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Examen de l’Irlande au Comité des droits économiques, sociaux et culturels : les disparités régionales et les questions liées au logement, à la pauvreté et à la situation des Travellers et des Roms retiennent l’attention des experts

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier après-midi et cet après-midi, le rapport présenté par l’Irlande au titre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Pendant cet examen, l’Irlande a été félicitée d'avoir ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2018 ainsi que la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du Travail concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail en 2023, et d’avoir adopté la loi sur l'information relative à l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes en 2021. Ont aussi été saluées les mesures prises par l’Irlande en vue d’éradiquer le chômage.

Un expert membre du Comité a toutefois regretté l'absence de législation antidiscriminatoire en Irlande, dans un contexte où, a-t-il dit, le Comité est informé de nombreux cas de discrimination, de racisme et d'exclusion dans les domaines du logement, de l'éducation et de l'emploi.  L’expert a aussi fait remarquer que le racisme auquel les Travellers sont confrontés peut avoir pour conséquence qu’ils ne souhaitent pas s'identifier en tant que tels dans les recensements – et il a par ailleurs été signalé que, selon différentes sources, les enfants des Travellers et des Roms restent un groupe défavorisé à tous les niveaux de l'éducation en Irlande. 

Ce même expert a par ailleurs constaté des disparités régionales en Irlande, au détriment en particulier des zones rurales et côtières qui ne bénéficient pas d'une attention et d'une allocation de ressources suffisantes. 

Une experte a pour sa part relevé que le risque de pauvreté et le taux de pauvreté persistante en Irlande avaient tous deux augmenté en 2022, par rapport à 2020 et 2021, les familles monoparentales, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées étant particulièrement touchés. Le Comité est préoccupé par l’incidence de l’insécurité alimentaire parmi les requérants d’asile, a ajouté l’experte. 

Plusieurs questions des membres du Comité ont porté sur le statut des livreurs et autres employés de l’économie des plates-formes ; la portée de la couverture sanitaire universelle en Irlande ; ou encore la création d’un mémorial pour les survivantes des blanchisseries de la Madeleine et l’application des recommandations de la Commission d’enquête sur les foyers pour mères et nourrissons.  L'Irlande reste le seul pays d'Europe occidentale à ne pas assurer une couverture universelle en services de santé de base, a fait observer une experte

L’Irlande a par ailleurs été encouragée à mener un audit de son système fiscal afin de s'assurer qu'il n'est pas utilisé comme une plate-forme pour l'évasion fiscale internationale, au détriment des recettes fiscales des pays en développement. 

Présentant le rapport de son pays, M. Joe O’Brien, Ministre d’État auprès du Ministère du développement rural et communautaire, du Ministère de la protection sociale et du Ministère des enfants, de l’égalité, du handicap, de l’intégration et de la jeunesse de l’Irlande, a notamment indiqué que face à la crise du logement actuelle, le Gouvernement irlandais avait lancé en 2021 une stratégie qui vise à augmenter et à accélérer l'offre de logements, notamment en construisant 300 000 unités d'ici à 2030. Le nombre de nouveaux logements livrés en 2023 a été le plus élevé depuis quinze ans, avec 32 695 nouveaux logements achevés, dans un contexte où la pénurie de logements et le sans-abrisme constituent le problème social le plus urgent en Irlande, a précisé M. O’Brien.

Le Ministre d’État a aussi fait savoir que le Gouvernement irlandais avait, en 2017, reconnu les Travellers comme une minorité ethnique, reconnaissance suivie par la publication de la Stratégie nationale pour l'inclusion des Roms et des Travellers, dont l’application se fait par un comité directeur comprenant des organisations de Roms et de Travellers.

S’agissant de la question des foyers pour mères et nourrissons, M. O’Brien a déclaré que le Gouvernement irlandais admettait qu'il est de sa responsabilité de reconnaître des vérités difficiles et de faire amende honorable, l'État ayant manqué à plusieurs reprises à son devoir de protéger les citoyens vulnérables. Le Gouvernement a donc pris vingt-deux engagements de grande envergure à l'égard des survivants, visant à réparer les torts causés, y compris en adoptant, en 2023, la loi nécessaire à la mise en place d'un régime d’indemnisation des victimes des institutions pour mères et nourrissons (Mother and Baby Institutions Payment Scheme).

Outre M. O’Brien, la délégation irlandaise était également composée, entre autres, de M. Noel White, Représentant permanent de l’Irlande auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de nombreux représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de la santé, de l’éducation, du logement, de la culture, de la protection sociale, des transports, ainsi que des dépenses publiques et de la réforme.

Pendant le dialogue avec le Comité, la délégation a fait valoir que l’Irlande était, en 2023, en situation de quasi plein emploi, et que les ministères appliquaient tous un ensemble un train de mesures destinées à combattre la pauvreté. La délégation a aussi précisé qu’il était prévu d’ouvrir un centre national à la mémoire des femmes ayant souffert de mauvais traitements dans les blanchisseries de la Madeleine en Irlande, quelque 33,2 millions d’euros ayant en outre été versés en indemnités à 8000 femmes ayant engagé des actions en justice. 

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Irlande et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 1er mars prochain.

 

Le Comité entamera l’examen du rapport de l’Iraq lundi prochain, 19 février, à 15 heures. 

 

Examen du rapport de l’Irlande

Le Comité est saisi du quatrième rapport périodique de l’Irlande (E/C.12/IRL/4) ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui lui avait été soumise par le Comité.

Présentation du rapport

M. NOEL WHITE, Représentant permanent de l’Irlande auprès des Nations Unies à Genève, a assuré que son pays soutenait pleinement le système des organes de traités.  Il a ensuite présenté le chef de la délégation irlandaise, M. JOE O’BRIEN, Ministre d’État auprès du Ministère du développement rural et communautaire, du Ministère de la protection sociale et du Ministère des enfants, de l’égalité, du handicap, de l’intégration et de la jeunesse de l’Irlande

Présentant le rapport de son pays, M. O’Brien a d’abord relevé qu’en ce qui concerne le respect des droits sociaux, l'Irlande était, à certains égards, très différente de ce qu'elle était en 2015, date de l’examen de son précédent rapport par le Comité. En particulier, l'introduction de l’égalité du mariage [marriage equality, ou mariage pour tous, indépendamment du sexe] et de l'accès des femmes aux services de santé procréative constituent des progrès tangibles, a-t-il souligné.

Pour faire face à la crise du logement, a poursuivi le Ministre, le Gouvernement a lancé en 2021 sa stratégie « Logement pour tous » qui vise à augmenter et à accélérer l'offre de logements, notamment en construisant 300 000 unités d'ici à 2030. Le nombre de nouveaux logements livrés en 2023 a été le plus élevé depuis quinze ans, avec 32 695 nouveaux logements achevés, dans un contexte où la pénurie de logements et le sans-abrisme constituent le problème social le plus urgent en Irlande, a précisé M. O’Brien.

M. O’Brien a ensuite souligné que la réponse du Gouvernement irlandais à la guerre en Ukraine avait entraîné l'effort humanitaire le plus important de l'histoire de l'État irlandais. En effet, en janvier 2024, plus de 100 000 personnes étaient arrivées en Irlande en provenance de l'Ukraine, dont environ 75 000 ont bénéficié d'un logement subventionné par l'État. Les personnes bénéficiant d'une protection temporaire ont un accès immédiat au marché du travail, à la protection sociale, au logement et à d'autres aides de l'État si nécessaire, a précisé le chef de la délégation.

M. O’Brien a par ailleurs indiqué qu’à la suite de recommandations antérieures du Comité, les demandeurs de protection internationale en Irlande peuvent désormais demander l'autorisation de travailler si elles n'ont pas reçu de décision concernant leur demande [de protection internationale] dans un délai de cinq mois. Un autre progrès a été la régularisation du statut d'immigrant de près de 6000 personnes qui vivaient en Irlande depuis longtemps, a ajouté M. O’Brien. 

Le Ministre d’État a aussi fait savoir que le Gouvernement irlandais avait, en 2017, reconnu les Travellers (gens du voyage) comme une minorité ethnique, reconnaissance suivie par la publication de la Stratégie nationale pour l'inclusion des Roms et des Travellers. Son application se fait par un comité directeur comprenant des organisations de Roms et de Travellers. La prochaine stratégie, pour la période 2024 à 2027, sera davantage axée sur les résultats, avec une structure de suivi solide, des actions réalisables et des indicateurs clairs, a précisé M. O’Brien.

M. O’Brien a ensuite attiré l’attention sur la promotion des droits des personnes LGBTQI+ en Irlande depuis trente ans. L'Irlande est le premier pays au monde à approuver par référendum l'inscription de l'égalité du mariage (marriage equality) dans la Constitution ; et elle est le premier pays, depuis 2018, à se doter d'une stratégie pour la jeunesse LGBTQI+ et d’une stratégie nationale d'inclusion des LGBTQI+, élaborées avec la participation active d'organisations de la société civile. 

Au sujet de la protection sociale, M. O’Brien a rappelé qu’en 2015, le taux de pauvreté persistante en Irlande était de 8,5% ; les chiffres les plus récents [en la matière] concernent l'année 2022, avec un taux de 5,3%, a-t-il indiqué, avant d’ajouter que 2022 a été la première année, depuis 2015, où la trajectoire [dans ce domaine] s’orientait dans la mauvaise direction en raison de la crise du coût de la vie.  M. O’Brien a fait part d’efforts concertés du Gouvernement pour réduire et, à terme, éliminer la pauvreté en Irlande.

Concernant la question des foyers pour mères et bébés, M. O’Brien a déclaré que le Gouvernement irlandais admettait qu'il est de sa responsabilité de reconnaître des vérités difficiles et de faire amende honorable, alors que l'État a manqué à plusieurs reprises à son devoir de protéger les citoyens vulnérables et de faire respecter leurs droits les plus fondamentaux. Le rapport de la Commission d'enquête créée par le Gouvernement en 2015 et les excuses officielles de l'État qui ont suivi ne constituent pas une conclusion, mais un point de départ pour les nouvelles mesures de réparation qui sont en cours d'élaboration, a indiqué le chef de la délégation.  Le Gouvernement a donc pris vingt-deux engagements de grande envergure à l'égard des survivants, visant à réparer les torts causés, a-t-il poursuivi. Pour ce faire, l’Irlande a adopté en 2022 la loi historique sur l'information et la traçabilité des naissances (Birth Information and Tracing Act 2022) et, en 2023, la loi nécessaire à la mise en place d'un régime d’indemnisation des victimes des institutions pour mères et nourrissons (Mother and Baby Institutions Payment Scheme).

Le Ministre d’État a par ailleurs mentionné d’autres progrès réalisés par l’Irlande dans les domaines de la lutte contre la violence domestique, des droits des personnes handicapées, de la santé, de l’éducation et de l’accès à la culture.

Questions et observations des membres du Comité

M. SEREE NONTHASOOT, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Irlande, a d’abord félicité l'Irlande d'avoir ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2018, ainsi que la Convention n°190 de l’Organisation internationale du Travail (OIT) concernant l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail en 2023 ; et d’avoir adopté la loi sur l'information relative à l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes en 2021, laquelle rend obligatoire un rapport annuel sur l'écart de rémunération entre les sexes et sur les mesures correctives prises par les employeurs. 

M. Nonthasoot a ensuite regretté que l’Irlande n’ait pas encore ratifié le Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui crée une procédure de plainte devant le Comité. Il a par ailleurs encouragé l'État partie à transposer systématiquement les obligations du Pacte dans son système juridique, et a demandé si des formations étaient dispensées aux juges et aux procureurs sur les dispositions du Pacte et des autres conventions relatives aux droits de l'homme. 

L’expert a dit apprécier l'interaction positive de l’État avec les organisations de la société civile, mais a regretté que le Gouvernement n’ait pas dégagé de ressources suffisantes pour créer un environnement et un écosystème favorables à la participation de ces organisations dans l'arène politique. 

M. Nonthasoot a d’autre part voulu savoir quand l’Irlande adopterait son nouveau plan sur les entreprises et les droits de l'homme, à la suite de celui qui a été appliqué de 2017 à 2020. Il a demandé comment l’Irlande pouvait obliger les grandes entreprises à rendre des comptes sur les effets négatifs de leurs pratiques commerciales et de la gestion de leur chaîne d'approvisionnement. L’expert a cité le cas d'ESB, une société d'énergie qui, selon un rapport parvenu au Comité, brûle, dans la centrale thermique de Moneypoint, du charbon importé d'une mine colombienne dont l’activité a provoqué le déplacement de communautés autochtones et afro-colombiennes, pollué les rivières locales et contribué à la pollution de l'air.

Le rapporteur a en outre constaté des disparités régionales en Irlande, au détriment en particulier des zones rurales et côtières qui ne bénéficient pas d'une attention et d'une allocation de ressources suffisantes ; ainsi qu’une insuffisance dans les infrastructures sociales, notamment en matière de logement, de soins de santé, d'écoles inclusives, de centres de soins pour personnes âgées et de programmes de réduction des risques. 

Le rapporteur a regretté l'absence d'une législation antidiscriminatoire générale en Irlande, dans un contexte où, a-t-il dit, le Comité est informé de nombreux cas de discrimination, de racisme et d'exclusion dans les domaines du logement, de l'éducation et de l'emploi. Il a demandé si les victimes de discrimination peuvent bénéficier de recours effectifs. 

M. Nonthasoot a par ailleurs jugé inquiétant que les personnes ayant une déficience intellectuelle puissent toujours être placées dans une institution en Irlande, malgré la stratégie pour l'emploi des personnes handicapées 2015-2024. L’expert a aussi relayé des préoccupations relatives aux femmes confrontées à des inégalités intersectionnelles persistantes qui les empêchent de jouir pleinement de leurs droits économiques, sociaux et culturels. 

L’expert a d’autre part encouragé l’Irlande à mener un audit de son système fiscal afin de s'assurer qu'il n'est pas utilisé comme une plate-forme pour l'évasion fiscale internationale, au détriment des recettes fiscales des pays en développement. 

Enfin, M. Nonthasoot a fait observer que le nombre de Travellers mentionné dans le recensement national – 30 000 environ – n'était peut-être pas exact, car il ne tient pas compte du racisme auquel ce groupe de population est confronté et qui peut avoir pour conséquence que les personnes concernées ne souhaitent pas s'identifier en tant que Travellers. 

M. NADIR ADILOV, membre du groupe de travail chargé par le Comité de l’examen du rapport de l’Irlande, a salué les mesures prises par l’Irlande pour éradiquer le chômage, mais a regretté le manque de données, dans le rapport, concernant la réalisation du droit au travail et les résultats obtenus en matière de droit à la sécurité sociale depuis la mise en œuvre de la Stratégie nationale pour l'inclusion des Roms et des Travellers (2017-2021).

L’expert a recommandé à l’Irlande de fournir un soutien aux femmes vivant dans le nord-ouest du pays afin de les aider à s'impliquer pleinement dans la vie active, notamment par des pratiques de travail flexibles, un soutien aux femmes entrepreneuses et la prise en charge des frais de garde d'enfants.

M. Adilov a par la suite voulu savoir quels progrès avaient été accomplis dans la réalisation des engagements antérieurs de l’Irlande visant à créer un mémorial national et des archives pour les survivantes des blanchisseries de la Madeleine, ainsi que dans l’application des recommandations de la Commission d’enquête sur les foyers pour mères et nourrissons. 

MME KARLA VANESSA LEMUS DE VÁSQUEZ, également membre du groupe de travail chargé par le Comité de l’examen du rapport de l’Irlande, a relevé que le risque de pauvreté et le taux de pauvreté persistante en Irlande avaient tous deux augmenté en 2022, par rapport à 2020 et 2021, les familles monoparentales, les enfants, les personnes handicapées et les personnes âgées étant particulièrement touchés.  L’experte a regretté qu'il n'y ait toujours pas d'indicateur officiel de pauvreté alimentaire en Irlande. Le Comité est particulièrement préoccupé par l’incidence de l’insécurité alimentaire parmi les requérants d’asile, notamment, a ajouté l’experte.

D’autre part, a poursuivi Mme Lemus de Vásquez, l'Irlande reste le seul pays d'Europe occidentale à ne pas assurer une couverture universelle en services de santé de base. Elle a demandé si des mesures avaient été prises, outre le programme de contraception gratuite mentionné dans le rapport, pour garantir aux femmes défavorisées et marginalisées un accès non discriminatoire aux services de santé sexuelle et génésique.

Enfin, l’experte a voulu savoir si des progrès avaient été réalisés dans l’application des recommandations de l'Assemblée des citoyens créée en 2023 pour évaluer d’éventuels changements à la politique en matière de drogues, en particulier pour ce qui est de la recommandation de ladite Assemblée visant à traiter la consommation de drogues comme une question relevant de la santé publique plutôt que comme une question relevant de la justice pénale. 

M. YONGXIANG SHEN, également membre du groupe de travail chargé par le Comité de l’examen du rapport de l’Irlande, a regretté que le rapport ne contienne pas de données statistiques ventilées sur les taux de scolarisation, d'abandon scolaire et de fréquentation à tous les niveaux de l'enseignement. Sans ces données, il est difficile pour le Comité d'obtenir une image complète et d'avoir une évaluation précise de la jouissance du droit à l'éducation par les différents groupes, a souligné l’expert.

M. Shen a d’autre part reconnu que l’Irlande avait pris certaines mesures à l’égard du droit à l'éducation des enfants des Travellers et des Roms, mais il a indiqué que, selon des informations en provenance de différentes sources, ces enfants restent un groupe défavorisé à tous les niveaux de l'éducation. De plus, la langue des Travellers n’est pas utilisée dans l’enseignement irlandais, en dépit du fait qu’ils ont été reconnus comme une minorité ethnique. 

D’autres experts ont demandé si l’Irlande était favorable à la proposition de convention internationale sur la fiscalité déposée en 2023 par le Groupe africain aux Nations Unies.

Une experte a constaté avec satisfaction que l’aide publique au développement de l’Irlande correspondait à 0,64% de son PIB : elle a demandé s’il était envisagé de porter cette part à 0,7%, conformément aux objectifs internationaux en la matière. 

Plusieurs questions ont porté sur le statut des livreurs et autres employés de l’économie des plates-formes et sur les écarts de retraite entre hommes et femmes.  Il a aussi été demandé si l’Irlande envisageait d’adopter une stratégie générale de lutte contre la pauvreté.

Il a par ailleurs été demandé dans quelle mesure les requérants d’asile avaient accès au système de santé irlandais ainsi qu’à des logements. 

Réponses de la délégation

La délégation a précisé que les tribunaux irlandais citaient régulièrement les dispositions du Pacte à l’appui de leurs décisions. Elle a ajouté que le Conseil judiciaire, chargé de la formation des juges et des procureurs depuis 2019, organisait des enseignements dans de nombreux domaines, y compris dans celui des droits économiques, sociaux et culturels. 

La délégation a par ailleurs précisé que l’Irlande avait accepté les recommandations issues de l’Examen périodique universel portant sur la ratification du Protocole facultatif au Pacte, et que le pays était maintenant déterminé à mener ce processus à bien. 

Le Gouvernement irlandais applique une politique générale relative à la collaboration avec la société civile, a par ailleurs indiqué la délégation. Cette collaboration est fondée sur un ensemble de valeurs clairement définies et comprend des financements, a-t-elle précisé. Le Gouvernement finance ainsi des réseaux locaux de participation publique, qui contribuent à l’élaboration des politiques publiques.  Le Gouvernement accepte aussi les critiques émises par les organisations de la société civile, a assuré la délégation. 

Un processus de consultation publique a été lancé en 2023 en vue d’élaborer le prochain plan d’action sur les entreprises et les droits de l’homme, a poursuivi la délégation.  En la matière, le Gouvernement tient compte des appels à l’imposition d’un devoir de diligence obligatoire dans le domaine des droits de l’homme ; pour l’instant, l’Irlande s’en tient aux engagements volontaires mis en place par l’Organisation de coopération et de développement économiques, a-t-il été précisé.

De lents progrès ont été accomplis s’agissant de la ratification du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, la prochaine étape devant consister en une étude article par article de cet instrument par un comité interministériel, a indiqué la délégation. 

Le cadre normatif contre la discrimination pour des raisons socioéconomiques est en cours de réexamen ; quant au projet de loi sur les crimes de haine, qui n’a toujours pas été adopté, il est entre les mains du Parlement et non plus du Gouvernement, a souligné la délégation en réponse à la question d’un expert. 

La délégation a par la suite fait état, au titre des mesures adoptées par l’Irlande pour combattre la discrimination sous toutes ses formes, de l’adoption d’un plan d’action contre le racisme mettant l’accent sur une réponse intersectionnelle aux discriminations multiples dont les personnes peuvent être victimes. De même, le Gouvernement applique un train de plus de 130 mesures en faveur de l’inclusion des LGBTIQ+, en attendant l’adoption d’une stratégie globale qui est en train d’être élaborée avec la société civile et qui tiendra compte des lacunes observées, a ajouté la délégation. 

Une commission indépendante est compétente pour traiter les plaintes pour discrimination, y compris au travail, a d’autre part souligné la délégation. 

Le Gouvernement applique une stratégie de développement rural destinée à combler les disparités régionales, et cette stratégie a déjà permis le décaissement de quelque 500 millions d’euros en faveur des régions rurales, a poursuivi la délégation, avant de mentionner d’autres mesures concernant plus particulièrement le développement de la région du nord-ouest ; des investissements publics destinés à généraliser l’accès rapide à Internet dans les campagnes ; ou encore l’extension du réseau de transports publics à l’échelle du pays – une démarche qui comprend la gratuité des transports pour les personnes handicapées et autres personnes marginalisées.

La délégation a aussi fait savoir que le Gouvernement encourageait la formation, puis le recrutement, de médecins généralistes au profit d’une meilleure couverture de santé dans les régions rurales. 

L’Irlande analyse les effets de son système fiscal sur des pays tiers en développement et a passé des accords de double imposition avec 76 pays, a fait savoir la délégation ; certains accords ont été renégociés afin de les rendre plus favorables aux pays en voie de développement, a-t-elle précisé. L’Irlande a aussi adopté une loi obligeant les multinationales à régler au moins 15% d’impôts dans les pays où elles opèrent, a ajouté la délégation. 

Favorable au multilatéralisme, l’Irlande, avec ses interlocuteurs de l’Union européenne, est pleinement engagée dans le processus relatif à la convention de l’ONU sur la fiscalité, a assuré la délégation.

Le deuxième plan d’action national sur les entreprises et les droits de l’homme devrait être prêt à la fin de l’année, a aussi indiqué la délégation.

En ce qui concerne le programme d’aide au développement de l’Irlande, la délégation a notamment indiqué que le pays s’est engagé à investir 325 millions d’euros par an pour aider les pays à se préparer aux changements climatiques. 

Les consultations en vue de la nouvelle stratégie pour l’inclusion des Roms et des Travellers progressent de manière encourageante, a par ailleurs indiqué la délégation.

Concernant les questions relatives au travail, la délégation a fait état d’une hausse du salaire minimal au 1er janvier 2024 ; elle a précisé que l’objectif du Gouvernement était de porter ce salaire à 60% du revenu médian en Irlande. Elle a en outre mentionné plusieurs initiatives destinées à lutter contre la discrimination et les stéréotypes sexistes au travail et contre les écarts de salaires entre les hommes et les femmes. 

Le taux d’emploi des Travellers a fortement augmenté entre deux recensements, mais il reste très faible, se situant pour eux à 17% contre 70% en moyenne nationale, a indiqué la délégation.  Selon les données récoltées pendant le recensement, le taux d’emploi des Roms dépasse 60%, soit beaucoup plus que ce que l’on croit généralement, a-t-elle fait observer. L’enquête générale sur le marché du travail en 2023 montre que le pays est en situation de quasi plein emploi, a ajouté la délégation.

Le statut des employés des plates-formes en ligne est régi par un code adopté en 2021 par une commission tripartite, a d’autre part indiqué la délégation. 

L’Inspection du travail a réalisé 6500 visites en 2023, y compris dans les secteurs du transport et de la pêche, a en outre précisé la délégation. 

La délégation a par ailleurs indiqué qu’il était prévu d’ouvrir un centre national à la mémoire des femmes ayant souffert de mauvais traitements dans les couvents de la Madeleine en Irlande. Concernant les institutions pour mères et nourrissons, la délégation a fait état de la création d’un « jardin du souvenir ».

Les femmes victimes des blanchisseries de la Madeleine ont reçu les excuses du Gouvernement en 2023 et quelque 33,2 millions d’euros ont été versés en indemnités à 8000 femmes ayant engagé des actions en justice, a par la suite précisé la délégation, avant d’ajouter que le Gouvernement avait respecté les recommandations faites par le Médiateur en 2017. 

Les ministères appliquent tous un ensemble de mesures destinées à combattre la pauvreté, a ensuite souligné la délégation. Ces mesures sont orientées, par exemple, vers l’augmentation du taux d’emploi, le soutien aux enfants vivant dans la pauvreté ou encore la réduction des coûts associés aux services publics, en vue de favoriser l’accès aux soins de santé, notamment. 

La délégation a fait état de la mise à disposition de services de traduction et d’interprétation – y compris en langue des signes et en ukrainien – pour les usagers des services sociaux.

Les conclusions d’une étude sur la pauvreté persistante seront disponibles dans quelques mois, a par ailleurs indiqué la délégation. Cette forme de pauvreté concerne surtout des familles avec personnes handicapées et les personnes âgées, a-t-elle précisé. 

Le Gouvernement applique différentes stratégies pour combattre cette pauvreté, a poursuivi la délégation. Elle a notamment mentionné les incitations financières, à hauteur de dix mille euros, versées aux employeurs qui embauchent des Travellers et des Roms, ainsi que d’autres mesures contre la pauvreté consistant en subventions pour couvrir les dépenses en énergie et améliorer l’efficacité énergétique des logements. 

Le taux de pauvreté est resté similaire en 2021 par rapport à celui de 2019, compte tenu de la pandémie de COVID-19, a d’autre part fait observer la délégation. 

Le système de sécurité sociale irlandais obtient parmi les meilleurs résultats dans l’Union européenne, a assuré la délégation. 

Le Gouvernement mise sur l’augmentation de l’offre de logements de tous types pour remédier à la crise actuelle dans ce secteur, a indiqué la délégation. Des logements sociaux sont d’ores et déjà réservés aux Travellers, le Gouvernement ayant également introduit un programme d’acquisition de caravanes à prix abordables, a-t-elle ajouté.

Toute personne « résidant habituellement » en Irlande peut bénéficier d’une couverture santé universelle, couvrant notamment les soins primaires, les services de maternité, les soins hospitaliers et les services de garde d’enfants, de manière gratuite ou moyennant paiement d’une quote-part. Les 42% de la population qui disposent d’un revenu inférieur au revenu national médiant accèdent gratuitement aux soins, a indiqué la délégation. 

La couverture santé universelle est ancrée dans la loi, a précisé la délégation en réponse aux questions de plusieurs experts, avant d’ajouter que cette couverture s’applique aussi aux réfugiés arrivés d’Ukraine.

Une experte du Comité ayant fait remarquer qu’il existait de longues listes d’attente pour les soins devant être dispensés aux jeunes transgenres, la délégation a fait état de l’adoption en cours d’un nouveau modèle de soin mis en œuvre conjointement avec les mineurs concernés et avec leurs parents. 

Enfin, la délégation a mentionné l’élaboration, depuis 2023 et avec la société civile, d’un plan d’action pour la santé des Travellers et des Roms, y compris des mesures en faveur de la santé mentale des Travellers. 

La délégation a également décrit les mesures mises en place pendant la pandémie de COVID-19 en faveur de la santé des populations les plus vulnérables, y compris s’agissant de la vaccination des Travellers. 

Plus de 100 000 personnes sont actuellement en demande de protection internationale en Irlande, contre environ 8000 avant le début de la guerre en Ukraine, a précisé la délégation. Les personnes concernées ont automatiquement accès aux soins de santé en Irlande, a-t-elle insisté. Le Gouvernement leur propose aussi des solutions de logement alternatives, compte tenu de la pénurie de logement actuelle. 

S’agissant des questions d’éducation, la délégation a notamment précisé que le Gouvernement tenait des statistiques concernant, notamment, les taux d’inscription et de maintien scolaire des Travellers et des Roms. L’approche manque actuellement de cohérence – notamment parce que les parents ont la liberté de déclarer ou non l’origine de leurs enfants –, a reconnu la délégation, assurant que le Gouvernement s’efforce d’y remédier.  Le Gouvernement coopère avec les Roms et les Travellers pour améliorer les résultats scolaires de leurs enfants, a ajouté la délégation. Il a eu pour priorité, ces dernières années, d’augmenter la part des enfants des Travellers qui achèvent leurs études secondaires, part qui atteint désormais 70%, a-t-elle précisé. 

Le Ministère de l’éducation a, de plus, mis en place un programme d’apprentissage rapide de l’anglais pour mieux intégrer à l’école les enfants étrangers, y compris ceux venant d’Ukraine, a poursuivi la délégation. Le Ministère appuie, en outre, l’enseignement de l’histoire et de la culture des Travellers dans le programme scolaire dès le primaire. La langue des Travellers a été inscrite au patrimoine immatériel de l’Irlande, a indiqué la délégation.

La délégation a donné d’autres informations relatives à la politique d’éducation inclusive des enfants handicapés, à la stratégie nationale d’éducation sexuelle et au programme DASH de soutien aux élèves les plus défavorisés.

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CESCR/24/04F

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