Fil d'Ariane

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes auditionne la société civile en vue de l’examen des rapports de l’Afghanistan, du Tchad et du Botswana

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a auditionné cet après-midi des organisations de la société civile au sujet de l’application de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en Afghanistan, au Tchad et au Botswana – soit trois des quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, le quatrième étant Saint-Marin.
Pour ce qui concerne l’Afghanistan, les organisations ont notamment relevé que les femmes étaient confrontées à des restrictions importantes en matière de mobilité et d'emploi, ainsi qu'à une répression systémique ayant entraîné une pauvreté et une dépendance toujours plus grandes. Les Afghanes n'ont, dans les faits, aucun accès à la justice, a-t-il aussi été relevé.
En ce qui concerne le Tchad, il a notamment été regretté que l'application de la Convention dans le pays soit entravée par les conséquences de plusieurs décennies de conflit, la persistance de la violence armée dans l'est et le sud-est du pays, les mouvements massifs de personnes déplacées et de réfugiés, ainsi que la crise humanitaire persistante.
Il a enfin été regretté que le Botswana soit caractérisé par les féminicides, la faible représentation des femmes dans les médias et dans les postes de direction, la violence sexiste facilitée par les technologies via les réseaux sociaux, la criminalisation des travailleurs du sexe, ainsi que par des dispositions légales restrictives en matière d'avortement.
Outre les organisations de la société civile, plusieurs membres du Comité ont pris la parole durant la séance.
Le Comité entamera l’examen du rapport de l’Afghanistan demain à 10 heures.
Audition de la société civile
S’agissant de l’Afghanistan
Les organisations qui ont pris la parole ont d’abord rappelé que la loi de 2024 sur « la promotion de la vertu et la prévention du vice » imposait le port du hijab, qui couvre tout le corps et le visage des femmes, interdisait aux femmes afghanes de parler en public et leur imposait d'être accompagnées d'un parent masculin (mahram) lorsqu'elles quittent leur domicile. La même loi a créé une police des mœurs (muhtasib) chargée de faire respecter la loi, une démarche qui accroît encore le risque de détention et d'arrestation arbitraires par les autorités de facto.
Les femmes en Afghanistan sont également confrontées à des restrictions importantes en matière de mobilité et d'emploi, notamment en raison de l'ingérence des autorités de facto dans le processus de recrutement des employés des ONG. Cette répression systémique entraîne une pauvreté et une dépendance toujours plus grandes.
De même, l'interdiction quasi totale par les talibans de l'éducation des filles après la sixième année, et l'interdiction faite aux femmes de fréquenter l'université, anéantissent les rêves de toute une génération, a relevé une intervenante. Les femmes ont été licenciées de la fonction publique et sont soumises à des restrictions dans le secteur privé, et l'entrepreneuriat à domicile est lui aussi écrasé par la surveillance et l'intimidation.
Depuis la prise de contrôle par les talibans en 2021, les avocates ne peuvent plus obtenir ou renouveler leur licence et ne peuvent plus représenter légalement leurs clients devant les tribunaux, notamment les femmes victimes de violence sexiste. Les femmes sont donc contraintes de s'en remettre à des avocats masculins pour les représenter, ce qui est souvent impossible d'un point de vue culturel. Les Afghanes n'ont donc, dans les faits, aucun accès à la justice, a-t-il été relevé.
Les femmes et les filles sont victimes d'un apartheid sexiste en Afghanistan, a affirmé une intervenante, qui a prié le Comité d'appeler les États membres à soutenir les efforts visant à établir la responsabilité devant la Cour internationale de justice et d'autres instances internationales pour les violations de la Convention. Le Comité a également été prié d’appeler les autorités de facto à cesser de faciliter les mariages forcés et précoces, à cesser de renvoyer les victimes de violences sexistes à leurs agresseurs, et à autoriser les avocates et les prestataires de services à venir en aide aux victimes de violences sexistes.
Ont fait des déclarations : Musawah and Strategic Advocacy for Human Rights (SAHR), MADRE et CUNY School of Law, Gender Persecution Working Group (GPWG), Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, Afghanistan LGBTIQ+ Organization .
Une experte membre du Comité a posé plusieurs questions sur la sécurité des militantes afghanes en exil et sur l’application de plusieurs décrets interdisant les mariages forcés et favorables, officiellement, aux droits des veuves en Afghanistan. Une autre experte a demandé si les femmes afghanes avaient le droit de posséder des biens et d’obtenir des prêts bancaires.
Dans leurs réponses, les organisations non gouvernementales ont estimé, notamment, que les annonces relatives à l’interdiction du mariage forcé devraient être soumises à l’épreuve de la réalité.
S’agissant du Tchad
Les organisations ont d’abord félicité le gouvernement du Tchad pour les progrès accomplis dans l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes malgré un environnement très difficile. Elles ont noté que l'application de la Convention était entravée par les conséquences de plusieurs décennies de conflit, la persistance de la violence armée dans l'est et le sud-est du pays, les mouvements massifs de personnes déplacées et de réfugiés, ainsi que la crise humanitaire persistante.
Il a été ainsi relevé que le pourcentage de femmes participant à la vie publique, politique et au processus de paix restait en deçà de la parité de 50 % prévue par les mécanismes internationaux des droits humains et de celle de 30 % prévue par la loi 12/PR/2018 et son décret d’application.
En outre, les femmes tchadiennes sont confrontées à des obstacles tels que les stéréotypes de genre, les normes culturelles discriminatoires, les doctrines religieuses néfastes et le manque d'autonomie économique.
La perpétuation du régime patriarcal, la perception de l'activité économique des femmes par les hommes comme une source potentielle de dot pour une future coépouse, ou la considération de la femme comme propriété privée faisant partie du patrimoine de son mari sont très courantes, a-t-il été regretté.
Par ailleurs, certaines pratiques coutumières liées à l'héritage foncier limitent souvent l’accès des femmes à la terre. Elles ont également très peu de pouvoir de décision au sein du ménage. De plus, la pratique des mutilations génitales féminines est encore largement répandue et il n'existe aucune législation traitant spécifiquement de cette pratique.
Il a été recommandé que le Gouvernement accélère l'adoption du Code des personnes et de la famille et de son décret d'application ; et qu’il fasse adopter rapidement le décret d'application de l'ordonnance n° 003/PR/2025 relative à la prévention et à la répression des violences faites aux femmes et aux filles.
Ont fait des déclarations : Lutheran World Foundation Chad et Ligue tchadienne pour les droits des femmes.
Des expertes du Comité se sont interrogées sur le statut du projet de code tchadien de la famille, sur la place respective occupée par le droit coutumier et le droit civil au Tchad, et sur la prise en compte ou non du genre et des besoins spécifiques des femmes dans la politique économique du pays.
Une organisation non gouvernementale a indiqué que le projet de code de la famille n’a toujours pas été adopté, le Parlement l’ayant renvoyé au Gouvernement pour relecture. Les normes sociales et culturelles demeurent des obstacles majeurs à l’adoption de ce projet, a-t-il été observé. La femme ne participe pas vraiment à la vie économique au Tchad, a ajouté une ONG. Quant à la notion de genre, elle n’est pas comprise dans le pays, a-t-il été relevé. La loi coutumière prime sur le droit civil dans certains domaines, a enfin noté une intervenante.
S’agissant du Botswana
L’ONG Success Capital Organisation a déploré que le Botswana soit resté, pendant la dernière décennie, un pays « profondément inégalitaire et injuste pour ses citoyens », qu'il s'agisse, a-t-elle précisé, de la violence sexiste perpétrée par l'État, du clientélisme politique rampant qui prive les femmes et les filles, en particulier, d'une inclusion digne dans tous les secteurs du travail, de la participation économique, des loisirs et de l'espace civique.
L’organisation a également regretté que le Botswana soit caractérisé par les féminicides, la faible représentation des femmes dans les médias et dans les postes de direction, la violence sexiste facilitée par les technologies via les réseaux sociaux, la criminalisation des travailleurs du sexe, ainsi que par des dispositions légales restrictives en matière d'avortement.
L’organisation a regretté que la corruption empêche l'État d'allouer les ressources en fonction du genre, même après un changement de pouvoir à la tête de l’État. Elle a recommandé que la violence sexiste soit considérée comme une urgence nécessitant une intervention rapide et accélérée de l'État.
Une experte membre du Comité a voulu savoir quelle était la situation juridique des travailleuses du sexe au Botswana. Une autre experte s’est interrogée sur le statut de l’institution nationale des droits de l’homme botswanaise.
Dans sa réponse, Success Capital Organisation a précisé que les travailleuses du sexe étaient dissuadées de travailler, parfois même harcelées et victimes de violence de la part de la police.
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CEDAW.25.016F