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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE TERMINE LES TRAVAUX DE SA TRENTE-CINQUIÈME SESSION

Communiqué de presse
Il présente ses conclusions et recommandations sur la Bosnie-Herzégovine, le Népal, Sri Lanka, l'Équateur, l'Autriche, la France et la République démocratique du Congo

Le Comité contre la torture a achevé aujourd'hui les travaux de sa trente-cinquième session qui se tenait au Palais des Nations, à Genève, depuis le 7 novembre dernier, en rendant publiques ses conclusions et recommandations concernant les sept rapports qu'il a examinés au cours de la session et qui étaient présentés par la Bosnie-Herzégovine, le Népal, Sri Lanka, l'Équateur, l'Autriche, la France et la République démocratique du Congo.

En ce qui concerne la Bosnie-Herzégovine, le Comité prend note avec satisfaction des efforts en cours au niveau de l'État pour réformer la législation de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme. Il se dit toutefois préoccupé par le manquement apparent de l'État partie à mener des enquêtes rapides et impartiales, à poursuivre les responsables et à assurer une indemnisation adéquate aux victimes s'agissant des cas de torture et de mauvais traitements intervenus durant le conflit des années 1992-1995. Il est en outre préoccupé par la coopération inadéquate avec le Tribunal pénal international, en particulier de la part de la République Srpska. Il se dit préoccupé que le pays n'ait pas été en mesure de prévenir de violentes attaques contre des membres de minorités ethniques et autres, ni d'enquêter au sujet de ces attaques.

En ce qui concerne le Népal, le Comité se félicite notamment de l'adoption de la loi sur l'indemnisation en matière de torture. Il se dit toutefois gravement préoccupé par le nombre extrêmement élevé d'informations fiables faisant état d'un recours répandu à la torture et aux mauvais traitements par les agents responsables de l'application des lois. Il est par ailleurs préoccupé par le nombre de personnes détenues placées en détention prolongée sans jugement en vertu de la loi sur la sécurité publique et du décret sur le contrôle du terrorisme. Le Comité se dit préoccupé par la faiblesse de l'indépendance et de l'effectivité du pouvoir judiciaire au Népal ainsi que par le climat d'impunité qui prévaut face aux actes de torture.

Pour ce qui est de Sri Lanka, le Comité note avec satisfaction la signature en 2002 de l'accord de cessez-le-feu entre le Gouvernement et le LTTE, qui a permis de réduire considérablement les cas de torture rapportés en rapport avec le conflit. Il se dit néanmoins préoccupé par les allégations laissant apparaître que les garanties juridiques fondamentales des personnes détenues par la police ne sont pas respectées, notamment pour ce qui est du droit à l'habeas corpus. Il exprime également sa préoccupation face aux allégations faisant état d'un recours répandu à la torture et aux mauvais traitements ainsi que des disparitions, essentiellement de la part des forces de police de l'État. Le Comité exprime aussi sa grave préoccupation face aux allégations d'enlèvements et de recrutement militaire d'enfants-soldats par le LTTE.

S'agissant de l'Équateur, le Comité accueille avec satisfaction l'adoption de la nouvelle Constitution qui renforce la protection des droits de l'homme. Les allégations de torture et de mauvais traitements à l'encontre de groupes vulnérables - en particulier les membres des communautés autochtones, les minorités sexuelles et les femmes - constituent néanmoins un motif de préoccupation. Le Comité note aussi avec préoccupation la lenteur et le retard des procédures judiciaires, ainsi que les allégations faisant état de cas de torture pendant des périodes de détention au secret - auxquelles nombre de personnes détenues seraient soumises. Sont également jugées préoccupantes les allégations selon lesquelles la torture et d'autres traitements inhumains ou dégradants seraient une pratique habituelle dans le cadre des procédures d'enquêtes pénales menées par des agents de la force publique.

Le Comité se réjouit des assurances données par l'Autriche quant à son intention de respecter strictement les directives adoptées par le Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme et d'œuvrer, durant sa présidence de l'Union européenne, au renforcement de l'engagement en faveur du caractère absolu de l'interdiction de la torture. Il regrette les informations indiquant que l'Autriche a procédé à des extraditions après avoir reçu des assurances diplomatiques du pays requérant. Il se dit préoccupé par les restrictions imposées au droit d'une personne arrêtée de disposer de la présence d'un avocat durant son interrogatoire. Il se dit préoccupé aussi par les informations faisant état de comportements racistes et intolérants de certains agents responsables de l'application des lois à l'encontre des étrangers.

En ce qui concerne la France, le Comité prend note avec satisfaction de la création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Il réitère sa recommandation selon laquelle une décision de refoulement entraînant une mesure d'éloignement doit pouvoir faire l'objet d'un recours suspensif - effectif dès qu'il est déposé. Tout en relevant la retenue dont les agents de la force publique ont fait preuve lors des troubles qui se sont répandus tout récemment dans de nombreuses villes françaises, le Comité est sérieusement préoccupé par les déclarations du Ministre de l'intérieur demandant aux préfets d'ordonner l'expulsion immédiate des personnes condamnées durant ces émeutes, indépendamment de leur statut administratif. Le Comité souligne que l'expulsion ne devrait pas être utilisée comme une mesure punitive. Il recommande à la France de garantir que toute demande de mesures provisoires de protection adressée par le Comité sera désormais rigoureusement observée. Il reste par ailleurs préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans les prisons.

S'agissant de la République démocratique du Congo, le Comité prend note avec satisfaction d'un projet de loi modifiant et complétant le Code pénal afin que la Convention soit pleinement intégrée dans la législation nationale. Il constate toutefois avec préoccupation que le pays n'a ni incorporé la Convention dans son droit interne, ni adopté des dispositions législatives visant à mettre en œuvre cet instrument. Il est préoccupé par les allégations récurrentes de tortures et de mauvais traitements généralisés imputés aux forces et services de sécurité du pays ainsi que par l'impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes. Il reste préoccupé par le fait que des agents de l'État continuent de priver arbitrairement des personnes de leur liberté, notamment dans des lieux occultes de détention. Il recommande au pays de prendre les dispositions nécessaires pour que les juridictions militaires se cantonnent à juger uniquement des militaires pour des infractions militaires. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour le Comité.

Au cours de la session, le Comité a par ailleurs examiné, à huis clos, des communications qui lui sont adressée par des personnes qui estiment que leurs droits, en vertu de la Convention, ont été violés par un État partie. Le Comité a adopté des décisions dans certains de ces cas et les textes de ces décisions pourront être consultés sur le site internet du Haut Commissariat aux droits de l'homme (http://www.ohchr.org/french/bodies/jurisprudence.htm).

Au cours de sa prochaine session, qui se tiendra du 1er au 19 mai 2006, le Comité devrait examiner les rapports de la Géorgie, du Guatemala, de la République de Corée, du Qatar, du Pérou, des États-Unis et du Togo. La situation en Guinée équatoriale doit en outre être examinée en l'absence de rapport.

Conclusions et recommandations

Le Comité contre la torture a adopté des conclusions et recommandations sur les sept pays dont les rapports ont été examinés au cours de la session, à savoir la Bosnie-Herzégovine, le Népal, Sri Lanka, l'Équateur, l'Autriche, la France et la République démocratique du Congo.

Dans ses conclusions et recommandations sur le rapport initial de la Bosnie-Herzégovine, le Comité tient à rappeler à ce pays qu'en dépit de sa structure complexe, il ne constitue qu'un seul et même pays au regard du droit international et a l'obligation d'appliquer la Convention dans sa totalité. Il se dit en particulier préoccupé par le manque de cohérence entre les lois de l'État et celles des entités s'agissant de la définition de la torture, les définitions retenues dans la République Srpska et dans le district de Brcko n'étant pas pleinement conformes à celle énoncée à l'article premier de la Convention. Le Comité prend note avec satisfaction des efforts en cours au niveau de l'État pour réformer la législation de manière à assurer une meilleure protection des droits de l'homme, y compris du droit de ne pas être soumis à la torture et à d'autres traitements cruels, inhumains ou dégradants - efforts dont témoignent notamment le Code pénal et le Code de procédure pénale entrés en vigueur en mars 2003, la loi sur la protection des témoins menacés ou vulnérables, ainsi que la loi sur le mouvement et le séjour des étrangers et la loi sur les personnes disparues. Le Comité se félicite également de la création de la Commission chargée d'enquêter sur les événements qui ont abouti au massacre de Srebrenica et d'informer les familles du sort de leurs proches disparus. Le Comité tient à rappeler qu'aucune circonstance exceptionnelle ne saurait justifier la torture. En ce qui concerne les informations bien documentées relatives à des cas de torture et de mauvais traitements intervenus durant le conflit des années 1992-1995 dans l'ex-Yougoslavie, le Comité se dit préoccupé par le manquement apparent de l'État partie à mener des enquêtes rapides et impartiales, à poursuivre les responsables et à assurer une indemnisation adéquate aux victimes. Il se dit également préoccupé par le traitement discriminatoire des procédures pénales: souvent, la majorité ethnique n'engage pas de poursuites contre les présumés criminels de la même majorité ethnique. Le Comité est également préoccupé qu'il ne soit pas reconnu aux survivants de la torture, notamment des violences sexuelles commises durant le conflit, un statut qui leur permettrait d'obtenir réparation. Le Comité est en outre préoccupé par la coopération inadéquate avec le Tribunal pénal international, en particulier de la part de la République Srpska, eu égard au fait que MM. Radovan Karadzić et Ratko Mladić, accusés de génocide, de torture et d'autres crimes internationaux, n'ont toujours pas été arrêtés et transférés.

Le Comité se dit en outre préoccupé que la Bosnie-Herzégovine n'ait pas été en mesure de prévenir de violentes attaques contre des membres de minorités ethniques et autres (en particulier des personnes qui étaient de retour), ni d'enquêter au sujet de ces attaques. Il recommande par ailleurs au pays d'assurer que les hommes, les femmes et les enfants détenus le soient dans des lieux distincts durant toute la durée de leur détention. Il lui recommande également de faire en sorte que toutes les personnes détenues se voient garantir le droit d'entrer en contact avec leurs familles et d'avoir accès immédiatement à un médecin indépendant et à un avocat dès qu'ils sont privés de liberté. Le Comité se dit préoccupé par les informations faisant état de violences entre les prisonniers et de cas de violence sexuelle dans les prisons et autres lieux de détention. Tout en notant les efforts déployés par la Bosnie-Herzégovine pour lutter contre le trafic à des fins d'esclavage sexuel, le Comité se dit préoccupé par le fait que seul un petit nombre de cas ont réellement fait l'objet d'une enquête et de poursuites, ceux qui ont fait l'objet de poursuites n'ayant, de plus, donné lieu qu'à des amendes ou à des peines légères. Il est donc recommandé au pays d'amender son Code pénal et son Code de procédure pénale afin de faire en sorte que les personnes condamnées pour trafic se voient infliger des sanctions et des peines qui reflètent la gravité du crime.

S'agissant du deuxième rapport périodique du Népal, le Comité se félicite notamment de l'adoption de la loi sur l'indemnisation en matière de torture et de la loi sur la Commission nationale des droits de l'homme. Il se félicite également de la mise en place d'un certain nombre d'institutions, au nombre desquelles, outre la Commission des droits de l'homme, la Commission nationale des femmes, la Commission nationale des dalits ou encore les cellules des droits de l'homme de la police et de l'armée. Le Comité se réjouit en outre de l'accord intervenu entre le Népal et le Haut Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies en avril 2005, qui a permis l'établissement d'un bureau du Haut Commissariat au Népal. Le Comité note que le pays a reçu la visite de nombreuses procédures spéciales de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies et félicite le Népal pour la générosité dont il témoigne en accueillant plus de 100 000 réfugiés bhoutanais et 20 000 réfugiés tibétains. Le Comité reconnaît la situation difficile de conflit armé interne à laquelle le pays est confronté et se dit alarmé par la forte incidence des atrocités (incluant le recours à la torture) commises par le Parti communiste du Népal-Maoïste. Le Comité tient néanmoins à rappeler qu'aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit-elle, ne peut être invoquée pour justifier la torture. Il recommande notamment au Népal d'adopter une législation interne qui garantisse que les actes de torture - comprenant la tentative, la complicité et la participation - constituent des délits pénaux passibles de sanctions proportionnées au regard de la gravité du crime commis. Le Comité se dit gravement préoccupé par le nombre extrêmement élevé d'informations fiables faisant état d'un recours répandu à la torture et aux mauvais traitements par les agents responsables de l'application des lois - en particulier par l'armée royale népalaise, par la force de police armée et par la police. Le Comité est en outre gravement préoccupé par l'absence de mesures prises pour assurer une protection effective de tous les membres de la société. Il faudrait que le Népal condamne publiquement la pratique de la torture et prenne des mesures effectives pour prévenir les actes de torture sur l'ensemble du territoire relevant de sa juridiction.

Le Comité est par ailleurs préoccupé par le nombre de personnes détenues placées en détention prolongée sans jugement en vertu de la loi sur la sécurité publique et du décret sur le contrôle du terrorisme de 2004. Il est en outre préoccupé par le recours fréquent à la détention préventive (parfois jusqu'à 15 mois) et par le manque de garanties fondamentales s'agissant des droits des personnes privées de liberté en vertu du décret susmentionné - de nombreux cas de détention au secret ayant été rapportés. Le Comité se dit également préoccupé par la faiblesse marquée de l'indépendance et de l'efficacité du pouvoir judiciaire au Népal, ainsi que par le mépris dont font preuve à son égard les membres des forces de sécurité qui ne respectent pas les ordres des tribunaux. Préoccupé par des allégations concernant des cas de refoulement de requérants d'asile tibétains, le Comité recommande au Népal d'adopter une législation interdisant le refoulement de personnes sans procédure légale appropriée. Le Comité se dit profondément troublé par les allégations fiables dont il continue d'avoir connaissance concernant le recours fréquent par les forces de sécurité à des méthodes d'interrogatoire interdites par la Convention. Il se dit en outre préoccupé que les arrestations et les détentions ne fassent pas l'objet d'un enregistrement systématique et officiel. Le Comité fait également part de sa préoccupation face aux allégations selon lesquelles des enfants seraient détenus en vertu du décret de 2004 sur le contrôle du terrorisme. Est également jugé préoccupant le fait que tous les lieux de détention ne fassent pas l'objet d'un examen systématique effectif, notamment par des visites régulières et inopinées par des observateurs nationaux et internationaux. Le Comité se dit préoccupé par le climat d'impunité qui prévaut face aux actes de torture et de mauvais traitements, ainsi que par les allégations persistantes d'arrestations arbitraires, d'exécutions extrajudiciaires, de décès en garde à vue et de disparitions. Il est également préoccupé par les allégations faisant état de cas où des déclarations obtenues sous la torture auraient été utilisées comme preuves. Le Comité se dit en outre préoccupé par la persistance d'informations faisant état de trafic de femmes et d'enfants et d'implication d'agents de l'État dans ces trafics. Enfin, le Comité est préoccupé par les allégations selon lesquelles des enfants seraient utilisés comme espions et comme messagers par les forces de sécurité, et des enfants seraient également recrutés et enlevés par le Parti Communiste du Népal-Maoïste.

Dans ses conclusions et recommandations sur le deuxième rapport périodique de Sri Lanka, le Comité note avec satisfaction la signature de l'accord de cessez-le-feu entre le Gouvernement sri-lankais et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE), en février 2002, qui a permis de réduire considérablement les cas de torture rapportés en rapport avec le conflit, essentiellement imputables aux forces armées. Le Comité encourage les parties à reprendre les pourparlers afin d'aboutir à une résolution du problème. Le Comité note en outre avec satisfaction la création, en vertu du 17ème amendement à la Constitution, de la Commission nationale de la police qui s'est avérée fructueuse du point de vue de la promotion des droits de l'homme. Le Comité note également avec satisfaction l'abolition de la peine de mort cette année. Tout en reconnaissant la situation difficile découlant du conflit armé interne à Sri Lanka, le Comité souligne qu'aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit elle, ne saurait être invoquée pour justifier la torture. Par ailleurs, le Comité se dit préoccupé par le manque de définition globale de la torture en droit interne et recommande au pays d'en adopter une qui couvre tous les éléments figurant à l'article premier de la Convention. Il lui recommande en outre de renforcer la Commission des droits de l'homme de Sri Lanka de manière à lui permettre de s'acquitter effectivement de ses fonctions. Il est également recommandé au pays de procéder de toute urgence à la re-nomination des commissaires de la Commission nationale de la police, dont les mandats expirent à la fin du mois courrant.

Le Comité se dit préoccupé par les allégations laissant apparaître que les garanties juridiques fondamentales des personnes détenues par la police ne sont pas respectées, notamment pour ce qui est du droit à l'habeas corpus. Il est par ailleurs recommandé au pays d'adopter une législation afin d'appliquer le principe de non-refoulement énoncé à l'article 3 de la Convention. Le Comité se dit préoccupé par l'absence, dans le droit sri-lankais, de dispositions établissant la juridiction universelle pour les actes de torture. Est également jugé préoccupant le fait que tous les lieux de détention ne fassent pas l'objet d'un examen systématique et effectif, y compris des visites régulières et inopinées de ces lieux par la Commission nationale des droits de l'homme et d'autres mécanismes de surveillance. Le Comité exprime sa profonde préoccupation face aux allégations persistantes bien documentées faisant état d'un recours répandu à la torture et aux mauvais traitements ainsi que des disparitions, essentiellement de la part des forces de police de l'État. Ces violations ne font pas l'objet d'enquêtes rapides et impartiales par les autorités compétentes du pays, s'inquiète le Comité. Il fait également part de sa préoccupation face aux allégations persistantes de violence sexuelle et d'abus contre les femmes et les enfants placés en garde à vue; ces allégations ne feraient pas non plus l'objet d'enquêtes rapides et impartiales. Le retard indu des procès, en particulier dans le cas des procès de personnes accusées de torture, est lui aussi jugé préoccupant. Le Comité fait part de sa préoccupation face aux allégations qui font état de représailles, d'actes d'intimidation et de menaces à l'encontre des personnes rapportant des actes de torture et de mauvais traitements. Il note en outre avec préoccupation l'absence de programme de réparation pour les nombreuses victimes de tortures commises durant le conflit armé. Enfin, le Comité exprime sa grave préoccupation face aux allégations d'enlèvements et de recrutement militaire d'enfants-soldats par le LTTE.

En ce qui concerne le troisième rapport périodique de l'Équateur, le Comité accueille avec satisfaction l'adoption de la nouvelle Constitution de 1998, qui renforce, d'une manière générale, la protection des droits de l'homme. Il se félicite également de l'adoption du Code de l'enfance et de l'adolescence et de la loi de réforme du Code pénal qui incrimine les délits liés à l'exploitation sexuelle de mineur. D'autre part, le Comité prend note de la diminution du nombre de plaintes présentées devant les commissariats de la femme et de la famille. Tout en prenant note de la crise politique et constitutionnelle que traverse le pays, le Comité souligne qu'aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit-elle, ne saurait être invoquée pour justifier la torture. S'il est vrai que la législation interne interdit le recours à des peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, il n'en demeure pas moins que la définition du délit de torture figurant dans le Code pénal équatorien n'est pas pleinement conforme à l'article premier de la Convention et aux exigences de l'article 4 de cet instrument, constate avec préoccupation le Comité. En outre, il prend note avec préoccupation des allégations selon lesquelles au moins 70% des détenus du Centre de réadaptation sociale féminin de Quito et de Varones seraient, durant leur détention, victimes d'un usage excessif et illégitime de la force (et notamment de torture psychologique et sexuelle) de la part des fonctionnaires de l'administration de la justice pénale et de la force publique. Pour le Comité, les allégations de torture et de mauvais traitements à l'encontre de groupes vulnérables - en particulier les membres des communautés autochtones, les minorités sexuelles et les femmes - constituent également un motif de préoccupation.

Le Comité note en outre avec préoccupation la lenteur et le retard des procédures judiciaires. Il note également avec préoccupation les allégations faisant état de cas de torture pendant des périodes de détention au secret, une forme de détention à laquelle un nombre élevé de personnes détenues seraient soumises. L'Équateur doit assurer la mise en pratique des garanties légales fondamentales applicables aux personnes détenues par la police, notamment le droit d'informer un proche et droit de consulter un avocat et un médecin de son choix, entre autres. Sont par ailleurs jugées préoccupantes les allégations selon lesquelles la torture et d'autres traitements inhumains ou dégradants seraient une pratique habituelle dans le cadre des procédures d'enquêtes pénales menées, dans les bureaux de la police judiciaire, par des agents de la force publique. Le Comité recommande à l'Équateur d'assurer que des enquêtes minutieuses soient menées à chaque fois que surgissent de telles allégations, les responsables devant alors, le cas échéant, être poursuivis. Le Comité déplore profondément la situation qui prévaut dans les centres de détention, en particulier dans les centres de réadaptation sociale où les violations des droits de l'homme des prisonniers sont une constante. Le Comité réitère en outre son inquiétude face à l'existence de juridictions militaires et policières dont le champ de compétence n'est pas exclusivement restreint au jugement des délits de fonction, cette situation n'étant pas compatible avec les traités internationaux auxquels l'Équateur est partie. Il est également regrettable que la législation interne ne prévoie pas de mécanisme spécifique pour indemniser la victime d'un acte de torture et/ou lui apporter réparation.

S'agissant du troisième rapport périodique de l'Autriche, le Comité se réjouit des assurances données par le pays quant à la relation entre le respect des droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme et au fait que l'Autriche entend respecter strictement les directives adoptées par le Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme. Il se réjouit également des assurances fournies quant au fait que l'Autriche entend œuvrer, durant sa présidence de l'Union européenne, au renforcement de l'engagement en faveur du caractère absolu de l'interdiction de la torture. Le Comité note en outre avec satisfaction les efforts que l'Autriche déploie actuellement afin de revoir sa législation et d'adopter les mesures nécessaires pour assurer une meilleure protection des droits de l'homme et donner effet à la Convention, s'agissant notamment de l'adoption de la loi de réforme de la procédure pénale et des amendements apportés au Code de procédure pénale, qui devraient entrer en vigueur au 1er janvier 2008. Il se félicite également des nouvelles mesures prises pour prévenir les mauvais traitements à l'encontre des personnes placées en garde à vue par la police, notamment de la révision en cours des règles applicables à la détention. Le Comité se réjouit également que l'Autriche ait signé le Protocole se rapportant à la Convention. Il note toutefois que le Code pénal autrichien ne contient toujours pas de définition de la torture telle qu'énoncée à l'article premier de la Convention. Le Comité se dit préoccupé par les informations laissant apparaître que la nouvelle loi sur l'asile entrée en vigueur en mai 2004 pourrait accroître le risque de voir les réfugiés être renvoyés vers des pays tiers supposés sûrs et que les requérants d'asile pourraient être refoulés avant que n'ait été prise une décision en appel. Étant donné que la Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnels un certain nombre d'articles de cette loi, le Comité demande à l'Autriche de le tenir informé des mesures qu'elle entend prendre pour corriger la situation.

Le Comité regrette en outre les informations indiquant que l'Autriche a procédé à des extraditions après avoir reçu des assurances diplomatiques du pays requérant. Par ailleurs, le Comité exprime sa préoccupation face à la lenteur de l'enquête dans certains cas de torture et de mauvais traitements imputables à des agents responsables de l'application des lois, ainsi que face aux peines imposées aux responsables, s'agissant en particulier du décès en garde à vue de M. Cheibani Wague en 2003. Le Comité se dit en outre préoccupé par les restrictions imposées au droit d'une personne arrêtée de disposer de la présence d'un avocat durant son interrogatoire, dans les cas où il apparaît que la présence d'un avocat pourrait entraver de nouvelles mesures d'investigation. L'Autriche est instamment priée de fournir toutes les garanties juridiques et administratives nécessaires pour assurer qu'il ne sera pas fait un mauvais usage de cette restriction; qu'elle se limitera strictement aux crimes très graves; et qu'elle fera toujours l'objet d'une autorisation émanant d'un juge. L'Autriche devrait par ailleurs prendre les mesures appropriées afin d'assurer que les agents de police ne soient pas présents durant l'examen médical des personnes placées en garde à vue, sauf dans certaines circonstances exceptionnelles (par exemple s'il existe un risque d'agression physique). Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par les conditions de détention des délinquants juvéniles, en particulier par le fait que la séparation des personnes de moins de 18 ans placées dans des lieux de détention n'est pas strictement respectée. Le Comité est également préoccupé par les informations faisant état de comportements racistes et intolérants de certains agents responsables de l'application des lois à l'encontre des étrangers, s'agissant notamment de cas de violence verbale contre les Roms et les personnes d'ascendance africaine.

Dans ses observations et recommandations sur le troisième rapport périodique de la France, le Comité prend note avec satisfaction de la création de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui fait rapport de manière exhaustive sur le comportement des agents de la force publique. Il prend également note avec satisfaction de la création d'une Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente, chargée de veiller au respect des droits des étrangers détenus, ainsi qu'au respect des normes relatives à l'hygiène, à la salubrité, à l'aménagement et l'équipement des lieux de rétention, qui devrait entrer en fonction prochainement. Le Comité prend également note avec satisfaction de la loi du 10 décembre 2003 qui accorde une protection subsidiaire à toute personne ne remplissant pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié. Le Comité reste néanmoins préoccupé par l'absence dans le Code pénal français d'une définition de la torture conforme à l'article premier de la Convention, ce qui peut prêter à confusion et nuire à la collecte des données pertinentes. Le Comité est par ailleurs préoccupé par la procédure d'asile en vigueur en France, qui ne permet pas à l'heure actuelle de distinguer les demandes d'asile fondées sur l'article 3 de la Convention de l'ensemble des demandes, augmentant ainsi le risque de renvoi de certaines personnes vers un État où elles pourraient être soumises à la torture. Le Comité est également préoccupé par le caractère expéditif de la procédure dite prioritaire concernant l'examen des demandes déposées dans les centres de rétention administrative ou aux frontières, qui ne permet pas une évaluation des risques conformes à l'article 3 de la Convention. Le Comité réitère par ailleurs sa recommandation selon laquelle une décision de refoulement («non-admission») entraînant une mesure d'éloignement doit pouvoir faire l'objet d'un recours suspensif qui devrait être effectif dès l'instant où celui-ci est déposé. Il est en outre recommandé à la France de prendre les mesures nécessaires afin que les personnes refoulées («non admises») bénéficient d'office d'un jour franc et soient informées de ce droit dans une langue qu'elles comprennent. Le Comité est également préoccupé par les nouvelles dispositions de la loi du 10 décembre 2003 introduisant les notions d'«asile interne» et de «pays d'origine sûrs» qui ne garantissent pas une protection absolue contre le risque de renvoi d'une personne vers un État où elle risque d'être soumise à la torture. Le Comité s'interroge en outre sur les raisons pour lesquelles la France, en intégrant dans sa législation interne la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, n'a pas transposé le considérant 13 stipulant que «nul ne devrait être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture, ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants».

Tout en relevant la retenue dont les agents de la force publique ont fait preuve lors des troubles qui se sont répandus dans de nombreuses villes françaises et face auxquels la police a été mobilisée pour contrôler les émeutes, le Comité est sérieusement préoccupé par les déclarations du Ministre de l'intérieur demandant aux préfets d'ordonner l'expulsion immédiate des personnes condamnées durant ces émeutes, indépendamment de leur statut administratif. Le Comité craint que la mise en œuvre de cette déclaration puisse avoir un effet discriminatoire, par le fait même qu'elle viserait non seulement des ressortissants étrangers en situation irrégulière, mais également des français naturalisés déchus de leur nationalité par décision de justice et des étrangers jusque là établis régulièrement en France. Par ailleurs, le Comité est préoccupé par le risque de renvoi des personnes ainsi condamnées dans un État où elles risquent d'être soumises à la torture. Le Comité souligne que l'expulsion ne devrait pas être utilisée comme une mesure punitive. Il recommande en outre à la France de lui fournir des informations sur les allégations qu'il a reçues concernant des arrestations collectives de personnes en vue d'être placées dans des centres de rétention administrative dans l'attente d'un renvoi vers un État tiers. D'autre part, le Comité estime que la France devrait autoriser la présence d'observateurs des droits de l'homme ou de médecins indépendants à l'occasion de tous les éloignements forcés par avion. Le Comité fait en outre observer à la France qu'il lui avait demandé, en 2001, de surseoir à l'expulsion d'un requérant, compte tenu du fait qu'il existait des motifs sérieux de croire que celui-ci risquait d'être soumis à la torture en cas de renvoi dans son pays d'origine, mais que la France n'a pas jugé opportun de donner une suite favorable à cette recommandation. En ne respectant pas la demande de mesures conservatoires qui lui avait été faite, la France a contrevenu gravement aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 22 de la Convention. De plus, le non-respect de cette disposition, en particulier par une action irréparable comme l'expulsion, anéantit la protection des droits consacrés par la Convention. Le Comité recommande donc à la France de prendre toutes les mesures nécessaires afin de garantir que toute demande de mesures provisoires de protection adressée par le Comité sera désormais rigoureusement observée. Le Comité se dit par ailleurs préoccupé par le fait que l'avant-projet de loi portant adaptation de la législation française au Statut de la Cour pénale internationale limite le champ de la compétence universelle aux ressortissants d'États non parties au Traité de Rome; aussi le Comité recommande-t-il à la France de maintenir sa détermination à poursuivre et juger les auteurs présumés d'actes de torture trouvés sur tout territoire sous sa juridiction, quelle que soit leur nationalité. Le Comité se dit en outre préoccupé par les modifications apportées par la loi du 9 mars 2004 faisant reculer l'accès à l'avocat à la 72ème heure de la garde à vue dans le cadre de la procédure spéciale applicable en matière de criminalité et de délinquance organisée. Le Comité est également préoccupé par le recours fréquent à la détention provisoire et par la durée de celle-ci. Il reste en outre préoccupé par les mauvaises conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, ainsi que par l'augmentation des incidents violents entre détenus et des suicides. Le Comité continue en outre d'être préoccupé par le système de l'opportunité des poursuites qui laisse aux procureurs de la République la possibilité de ne pas poursuivre les auteurs d'actes de torture et de mauvais traitements impliquant des agents de la force publique, ni même d'ordonner une enquête, ce qui est en contradiction évidente avec les dispositions de l'article 12 de la Convention.


S'agissant du rapport initial de la République démocratique du Congo, le Comité prend note avec satisfaction de l'existence d'un projet de loi modifiant et complétant le Code pénal pour que la Convention soit pleinement intégrée dans la législation nationale. Il prend également note avec satisfaction de la création d'institutions destinées à la promotion et à la protection des droits de l'homme, telles que l'Observatoire national des droits de l'homme et le Ministère des droits humains. Le Comité note que la République démocratique du Congo se trouve encore dans une phase de transition politique, économique et sociale aggravée par un conflit armé qui a eu et continue d'avoir un impact sur le pays; il fait toutefois observer qu'aucune circonstance, aussi exceptionnelle soit-elle, ne saurait être invoquée pour justifier la torture. Le Comité constate avec préoccupation que le pays n'a ni incorporé la Convention dans son droit interne, ni adopté des dispositions législatives visant à mettre en œuvre cet instrument. Le Comité est en outre préoccupé par les allégations récurrentes de tortures et de mauvais traitements généralisés imputés aux forces et services de sécurité du pays ainsi que par l'impunité apparente dont bénéficient les auteurs de ces actes. Tout en prenant note de la mise hors la loi des lieux de détention illégale échappant au contrôle du Parquet, tels que les cachots des services de sécurité ou du Groupe spécial de sécurité présidentielle, où des personnes ont été soumises à la torture, le Comité reste préoccupé par le fait que des agents de l'État continuent de priver arbitrairement des personnes de leur liberté, notamment dans des lieux occultes de détention. Il s'inquiète aussi des allégations selon lesquelles des militaires et des responsables de l'application des lois infligent couramment des tortures et des mauvais traitements aux personnes détenues. La République démocratique du Congo devrait donc prendre des mesures urgentes pour que tout lieu de détention soit sous l'autorité judiciaire et devrait prendre sans délai des mesures efficaces pour empêcher ses agents de procéder à des détentions arbitraires et de pratiquer la torture. Le pays devrait en outre prendre des mesures pour garantir que toute personne détenue soit enregistrée formellement et conduite devant un juge. Il devrait également adopter des mesures efficaces visant à renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire. Notant avec préoccupation l'existence d'une justice militaire pouvant juger des civils, le Comité recommande à la République démocratique du Congo de prendre les dispositions nécessaires pour que les juridictions militaires se cantonnent à juger uniquement des militaires pour des infractions militaires.

Le Comité a par ailleurs pris note avec préoccupation du grand nombre de forces et de services de sécurité dotés de pouvoirs d'arrestation, de mise en détention et d'enquête. Il a également noté les conditions de détention préoccupante qui règnent dans le pays. Le traitement des prisonniers reste un sujet de préoccupation pour lui. Des cas de châtiments corporels pour faute disciplinaire sont signalés. La mise au secret et la privation de nourriture sont aussi utilisées à titre de mesures disciplinaires. Il est en outre fréquent que des mineurs et des femmes ne soient pas séparés des adultes et des hommes. Le pays devrait donc mettre fin aux pratiques contraires à l'Ensemble des règles minima des Nations Unies pour le traitement des délinquants. D'autre part, le Comité est vivement préoccupé par la violence sexuelle généralisée contre les femmes, y compris dans les lieux de détention. Il a en outre pris note avec préoccupation des représailles, des actes graves d'intimidation et des menaces dont feraient l'objet les défenseurs des droits de l'homme, en particulier les personnes dénonçant des actes de torture et des mauvais traitements. Le Comité est préoccupé par la situation des vulnérabilité générale dans laquelle se trouvent les enfants abandonnés face à la torture et autres traitements cruels et inhumains, en particulier les enfants utilisés comme combattants par les groupes armés qui agissent sur le territoire de la République démocratique du Congo.

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