Fil d'Ariane
Le Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement se penche sur les incidences, pour la réalisation de ce droit, de la participation du public, des droits de douane et de l’intelligence artificielle
Le Mécanisme d'experts chargé de la question du droit au développement a poursuivi aujourd’hui les travaux de sa douzième session, entamée hier, en tenant successivement trois discussions thématiques respectivement centrées sur chacune des trois questions suivantes: la participation du public en tant qu’outil pour le développement; les incidences des droits de douane sur la réalisation du droit au développement; et les incidences de l’intelligence artificielle sur les industries créatives, les droits culturels et le droit au développement.
Les discussions thématiques ont été introduites respectivement par trois membres du Mécanisme d’experts – Mme Isabelle Durant, M. Mihir Kanade et Mme Klentiana Mahmutaj – et ont compté avec les contributions de nombreux panélistes. Sont également intervenus de nombreux représentants de pays et d’organisations de la société civile.
Le Mécanisme d’experts est un organe subsidiaire du Conseil des droits de l'homme créé en 2019 en vertu de la résolution 42/23. Il apporte au Conseil une expertise thématique sur le droit au développement en recherchant, identifiant et partageant les meilleures pratiques avec les États membres, et promeut la mise en œuvre du droit au développement dans le monde entier.
La douzième session du Mécanisme d’experts se tient à Genève du 27 au 29 octobre. Ses séances publiques sont diffusées sur le Webcast des Nations Unies, tandis que des résumés des séances sont publiés chaque jour, à titre d’information, sur le site web de l’Office des Nations Unies à Genève. Le programme de travail et les autres documents relatifs à la présente session sont disponibles sur la page dédiée du site web du Mécanisme d’experts.
Le Mécanisme d’experts entamera demain matin, à partir de 10 heures, la troisième et dernière journée de sa session.
[Pour un compte rendu de la première discussion thématique de cette douzième session du Mécanisme d’experts, veuillez consulter notre communiqué d’hier]
Deuxième discussion thématique : « La participation du public: outil pour le développement »
[Pour un compte rendu de la première discussion thématique de cette douzième session du Mécanisme d’experts, veuillez consulter notre communiqué d’hier]
MME ISABELLE DURANT, membre du Mécanisme d’experts chargé de la question du droit au développement, a ouvert la discussion en rappelant que la participation des habitants et de toutes les parties prenantes sur un territoire est un principe essentiel du droit au développement. Qu’il s’agisse d’aménagement du territoire, de politique énergétique, d’infrastructures, de santé ou d’environnement, aucune action de développement ne peut être pleinement légitime sans la prise en compte des expériences, des besoins et des connaissances des populations concernées, y compris des groupes les plus marginalisés, a-t-elle souligné.
Mme Durant a insisté sur le fait que la participation n’est pas une simple idée théorique, mais une pratique concrète qui nécessite un cadre clair et structuré. Ce cadre, a-t-elle précisé, doit être accessible à tous, ce qui suppose de lever les obstacles linguistiques, culturels ou éducatifs qui peuvent freiner l’inclusion de certains groupes. Il doit aussi être transparent et équitable, garantissant que toutes les personnes disposent du même niveau d’information et puissent s’exprimer dans des conditions de respect mutuel.
Mme Durant a expliqué que lorsque les habitants sont impliqués dès le début d’un processus décisionnel, leurs contributions renforcent non seulement la qualité des politiques et projets, mais aussi leur appropriation et leur mise en œuvre durable. La participation devient alors un moyen de contrôle citoyen, qui favorise la responsabilité des autorités et l’efficacité des actions entreprises, a-t-elle fait valoir.
Mme Durant a invité les intervenants à partager leurs expériences sur les conditions de réussite de la participation, sur les mécanismes de délibération entre groupes aux intérêts divergents et sur la gestion des conflits potentiels. Selon elle, il est illusoire de penser que toutes les parties partagent spontanément les mêmes attentes: c’est pourquoi il est essentiel de savoir organiser le dialogue, d’assurer une médiation constructive et de garantir que chaque voix, y compris la plus marginalisée, puisse être entendue dans les décisions qui concernent le développement de son territoire.
Ont ensuite fait des présentations M. Achsanul Habib, Représentant permanent adjoint et Chargé d'affaires par intérim à la Mission permanente de l'Indonésie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Keleni Tikomaisuva-Seruvatu, Représentante permanente adjointe des Fidji auprès des Nations Unies à Genève, M. Ahmed Badr, de l'Institut danois des droits de l'homme, et M. Anthony Zacharzewski, de The Democratic Society, ainsi que les autres membres du Mécanisme d’experts.
Ont également pris part au débat les représentants du Venezuela et du Lesotho. Sont également intervenus le Conseil indien d’Amérique du Sud, Genève pour les droits de l’homme, South Centre, Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII (APG23), et Shaanxi Patriotic Volunteer Association.
Dans leurs présentations, les panélistes ont souligné que la participation du public constitue un pilier central du droit au développement et non un simple complément de procédure. Elle doit être envisagée comme un processus continu, débutant dès la phase d’identification des priorités et se poursuivant jusqu’à la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques, ont-ils précisé. Ils ont insisté sur la nécessité d’une participation précoce, inclusive et transparente, intégrant les voix des femmes, des jeunes, des personnes handicapées, des populations rurales et des communautés éloignées. Les panélistes ont également rappelé que cette participation ne pouvait être effective que si elle s’appuyait sur une volonté politique forte, une architecture institutionnelle solide et des mécanismes démocratiques permanents permettant la concertation, la reddition de comptes et la médiation entre les différents niveaux de gouvernance.
Plusieurs intervenants ont décrit des approches concrètes pour renforcer cette dynamique: des systèmes de planification ascendante, partant des villages jusqu’au niveau national; des plates-formes numériques pour surmonter les contraintes géographiques; une budgétisation sensible au genre ; ainsi que des dispositifs d’accompagnement des publics les moins familiers des processus participatifs. D’aucuns ont insisté sur le rôle des institutions nationales des droits de l’homme comme garantes de la transparence, de la consultation libre et éclairée, et de l’accès à des recours en cas de manquements.
Les intervenants ont aussi souligné l’importance de l’ancrage culturel et linguistique de la participation, notamment dans les pays multilingues ou insulaires, et de l’utilisation de canaux communautaires traditionnels pour favoriser l’inclusion. Ils ont conclu que la participation, pour être véritablement transformative, doit reposer sur la confiance, la cohérence et la continuité, afin que les citoyens ne soient pas de simples bénéficiaires, mais des acteurs à part entière du développement.
Les panélistes ont rappelé que la participation publique ne doit pas être perçue comme un privilège, mais comme un droit fondamental, ancré dans le droit international des droits de l’homme et au cœur même de la Déclaration de 1986 sur le droit au développement. Certains ont proposé d’aller plus loin en inscrivant ce droit dans la législation nationale, afin de rendre la consultation des communautés locales obligatoire et contraignante, notamment pour les projets d’investissement ou d’extraction susceptibles d’affecter leurs territoires et leurs moyens de subsistance. D’autres ont souligné la nécessité de s’appuyer sur les instruments existants, tels que la Convention n°169 de l’OIT, qui consacre le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones et des communautés d’ascendance africaine.
Les délégations qui ont pris la parole ont ensuite souligné que la participation citoyenne constitue le socle du droit au développement, et ont insisté sur la nécessité de la rendre effective, continue et institutionnalisée. Elles ont mis en avant des exemples de modèles participatifs et équitables, où les communautés locales jouent un rôle central dans la définition, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques. La démocratie directe et la décentralisation ont été présentées comme des leviers essentiels pour rapprocher les décisions des citoyens, renforcer la transparence et encourager la reddition de comptes.
Plusieurs intervenants ont néanmoins relevé des défis structurels, tels que le manque de capacités techniques, les obstacles géographiques, le déficit d’éducation civique et l’insuffisance des mécanismes juridiques pour garantir la participation effective, en particulier pour les groupes marginalisés. Ils ont plaidé pour une coopération internationale accrue, un renforcement des capacités locales, et la création d’instruments de suivi et d’évaluation permettant de mesurer l’impact réel de la participation sur le développement.
Les participants ont également rappelé que le consentement libre, préalable et éclairé demeure, tout comme la protection des défenseurs et des acteurs de la société civile, une condition essentielle d’un développement fondé sur les droits humains. Ils ont mis en garde contre les formes symboliques ou manipulées de participation, qui servent parfois à légitimer des décisions déjà prises, et ont appelé à une approche fondée sur la transparence, le dialogue, l’accès à l’information et l’autonomisation des communautés. Enfin, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité de promouvoir une vision plus équilibrée du développement mondial, alliant inclusion, solidarité et justice sociale.
Dans ses remarques de conclusion, Mme Durant a souligné que la véritable participation exige une transformation en profondeur des pratiques administratives, à tous les niveaux : local, national et international. Elle a insisté sur la nécessité d’une culture durable de la participation, fondée sur la redevabilité, la cocréation et le dialogue constant entre les acteurs institutionnels et les citoyens. Elle a également rappelé que les approches participatives doivent être adaptées aux contextes culturels et linguistiques propres à chaque communauté, tout en évitant que les intermédiaires culturels ne filtrent ou ne déforment l’information. Enfin, Mme Durant a souligné que le changement législatif seul ne suffit pas: pour que la participation soit réelle, il faut intégrer les pratiques participatives dans la mise en œuvre quotidienne du droit au développement, a-t-elle insisté.
Troisième discussion thématique : « Incidences des droits de douane sur la réalisation du droit au développement »
Ouvrant cette discussion, M. MIHIR KANADE, membre du Mécanisme d’experts, a fait remarquer que la réalisation du développement durable et du droit au développement, d'une part, et un système commercial multilatéral non discriminatoire et équitable, de l'autre, allaient de pair. En effet, l'Accord de Marrakech instituant l'Organisation mondiale du commerce inclut le développement durable parmi ses objectifs institutionnels, a-t-il rappelé. De même, a-t-il ajouté, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 inclut le commerce comme un moyen essentiel de mise en œuvre des Objectifs de développement durable.
Or, a poursuivi M. Kanade, les tensions commerciales mondiales actuelles et l'escalade des droits de douane différentiels remettent en cause les principes fondamentaux sur lesquels repose le système commercial multilatéral, créant une incertitude et un manque de cohérence à l'échelle mondiale. Les augmentations soudaines des droits de douane peuvent entraîner d'importants détournements commerciaux et affecter ainsi les marchés existants, amplifier les inégalités économiques, nuire à l'accès aux marchés, augmenter les coûts de production et ralentir les efforts de réduction de la pauvreté – autant d’effets qui compromettent la réalisation du droit au développement et des Objectifs de développement durable, a souligné l’expert.
Plusieurs questions se posent donc, à savoir comment les mesures tarifaires influencent les principaux résultats en matière de développement durable, notamment l'éradication de la pauvreté, l'égalité et la croissance économique? Quels mécanismes de coopération internationale et quelles solutions politiques pourraient atténuer les incidences négatives des droits de douane? Et plus généralement, comment le cadre normatif du droit au développement pourrait donner des orientations pour lever les liés au commerce et favoriser une participation équitable au commerce mondial?
Après cette déclaration introductive, les panélistes suivants ont fait des présentations: M. Tšiu Khathibe, Représentant permanent du Lesotho auprès des Nations Unies à Genève; Mme Nahida Sobhan, Représentante permanente du Bangladesh auprès des Nations Unies à Genève; M. Carlos Razo, de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED); Mme Yuefen Li, du South Centre; et M. Akmal Saidov, Directeur du Centre national des droits de l'homme de l'Ouzbékistan.
Ont ensuite pris part à la discussion d’autres membres du Mécanisme ainsi que les délégations des pays et organisations suivants : Chine, Cuba, République bolivarienne du Venezuela, Associazione Comunità Papa Giovanni XXIII.
Les intervenants ont d’abord fait observer qu’un commerce international bien régi et équitable était un élément habilitant du développement et donc de la jouissance du droit au développement. Or, a-t-il été observé, l’escalade des droits de douane – qui ont doublé, voire triplé ces derniers mois – nuit surtout aux pays les moins avancés, qui subissent des taux en moyenne deux fois supérieurs à ceux des pays riches et dont la compétitivité économique est proportionnellement davantage impactée. Les droits de douane payés par les pays en voie de développement représentent moins d’un pour cent du PIB des États-Unis mais ont une énorme incidence sur les pays visés, a-t-on souligné.
L’exemple du Lesotho a été donné pour illustrer le risque que présente une augmentation soudaine des droits de douane par un partenaire commercial, à savoir une perturbation très rapide du paysage économique, une perte de compétitivité, des pertes d'emplois et un affaiblissement de la croissance. Dans le cas d’espèce, l'imposition d'un droit de douane réciproque de 50% sur les exportations du Lesotho vers les États-Unis (taux révisé à la baisse par la suite) a entraîné une baisse considérable des commandes de textiles, un secteur qui est la principale source de devises pour le Lesotho et un grand pourvoyeur d’emplois dans ce pays. Cela s’est traduit par une perte de plusieurs millions de dollars des États-Unis en recettes d'exportation. La contraction des exportations a entraîné une baisse importante du PIB du Lesotho et donc de sa capacité à investir dans le développement. Concrètement, lorsque sa marge de manœuvre budgétaire se réduit, il devient plus difficile pour l’État d'investir dans les infrastructures, l'éducation, la santé et, en fin de compte, la réalisation du droit au développement, a-t-il été souligné.
Une expérience similaire est vécue au Bangladesh, dont le secteur textile joue également un rôle considérable pour le développement du pays, a-t-il également été indiqué. Pour ce pays, les exportations de textiles ont chuté de 20%, ce qui a des incidences directes sur la jouissance, par la population, du droit au développement, en particulier du fait de l’augmentation du chômage des femmes, qui sont très nombreuses à travailler dans le secteur textile.
Pour parer au risque de dépendance envers les exportations vers des marchés instables, les intervenants ont préconisé la diversification des économies, un renforcement des échanges entre pays du Sud, la création de chaînes de valeur locales, voire des efforts d’intégration économique régionale. Ils ont aussi recommandé que les États, pour devenir plus résilients, diversifient leurs sources d’approvisionnement en énergie et aient accès à des financements abordables, y compris des prêts à conditions préférentielles.
Les panélistes ont plaidé pour le renforcement du système commercial multilatéral qui, s’il doit être révisé, n’en reste pas moins essentiel car il fournit un cadre stable, basé sur des règles et garant d’un commerce transfrontalier prévisible et transparent. Lorsque les pays respectent les normes et les engagements internationaux communs, tels que ceux établis dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ils réduisent l'incertitude et les risques pour les entreprises opérant au sein des chaînes d'approvisionnement mondiales, a-t-il été souligné. En fin de compte, un système commercial multilatéral efficient améliore la capacité des pays à absorber les chocs externes et à s'y adapter, protégeant ainsi les moyens de subsistance et favorisant le développement durable, a-t-on fait valoir.
Le commerce international doit être calibré pour favoriser le développement durable et la jouissance des droits de l’homme, et faire en sorte que personne ne soit laissé pour compte, a-t-il été recommandé.
Au cours de la discussion, des délégations ont réaffirmé que le droit au développement était un droit fondamental et inaliénable et ont plaidé pour un ordre économique mondial qui en favorise la réalisation.
Si les droits de douane peuvent avoir certains effets positifs, notamment parce qu’ils permettent aux États d’engranger des recettes fiscales pour financer leurs efforts de développement, il faut toutefois condamner les véritables guerres commerciales menées par certains États qui utilisent ces droits pour faire pression sur d’autres pays, ont estimé des délégations. Les pays ont été appelés à faire preuve d’un sens des responsabilités dans leurs politiques commerciales.
Les pays en voie de développement subissent les premiers les effets de la guerre commerciale menée par les États-Unis, et les mesures coercitives unilatérales constituent des violations de la Charte des Nations Unies et empêchent les pays visés d’œuvrer pour leur développement, a affirmé un intervenant.
Plusieurs intervenants ont plaidé pour l’adoption d’un instrument juridique international contraignant sur le droit au développement.
Dans ses remarques de conclusion, M. Kanade a rappelé que les Nations Unies et leurs institutions spécialisées avaient été créées pour, entre autres, éviter le retour du protectionnisme.
Quatrième discussion thématique : « Incidence de l’intelligence artificielle sur les industries créatives, les droits culturels et le droit au développement »
Présentant le sujet, MME KLENTIANA MAHMUTAJ, membre du Mécanisme d’experts, a rappelé que le droit de chacun à la liberté d'être créatif dans tous les domaines de la vie humaine était inscrit à l'article 15(3) du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. De même, a-t-elle ajouté, chaque être humain et tous les peuples ont aussi le droit de jouir d'un développement culturel dans lequel tous les droits humains sont réalisés, d’y participer et d’y contribuer (article 1 de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, 1986), ce qui importe particulièrement pour les peuples autochtones, les groupes minoritaires, les femmes, les personnes handicapées et les communautés de migrants.
Aujourd'hui, a ensuite fait observer l’experte, les industries créatives telles que l'édition, le cinéma, la musique, la mode, le design et les arts permettent en particulier de révéler des identités, des langues, des croyances et des valeurs, et de préserver et de partager le patrimoine culturel. Les industries créatives permettent donc de jouir des droits culturels, qui sont essentiels au développement, a-t-elle insisté.
L'intégration de l'intelligence artificielle (IA) dans les industries créatives peut certes favoriser la créativité et élargir l'accès du public à la vie culturelle, mais elle risque également de nuire au travail des créateurs, par exemple en utilisant leurs productions pour générer de nouveaux contenus, des copies ou des imitations qui sont présentés à la consommation publique. Cela peut porter atteinte aux droits économiques des créateurs et réduire la diversité des expressions culturelles dans les espaces numériques, entre autres risques, a souligné Mme Mahmutaj.
Actuellement, a-t-elle poursuivi, le paysage réglementaire en la matière est fragmenté et la force exécutoire des garanties existantes est de plus en plus remise en question. Les engagements non contraignants et les promesses internationales semblent souvent inefficaces face à l'évolution rapide et à la puissance croissante de l'industrie de l'IA, a souligné l’experte.
La présente discussion, a indiqué Mme Mahmutaj, est destinée à évaluer les risques et les opportunités que présente l'IA dans les secteurs culturels et créatifs, et à identifier les impacts spécifiques sur les artistes et les créateurs, et par conséquent sur les droits culturels et le droit au développement ; de même qu’à évaluer la manière dont ces risques peuvent être atténués tout en préservant les droits culturels et en favorisant la réalisation équitable du droit au développement.
Après cette déclaration introductive, les panélistes suivants ont fait des présentations: Mme Andrea Detmer Latorre, de l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO); Mme Jennifer Gosetti-Ferencei, de l’Université Johns Hopkins (États-Unis); Mme Paula Westenberger, de l’Université Brunel de Londres; et M. Giorgos Samouel, Représentant permanent adjoint de Chypre auprès des Nations Unies à Genève.
Ont ensuite pris part à la discussion d’autres membres du Mécanisme ainsi que les délégations des pays et organisations ci-après: Jordanie, République bolivarienne du Venezuela, Chine, Équateur, Nigéria, Pakistan, Humanity First, Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme, Centre Europe-Tiers-Monde et International Observatory for Peace, Democracy and Human Rights.
La créativité nous permet de ne pas être prisonniers de l’expérience et de nous en inspirer pour aller de l’avant en forgeant de nouvelles associations d’idées, a d’abord souligné une intervenante. L’IA nous permet ainsi de créer un monde différent en nous inspirant du passé ; elle est elle-même un produit de la créativité humaine qui cherche à dépasser certaines limites et, à cet égard, le risque que l’IA nous fait courir actuellement est à rapprocher du mythe d’Icare, a-t-il été souligné.
Une experte a insisté sur l’importance de définir clairement ce en quoi consiste l’IA afin de pouvoir la réglementer de manière judicieuse, en gardant à l’esprit qu’elle ne se résume pas aux outils commerciaux disponibles. Le droit d’auteur et le droit de la propriété intellectuelle ne suffisent pas à encadrer l’IA ni à protéger les patrimoines culturels qu’elle exploite, a relevé l’experte, avant d’estimer que le cadre juridique international des droits de l’homme, y compris les droits culturels, pouvait combler cette lacune en ce qu’il impose des obligations au regard de la protection des droits des minorités, en particulier des peuples autochtones, et du droit de chacun de participer à la vie culturelle.
Durant la discussion, les délégations ont insisté sur le fait que la technologie devait être au service de l’humanité et non l’inverse, et sur le fait que l’IA devait être un partenaire de la créativité. Elles ont également insisté sur l’importance d’assurer une bonne gouvernance de l’IA afin de parer au risque d’appropriation culturelle qu’elle induit. Elles ont en outre souligné l’importance fondamentale de la transparence, tous les contenus générés par l’IA devant être désignés comme tels pour éviter de tromper le public. A notamment été mentionnée l’adoption de codes d’éthique destinés à faire respecter les valeurs humaines et l’interdiction des utilisations trompeuses de l’IA.
Évoquant ensuite les résultats de la Conférence mondiale sur les politiques culturelles et le développement durable qui s’est tenue récemment à Barcelone, les intervenants ont d’abord souligné que la réflexion autour de l’influence de l’IA sur les droits culturels devait faire l’objet d’une mise à jour terminologique pour tenir compte des nouvelles définitions de notions telles que l’éducation et pour suivre l’évolution très rapide du cadre juridique qui entoure le numérique. S’est dégagée de cette Conférence la nécessité d’agir vite et de prendre en compte le problème de la concentration de l’intelligence artificielle dans les mains de quelques grands acteurs aux États-Unis et en Chine, a-t-il en outre été rappelé. D’autres problèmes ont été évoqués, notamment l’empreinte environnementale de l’intelligence artificielle, les biais qu’elle induit, ou encore les risques d’érosion culturelle et de marginalisation des minorités dont elle est porteuse – alors qu’une personne sur trois dans le monde n’a pas accès à Internet, a-t-il été rappelé.
Un intervenant a regretté que toute la réflexion autour de l’IA soit centrée sur les modes de pensée occidentaux.
Au crédit de l’IA ont été citées les nouvelles perspectives qu’elle offre en élargissant l’accès à la culture et en aidant les pays à se préparer aux situations de catastrophe et à préserver les patrimoines culturels.
Il a notamment été recommandé d’intégrer la culture dans les stratégies nationales en matière d’intelligence artificielle; de mettre en place une gouvernance éthique de ce secteur; et de réduire l’empreinte environnementale de l’IA pour limiter les émissions de gaz à effet de serre.
L’attention a par ailleurs été attirée sur le risque posé par le biais algorithmique et l’utilisation malveillante de l’IA. La question reste posée de la manière d’utiliser l’IA pour le bien commun de l’humanité, a souligné une délégation, avant de suggérer d’aider les pays du Sud à profiter des avantages de l’IA et d’encourager la coopération autour de la recherche sur l’IA open source.
Le Mécanisme d’experts a quant à lui été encouragé à plaider en faveur d’une gouvernance de l’IA qui permette aux pays du Sud de bénéficier de ses bienfaits, protège les communautés culturelles contre l’exploitation de leur patrimoine et place la créativité humaine au cœur des progrès.
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