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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE A CLOS LES TRAVAUX DE SA SOIXANTE-DIX-NEUVIÈME SESSION

Communiqué de presse
Il a adopté des observations finales sur neuf pays: Paraguay, Maldives, Kenya, Géorgie, Ukraine, République tchèque, Albanie, Royaume-Uni et Malte

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a clos aujourd'hui à Genève les travaux de sa soixante-dix-neuvième session, ouverte le 8 août dernier, en rendant publiques ses observations finales sur les rapports des neuf pays ci-après, examinés durant cette session: Paraguay, Maldives, Kenya, Géorgie, Ukraine, République tchèque, Albanie, Royaume-Uni et Malte.

Les textes complets des observations finales adoptées sont disponibles sur la page internet de la session (le lien figurant dans la colonne de droite du tableau en regard du pays correspondant), à l'adresse suivante:
http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/cerds79.htm

Au cours de cette session, qui s'est déroulée sous la présidence de M. Anwar Kemal, le Comité a par ailleurs tenu une réunion informelle avec les États parties à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Le Comité a en outre examiné, dans le cadre de séances privées, des communications individuelles concernant des violations des dispositions de la Convention par des États parties.

Enfin, le Comité a tenu des réunions informelles avec des représentants d'organisations non gouvernementales au sujet des situations prévalant dans les pays dont les rapports figuraient à l'examen de la présente session.

Lors de sa prochaine session, qui se tiendra du 13 février au 9 mars 2012 à Genève, le Comité doit examiner les rapports des douze pays suivants: Canada, Italie, Israël, Jordanie, Koweït, République démocratique populaire lao, Mexique, Portugal, Qatar, Sénégal, Turkménistan, Viet Nam.

Observations finales

Le Comité a adopté des observations finales sur les rapports des neuf États parties qu'il a examinés durant cette session, à savoir ceux du Paraguay, des Maldives, du Kenya, de la Géorgie, de l'Ukraine, de la République tchèque, de l'Albanie, du Royaume-Uni et de Malte (les résumés apparaissent dans l'ordre dans lequel les rapports ont été examinés par le Comité). Les textes complets des observations finales du Comité seront disponibles sur la page internet de la session (le lien figurant dans la colonne de droite du tableau en regard du pays correspondant), à l'adresse suivante:
http://www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/cerds79.htm

Dans ses observations finales sur le rapport périodique du Paraguay, le Comité prend note des engagements contractés par le pays durant le processus d'examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme et l'engage à réaliser la mise en œuvre de toutes les recommandations acceptées. Le Comité se réjouit par ailleurs que le budget de l'Institut paraguayen des autochtones pour l'achat de terres ait été augmenté en 2011, passant de 4 à 22 millions de dollars. Il accueille en outre avec satisfaction le ferme engagement pris par la délégation paraguayenne de respecter les sentences émanant des juridictions internationales relatives aux peuples autochtones. Néanmoins, le Comité relève que la législation paraguayenne ne contient pas de définition de la discrimination raciale, pas plus qu'elle n'incrimine la discrimination raciale comme l'exige l'article 4 de la Convention. Aussi, le Comité encourage-t-il le Paraguay à accélérer l'adoption des instruments législatifs nécessaires pour prévenir le racisme et les attitudes discriminatoires, tels que le projet de loi contre toute forme de discrimination – lequel contient une définition de la discrimination raciale compatible avec l'article premier de la Convention et incrimine comme il se doit les diverses manifestations de la discrimination raciale.

D'autre part, le Comité se dit préoccupé par la faible représentation des membres des communautés autochtones et afro-descendantes et des autres groupes vulnérables dans les postes de prise de décision, dans les mécanismes de participation sociale et dans l'éducation. Il recommande au Paraguay de prendre les mesures nécessaires, y compris d'ordre législatif et relativement au budget de l'État, pour garantir l'égalité de droit des peuples autochtones. Il est en outre recommandé au Paraguay de prendre les mesures nécessaires pour assurer l'enregistrement de tous les enfants se trouvant sur son territoire, en particulier dans les localités où vivent les peuples autochtones, et de garantir les services nécessaires à leur développement intellectuel et physique. Par ailleurs, tout en notant avec intérêt l'information fournie par la délégation paraguayenne selon laquelle 45% des communautés autochtones qui ne bénéficient pas encore d'une assurance légale définitive relativement à la terre en bénéficieront d'ici 2020, le Comité se dit préoccupé que l'absence au Paraguay d'un régime effectif de reconnaissance des droits et de restitution des terres n'entrave l'accès des communautés autochtones à leurs terres ancestrales. Le Comité se dit également préoccupé par le manque d'enquête et de suivi de l'État s'agissant des menaces et des violences dont souffrent certaines communautés autochtones et afro-descendantes en rapport avec des expulsions de leurs terres. D'autre part, tout en prenant note des efforts consentis par le Paraguay en vue de l'abolition de la servitude dans l'État du Chaco, le Comité réitère sa préoccupation relative à la situation socioéconomique des communautés autochtones dans ce territoire et se dit préoccupé par la persistance de la servitude pour dettes et par la violation des droits de l'homme des membres des communautés autochtones dans ce territoire. Il est donc recommandé au Paraguay de prendre des mesures urgentes pour garantir le plein exercice des droits de l'homme des communautés autochtones au Chaco. En outre, le Comité exhorte le Paraguay à prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour appliquer dans leur totalité les décisions prises par la Cour interaméricaine des droits de l'homme en faveur des communautés autochtones Yakye Axa, Sawhoyamaxa et Xamok Kasek. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par la discrimination dont continuent de souffrir, par « délit de faciès », les Afro-paraguayens en matière d'accès aux lieux et services publics.

S'agissant des Maldives, le Comité se réjouit d'un certain nombre de développements positifs intervenus dans le pays, s'agissant notamment de l'inclusion dans la Constitution de 2008 d'une interdiction explicite de la discrimination raciale; de l'adoption de la loi sur l'emploi de 2008, qui interdit la discrimination entre des personnes effectuant un même travail; ou encore de la collaboration des Maldives avec cinq titulaires de mandats de procédures spéciales qui ont effectué des visites dans cet archipel entre 2006 et 2011. Tout en se réjouissant qu'une loi anti-discrimination soit prévue pour 2012, le Comité se dit toutefois préoccupé par l'absence d'une législation complète visant à prévenir et interdire la discrimination raciale et recommande donc aux Maldives d'adopter dès que possible le projet de loi anti-discrimination. D'autre part, le Comité note avec préoccupation la disposition de la Loi sur la Commission des droits de l'homme des Maldives selon laquelle seuls des musulmans peuvent être membres de ladite Commission. D'autre part, le Comité se dit particulièrement préoccupé par les dispositions discriminatoires de la Constitution des Maldives selon lesquelles tous les Maldiviens doivent être musulmans, ce qui exclut les non-musulmans de toute possibilité d'acquérir la citoyenneté maldivienne ou d'accéder à des postes de la fonction publique.

Il est en outre recommandé aux Maldives de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises pour prévenir et traiter les cas d'hostilité et de mauvais traitements à l'encontre des travailleurs migrants et sur la situation des réfugiés et des requérants d'asile. Notant en outre avec préoccupation que les Maldives sont un pays de destination possible pour des travailleurs migrants victimes de trafic sur le marché du travail et pour des femmes victimes de trafic à des fins d'exploitation sexuelle commerciale, le Comité recommande au pays de renforcer ses efforts en cours pour prévenir et combattre le trafic de personnes. Le Comité se dit également préoccupé par les limites actuellement imposées au droit des travailleurs migrants et des autres étrangers de manifester leur religion ou leur croyance, droit qu'ils ne peuvent exercer qu'en privé.

Dans ses observations finales sur le Kenya, le Comité se félicite de l'adoption de la nouvelle Constitution de 2010 qui contient un vaste catalogue de droits de l'homme jetant les bases de la promotion d'une société kényane multiethnique inclusive et qui traite des inégalités et de l'élimination de la discrimination. Il se réjouit en outre des mesures institutionnelles et autres prises par le pays pour promouvoir la réconciliation et l'unité nationales après les violences qui avaient suivi les élections de 2007. Toutefois, le Comité note que si la législation interdit explicitement la discrimination dans des domaines comme l'emploi, tel n'est pas le cas dans d'autres domaines de la vie publique où la discrimination se produit fréquemment, comme dans le logement. Par ailleurs, tout en notant que la Loi de 2008 sur la cohésion nationale et l'intégration ainsi que le Code pénal interdisent les discours de haine et l'incitation à la haine, le Comité se dit préoccupé par l'étroitesse de la législation kényane, qui ne couvre pas tous les délits punissables énoncés à l'article 4 de la Convention et ne condamne les discours de haine que pour un nombre limité de motifs; il est donc recommandé au Kenya d'apporter les amendements législatifs adéquats pour élargir la portée de la législation existante afin de donner pleinement effet à l'article 4 de la Convention. Le Comité note avec préoccupation que les politiciens dans le pays continuent d'utiliser l'incitation à la haine ethnique dans leurs déclarations et leurs discours.

D'autre part, le Comité regrette qu'aucune des victimes des violences qui se sont produites à la suite des élections de 2007 ne se soit vu accorder réparation et que les auteurs de ces violences n'aient toujours pas été poursuivis en justice. En outre, il note avec une grande préoccupation que certaines des personnes déplacées en raison de ces violences n'ont pu retourner dans leurs foyers ni recevoir d'indemnisation. Par ailleurs, le Comité note avec préoccupation que le Kenya n'a pas donné suite à la décision de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples concernant les expulsions forcées des Endorois et des Ogiek de leurs terres – les personnes affectées restant sans compensation à ce jour. Notant en outre avec préoccupation le peu de progrès enregistré au fil des ans dans la résolution des questions foncières et relevant que des violences interethniques liées à des différends fonciers continuent de se produire, le Comité recommande au Kenya de prendre sans délai des mesures visant à rendre opérationnels les mécanismes permettant de traiter les problèmes fonciers de manière équitable, en tenant compte des contextes historiques de propriété et d'acquisition de la terre; le Comité souhaite être tenu informé des résultats des actions menées à cet égard. D'autre part, le Comité encourage le Kenya à mettre en place sans délai les mécanismes nécessaires à la mise en œuvre de la disposition constitutionnelle relative à la participation ethnique dans les organes et postes gouvernementaux. Le Comité exprime par ailleurs sa préoccupation face aux exigences supplémentaires, discriminatoires et arbitraires, imposées aux Nubiens, aux Arabes des côtes, aux Somalis et aux Kényans d'ascendance asiatique pour ce qui est de la reconnaissance de leur nationalité kényane et de leur accès à des documents d'identité. Le Kenya est en outre instamment prié de prendre des mesures afin de contrôler la surpopulation des bidonvilles de Nairobi et afin de minimiser le risque de voir la situation dans ces bidonvilles être exploitée par les politiciens dans leurs programmes politiques. Enfin, le Comité note avec préoccupation les graves conditions qui prévalent dans le camp de réfugié de Dabaab et encourage le Kenya à inviter la communauté internationale à assumer sa responsabilité à l'égard des réfugiés en vertu du principe du partage du fardeau.

Dans ses observations finales sur la Géorgie, le Comité se félicite des efforts en cours du pays pour réviser sa législation afin d'assurer une plus grande protection des droits de l'homme et de donner effet à la Convention, s'agissant notamment des amendements apportés à la Constitution en 2010; des amendements apportés à la Loi sur les réfugiés en 2007; de l'adoption, en 2007, de la Loi sur le rapatriement des personnes déplacées par la force de la République socialiste soviétique par l'ancienne URSS dans les années 1940; ou encore des amendements apportés en 2009 à la Loi organique sur la citoyenneté en Géorgie. Le Comité note en outre avec intérêt les compétences élargies accordées au Défenseur du peuple et encourage la Géorgie à consulter ce dernier et à l'impliquer dans toutes les activités relatives aux droits de l'homme. Au titre des facteurs et difficultés entravant la mise en œuvre de la Convention, le Comité rappelle qu'il reconnaît le fait que la Géorgie a été confrontée à des conflits ethniques et politiques en Abkhazie et en Ossétie du Sud depuis son indépendance; il note que l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud continuent de rester en dehors du contrôle effectif de la Géorgie, ce qui empêche donc le pays d'appliquer pleinement la Convention dans ces territoires, et note que par le passé, il a exprimé l'avis que les États qui exercent un contrôle effectif sur un territoire ont la responsabilité, en vertu du droit international et de l'esprit de la Convention, d'appliquer cette dernière. Au nombre des recommandations du Comité concernant la Géorgie, figure celle encourageant le pays à accélérer l'adoption d'une législation spécifique protégeant les minorités.

Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé que le Code pénal n'interdise pas les discours racistes en général, ni la diffusion d'idées basées sur la supériorité raciale et l'expression de la haine raciale, pas plus que l'incitation à la discrimination raciale. Est également jugé préoccupant le fait que la législation ne contienne pas de définition claire de la discrimination tant directe qu'indirecte et que les organisations racistes ne soient pas interdites par la loi. De plus, la motivation raciale, religieuse, nationale ou ethnique d'un crime n'est considérée comme une circonstance aggravante que pour certains crimes particulièrement graves, relève le Comité. Il se dit en outre préoccupé par les allégations faisant état d'arrestations arbitraires et de mauvais traitements perpétrés par des agents responsables de l'application des lois à l'encontre des membres de groupes minoritaires et des étrangers, dont la vulnérabilité découle en partie de leur manque de connaissance de la langue géorgienne. Le Comité fait également part de sa préoccupation face aux informations faisant état de stéréotypes, de préjugés et de conceptions erronées à l'égard des membres des minorités ethniques et religieuses, véhiculés par les media, les politiciens et les manuels scolaires. Il est donc recommandé à la Géorgie de ne ménager aucun effort pour instaurer la confiance mutuelle et la réconciliation entre les populations majoritaire et minoritaires et promouvoir une coexistence pacifique et tolérante dans les relations interethniques. Le Comité se dit en outre préoccupé par le faible niveau de connaissance du géorgien comme deuxième langue parmi les minorités et par l'obstacle que cela constitue pour leur intégration dans la société, dans l'éducation et dans l'emploi et pour leur représentation dans les institutions de l'État et dans l'administration publique. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé que les membres des communautés azérie et arménienne vivant dans des zones rurales reculées souffrent d'un manque d'infrastructures adéquates, notamment en termes de routes, de transports, d'eau, d'électricité et de gaz. Le Comité recommande à la Géorgie de passer en revue et d'envisager de renverser les répercussions négatives des réformes agraires du passé et de n'envisager de modification des noms géographiques des localités qu'en consultation et avec l'accord des populations locales. Il est également recommandé au pays de prendre les mesures nécessaires aux fins de la préservation du patrimoine culturel et des monuments des minorités. De plus, le Comité se dit préoccupé que la population rom de Géorgie reste marginalisée et continue de vivre dans des conditions économiques et sociales précaires. Les Meshkets turcs n'ont jamais reçu de compensation pour les pertes de leurs biens, s'inquiète en outre le Comité, avant de se dire préoccupé par les informations laissant entendre que la population des régions dans lesquelles les Meshkets turcs pourraient retourner, essentiellement la minorité arménienne, pourrait leur être hostile. Il est recommandé à la Géorgie d'adopter une stratégie complète pour intégrer les personnes déportées par l'ancienne URSS en 1944. Il est enfin recommandé à la Géorgie de poursuivre ses efforts en vue d'améliorer la situation des personnes déplacées à l'intérieur du pays.

En ce qui concerne l'Ukraine, le Comité note avec intérêt la détermination du pays, durant la période couverte par le rapport, à renforcer son cadre juridique et à remédier au manque de clarté entourant les différents programmes et institutions dédiés à l'intégration et à la protection des groupes ethniques. Ainsi, le Comité note-t-il avec intérêt les amendements apportés au Code pénal concernant la responsabilité pénale pour les délits motivés par l'intolérance raciale, ethnique et religieuse ou encore la reconnaissance des motivations raciales, ethniques ou religieuses d'un délit comme constituant des circonstances aggravantes. Il note en outre avec intérêt l'adoption du Plan d'action national pour la lutte contre la xénophobie et la discrimination raciale et ethnique pour la période 2010-2012, ou encore la création, au sein du Ministère de l'intérieur, d'une Unité chargée de la lutte contre la cybercriminalité. Le Comité note toutefois avec préoccupation que le Comité d'État pour les affaires ethniques et religieuses, le Groupe de travail interministériel contre la xénophobie et l'intolérance ethnique et raciale ainsi que les départements distincts du Ministère de l'intérieur chargés d'enquêter sur les crimes ethniques et de les combattre ont tous cessé d'être opérationnels en 2010, alors que des réformes administratives étaient en cours. Aussi, le Comité exhorte-t-il l'Ukraine à considérer la discrimination raciale comme une question prioritaire, quel que soit le résultat des réformes administratives en cours. Le pays est en outre instamment prié d'accélérer l'adoption d'une loi anti-discrimination complète. De nombreuses dispositions légales ne garantissent toujours pas une égale protection des droits, et notamment du droit de ne pas être soumis à la discrimination, pour les non-ressortissants, s'inquiète par ailleurs le Comité.

Le Comité fait également part de sa préoccupation face aux attitudes dédaigneuses et à la répugnance à accepter la nature raciste ou discriminatoire des crimes de haine qu'affichent les autorités chargées de l'application des lois, ainsi que face aux incidents répétés de profilage ethnique ou racial par la police. A la lumière de la résurgence des activités d'organisations extrémistes telles que la Social National Assembly ou les Patriots of Ukraine, le Comité note avec préoccupation les attaques répétées contre des étrangers et des membres des « minorités visibles » perpétrées par de jeunes extrémistes; il est donc fortement recommandé à l'Ukraine de surveiller étroitement les activités des organisations extrémistes et d'adopter des mesures juridiques et politiques en vue d'empêcher leur enregistrement et de dissoudre leurs activités. Le Comité se dit par ailleurs alarmé par l'effectivité limitée des mesures législatives et politiques visant à traiter des questions liées à l'éducation des Roms. L'Ukraine est instamment priée de fournir, à titre prioritaire, les documents d'identification nécessaires à tous les Roms, afin de faciliter leur accès aux tribunaux, à l'aide juridique, à l'emploi, au logement, aux soins de santé, à la sécurité sociale, à l'éducation et aux autres services publics. L'Ukraine est également instamment priée d'adopter une législation visant à protéger les peuples autochtones et à garantir leur développement économique, culturel et social. D'autre part, le Comité continue d'être fortement préoccupé par les informations faisant état de difficultés que rencontrent les Tatars de Crimée qui sont revenus en Ukraine, notamment du fait d'un manque d'accès à la terre et à des opportunités d'emploi, d'une insuffisance des opportunités qui leur sont offertes d'étudier leur langue maternelle, des discours de haine proférés à leur encontre, d'un manque de représentation politique et d'un manque d'accès à la justice. Il est recommandé à l'Ukraine d'assurer la restauration des droits politiques, sociaux et économiques des Tatars de Crimée – en particulier pour ce qui est de la restitution des biens, y compris la terre. Le Comité se dit en outre préoccupé par les informations laissant entendre que les communautés Krymchacs et Karaïtes seraient en voie d'extinction et exhorte l'Ukraine à prendre à titre prioritaire des mesures spéciales afin de permettre la préservation de la langue, de la culture, des spécificités religieuses et des traditions de ces deux communautés. Par ailleurs, le Comité note avec préoccupation que le statut d'une communauté de citoyens ukrainiens, qui se considèrent eux-mêmes comme Ruthènes, n'est pas clair et qu'il y aurait absence de dialogue entre eux et l'État. Il est d'autre part recommandé à l'Ukraine d'améliorer davantage les conditions de réception des réfugiés et des requérants d'asile en ouvrant de nouveaux centres d'hébergement temporaire.

S'agissant de la République tchèque, le Comité se félicite de l'adoption de la loi de 2009 relative à l'égalité de traitement et aux moyens légaux de protection contre la discrimination; de l'amendement apporté en 2009 aux règles de procédure civile relativement à l'inversion de la charge de la preuve dans les affaires de discrimination raciale; de l'amendement apporté en 2008 au Code pénal aux fins de l'établissement de la motivation raciale de certains crimes comme circonstance aggravante; ou encore de l'amendement apporté en 2006 au Code du travail afin d'interdire toute discrimination à l'encontre des employés. Néanmoins, il est recommandé au pays d'envisager la possibilité d'unifier et de consolider les motifs de discrimination interdits et de normaliser les recours face à la discrimination raciale afin de faciliter l'accès à la justice pour les victimes de discrimination raciale. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par l'absence en République tchèque d'une institution nationale des droits de l'homme conforme aux Principes de Paris. Il est d'autre part recommandé à la République tchèque de prendre des mesures effectives afin de veiller à ce que le principe de décentralisation n'entrave pas la mise en œuvre des obligations internationales du pays en matière de droits de l'homme, s'agissant notamment de l'obligation de promouvoir les droits – en particulier économiques, sociaux et culturels – des groupes qui sont vulnérables à la discrimination.

Le Comité fait part de sa préoccupation face à la ségrégation persistante des enfants roms dans l'éducation. Le pays est instamment prié d'éliminer toute discrimination ou tout harcèlement racial contre les élèves roms et de prévenir et éviter leur ségrégation. Le Comité se dit en outre préoccupé par les résultats d'une étude menée par le Centre européen pour les droits des Roms laissant apparaître que dans 22 centres de soins pour enfants en République tchèque, 40,6% des enfants sont des Roms. Sont également jugées préoccupantes l'existence de localités socialement exclues peuplées de Roms et la discrimination persistante contre les Roms en matière d'accès à un logement adéquat et à l'emploi. Le Comité recommande en outre à la République tchèque d'utiliser la récente décision de la Cour suprême (levant le délai de prescription) pour faciliter la pleine indemnisation des victimes de la stérilisation illégale des femmes roms. Tout en se réjouissant de la décision de la Cour suprême de dissoudre le Parti des Travailleurs en raison de son plaidoyer en faveur de l'idéologie néo-nazie et de ses expressions contre les immigrants et les minorités, le Comité regrette que l'article 4 de la Convention ne soit pas couvert de manière adéquate par la législation tchèque qui ne fait référence, en la matière, qu'aux personnes et n'interdit donc pas les organisations et autres activités de propagande incitant à la discrimination raciale. Le Comité se dit préoccupé par les manifestations de haine, par les crimes de haine, ainsi que par les discours racistes et xénophobes dans la politique et dans les media. Il se dit très préoccupé par les informations laissant entendre que d'anciens membres de partis politiques extrémistes occupent des postes de conseillers gouvernementaux, notamment au sein du Ministère de l'éducation, de la jeunesse et des sports. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état de l'exploitation de travailleurs migrants et de mauvais traitements à l'encontre d'étrangers, essentiellement des requérants d'asile dans les centres de détention. Il prend également note de l'information relative à des cas de trafic de personnes affectant essentiellement des femmes roms et étrangères.

Dans ses observations finales sur l'Albanie, le Comité note avec intérêt un certain nombre de mesures législatives et autres prises par le pays, au nombre desquelles la Loi de 2010 sur la protection contre la discrimination; le Plan d'action de la Décennie pour l'intégration des Roms, adopté en 2009; ou encore la création en 2004 d'un Comité d'État pour les minorités. Le Comité réitère toutefois sa préoccupation quant à la distinction opérée, dans la législation albanaise, entre minorités nationales (minorités grecque, macédonienne et serbo-monténégrine) et minorités linguistiques (Roms et Aromaniens). Tout en notant la déclaration de l'Albanie selon laquelle cette distinction n'a aucun effet sur les droits des personnes appartenant à ces minorités, le Comité se dit néanmoins préoccupé que la justification de cette distinction ne soit incompatible avec le principe de non-discrimination. D'autre part, le Comité se dit préoccupé par l'absence en Albanie d'une législation complète visant à combattre la discrimination raciale, ainsi que par l'absence d'une législation criminalisant les organisations racistes et la participation à de telles organisations.

Par ailleurs, le Comité note que l'effectivité et l'impact des mesures prises pour améliorer la situation de la minorité rom n'ont pas été suffisamment évalués; il exhorte l'Albanie à appliquer pleinement toutes les politiques antidiscriminatoires qui ont été adoptées s'agissant de la minorité rom et de son accès à l'éducation, au logement, à l'emploi, à la santé et aux autres services sociaux et lieux publics et prie instamment le pays de surveiller étroitement et d'évaluer les progrès réalisés en la matière. Le Comité se dit en outre préoccupé par les difficultés que rencontrent encore de nombreux Roms pour obtenir des documents personnels, notamment des certificats de naissance et des papiers d'identité. Il réitère aussi sa préoccupation face aux allégations selon lesquelles des membres de la minorité rom, en particulier les jeunes, sont confrontés au profilage ethnique et sont soumis à des mauvais traitements et à un usage inapproprié de la force de la part d'agents de police. Le Comité se dit également préoccupé par la situation des Aromaniens s'agissant de la jouissance de leurs droits sans aucune discrimination; il est recommandé à l'Albanie de se pencher sur la situation des personnes appartenant aux minorités aromaniennes, en particulier pour ce qui est de leurs droits à la liberté d'opinion et d'expression et de leur droit à l'éducation et pour ce qui est de leur accès aux services publics sans discrimination. Le Comité regrette que la jouissance effective du droit à l'éducation ne soit pas garantie pour tous les enfants des minorités et d'autres groupes vulnérables, dont bon nombre n'ont pas accès à une éducation dans leur propre langue. En outre, le Comité se dit profondément préoccupé par les mauvaises conditions de vie et par la marginalisation dont souffrent les membres de la communauté égyptienne en Albanie.

Pour ce qui est du Royaume-Uni, le Comité salue les efforts notables déployés par le pays pour remédier à la discrimination et à l'inégalité raciales et reconnaît que le Royaume-Uni a fait d'importants progrès en la matière. Il se félicite de l'adoption de la Loi sur l'égalité, qui constitue un jalon dans l'amélioration de la législation anti-discrimination. Bien que les causes sous-jacentes des émeutes et des actes de vandalisme qui se sont déroulés au Royaume-Uni au mois d'août 2011 restent à déterminer pleinement, le Comité note qu'il existe dans cette situation une connotation raciale qui ne devrait pas être ignorée. Il regrette en outre que certaines des réponses politiques apportées par le Royaume-Uni à ces émeutes risquent d'avoir un impact disproportionné sur les groupes originaires des minorités ethniques et des segments pauvres de la population, s'agissant notamment du projet de retirer les prestations sociales aux personnes condamnées mais non emprisonnées pour des délits liés à ces émeutes et du projet d'expulser de leurs logements sociaux les familles des personnes condamnées. De telles mesures risquent de détériorer les relations raciales et les inégalités au Royaume-Uni, insiste le Comité. Il est recommandé au Royaume-Uni d'enquêter de manière approfondie sur les causes sous-jacentes de ces émeutes et de ces actes de vandalisme et de fournir au Comité dès que possible les informations relatives au résultat de ces enquêtes.

Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état de représentation négative des minorités ethniques, des immigrants, des requérants d'asile et des réfugiés dans les media britanniques et d'attaques virulentes croissantes à l'encontre de ces personnes. Il est notamment recommandé au Royaume-Uni de retirer la déclaration interprétative que le pays a faite à l'égard de l'article 4 de la Convention, à la lumière des déclarations virulentes continues dans les media qui risquent d'affecter de manière négative l'harmonie raciale et d'accroître la discrimination raciale dans le pays. Le Comité se dit en outre profondément préoccupé par la position du Royaume-Uni selon laquelle la Convention ne s'applique pas au Territoire britannique de l'Océan indien (BIOT, selon l'acronyme anglais). Il regrette que le Décret BIOT (immigration) de 2004 interdise aux Chagossiens d'entrer non seulement à Diego Garcia mais aussi dans les îles situées dans un rayon de cent miles alentours, pour des motifs de sécurité nationale. Il est rappelé au Royaume-Uni qu'il a l'obligation d'assurer l'application de la Convention sur tous les territoires se trouvant sous son contrôle; aussi, le pays est-il instamment prié d'inclure dans son prochain rapport périodique des informations sur la mise en œuvre de la Convention dans le Territoire britannique de l'Océan indien. En dépit de la baisse actuelle de l'économie, le Royaume-Uni devrait assurer que toute mesure d'austérité n'exacerbe pas le problème de la discrimination raciale et des inégalités. Par ailleurs, le Comité regrette le recours croissant par la police aux interpellations et aux fouilles, qui affectent de manière disproportionnée les membres des groupes minoritaires ethniques, en particulier les personnes d'ascendance asiatique et africaine. Dans le secteur de l'éducation, le Comité note que le taux d'exclusion scolaire des élèves noirs diminue mais reste encore élevé de manière disproportionnée. En outre, le Comité recommande au Royaume-Uni d'intensifier ses efforts visant à réduire l'écart dont continuent de pâtir les minorités ethniques en termes d'emploi. Il reste également préoccupé que les efforts consentis par le pays pour améliorer le bien-être des communautés gitanes et des gens du voyage n'aient pas substantiellement amélioré la situation de ces communautés. Le Comité regrette profondément l'insistance du Royaume-Uni à procéder immédiatement à l'expulsion des Gitans et de la communauté des gens du voyage de Dale Farm, dans l'Essex, avant d'identifier et de fournir des logements alternatifs culturellement appropriés pour les membres de ces communautés. Le Royaume-Uni est instamment prié d'interrompre les expulsions prévues, qui affecteront de manière disproportionnée les vies des familles, en particulier des femmes et des enfants, et créeront une grande détresse. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état d'effets néfastes d'opérations menées par des entreprises transnationales enregistrées au Royaume-Uni mais opérant à l'étranger et affectant les droits de peuples autochtones à la terre, à la santé, à l'environnement et à un niveau de vie adéquat. Le Comité regrette en outre que la Loi sur l'égalité de 2010 ne s'applique pas à l'Irlande du Nord et se dit préoccupé par la réponse apportée par le Royaume-Uni indiquant que l'Irlande du Nord est responsable de développer son propre cadre législatif concernant l'égalité; il est rappelé au Royaume-Uni que l'obligation lui incombe d'appliquer les dispositions de la Convention sur toutes les parties de son territoire.

Enfin, le Comité salue les efforts déployés par Malte pour traiter les flux continus d'immigrants irréguliers vers son territoire en raison des bouleversements dans la région et ce, en dépit des ressources financières et humaines limitées du pays. Il note en outre les divers développements législatifs, institutionnels et politiques intervenus à Malte en matière de lutte contre la discrimination raciale, s'agissant notamment des amendements apportés au Code pénal en 2002 et 2009 – qui introduisent, entre autres, le délit d'incitation à la haine raciale et à la violence raciale – ou encore de Décret sur l'égalité de traitement des personnes, qui introduit le renversement de la charge de la preuve dans les procédures civiles impliquant la discrimination raciale. Pour autant, le Comité se dit préoccupé que la Convention n'ait toujours pas été pleinement intégrée dans l'ordre juridique interne et recommande donc à Malte de prendre les mesures appropriées pour procéder à une telle incorporation de toutes les dispositions de cet instrument. D'autre part, le Comité se dit préoccupé que Malte n'ait toujours pas établi d'institution nationale des droits de l'homme pleinement conforme aux Principes de Paris. Il se dit également préoccupé par les discours discriminatoires et les discours de haine proférés par certains politiciens à Malte ainsi que par la diffusion du racisme et de discours raciaux dans les media, notamment par le biais de l'Internet. Il est recommandé à Malte de prendre les mesures appropriées pour contrer et condamner fermement le racisme et les discours de haine des politiciens ainsi que les manifestations de racisme dans les media – en particulier en engageant des poursuites contre les responsables, quel que soit leur statut.

Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par les informations laissant entendre que les garanties juridiques applicables aux immigrants ne sont pas toujours assurées dans la pratique; il est également préoccupé par les conditions de détention et de vie des immigrants en situation irrégulière dans les centres de détention. Le Comité se dit en outre préoccupé par la récurrence des émeutes orchestrées par les immigrants détenus dans les centres de détention pour protester contre leurs conditions de détention et par l'usage excessif qui serait fait de la force pour contrer ces émeutes. A cet égard, le Comité recommande notamment à Malte de poursuivre l'application des recommandations présentées dans le rapport Pasquale concernant les événements intervenus en 2005 dans le centre de détention de Safi Barracks. Eu égard au vaste flux d'immigrants vers le territoire maltais, il est recommandé au pays de continuer à rechercher l'assistance de la communauté internationale et en particulier des partenaires de l'Union européenne. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les difficultés que rencontrent les femmes immigrantes, en particulier les réfugiées et requérantes d'asile, pour accéder effectivement à l'éducation, aux services sociaux et au marché du travail. Le Comité est également préoccupé par la discrimination à laquelle continuent d'être confrontés les immigrants, les requérants d'asile et les migrants irréguliers en termes de jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels, en particulier pour ce qui a trait au logement et à l'emploi.


Composition du Comité

Le Comité est composé de dix-huit experts qui siègent à titre personnel pour un mandat de quatre ans renouvelable: M. Nourredine Amir (Algérie), M. Alexei S. Avtonomov (Fédération de Russie), M. José Francisco Cali Tzay (Guatemala), Mme Anastasia Crickley (Irlande), Mme Fatimata-Binta Victoire Dah (Burkina Faso), M. Régis de Gouttes (France), M. Ion Diaconu (Roumanie), M. Kokou Mawuena Ika Kana Dieudonné Ewomsan (Togo), M. Huang Yong'an (Chine), M. Anwar Kemal (Pakistan), M. Gün Kut (Turquie), M. Dilip Lahiri (Inde), M. José Augusto Lindgren Alves (Brésil), M. Pastor Elías Murillo Martínez (Colombie), M. Chris Maina Peter (Tanzanie), M. Pierre-Richard Prosper (États-Unis), M. Waliakoye Saidou (Niger) et M. Patrick Thornberry (Royaume-Uni).


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CERD11/037F