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Le Conseil est informé que la situation des droits de l’homme ne s’est améliorée ni au Burundi ni au Bélarus

Compte rendu de séance

 

Le Conseil des droits de l’homme a tenu cet après-midi un dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, M. Fortuné Gaetan Zongo, avant d’engager son dialogue autour du compte rendu oral qu’a présenté la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, Mme Nada Al-Nashif, concernant la situation des droits de l’homme au Bélarus.

Présentant son rapport, M. Zongo a signalé que plusieurs éléments nouveaux depuis son précédent rapport pouvaient être signalés en dépit de l’absence de coopération de l’État burundais, en particulier l’ouverture du pays sur la scène internationale – avec la réouverture, en octobre 2022, des frontières avec ses voisins, y compris le Rwanda – et sur le plan judiciaire, l’annulation par la Cour suprême de la condamnation à cinq ans de prison de l’avocat Tony Germain Nkina et de son client Apollinaire Hitimana.

Ces quelques développements ne permettent cependant pas d’affirmer que la situation des droits de l’homme s’est améliorée au Burundi, a poursuivi M. Zongo. En effet, la faiblesse des institutions reste criante – une faiblesse qui fait d’elles des instruments de violation des droits de l’homme, a estimé le Rapporteur spécial. Ainsi, s’est-il dit profondément préoccupé par l’absence d’un contrôle strict du Service national de renseignement pour garantir l’État de droit et les droits de l’homme.  Il apparaît en outre fondamental que l’appareil judiciaire procède à une analyse critique de son fonctionnement et de son rôle, a plaidé M. Zongo.

M. Zongo a par ailleurs attiré l’attention de la communauté internationale sur les élections qui auront lieu en 2025 et 2027 et sur l’importance de prévenir les violences avant, pendant et après ces échéances.

Après des déclarations du Burundi, à titre de pays concerné, puis de la Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi, de nombreuses délégations* ont participé au dialogue avec le Rapporteur spécial.

Rendant compte de la situation au Bélarus, Mme Al-Nashif a pour sa part déclaré que trois ans après les élections présidentielles contestées d’août 2020, la situation des droits de l’homme au Bélarus ne montrait aucun signe d'amélioration. Elle a déploré un nouveau rétrécissement de l’espace civique et un manque persistant de respect des libertés fondamentales, comme en témoigne la campagne de violence et de répression menée contre les personnes qui s’opposent au Gouvernement, ou qui sont perçues comme telles, et qui expriment des points de vue critiques ou indépendants.  Actuellement, 1500 personnes sont détenues au Bélarus sur la base d'accusations qui, selon le Haut-Commissariat, sont motivées par des considérations politiques, a-t-elle précisé.

Mme Al-Nashif a fait part d’autres préoccupations concernant des détenus, hommes et femmes, soumis à la torture et aux mauvais traitements ; la répression des organisations de la société civile qui se poursuit ; ou encore de nouvelles restrictions sur l’enregistrement des partis politiques, qui excluent de fait les partis d’opposition des élections législatives de février 2024.  La Haute-Commissaire adjointe a aussi constaté que la répression s’étendait de plus en plus au-delà des frontières du Bélarus, ciblant ceux qui ont déjà quitté le pays.

Après une déclaration du Bélarus en tant que pays concerné, plusieurs délégations** ont engagé le dialogue avec Mme Al-Nashif.

 

Lundi 25 septembre, à 10 heures, le Conseil tiendra son débat annuel consacré à la prise en compte des questions de genre dans tous ses travaux et ceux de ses mécanismes, avant de finir le dialogue autour du compte rendu oral sur la situation des droits de l’homme au Bélarus.

 

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi (A/HRC/54/56).

Présentation

M. FORTUNÉ GAETAN ZONGO, Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi, a signalé que plusieurs éléments nouveaux depuis son précédent rapport pouvaient être signalés en dépit de l’absence de coopération de l’État burundais. Le Rapporteur spécial a d’abord souligné l’ouverture du pays sur la scène internationale, avec en particulier la réouverture, en octobre 2022, des frontières avec ses voisins, y compris le Rwanda. De plus, la même année, l’Union européenne a levé les sanctions contre trois personnalités burundaises : le Premier Ministre, Gervais Ndirakobuca ; l’ancien Directeur général adjoint de la police, Godefroid Bizimana ; et l’ancien général Léonard Ngendakumana.

Sur le plan judiciaire, le Rapporteur spécial a noté l’annulation par la Cour suprême de la condamnation à cinq ans de prison de l’avocat Tony Germain Nkina et de son client Apollinaire Hitimana, tous deux libérés en décembre 2022. Enfin, comme élément nouveau, en juillet 2023, le Conseil d'administration du Fonds monétaire international a approuvé un accord de trente-huit mois d'un montant de 271 millions de dollars des États-Unis au titre de la facilité élargie de crédit pour le Burundi.

Ces quelques développements ne permettent cependant pas d’affirmer que la situation des droits de l’homme s’est améliorée au Burundi, a poursuivi M. Zongo. En effet, la faiblesse des institutions reste criante – une faiblesse qui fait d’elles des instruments de violation des droits de l’homme, a estimé le Rapporteur spécial.

Ainsi, le Rapporteur spécial s’est dit profondément préoccupé par l’absence d’un contrôle strict du Service national de renseignement pour garantir l’État de droit et les droits de l’homme. Plusieurs cas impliquant cet organe, face à des soupçons d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État ou de rébellion, renvoient à des infractions aux contours imprécis qui laissent une grande marge d’interprétation et ne constituent pas des menaces pour l’État et la population, a dit M. Zongo, ajoutant que, dans la plupart des cas, les personnes poursuivies menaient des activités politiques et sociales licites.

De plus, des défis majeurs sont à l’origine des faibles performances du système judiciaire, notamment l’insuffisance des ressources humaines ou encore l’ingérence de l’exécutif, a estimé M. Zongo. Il apparaît fondamental que l’appareil judiciaire procède à une analyse critique de son fonctionnement et de son rôle, a demandé M. Zongo.

En ce qui concerne la Commission nationale indépendante des droits de l’homme, force est de constater que ses rapports et interventions publiques ne se font que l’écho des discours officiels, a regretté le Rapporteur spécial, rappelant que lors du dialogue interactif sur le Burundi, le 6 juillet dernier devant le Conseil, la Commission avait affirmé que, « au cours de l’exercice 2022-2023, la situation politique a été satisfaisante, […] les partis politiques ont fonctionné normalement ». De telles affirmations, dans un contexte où les partis politiques, les médias et la société civile sont menacés, permet de constater que la Commission ne rend pas compte de la situation exacte des droits de l’homme, a dit M. Zongo.

M. Zongo a aussi relevé que ses demandes de visite étaient restées sans réponse, en dépit du fait que le Burundi a adressé une invitation permanente depuis le 6 juin 2013 aux titulaires de mandat au titre des procédures spéciales

Le Rapporteur spécial a exprimé l’espoir que la situation des droits de l’homme s’améliore substantiellement, la situation avant la crise de 2015 pouvant à cet égard, selon lui, servir de référence. M. Zongo a aussi attiré l’attention de la communauté internationale sur les élections qui auront lieu en 2025 et 2027 et sur l’importance de prévenir les violences avant, pendant et après ces échéances.

Enfin, M. Zongo a invité à une réflexion sur l’Accord d’Arusha sur la paix et la réconciliation, qui a permis une période de paix et de stabilité pendant une quinzaine d’années, se demandant s’il n’était pas temps de mettre à jour cet Accord et de l’appliquer.

Pays concerné

Le Burundi a estimé que le rapport du Rapporteur spécial, dont le Burundi conteste la légitimité, contenait des affirmations « douteuses, extravagantes et non documentées ». Le Burundi a jugé infondé que le Rapporteur spécial considère la Commission nationale indépendante des droits de l’homme actuelle et ses membres comme « moins crédible que celle de 2012 », alors qu’il n’est détenteur du mandat que depuis peu. Le Burundi a affirmé regretter que le Rapporteur spécial soit « l’émissaire d’un seul parti politique de l’opposition ».

Le Burundi s’est aussi demandé ce qu’il fallait penser en voyant que la Commission de vérité et de réconciliation se voit discréditée dans le rapport sous le prétexte à peine voilé de l’appartenance politique et ethnique de son Président. Le Burundi a dénoncé un « acharnement » du Rapporteur spécial à l’encontre du parti au pouvoir. Le Burundi a estimé ne pas mériter d’être épinglé devant le Conseil depuis une vingtaine d’années, et s’est demandé à qui profitait cette situation.

La Commission nationale indépendante des droits de l’homme du Burundi (CNIDH) a déclaré que le Burundi était sur la bonne lancée, mais que des défis persistaient. Le pays s’est doté de plusieurs institutions spécialisées de protection des droits de l’homme qui s’efforcent de promouvoir les droits de l’homme, y compris la CNIDH elle-même, mais aussi le Ministère en charge des droits de l’homme et la Commission vérité et réconciliation, entre autres. 

Pour sa part, la CNIDH trouve encourageante la réforme de l’institution du conseil des notables et note les mesures prise par le Gouvernement contre la corruption et l’impunité, ainsi que pour le désengorgement des prisons et la réouverture progressive de l’espace médiatique. La Commission a par ailleurs estimé que la lenteur de la justice requiert une attention particulière et a demandé la libération des personnes détenues arbitrairement ou illégalement.

Aperçu du dialogue

Le Gouvernement du Burundi a pris certaines mesures positives conformément à son engagement d'améliorer la situation des droits de l'homme, a-t-il été affirmé durant le dialogue, d’aucuns citant en particulier l’intention affirmée par le Président du Burundi d’œuvrer à la réforme du secteur de la justice et les poursuites engagées contre certains responsables politiques. De même, l'implication du pays dans les efforts diplomatiques régionaux, y compris s’agissant du retour de personnes réfugiées, a été perçue comme une preuve de son engagement à respecter ses obligations internationales.

Un soutien international aux programmes et plans de développement en cours de mise en œuvre au Burundi contribuerait à relever les défis auxquels le pays est confronté, en particulier la pauvreté et ses conséquences négatives sur la jouissance des droits de l'homme, a recommandé une délégation. Il a aussi été suggéré que le Burundi priorise la protection des droits de l'enfant et augmente fortement les budgets alloués à la santé et à l'éducation. 

Des délégations ont cependant fait part de leurs préoccupations concernant la persistance de violations des droits de l'homme au Burundi, y compris l'impunité pour des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des cas de torture et des violences sexuelles, et ont appelé le Gouvernement à mener des enquêtes approfondies sur tous les incidents et de demander des comptes aux auteurs, y compris parmi les membres des forces de sécurité et des Imbonerakure. La persistance de détentions arbitraires, le climat d’impunité ainsi que les prérogatives démesurées des services de police et de renseignement nuisent au retour d’une paix durable au Burundi, a affirmé une délégation.

D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant de sanctions infligées à des défenseurs des droits de l'homme, à des journalistes, à l'opposition et à la société civile pour avoir exercé leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique. La condamnation de la journaliste Floriane Irangabiye à dix ans d’emprisonnement a été condamnée à plusieurs reprises, de même que le rétrécissement de l’espace civique et l’instrumentalisation des institutions et de la justice dans le pays.

En outre, si la participation du Burundi au dernier cycle de l’Examen périodique universel (EPU) a été saluée, la décision du pays de renoncer à dialoguer avec le Comité des droits de l’homme, il y a quelques mois, a été jugée d’autant plus regrettable que le pays est candidat à un nouveau mandat de membre du Conseil des droits de l’homme. Des délégations ont demandé au Gouvernement burundais de coopérer avec les organes conventionnels et avec le Rapporteur spécial, notamment en permettant à ce dernier de visiter le pays et en envisageant de rouvrir le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme ; et de respecter l’indépendance de l’institution nationale de droits de l’homme burundaise.

Plusieurs intervenants ont insisté sur la nécessité de fonder le travail des mécanismes du Conseil des droits de l'homme sur l'approbation des États concernés, sans politisation ni partialité, ainsi que sur le dialogue et la non-ingérence dans les affaires internes des États.

Le Rapporteur spécial a été prié de dire comment, à l’approche des élections législatives de 2025, la communauté internationale pouvait aider le Gouvernement burundais à garantir le respect des libertés de réunion, d’association et d’expression ; et quelles mesures tangibles le Gouvernement pourrait prendre pour améliorer la situation des droits de l’homme. 

*Liste des intervenants : Norvège (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Liechtenstein, Suisse, Égypte, Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Belgique, Irlande, États-Unis, Chine, Zimbabwe, Fédération de Russie, Luxembourg, République-Unie de Tanzanie, Yémen, République bolivarienne du Venezuela, République populaire démocratique de Corée, Kenya, Ouganda, Soudan, Roumanie, Bélarus, Érythrée, République arabe syrienne, République islamique d’Iran, ACAT Burundi, East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project, RADDHO, Human Rights Watch, Human Rights Research League, CIVICUS, CECID, Fédération internationale des ligues de droits de l’homme et Amnesty International.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

M. ZONGO a assuré qu’il avait strictement respecté, dans son mandat, les principes d’indépendance et d’impartialité, et a fait part de son scepticisme devant des critiques formulées à l’encontre de travaux auxquels l’on ne participe pas. Le rapport traite de faits objectifs et vérifiables, a insisté le Rapporteur spécial. Il a indiqué qu’il se bornait à poser des constats face à des problèmes invariables, [face à] des défis qui ne sont pas résolus.

M. Zongo a fait observer qu’un seul groupe détenait le pouvoir exécutif et législatif au Burundi, avec des ramifications dans le pouvoir judiciaire, et que ce groupe excluait tous les autres groupes – les personnes doivent fuir ou faire allégeance, telle est la situation actuelle au Burundi, a-t-il insisté. Il appartient aux Burundais de définir eux-mêmes en quoi consiste le dialogue inclusif, a estimé M. Zongo.

Le Rapporteur spécial a recommandé à la communauté internationale d’aider le Burundi à tenir des élections équitables et transparentes et prévenir ainsi une éventuelle crise. Le Rapporteur spécial a dit qu’il aurait pour priorité ces prochains mois la question de l’organisation d’élections transparentes, afin « que le meilleur gagne ».

M. Zongo a ensuite relevé des progrès au Burundi en ce qui concerne la question de la traite de personnes. Il a estimé que des progrès restaient à accomplir en ce qui concerne l’accès des femmes à la propriété foncière.

Le Rapporteur spécial a aussi fait savoir qu’il suivrait avec attention les mesures qui seront prises à la suite de l’EPU s’agissant de la justice et de l’élargissement de l’espace civique.

Dialogue autour du compte rendu oral intermédiaire du Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme au Bélarus

Dans sa résolution 52/29, le Conseil a décidé de proroger, jusqu’à sa cinquante-cinquième session, le mandat du Haut-Commissaire consistant à surveiller la situation des droits de l’homme au Bélarus, avec l’assistance des trois experts indépendants nommés et des titulaires de mandat au titre des procédures spéciales, et a prié le Haut-Commissaire de lui présenter un compte rendu oral intermédiaire à sa cinquante-quatrième session, avant la tenue d’un dialogue.

Compte rendu oral

MME NADA AL-NASHIF, Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, a indiqué que trois ans après les élections présidentielles contestées d’août 2020, la situation des droits de l’homme au Bélarus reste grave et ne montre aucun signe d'amélioration. Elle a déploré un nouveau rétrécissement de l’espace civique et un manque persistant de respect des libertés fondamentales, comme en témoigne la campagne de violence et de répression menée contre les personnes qui s’opposent au Gouvernement, ou qui sont perçues comme telles, et qui expriment des points de vue critiques ou indépendants. L’impunité systématique continue de permettre aux responsables de violations flagrantes des droits de l’homme d’échapper à la responsabilité de leurs actes, a-t-elle ajouté.

Les informations du Haut-Commissariat ont révélé une tendance aux arrestations arbitraires et aux poursuites sur la base d'accusations forgées de toutes pièces, a poursuivi Mme Al-Nashif, précisant que les cibles sont notamment les critiques du Gouvernement, les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les universitaires, les syndicalistes, les personnalités religieuses, les membres des minorités, les avocats et d'autres personnes qui cherchent à exercer leurs droits fondamentaux. Mme Al-Nashif a indiqué que jusqu’à septembre 2023, la répression exercée par les autorités du Bélarus à l'encontre des personnes critiques ou perçues comme critiques à l’égard du Gouvernement s’est traduite par la condamnation de plus de 3750 personnes dans le cadre de procès pénaux caractérisés par des peines d'emprisonnement sévères et disproportionnées, sans grande considération pour les garanties d'une procédure régulière et le droit à un procès équitable. Actuellement, 1500 personnes sont détenues au Bélarus sur la base d'accusations qui, selon le Haut-Commissariat, sont motivées par des considérations politiques, a insisté la Haute-Commissaire adjointe.

Abordant ensuite les conditions de détention, Mme Al-Nashif a indiqué que les détenus, hommes et femmes, sont soumis à la torture et aux mauvais traitements : passages à tabac, surpeuplement (carcéral), privation de sommeil, refus d’accès aux soins médicaux, mises à l’isolement répétées et travaux obligatoires dangereux ou relevant de l'exploitation. Les personnalités de l’opposition et les défenseurs des droits de l’homme qui purgent des peines sont confrontés à des restrictions pour contacter leur famille ou leur avocat, a souligné Mme Al-Nashif, avant d’ajouter que certains d’entre eux ont été détenus au secret pendant des mois, leurs familles ne disposant pas d’informations officielles sur leur lieu de détention et leur état de santé.

Plus de 100 avocats ont été radiés du barreau depuis 2020 et certains ont été détenus ou même poursuivis pour avoir exercé leur profession, a encore indiqué la Haute-Commissaire adjointe. En outre, si plus de 200 avocats ont choisi de quitter la profession, beaucoup ont fui le pays par crainte d’être arrêtés, a-t-elle fait remarquer.

Evoquant des décès en détention, y compris des cas de suicide, Mme Al-Nashif a rappelé au Gouvernement sa responsabilité en matière de sécurité et de santé de toutes les personnes placées sous sa garde, et a appelé à une enquête approfondie sur chacun de ces décès - quelle qu’en soit la cause - afin d’établir clairement les faits et les circonstances, d’assurer une responsabilité appropriée et de permettre la mise en place de mesures visant à éviter qu’ils ne se reproduisent.

La Haute-Commissaire adjointe a ensuite déploré que les autorités aient encore renforcé leur contrôle « déjà très étendu » sur l'espace civique. En septembre 2023, la liste des « extrémistes » dressée par le Gouvernement comprenait près de 3300 personnes, a-t-elle indiqué, avant de préciser que ce label d’« extrémisme » est utilisé pour étouffer la dissidence, avec pour actes « extrémistes » passibles de sanctions pénales: la diffusion de fausses informations, l’insulte à l’égard de fonctionnaires, le discrédit des institutions, et l’organisation d'émeutes de masse. La situation particulière des journalistes est alarmante, avec plus de 670 arrestations enregistrées par l'Association des journalistes du Bélarus depuis 2020, a ajouté Mme Al-Nashif.  La répression des organisations de la société civile se poursuit, a-t-elle également indiqué, précisant qu’à ce jour 900 ONG ont été dissoutes et 492 organisations contraintes de fermer pour éviter des poursuites pénales. De même, les nouvelles restrictions sur l’enregistrement des partis politiques suscitent les inquiétudes du Haut-Commissariat car elles excluent de fait les partis d’opposition et leur participation aux prochaines élections législatives de février 2024.

Mme Al-Nashif a également fait part de préoccupations s’agissant de récentes propositions législatives visant notamment à restreindre les activités des groupes religieux, aux motifs de « terrorisme », d’« extrémisme » ou d’incompatibilité avec « l’idéologie de l'État du Bélarus ». Elle s’est en outre inquiétée d’une autre proposition discriminatoire visant à restreindre la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association des membres de la communauté LGBTI, sous couvert de l’interdiction de « propagande ». Cette proposition de loi vise également à pénaliser un soi-disant « mode de vie sans enfant », en violation flagrante de la liberté personnelle et du choix reproductif des individus, a souligné la Haute-Commissaire adjointe.

L'extension récente de l’application de la peine de mort au crime mal défini de « terrorisme » est alarmante et affligeante, a par ailleurs souligné Mme Al-Nashif, avant de noter que des dizaines de militants et de défenseurs des droits de l’homme inculpés de « terrorisme » risquent donc d'être condamnés à la peine capitale pour des actes qui sont en réalité entièrement protégés par le droit international des droits de l’homme.

Par ailleurs, la Haute-Commissaire adjointe a constaté que la situation au Bélarus a forcé au moins 300 000 personnes à quitter le pays depuis mai 2020 et que la répression s’étend de plus en plus au-delà des frontières du Bélarus, ciblant ceux qui ont déjà quitté le pays. Dans ce contexte, elle a fait part de préoccupations concernant des modifications apportées à la loi sur la citoyenneté, qui donnent aux autorités le pouvoir de révoquer la citoyenneté des personnes résidant à l’étranger et qui ont été condamnées - y compris par contumace - pour « extrémisme » ou « atteinte grave aux intérêts du Bélarus ». En outre, les citoyens du Bélarus sont tenus d’informer les autorités de leur résidence à l’étranger, a observé Mme Al-Nashif, soulignant que cela entraîne une surveillance accrue des personnes en exil et de leurs familles restées au pays.

Pour conclure, Mme Al-Nashif a déploré le manque de coopération du Gouvernement et l’a appelé à s'engager de manière constructive avec le Haut-Commissariat. Elle a fait remarquer que des actions urgentes sont nécessaires, notamment la libération rapide des détenus et des prisonniers inculpés pour des motifs politiques. Les violations des droits de l’homme, y compris la répression systématique de la société civile, des médias indépendants et des groupes d’opposition, doivent cesser, a-t-elle insisté. La Haute-Commissaire adjointe a demandé que des enquêtes rapides, efficaces, approfondies, indépendantes, impartiales et transparentes soient menées sur les violations des droits de l’homme commises dans le passé, afin de garantir des réparations appropriées et d’obliger les responsables à rendre compte de leurs actes.

Pays concerné

Le Bélarus a déploré que le Conseil reçoive aujourd’hui un nouveau rapport « basé sur des sources peu fiables et des évaluations biaisées » et dont les auteurs continuent d’insister sur les « interprétations occidentales de l'élection présidentielle de 2020 » au Bélarus, sans accepter de reconnaître le choix légitime du peuple du Bélarus.

La délégation bélarussienne a affirmé que les accusations faisant état de prisonniers politiques au Bélarus, de détentions et d’arrestations arbitraires et de torture sont motivées par des considérations politiques et non fondées. Chaque peine infligée a été prononcée par le tribunal conformément à la loi et proportionnellement aux infractions commises, a-t-elle assuré. De même, les accusations de persécution de la société civile sont fausses et déforment délibérément l’image du pays, où travaillent aujourd'hui activement plus de 2000 organisations non gouvernementales (ONG), a ajouté la délégation.

La délégation a souligné que les événements de 2020 ont révélé le vif intérêt d'un certain nombre de pays occidentaux pour l’arrivée au pouvoir au Bélarus d'une « élite pro-occidentale » qui servirait les intérêts géopolitiques des gouvernements occidentaux. Se référant aux principes fondamentaux de la coopération internationale, la délégation a appelé à construire « un dialogue, et non des barrières ». Elle a assuré que le Bélarus est toujours prêt à discuter de manière constructive de tous les problèmes, mais avec ceux qui respectent le peuple, ses choix et ses traditions, et uniquement si les intérêts nationaux sont respectés.

Aperçu du dialogue

La situation des droits de l'homme au Belarus est « catastrophique », a-t-il été affirmé au cours du dialogue, d’aucuns faisant référence aux violations « de plus en plus massives et systématiques » commises par les autorités à l’encontre des acteurs de la société civile, des défenseurs des droits de l’homme, des avocats, des journalistes, des manifestants anti-guerre et des opposants aux autorités.  Un intervenant a estimé que la répression des autorités a pris un caractère systématique depuis « l’élection présidentielle frauduleuse du 9 août 2020 ».

Une délégation a pour sa part tenu à souligner que les autorités choisies par le peuple, dans le contexte de l’expression de sa souveraineté, doivent être respectées. Plusieurs délégations ont dénoncé une « pression indue sur le Bélarus », y voyant le signe de la politisation des mécanismes du Conseil et d’une « ingérence non dissimulée dans les affaires d’un État souverain ».

« Le peuple du Bélarus ne doit pas être laissé seul, la communauté internationale doit se préoccuper de son sort », a pour sa part affirmé un participant.

Reprenant des éléments du compte rendu présenté par la Haute-Commissaire adjointe aux droits de l’homme, des délégations ont déploré les nombreux cas de privation arbitraire de liberté, les disparitions forcées, l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre, les arrestations arbitraires, le recours à la torture et autres mauvais traitements, ainsi que la violence sexuelle et sexiste. Des délégations ont estimé que certaines de ces violations peuvent être assimilées à des crimes contre l'humanité.

« L’ensemble de la société du Bélarus vit dans la crainte d’intimidations, de harcèlements, de poursuites judiciaires, d’arrestations et de détentions arbitraires », a fait observer un intervenant. Les récits sur les conditions inhumaines en prison glacent le sang, s’est alarmée une autre délégation, s’inquiétant de l’augmentation des détentions au secret, avec risque de disparitions forcées. Le Bélarus doit permettre à des observateurs indépendants d’accéder sans restriction à tous les lieux de détention et libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers politiques, a-t-il été affirmé. Un appel a également été lancé en faveur de l’instauration d’un moratoire sur toutes les exécutions capitales, en vue de l’abolition de la peine de mort.

Des délégations ont en particulier condamné la récente désignation comme « formation extrémiste » du Centre de défense des droits humains Viasna, qui a pour conséquence que toute personne travaillant avec l’organisation peut être poursuivie. « Cette attaque effroyable contre une organisation de défense des droits de l’homme reflète l'assaut des autorités contre la société civile », a-t-il été souligné.

Le décret présidentiel du Bélarus ordonnant à ses consulats de cesser de renouveler ou de prolonger les passeports a été dénoncé par de nombreuses délégations, l’une d’elles affirmant que ce décret a pour objectif de forcer les citoyens bélarussiens de l’étranger à revenir dans le pays pour obtenir un soutien administratif, au risque de subir des représailles et des mesures de rétorsion. Même en exil, de nombreux citoyens du Bélarus n'échappent pas à la répression, a fait observer une délégation.

Enfin, des délégations ont demandé aux autorités du Bélarus de cesser de favoriser la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine en autorisant les forces russes à utiliser le territoire bélarussien ; il a été reproché aux autorités du Bélarus, outre de faciliter ainsi les attaques aériennes, de participer également à la déportation d’enfants ukrainiens.

**Liste des intervenants : Estonie (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Belgique (au nom d’un groupe de pays), Liechtenstein, République tchèque, Autriche, Costa Rica, Croatie, États-Unis, Lituanie, Allemagne, Suisse, Malte, France, Pologne, Chine, Zimbabwe, Roumanie, Fédération de Russie, Royaume-Uni, République démocratique populaire lao, Cuba, Venezuela, République populaire démocratique de Corée, Slovaquie, Bulgarie, Albanie, Monténégro, Ukraine, Grèce, Iran, République arabe syrienne, République de Moldova, Soudan, Liban, Nicaragua, Érythrée, Cambodge, et Azerbaïdjan.

 

Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.

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