant une meilleure compréhension de l'aménagement raisonnable sur le lieu de travail.

Une représentante du Cadre européen de promotion, de protection et de suivi de l'application de la Convention a indiqué que la mission de ce dernier était de promouvoir, protéger et surveiller la mise en œuvre de la Convention s'agissant des questions relevant de la compétence de l'Union telle que définie par les traités de l'Union européenne. L'une des activités du Cadre européen consiste à traiter des plaintes liées à la mise en œuvre de la Convention par l'Union européenne et ses États membres. Il est important de souligner que le Cadre européen complète les mécanismes nationaux des États membres, qui assurent au premier chef la protection des citoyens. La représentante a par ailleurs exposé le fonctionnement du Comité des plaintes du Parlement européen en cas de plaintes émanant de citoyens de l'Union européenne concernant les questions qui relèvent des domaines d'activités de l'Union qui les affectent directement. L'attention a en outre été attirée sur les attributions de l'Ombudsman européen, qui mène des enquêtes suite à des plaintes portant sur une mauvaise administration d'institutions, organes, bureaux et agences de l'Union européenne. Il a en outre été précisé que la Commission européenne surveillait la mise en œuvre du droit de l'Union européenne par ses États membres. Pour sa part, l'Agence de l'Union européenne pour les droits fondamentaux ne traite pas des plaintes, mais recueille des données qui permettent de mieux appréhender la situation sur le terrain. Une autre représentante a attiré l'attention sur le Forum européen sur le handicap qui a eu connaissance de nombreuses plaintes ces dernières années du fait de la crise financière qui a entraîné des réductions dans les mesures de protection sociale, poussant de nombreuses personnes handicapées en marge de la société.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. DAMJAN TATIC, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Union européenne, a félicité l'Union européenne en tant que première organisation régionale à avoir adopté un traité des droits de l'homme, ce qui constitue un jalon historique. La Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées a pour objectif de rendre les personnes handicapées autonomes afin qu'elles puissent jouir de leurs droits et participer sur un pied d'égalité avec les autres personnes, s'est-il réjoui, saluant par ailleurs les nombreux documents et directives adoptés par l'Union européenne dans ce domaine.

L'Union européenne se doit de devenir pleinement accessible et ouverte pour les personnes handicapées: des progrès ont été réalisés en ce sens, mais le chemin à parcourir reste encore long. M. Tatic a regretté que la loi sur l'accessibilité n'ait pas encore été adoptée. Il a en outre regretté l'absence d'une interdiction globale de la discrimination fondée sur le handicap dans toutes les directives de l'Union européenne. Par ailleurs, a déploré le rapporteur, tous les citoyens de l'Union européenne ne jouissent pas pleinement de leur capacité juridique. Les personnes handicapées ayant un handicap psychosocial sont généralement placées en institution et sont privés de leur liberté sans leur consentement dûment informé, a-t-il fait observer. Il s'est d'autre part inquiété d'informations indiquant que tous les enfants handicapés ayant souhaité être scolarisés dans les écoles européennes n'ont pas pu voir leur souhait exaucé. Par ailleurs, ce ne sont pas tous les citoyens européens qui ont le droit de voter aux élections européennes.

Plusieurs autres membres du Comité ont déploré que la loi sur l'accessibilité n'ait pas encore été adoptée et ont souhaité savoir quand le pays comptait le faire. Qu'advient-il en cas de contradiction entre des lois de l'Union européenne et des lois nationales des États membres de l'Union, a demandé un expert? Il s'est par ailleurs enquis de la manière dont sont utilisés les fonds structurels de l'Union européenne aux fins du financement des organisations de personnes handicapées; qu'en est-il des retombées réelles de ces fonds au niveau national?

Une experte a relevé l'affirmation de l'Union européenne selon laquelle, si la Commission s'est engagée en faveur de la loi sur l'accessibilité, elle est entravée par le Conseil de l'Europe; elle a demandé des précisions à cet égard. Elle a par ailleurs souhaité savoir si la Commission européenne, principale responsable de la Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées, avait l'intention de réviser cette Stratégie afin de faire en sorte qu'elle permette réellement l'application de la Convention par toutes les institutions de l'Union européenne et par ses États membres.

Une autre experte a demandé si l'Union européenne avait l'intention d'entreprendre une étude globale de toute la législation européenne afin d'apprécier sa compatibilité avec les dispositions de la Convention. Elle a aussi observé que les résultats d'une étude menée en 2014 avaient révélé que 44% des femmes handicapées ont été victimes de violence; elle a demandé ce que l'Union européenne entendait faire pour protéger les femmes handicapées contre les violences sexuelles et autres abus. Comment l'Union européenne entend-elle s'y prendre pour veiller à ce que l'opinion des enfants handicapés soit prise en compte dans toutes les affaires qui les concernent, a par ailleurs demandé l'experte?

Un expert s'est enquis du contrôle de l'utilisation des fonds européens prévus pour la promotion des droits des personnes handicapées, en termes notamment d'adaptation des bâtiments et d'accessibilité.

Un membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de la façon dont les organisations de personnes handicapées étaient impliquées dans l'élaboration de la loi de l'Union européenne sur l'accessibilité. Évoquant par ailleurs la crise des migrants en provenance du Proche Orient et de l'Afrique à laquelle est confrontée l'Union européenne – en particulier sur son flanc oriental – et rappelant que l'Union européenne a promis d'apporter un appui aux pays de transit pour les aider à gérer ce flux de migrants, l'expert a souhaité savoir comment l'Union entendait veiller à ce que cette aide soit fournie en tenant compte du souci d'accessibilité pour les personnes handicapées.

Que fait l'Union européenne pour veiller à ce qu'aucun traitement médical ne soit appliqué sans le consentement de la personne concernée, de manière, notamment, à prévenir tout avortement ou stérilisation forcés, a-t-il été demandé? Quand la Commission européenne entend-elle suivre la recommandation du Parlement européen visant à ce que l'Union européenne adopte une législation relative à l'interdiction des stérilisations forcées au sein de l'Union?

Une experte a demandé quelles mesures ont été prises par l'Union européenne pour veiller à ce que chaque adulte handicapé puisse voter et prendre part aux élections européennes; elle a en effet souligné que plusieurs États prévoient qu'un citoyen ne jouissant pas de sa capacité juridique ne pouvait pas voter au niveau européen. Affirmant que la Slovaquie utilise des fonds européens pour promouvoir le placement en institution des personnes handicapées, cette experte a souhaité savoir à combien de reprises et à l'intention de quels pays l'Union européenne a-t-elle demandé que lui soient retournés des fonds qu'elle avait alloués.

Relevant que certains pays européens bafouent les droits civils et politiques de leurs citoyens en n'autorisant pas les personnes handicapées à voter lors des élections européennes, un expert a souhaité savoir si des fonds européens sont utilisés pour faciliter le déroulement d'élections accessibles aux personnes handicapées.

Rappelant l'intangibilité de l'interdiction de la torture, qui fait partie du jus cogens et dont la définition a été élargie à l'expérimentation scientifique ou médicale sans le consentement de la personne concernée, une experte s'est enquise de l'application de cette interdiction dans les programmes de recherche de l'Union européenne.

Alors qu'il est reconnu que les besoins des personnes handicapées doivent être pris en compte dans tous les secteurs de l'aide humanitaire, aucun point focal n'a été désigné à cette fin au sein des structures compétentes de l'Union européenne, a déploré un expert.

Une experte s'est enquise de l'évolution de la part des fonds structurels européens alloués à la question du handicap depuis l'accession de l'Union à la Convention. Certes, l'Union européenne se doit de respecter le principe de subsidiarité; mais elle se doit aussi d'apporter un soutien aux pays qui sont confrontés à une crise. Or, lors d'une crise économique, les personnes handicapées figurent souvent parmi les personnes les plus touchées, a souligné l'experte. Elle a en outre fait observer que l'Union européenne n'avait toujours pas légiféré sur les questions traitées dans l'article 12 de la Convention, s'agissant de la reconnaissance de la capacité juridique.

Quelle est la politique de l'Union européenne à l'égard des «ateliers protégés» et combien y en a-t-il en Europe, a souhaité savoir un expert?

Que fait l'Union européenne pour assurer la reconnaissance par les États membres du braille et de la langue des signes et pour veiller à ce que l'information officielle de l'Union soit diffusée dans des formats accessibles aux personnes handicapées, a notamment demandé le corapporteur pour l'examen du rapport de l'Union européenne, M. MUNTHIAN BUNTAN? Il a en outre souligné que la limitation du droit de vote pour des citoyens européens est contradictoire avec la Charte européenne des droits fondamentaux.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a expliqué que tant l'Union européenne que ses États membres pouvaient adopter des actes juridiquement contraignants dans tout domaine où l'Union n'a pas exercé sa compétence ou a explicitement cessé de l'exercer: il s'agit du principe de «compétence partagée». La justice fait partie des domaines de compétence partagée, a rappelé la délégation.

La coordination officielle de l'Union européenne avec les États membres au sujet de la Convention est assurée par le biais du groupe de travail sur les droits de l'homme du Conseil européen, a indiqué la délégation. Elle a par ailleurs souligné que la Commission européenne discute régulièrement, au sein du Groupe de haut niveau sur le handicap, de l'application de la Convention aux niveaux de l'Union et des États membres.

La délégation a rappelé que la Commission européenne avait proposé en 2009 que soit ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention mais que le Conseil européen avait alors décidé que la priorité devait être accordée à la Convention elle-même. Il n'en demeure pas moins que cette proposition de ratification du Protocole est toujours sur la table, a indiqué la délégation.

Interpellée au sujet de l'impact de la ratification de la Convention par l'Union européenne sur la vie quotidienne des personnes handicapées, la délégation a expliqué que la réponse à cette question se heurte à un certain nombre de difficultés, au nombre desquelles figurent le manque de données concernant la situation actuelle de cette population ou encore le fait qu'il est difficile de séparer un instrument juridique particulier du contexte général. En outre, l'Union européenne partage des compétences avec les États membres et il est très difficile de distinguer entre les impacts respectifs des ratifications de l'Union européenne et de chacun des États membres. Il n'en demeure pas moins que l'évaluation de l'impact de la ratification de la Convention constituera un élément clef de l'examen de la Stratégie européenne en faveur des personnes handicapées auquel procédera l'Union l'an prochain et qui comprendra une étude sur le handicap et la participation sociale ainsi que le lancement d'une consultation publique visant à recueillir les impressions des personnes handicapées quant à l'application de la Convention et son impact sur leur vie quotidienne.
Quant à l'évaluation de l'impact des dispositions des législations européennes sur les droits des personnes handicapées, la délégation a souligné que l'Union européenne disposait de nouvelles règles beaucoup plus précises, exigeant que soit examinée la conformité des dispositions envisagées avec celles de la Convention.

Au sein de l'Union européenne, les compétences en matière de surveillance appartiennent à la Commission européenne, a rappelé la délégation. Elle a également évoqué les mécanismes de suivi qui ont été mis en place, parmi lesquels le Forum sur le travail.

S'agissant du contrôle de l'utilisation des fonds européens, la délégation a indiqué qu'après une première période (2007-2013) où les règles en la matière étaient assez lâches, le système de contrôle de l'utilisation des fonds européens est désormais beaucoup plus strict car assorti de conditionnalités. Ainsi, si l'on constate qu'un État membre finance un projet qui n'est pas conforme à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, les versements qui lui sont attribués au titre des fonds européens peuvent être suspendus. Ce système s'avère assez efficace, a assuré la délégation. Il est notamment veillé ce que les fonds ne soient pas utilisés à des fins de renforcement du placement en institution des personnes handicapées, a-t-elle précisé.

La délégation a par la suite assuré qu'à l'avenir, la Commission européenne utilisera les pouvoirs qui lui sont conférés de suspendre ou retirer les paiements qu'elle verse aux États membres afin d'assurer que les fonds versés sont utilisés de manière conforme à la Convention. Des visites in situ sont d'ores et déjà organisées par la Commission dans plusieurs États membres afin de contrôler l'utilisation des fonds, a-t-elle ajouté. La Commission ne fait pas rapport sur des projets particuliers, mais, à compter de l'an prochain (2016), elle publiera chaque année des résumés des rapports annuels des États membres sur la mise en œuvre. En outre, des rapports stratégiques résumant les rapports intérimaires des États membres en 2017 et 2019 analyseront les progrès réalisés en termes d'inclusion sociale au niveau de l'Union européenne, y compris pour ce qui a trait au changement de paradigme associé au passage à des services communautaires. Tous ces rapports seront soumis au Parlement européen, au Conseil de l'Europe, au Comité économique et social européen et au Comité des régions.

La délégation a déclaré que le projet de loi sur l'accessibilité était en préparation depuis longtemps au niveau de l'Union européenne – déjà à l'époque de la précédente Commission européenne. «Il était donc légitime que la nouvelle Commission se l'approprie à sa manière», a tenu à commenter la délégation. Quoi qu'il en soit, ce texte devrait être adopté très prochainement par la Commission, mais il faudra ensuite qu'interviennent le Conseil de l'Europe et d'autres acteurs et on peut s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup de débats sur cette question.

Outre les dispositions de la loi, la Commission européenne fournit des orientations aux États membres afin qu'ils appliquent les réformes systémiques nécessaires pour promouvoir la désinstitutionnalisation des personnes handicapées, a poursuivi la délégation. L'Agence européenne des droits fondamentaux a élaboré des indicateurs visant à évaluer les mesures prises en faveur de la transition d'un modèle de soins institutionnel à un modèle communautaire, l'objectif étant de contribuer à surveiller la réalisation du droit à mener une vie autonome, énoncé à l'article 19 de la Convention, a indiqué la délégation.

En réponse à d'autres questions, la délégation a notamment fait valoir que l'Union européenne s'était récemment dotée de législations sur les victimes de crimes et sur la participation des enfants aux procédures pénales.

S'agissant de l'impact des mesures d'austérité prises dans les pays européens dans le contexte de la crise financière, la délégation de l'Union européenne a fait valoir que les financements de l'Union sont souvent l'expression d'une solidarité et ciblent les personnes qui se trouvent dans les situations les plus difficiles. Tel est le cas du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), a précisé la délégation.

Après avoir souligné que la liberté de mouvement était l'un des droits fondamentaux reconnus par les traités de l'Union européenne et que la Directive 2004/38 prévoyait que «chaque citoyen de l'Union (…) séjournant dans un État membre (…) devrai[t] bénéficier, dans cet État membre, de l'égalité de traitement avec ses ressortissants dans les domaines d'application du traité», la délégation a rappelé que les États membres n'étaient pas tenus d'accorder une aide sociale aux personnes économiquement non actives durant les trois premiers mois de résidence sur leur territoire. S'ils résident dans le pays de l'Union européenne pendant une période supérieure à trois mois, les citoyens de l'Union européenne ont droit à des prestations d'aide sociale sur un pied d'égalité avec les ressortissants du pays. Les prestations d'invalidité versées par un État membre ne sont pas réduites, suspendues ou retirées si le bénéficiaire et les membres de sa famille résident dans un autre État membre que celui qui accorde lesdites prestations.

La délégation a ensuite souligné que l'Union européenne n'exerçait pas de compétence directe qui lui permettrait de réguler la législation concernant la reconnaissance et l'exercice de la capacité juridique dans les États membres. Cela ne signifie pas que l'Union ne peut pas agir du tout s'agissant de cette question, a-t-elle toutefois ajouté, expliquant notamment que l'Union européenne s'efforçait de promouvoir les échanges et les bonnes pratiques en la matière.

L'Union européenne n'exerce pas de compétence générale qui lui permettrait de réglementer les conditions sous lesquelles les ressortissants d'un État membre peuvent bénéficier du droit de vote lors des élections, y compris pour ce qui a trait aux règles applicables en la matière aux personnes handicapées. S'agissant de cette question, ce sont les États membres qui sont parties à la Convention qui restent responsables d'assurer le respect des droits des personnes handicapées conformément à leurs obligations au titre de cet instrument. Il ressort d'un rapport publié en 2010 par l'Agence européenne des droits fondamentaux que de nombreux États membres de l'Union européenne lient le droit de participation à la vie politique à la capacité juridique de l'individu, ce qui se traduit par une exclusion automatique ou quasi-automatique de nombreuses personnes ayant des handicaps intellectuels ou psychosociaux de l'exercice du droit de vote, a reconnu la délégation.

Les traités de l'Union européenne ne lui donnent pas compétence pour intervenir directement auprès des États membres dans le domaine de la stérilisation forcée, a par ailleurs déclaré la délégation. Il relève des États membres et des tribunaux nationaux d'assurer la protection des droits fondamentaux, conformément à leur législation nationale et à leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme.

Les nouvelles directives sur l'emploi proposées par la Commission européenne font clairement référence à l'importance de l'inclusion, de l'équité, de la lutte contre la pauvreté et de la promotion de l'égalité des chances, a par ailleurs indiqué la délégation, soulignant qu'il ne saurait être toléré que les personnes handicapées soient exclues du marché du travail. À cet égard, la délégation a notamment rappelé que les Fonds structurels et d'investissement européens fournissaient un soutien financier aux États membres afin qu'ils améliorent la situation des personnes handicapées. Une nouvelle conditionnalité a été ajoutée pour les États membres qui souhaitent accéder à ces Fonds, à savoir qu'ils doivent témoigner de leur capacité administrative d'appliquer la Convention relative aux droits des personnes handicapées, a fait observer la délégation. Quant au Fonds social européen, il promeut l'intégration dans l'emploi et la participation au sein de la société. La délégation a annoncé que la Commission européenne allait prochainement proposer des mesures visant à combattre le chômage de longue durée, ce qui est particulièrement pertinent du point de vue des personnes handicapées.

S'agissant de la santé mentale, la délégation a attiré l'attention sur l'Action conjointe sur la santé mentale et le bien-être, lancée en 2013 et financée par le Programme de santé de l'Union européenne, qui vise notamment le développement de soins de santé mentale communautaires et socialement inclusifs pour les personnes souffrant de troubles mentaux graves. Il a dans ce contexte été reconnu que beaucoup a été fait à travers l'Europe ces dernières décennies pour passer d'une approche institutionnelle des soins de santé mentale à une approche communautaire. Il a néanmoins été relevé que les progrès réalisés l'ont été de manière inégale sur le territoire européen et que beaucoup restait encore à faire. La réalité est que dans de nombreux pays, les personnes souffrant de ces troubles continuent de résider dans de grands hôpitaux psychiatriques ou dans des institutions de soins sociaux avec de mauvaises conditions de vie, une assistance clinique inadéquate et de fréquentes violations de droits de l'homme, a souligné la délégation.

Entre 2008 et 2012, l'Union européenne a apporté son soutien à quelque 300 projets portant spécifiquement sur le handicap, gérés par des organisations de la société civile dans 87 pays en développement, pour un montant total de 140 millions d'euros, a par ailleurs fait valoir la délégation.

La directive européenne sur l'égalité de traitement en matière d'emploi, en vigueur depuis maintenant quinze ans, assure une protection contre la discrimination fondée sur le handicap en matière d'emploi, a rappelé la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que l'Union européenne a adopté une législation applicable à tous les modes de transports afin de faciliter le transport des personnes handicapées à mobilité réduite. Une étude publiée par la Commission européenne en 2014 montre que les passagers handicapés à mobilité réduite sont globalement satisfaits de l'assistance qu'ils reçoivent lorsqu'ils voyagent, quel que soit le mode de transport considéré, a fait valoir la délégation.

Conclusions

M. MUNTHIAN BUNTAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Union européenne, a salué le caractère historique du dialogue interactif et fructueux qui s'est déroulé entre le Comité et l'Union européenne à l'occasion de l'examen de son rapport. Il a félicité la délégation pour l'ouverture et la franchise dont elle a fait preuve. Les experts ont exprimé leurs préoccupations et la délégation s'est efforcée de lever un certain nombre de doutes de manière très professionnelle, a-t-il constaté. Il a exprimé l'espoir que l'utilisation des fonds européens sera surveillée de manière stricte et a indiqué attendre avec impatience l'adoption par l'Union européenne du projet de loi sur l'accessibilité. M. Buntan a en outre salué l'engagement pris par la délégation s'agissant du projet de directive sur l'égalité de traitement, dont elle a assuré qu'il irait au-delà des seuls domaines de l'emploi et de la formation. Il n'en demeure pas moins qu'il reste préoccupant que nombre de questions ne soient pas tranchées, s'agissant notamment de la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention ou de la persistance du placement de personnes handicapées en institution.


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CRPD15/021F