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LE COMITÉ POUR LES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS CONCLUT LES TRAVAUX DE SA QUINZIÈME SESSION

Communiqué de presse
Il adopte des observations finales sur l'Argentine, le Chili et le Guatemala

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a conclu, aujourd'hui, les travaux de sa quinzième session, au cours de laquelle il a examiné les rapports initiaux de l'Argentine, du Chili et du Guatemala sur l'application des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

S'agissant du rapport de l'Argentine, le Comité, préoccupé par des informations faisant état d'attitudes discriminatoires à l'égard des migrants, recommande l'adoption de mesures pour éliminer les stéréotypes discriminatoires, tant dans le discours politique que dans les médias, et de condamner publiquement les actes discriminatoires. Il s'inquiète par ailleurs de ce que les travailleurs migrants en situation irrégulière soient souvent soumis au travail forcé. Il recommande d'augmenter les inspections, ainsi que les amendes imposées aux employeurs qui exploitent les migrants, et de promouvoir l'accès des travailleurs migrants à l'emploi dans le secteur formel. Enfin, le Comité recommande à l'Argentine d'améliorer la coordination dans la mise en œuvre des mesures contre la traite, de poursuivre en justice les fonctionnaires complices de la traite et de fournir une formation anticorruption aux agents de police.

Le Comité se félicite de la promulgation par la Chili de la loi d'avril 2011 sur la traite des personnes. Il juge positive la signature de divers accords relatifs aux travailleurs migrants, notamment ceux concernant les arrangements internationaux en matière de sécurité sociale. Le Comité recommande aussi que soient adoptées des mesures positives ou que soient renforcées celles déjà adoptées pour combattre les attitudes discriminatoires et la stigmatisation sociale, de la part du public comme des fonctionnaires ou de la presse. Le Comité appelle le Chili à adopter au plus tôt le projet de loi en préparation sur la migration, en faisant en sorte qu'il soit pleinement conforme aux normes internationales.

Enfin, le Comité reconnaît que si le Guatemala a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants installés à l'étranger, des défis importants restent à relever pour la protection des travailleurs migrants en sa qualité de pays de transit et de destination. Le Comité salue par ailleurs la création en 2007 du Conseil national chargé de veiller au bien-être des migrants. Parmi ses motifs de préoccupation, le Comité déplore les lacunes de la loi guatémaltèque. Il estime notamment que le projet relatif à la migration prend insuffisamment en compte la Convention et souhaite que ce texte soit amendé au plus vite afin de l'harmoniser avec la Convention. Le Comité encourage le Guatemala à donner la priorité à la finalisation et mise en œuvre de sa «Politique publique intégrale en matière de migration» qui ne pourra que faciliter, selon lui, une meilleure coordination institutionnelle dans ce domaine.

Au cours de la session, le Comité a en outre tenu une journée de discussion générale sur les travailleurs migrants en situation irrégulière et les membres de leur famille, dont la proportion est estimée entre 10 et 15% des 214 millions de migrants internationaux. La discussion avait notamment pour objectifs de faciliter le travail du Comité dans ses recommandations aux États parties; préciser la portée de la Convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille; aider le Comité à adopter une observation générale sur les travailleurs migrants en situation irrégulière.

Lors de la séance de clôture aujourd'hui, le Président du Comité, Abdelhamid El Jamri, a précisé que ce projet d'observation générale sur les travailleurs migrants en situation irrégulière serait discuté lors de la session de printemps du Comité, en avril 2012, en vue de son adoption à sa session de l'automne 2012.

M. El Jamri a expliqué par ailleurs que le Comité était en relation avec de nombreux syndicats de par le monde, l'idée étant de créer une plateforme des organisations syndicales qui serait basée à Genève à l'image de la plateforme des organisations non gouvernementales. Il a aussi mis l'accent sur deux initiatives visant à améliorer les travaux du Comité: l'instauration systématique d'une liste de questions aux États et l'élaboration de ce qu'il a appelé un «calendrier magistral» afin de réduire les retards dans l'examen des rapports.

Plus de 200 millions de migrants, notamment des travailleurs migrants, des réfugiés, des requérants d'asile, des immigrés permanents et autres, vivent et travaillent dans un pays dont ils ne sont pas originaires. Ils représentent près de 3% de la population mondiale. Le Comité est chargé de surveiller l'application, par les États parties, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui vise à empêcher l'exploitation des travailleurs migrants et impose des normes internationales pour protéger les migrants et leurs familles.

Au cours de sa prochaine session, qui se tiendra du 16 au 27 avril 2012 à Genève, le Comité doit examiner les rapports du Tadjikistan et du Paraguay.


Observations finales

Les versions complètes des observations finales du Comité adoptées au cours de la présente session seront affichées sur la page web de la session (http://www2.ohchr.org/english/bodies/cmw/cmws15.htm). Le lien paraîtra dans la colonne de droite du tableau, en regard du nom du pays concerné.

S'agissant du rapport de l'Argentine (CMW/C/ARG/CO/1, à paraître), le Comité se félicite de l'adoption de certaines mesures législatives, dont la loi sur les migrations qui reconnaît le droit à la migration comme un droit fondamental et inaliénable; protège le droit de tous les migrants, dont ceux en situation irrégulière, d'avoir accès gratuitement à tous les niveaux d'éducation ainsi qu'à des soins de santé; et oblige les employeurs à se conformer à la législation du travail, indépendamment du statut migratoire de l'employé. Le Comité est toutefois préoccupé par des informations faisant état d'attitudes discriminatoires à l'égard des migrants originaires de pays africains et de pays voisins - en particulier du Sénégal, de la Bolivie et du Paraguay -, ainsi que de l'attitude de certains médias associant les migrants à des actes criminels et à des abus de prestations sociales. Il recommande à l'Argentine d'adopter des mesures pour éliminer les stéréotypes discriminatoires sur les travailleurs migrants et les membres de leurs familles, tant dans le discours politique que dans les médias, et de condamner publiquement les actes discriminatoires ciblant ces personnes. Le Comité s'inquiète par ailleurs que dans la pratique, les enfants migrants se voient souvent refuser l'accès à l'école et que les migrants qui n'ont pas de documents d'identité se voient refuser l'accès aux établissements de santé.

D'autre part, le Comité s'inquiète de ce que les travailleurs migrants en situation irrégulière sont souvent soumis au travail forcé, en particulier dans les domaines de l'industrie textile, de l'agriculture et du travail domestique. Il recommande d'augmenter les inspections, ainsi que les amendes infligées aux employeurs qui exploitent les travailleurs migrants, et de promouvoir l'accès des travailleurs migrants à l'emploi dans le secteur formel. Tout en prenant note des garanties contre les expulsions prévues par la loi sur les migrations, le Comité est préoccupé par le fait que les permis de séjour temporaire ne sont pas prolongés jusqu'à ce qu'une décision définitive ait été prise, ce qui met les migrants dans une situation d'irrégularité et de vulnérabilité. Enfin, le Comité note avec préoccupation que l'Argentine est un pays de destination de migrants victimes d'exploitation sexuelle et de travail forcé. Il s'inquiète des taux peu élevés de poursuites et de condamnation à l'encontre des trafiquants, du manque de coordination entre les autorités fédérales, provinciales et municipales dans les efforts déployés contre la traite, ainsi que de cas de pots-de-vin et de collusion entre trafiquants et agents publics. Il recommande à l'Argentine d'améliorer la coordination entre les différentes autorités dans la mise en œuvre des mesures contre la traite, de poursuivre en justice les fonctionnaires complices de la traite et de fournir une formation anticorruption aux agents de police. L'Argentine est également invitée à adopter un plan d'action national contre la traite qui identifie des cibles précises et des indicateurs mesurables.

Dans ses observations finales concernant le Chili (CMW/C/CHL/CO/1, à paraître), le Comité se félicite du niveau de la délégation venue de Santiago et du dialogue constructif qui s'est tenu. Il note que certains des pays d'accueil des travailleurs chiliens ne sont pas partie à la Convention, ce qui constitue un obstacle à la jouissance des droits que celle-ci leur reconnaît. Parmi les aspects positifs relevés, le Comité se félicite de la promulgation de la loi d'avril 2011 sur la traite des personnes. Il juge positive la signature de divers accords relatifs aux travailleurs migrants, notamment ceux concernant les arrangements internationaux en matière de sécurité sociale. S'agissant du projet de loi en préparation sur la migration, le Comité appelle le Chili à l'adopter au plus tôt en faisant en sorte qu'il soit pleinement conforme aux normes internationales. Il lui recommande par ailleurs de veiller à ce que l'Institut national des droits de l'homme soit en accord avec les Principes de Paris, qu'il se voie accorder des moyens suffisants et soit doté d'un mandat spécifique sur les travailleurs migrants. Le Comité demande aussi au Chili d'établir un système d'information national sur la migration.

Le Comité recommande que soient adoptées des mesures positives ou que soient renforcées celles déjà adoptées pour combattre les attitudes discriminatoires et la stigmatisation sociale, non seulement dans le public en général mais en particulier chez les enseignants, des fonctionnaires de l'immigration et des professionnels des moyens de communication. Il appelle le Chili à en finir avec la pratique consistant à substituer les papiers d'identité des travailleurs migrants par une «carte d'étranger en infraction» lorsque ceux-ci ont violé la législation sur leur droit au séjour. Il lui demande de veiller à ce que les travailleurs migrants, y compris ceux sanctionnés dans ce cadre, puissent quitter librement le pays, sauf en cas d'atteinte à la sécurité nationale, à l'ordre public, à la santé ou à la morale. Il recommande que les travailleurs migrants puissent introduire un recours en cas de décision d'expulsion. Le Comité demande à ce que les enfants d'étrangers nés au Chili mais ne pouvant acquérir la nationalité de leurs parents puissent obtenir la citoyenneté chilienne. Il recommande par ailleurs que l'inspection du travail veille à assurer la protection des employés de maison. Il demande au Gouvernement chilien de revitaliser les mesures passées en faveur du retour volontaire des travailleurs migrants dans leurs pays.

Le Comité relève que le Guatemala (CMW/C/GTN/CO/1, à paraître) a progressé dans la protection des droits de ses ressortissants installés à l'étranger, ajoutant que des défis importants restent à relever pour la protection des droits des travailleurs migrants au Guatemala, pays de transit et de destination. Il observe d'autre part que certains des pays d'accueil des travailleurs guatémaltèques ne sont pas partie à la Convention, ce qui pourrait constituer un obstacle à la jouissance de leurs droits. Le Comité salue par ailleurs la création en 2007 du Consejo Nacional de Atención al Migrante de Guatemala (CONAMIGUA), chargé de veiller au bien-être des migrants. Il se félicite aussi de la création de consulats itinérants, principalement aux États-Unis. Il se salue enfin des accords bilatéraux et multilatéraux conclus tant au plan régional qu'international afin de promouvoir des conditions sûres, équitables et humaines en relation avec la migration internationale des travailleurs et de leur famille.

Parmi ses motifs de préoccupation, le Comité déplore les lacunes de la loi guatémaltèque. Il souligne que le projet 4126 relatif à la migration, qui prend insuffisamment en compte les dispositions de la Convention. Il souhaite que ce texte soit amendé au plus vite afin de l'harmoniser avec la Convention. Il invite par ailleurs le Guatemala à envisager de ratifier la Convention n°143 de l'Organisation internationale du travail (OIT), portant sur les travailleurs migrants. Il souhaite que les fonctionnaires intéressés bénéficient de programmes d'éducation et d'aptitude sur le contenu de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Comité appelle le Guatemala à organiser des campagnes de sensibilisation pour combattre les préjugés, la stigmatisation sociale, non seulement de la part des fonctionnaires mais aussi afin d'éduquer le grand public. Il souhaite enfin que les migrants puissent s'organiser en adhérant à des syndicats ou à des associations, déplorant que les étrangers ne jouissent actuellement pas d'un tel droit.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

HRC11/013F