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CAT : l’Ouganda a déployé des efforts considérables pour s’acquitter de ses obligations au titre de la Convention, mais il est encore rapporté que la torture et les mauvais traitements restent largement pratiqués dans le pays, souligne un expert

Compte rendu de séance

L’Ouganda a déployé des efforts considérables pour s’acquitter de certaines de ses obligations au titre de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, essentiellement en développant un cadre juridique et institutionnel global à cette fin. Néanmoins, le Comité contre la torture (CAT) souhaite exprimer ses préoccupations concernant des informations et rapports soumis par différentes parties prenantes, notamment la Commission ougandaise des droits de l'homme et le Centre africain pour le traitement et la réadaptation des victimes de la torture (ACTV), qui pointent un fossé entre la loi et la pratique en matière de lutte contre la torture et les mauvais traitements. « Il est encore rapporté que la torture et les mauvais traitements restent largement et fréquemment pratiqués en Ouganda ».

C’est ce qu’a souligné un expert membre du Comité à l’ouverture du dialogue noué autour de l’examen du rapport soumis par l’Ouganda au titre de la Convention.

Lors de ce dialogue, qui s’est déroulé hier matin et cet après-midi, un autre membre du Comité a constaté que si le rapport soumis par l’Ouganda nie catégoriquement l'existence de lieux de détention non autorisés, la Commission ougandaise des droits de l'homme, dans son rapport de 2021, a consacré un chapitre entier aux disparitions forcées, tandis que la Commission parlementaire des droits de l'homme, dans son propre rapport publié en novembre 2019, a méticuleusement documenté ses visites manquées dans des « refuges » (safe houses) qui seraient utilisés pour des détentions non autorisées : l'accès a été refusé par le Ministre chargé de la sécurité lui-même, a fait observer cet expert.

D’autres préoccupations des membres du Comité ont porté sur la peine de mort, s’agissant en particulier de la question de savoir si elle était obligatoire pour les crimes qui en sont passibles. Tel n’est plus le cas depuis l’affaire Kigula, dans laquelle la Cour a statué que les juges pouvaient décider eux-mêmes de la peine maximale à infliger, y compris la peine de mort s’ils l’estiment nécessaire, a alors expliqué la délégation ougandaise.

Présentant le rapport de son pays, M. Kiryowa Kiwanuka, Procureur général de l’Ouganda, a notamment indiqué que le règlement sur la prévention et l’interdiction de la torture de 2017 avait rendu opérationnelle la Loi sur la prévention et l'interdiction de la torture de 2012, laquelle incorpore (dans le droit interne) la définition de la torture donnée par l’article premier de la Convention.

Le même règlement prévoit une procédure de plainte qui a facilité le dépôt de plaintes contre les auteurs de torture, a ajouté M. Kiwanuka, soulignant que les tribunaux ougandais ont farouchement défendu le caractère non dérogatoire du droit de ne pas être soumis à la torture. L'Ouganda a été le premier pays d'Afrique, et le deuxième au monde, à promulguer une loi contre la torture, a rappelé le Procureur général.

Parallèlement, a poursuivi M. Kiwanuka, le Gouvernement continue d'investir dans la formation des personnels de sécurité afin de garantir qu’ils respectent la Loi sur la prévention et l'interdiction de la torture dans l'exercice de leurs fonctions. Par ailleurs, la Constitution mandate la Commission ougandaise des droits de l'homme pour jouer un rôle de surveillance dans la promotion et la protection des droits de l'homme.

Le Gouvernement n’entretient aucune prison clandestine, a par la suite assuré la délégation ougandaise au cours du dialogue noué avec les membres du Comité.

Outre M. Kiwanuka, la délégation ougandaise était également composée de M. Marcel R. Tibaleka, Représentant permanent de l’Ouganda auprès des Nations Unies à Genève ; de la Commissaire aux droits de l’homme de l’Ouganda ; et de plusieurs fonctionnaires des Ministères des affaires étrangères et de la justice et des affaires constitutionnelles. La police, les forces de défense et les services pénitentiaires ougandais étaient aussi représentés.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Ouganda et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 25 novembre.

 

Mardi 15 novembre, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Australie.

 

Examen du rapport

Le Comité était saisi du deuxième rapport périodique de l’Ouganda (CAT/C/UGA/2), rapport établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.

Présentation

Présentant le rapport de son pays, M. KIRYOWA KIWANUKA, Procureur général de l’Ouganda, a souligné que la protection contre tout acte de torture ou contre toute peine ou traitement cruel, inhumain et dégradant est consacrée en tant que droit non dérogeable par les articles 24 et 44 de la Constitution de 1995. Il a ensuite indiqué que le règlement sur la prévention et l’interdiction de la torture de 2017 avait rendu opérationnelle la Loi sur la prévention et l'interdiction de la torture de 2012, laquelle incorpore (dans le droit interne) la définition de la torture donnée par l’article premier de la Convention contre la torture. Ce règlement prévoit une procédure de plainte qui a facilité le dépôt de plaintes contre les auteurs de torture, a-t-il précisé, ajoutant que les tribunaux du pays ont farouchement défendu le caractère non dérogatoire du droit de ne pas être soumis à la torture. Plusieurs ordonnances ont été rendues en faveur de l’indemnisation de victimes de la torture et de l'abandon de procédures pénales contre des suspects en raison d’actes de torture commis à leur encontre, ou encore pour tenir pour personnellement responsables des auteurs de torture. L'Ouganda a été le premier pays d'Afrique, et le deuxième au monde, à promulguer une loi contre la torture, a rappelé le Procureur général.

Parallèlement, a poursuivi M. Kiwanuka, le Gouvernement continue d'investir dans la formation des personnels de sécurité afin de garantir qu’ils respectent la Loi sur la prévention et l'interdiction de la torture dans l'exercice de leurs fonctions. Cette formation s’adresse aux Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF), aux forces de police et aux services pénitentiaires ougandais.

Le Gouvernement a aussi mis en marche le Comité permanent du Cabinet sur les droits de l'homme, qui a pour mandat de fournir une réponse nationale aux préoccupations en matière de droits de l'homme, de faire périodiquement rapport au Parlement sur les mesures prises en matière de droits de l'homme et de conseiller le Cabinet sur les mesures à prendre pour remédier aux cas de violations des droits de l'homme, entre autres.

Par ailleurs, a poursuivi le Procureur général, la Constitution mandate la Commission ougandaise des droits de l'homme pour jouer un rôle de surveillance dans la promotion et la protection des droits de l'homme. La Commission est au bénéfice du statut « A » d’accréditation auprès de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'homme, pour sa conformité aux Principes de Paris, a-t-il fait valoir, précisant qu’elle a notamment élaboré un guide d'interprétation de la Loi contre la torture qui est utilisé par les juges, magistrats et procureurs.

M. Kiwanuka a encore fait savoir que son Gouvernement avait investi dans la technologie au service du système de justice pénale. Sont ainsi appliqués des moyens techniques pour faire en sorte que les enquêtes et les interrogatoires soient menés dans le respect des normes internationales en matière de droits de l'homme, y compris s’agissant du contrôle des actions du personnel de sécurité : on peut ainsi s'assurer qu'aucune preuve ou information n'est obtenue sous une forme quelconque de mauvais traitement, a indiqué le Procureur général. Dans le même temps, a-t-il ajouté, la loi oblige désormais les agents publics à rendre personnellement compte des violations des droits de l'homme qu’ils commettraient dans l'exercice de leurs fonctions.

M. Kiwanuka a ensuite souligné que son pays accueillait actuellement plus d’un million et demi de réfugiés, ce qui fait de l’Ouganda le plus grand pays d'accueil de réfugiés en Afrique. Les réfugiés se sentent en sécurité en Ouganda, a-t-il affirmé. Le Gouvernement leur accorde la pleine jouissance de tous les droits de l'homme garantis par la Constitution, sauf la participation politique, mais y compris la protection contre toute forme d'abus, de violence ou de mauvais traitement, a-t-il précisé.

Enfin, M. Kiwanuka a évoqué le traitement des enfants en conflit avec la loi, en soulignant notamment que le Gouvernement ougandais veillait à ce que les enfants soient traités comme tels en toutes circonstances. Les enfants qui commettent des délits mineurs ne sont plus détenus mais soumis à des avertissements, des cautions, des procédures d’excuses, de rapprochement, de réconciliation et de restitution ou d’autres sanctions excluant l'incarcération, laquelle est considérée comme une solution d’ultime recours, a-t-il expliqué. L’Ouganda dispose en outre de tribunaux et de magistrats spécialisés dans la justice pour les mineurs, a-t-il rappelé.

Questions et observations des membres du Comité

M. BAKHTIYAR TUZMUKHAMEDOV, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Ouganda, a d’abord rappelé que selon l’article 19 de la Convention, les États parties, dans l'exercice de leur volonté souveraine, se sont engagés à présenter tous les quatre ans des rapports sur les mesures qu'ils ont prises pour donner effet à leurs engagements au titre de la Convention. Il a souligné que le Comité n'est pas un tribunal, que ses observations finales ne sont pas des jugements et que sa mission est de surveiller le respect de la Convention, d'identifier des questions litigieuses et de donner des conseils pour y répondre.

M. Tuzmukhamedov a ensuite voulu savoir si l'Ouganda entendait ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture (qui prévoit la création de mécanismes nationaux de prévention). Relevant par ailleurs que le pays a adopté en 2006 la Loi sur les réfugiés, le corapporteur a demandé si l’Ouganda entendait retirer les déclarations et réserves qu'il a faites lors de son adhésion à la Convention (de 1951) relative au statut des réfugiés – car, a fait remarquer l’expert, s’il existe au sein du système des Nations Unies une agence spécialement mandatée pour traiter des besoins des réfugiés et assurer leur protection, ceux-ci sont souvent victimes de torture.

L’expert a relevé que la combinaison des articles 24 et 44 de la Constitution rendait absolu le droit de ne pas être soumis à la torture et que cette interdiction constitutionnelle de la torture était appliquée par le biais de la Loi de 2012 sur la prévention et l’interdiction de la torture. La définition de la torture énoncée dans cette Loi englobe non seulement l’acte prémédité mais aussi par omission et sanctionne non seulement la commission du délit mais aussi sa planification ; en outre, elle étend la responsabilité pour acte de torture au-delà des seuls agents publics et autres personnes agissant en leur capacité officielle, pour inclure aussi les personnes agissant à titre privé. Mais si la Loi définit les termes d’« agent officiel », elle ne définit pas ceux de « personnes agissant à titre privé », a fait observer M. Tuzmukhamedov, demandant à la délégation d’expliquer ce qu’il en est.

D’autre part, a poursuivi le corapporteur, il semble que la peine de quinze ans pour acte de torture, voire la prison à vie pour les tortures aggravées, réponde à l'exigence de la Convention selon laquelle l'infraction doit être passible de peines appropriées qui tiennent compte de la gravité de l’acte, a relevé l’expert, qui s’est enquis du nombre d'affaires portées devant les tribunaux en vertu de cette Loi de 2012 et de leur issue.

Après avoir rappelé la jurisprudence de la Cour constitutionnelle relativement à l’affaire Susan Kigula et al. (2015), dans laquelle quelque 417 condamnés à mort avaient contesté la peine de mort en général, et la peine de mort obligatoire en particulier, comme étant en contradiction avec plusieurs dispositions de la Constitution ougandaise, M. Tuzmukhamedov a demandé si la peine de mort était obligatoire pour les huit crimes passibles de cette peine énoncés dans plusieurs articles du Code pénal ou si une certaine latitude était offerte au juge. En 2019, a-t-il relevé, le Parlement a adopté un projet de loi abolissant la peine capitale obligatoire pour certains crimes et amendant quatre lois différentes : ce projet de loi a-t-il été signé par le Président et quelles sont les lois qui ont été amendées par ce projet de loi, a demandé l’expert ? Relevant par ailleurs qu’en dehors de ce que prévoit le Code pénal, plusieurs crimes au titre de la Loi antiterroriste sont également passibles de la peine de mort, accroissant d’autant le nombre d’infractions passibles de cette peine, le corapporteur a souhaité savoir si d’autres lois dont il n’aurait pas eu connaissance prévoient la peine de mort. Combien d’infractions sont-elles passibles de la peine de mort en vertu des lois ougandaises, a insisté l’expert ? La délégation a été priée de confirmer si l’information dont dispose le Comité selon laquelle la peine de mort n’a pas été appliquée en Ouganda depuis 2005 est exacte. Combien de personnes se trouvent-elles actuellement dans les couloirs de la mort en Ouganda, a par ailleurs demandé l’expert ?

M. Tuzmukhamedov a d’autre part voulu savoir si – et comment – les mesures antiterroristes prises par le pays avaient affecté la protection des droits de l’homme dans la loi et dans la pratique.

Relevant que selon ce qu’indique le paragraphe 6 du rapport, « [d]es groupes terroristes tels que l’Armée de résistance du Seigneur de Joseph Kony, les Forces démocratiques alliées et les voleurs de bétail du Karamoja et des régions voisines ont tous été neutralisés », M. Tuzmukhamedov s’est enquis de ce qu’il fallait entendre par « neutralisés », étant donné que Joseph Kony serait en réalité toujours en liberté, ce qui empêche l’affaire de la Cour pénale internationale contre lui de se poursuivre, alors que les Forces démocratiques alliées semblent semer le trouble dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu en République démocratique du Congo, frontalières de l’Ouganda.

Le corapporteur s’est ensuite enquis des mesures prises pour évaluer l'efficacité des programmes de formation destinés aux agents de l’État et leur effet sur la réduction des cas de torture et de mauvais traitements.

M. Tuzmukhamedov a aussi demandé si les militaires et policiers ougandais déployés à l'étranger dans le cadre des missions de paix des Nations Unies et de l'Union africaine étaient sensibilisés aux normes internationales de comportement auxquelles ils sont censés se conformer, s’agissant notamment de la Convention contre la torture et des dispositions relatives à la torture des Conventions de Genève.

Enfin, l’expert a constaté que si le rapport, au paragraphe 66, nie catégoriquement l'existence de lieux de détention non autorisés, la Commission ougandaise des droits de l'homme, dans son rapport de 2021, a consacré un chapitre entier aux disparitions forcées, tandis que la Commission parlementaire des droits de l'homme, dans son propre rapport publié en novembre 2019, a méticuleusement documenté ses visites manquées dans des « refuges » (safe houses) qui seraient utilisés pour des détentions non autorisées : l'accès a été refusé par le Ministre chargé de la sécurité lui-même.

M. ABDERRAZAK ROUWANE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Ouganda, a reconnu que depuis qu’il a ratifié la Convention en 1986, le pays a déployé des efforts considérables pour s’acquitter de certaines de ses obligations au titre de cet instrument, essentiellement en développant un cadre juridique et institutionnel global à cette fin. Néanmoins, a poursuivi l’expert, le Comité souhaite exprimer ses préoccupations concernant des informations et rapports soumis par différentes parties prenantes, notamment la Commission ougandaise des droits de l'homme et le Centre africain pour le traitement et la réadaptation des victimes de la torture (ACTV), qui pointent un fossé entre la loi et la pratique en matière de lutte contre la torture et les mauvais traitements. « Il est encore rapporté que la torture et les mauvais traitements restent largement et fréquemment pratiqués en Ouganda », a souligné M. Rouwane.

Ainsi, en 2021, la Commission ougandaise des droits de l’homme concluait, dans son rapport annuel au Parlement, que le droit de ne pas être soumis à la torture restait le droit humain le plus violé en Ouganda, avec 37% du total des cas enregistrés par la Commission. Le plus grand nombre de plaintes concernait les agences de sécurité, avec une augmentation marquée en 2021 par rapport à 2020, a fait observer M. Rouwane. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) confirment les constats et conclusions de la Commission, et des entretiens avec des victimes ont permis de recenser un large éventail de pratiques de torture, y compris la torture physique telle que les traumatismes contondants, les coups de poing, les coups de pied et les gifles, a ajouté l’expert. Des victimes ont déclaré avoir subi des coups de feu, s'être fait arracher les ongles, avoir été exposées à des brûlures, avoir été attachées et fixées dans des positions stressantes ; des tortures sexuelles ont aussi été dénoncées.

Il est aussi signalé que pendant la pandémie les forces de l'ordre ont eu recours à des coups, des tirs et d’autres actes cruels pour faire respecter les directives sanitaires, a poursuivi l’expert. M. Rouwane a encore cité le « cas emblématique » de M. Kakwenza Rukirabashaija, écrivain ougandais internationalement reconnu, victime présumée d'arrestation arbitraire, de détention au secret et de torture pour avoir critiqué le Gouvernement.

Il est par ailleurs allégué que des actes de torture et de mauvais traitements auraient été pratiqués contre des personnes accusées d’être impliquées dans des vols de bétail dans la sous-région de Karamoja, a ajouté le corapporteur. Il s’est enquis des mesures prises pour établir un système complet de recueil et de stockage de données concernant les cas allégués de torture et de mauvais traitement, respectivement au sein des forces de police, des services pénitentiaires et des Forces de défense populaires.

Certains observateurs reconnaissent que les services pénitentiaires ougandais ont pris des mesures pour prévenir la torture et les mauvais traitements, ce qui a permis de réduire de manière significative l'incidence de la torture dans les prisons ; mais ils relèvent également que les mauvais traitements existent toujours dans les prisons, en particulier les coups infligés aux détenus par les Katikiros (chefs désignés parmi les détenus), tandis que les gardiens de prison utiliseraient l'isolement et la bastonnade comme mesures disciplinaires, a fait observer l’expert.

M. Rouwane a ensuite regretté une « incapacité » à enquêter efficacement, en Ouganda, sur les cas de torture et de mauvais traitements, une situation qui serait en partie due à la non-application du règlement de 2017 sur la prévention et l’interdiction de la torture par les agences concernées. À cet égard, la promulgation du projet de loi sur la protection des témoins améliorerait considérablement la qualité des preuves et augmenterait les chances de succès des poursuites, a fait remarquer l’expert.

M. Rouwane a ensuite fait état d’un problème de surpopulation carcérale en Ouganda, avec, en 2021, 67 318 prisonniers pour 19 986 places. Ce problème serait en partie dû au nombre élevé de prisonniers en détention provisoire, soit – toujours en 2021 – 34 847 placés en détention provisoire, contre 32 246 condamnés.

M. Rouwane a estimé que le Protocole d'Istanbul, dans sa version révisée en 2022, devrait être pris en compte par l’Ouganda. Il a demandé quels étaient les plans du Gouvernement pour améliorer les conditions de détention dans les prisons conformément aux Règles Nelson Mandela, en particulier en ce qui concerne la surpopulation, l’alimentation, le travail forcé et les mauvais traitements infligés aux personnes détenues. L’expert a aussi prié la délégation de dire ce qui avait été fait pour que toute personne privée de liberté ait accès, dès le début de sa détention, à un médecin indépendant et à un avocat et qu'elle puisse contacter les membres de sa famille, comme le garantit la Constitution.

Parmi de nombreuses autres observations, l’expert a demandé si l’Ouganda adopterait une politique de réadaptation complète des victimes de torture et de mauvais traitements conformément à l'Observation générale n° 3 (2012) du Comité contre la torture. M. Rouwane a fait remarquer que des informations parvenues au Comité indiquent que l'État ne fournirait aux migrants survivants de la torture que des soins de santé de base et que ces migrants n’auraient pas accès à des services de réhabilitation spécialisés.

D’autres experts membres du Comité ont posé des questions sur la prévention des violences sexuelles en Ouganda ; la responsabilité pénale des supérieurs hiérarchiques d’auteurs d’actes de torture ; ou encore la coopération du pays avec la Cour pénale internationale.

Réponses de la délégation

La délégation ougandaise a souligné que les principes de la Convention sont cités par les tribunaux ougandais dans la mesure où ils ont été repris dans le droit national, à savoir dans la Loi sur la prévention et l'interdiction de la torture de 2012.

Le Gouvernement a pris note des buts du Protocole facultatif à la Convention, concernant la création d’un mécanisme national de prévention de la torture, a par ailleurs déclaré la délégation, avant de rappeler que plusieurs institutions sont déjà chargées de protéger les droits des personnes privées de liberté en Ouganda.

La Commission ougandaise des droits de l’homme est un partenaire essentiel dans la réalisation des droits de l’homme en Ouganda, même si le Gouvernement n’est pas toujours d’accord avec ses constatations, a d’autre part expliqué la délégation. L’indépendance de cette institution se manifeste notamment dans sa capacité à interpeller directement l’exécutif et à travailler sans ingérence de ce dernier, a-t-elle souligné.

Le Gouvernement a élaboré un plan national pour les droits de l’homme qui tient compte des recommandations adressées à l’Ouganda dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU), y compris en ce qui concerne les enquêtes et poursuites pour cas de torture.

La délégation a assuré que les autorités de poursuite ne restent pas inactives face aux allégations de torture . En 2021-2022, a-t-elle précisé, le parquet a été saisi de 1515 cas impliquant des traitements cruels, inhumains et dégradants, et a obtenu 885 condamnations. La délégation a regretté que le Centre africain pour le traitement et la réadaptation des victimes de la torture n’ait pas tenu compte, dans son rapport, des suites déjà données par les autorités à plusieurs affaires. Les chiffres d’organisations non gouvernementales (ONG) concernant le nombre de détenus victimes de torture ou de mauvais traitements ne sont pas étayés par les données statistiques, a d’autre part déclaré la délégation.

La peine de mort n’est plus obligatoire en Ouganda [pour les crimes qui en sont passibles] depuis l’affaire Kigula, a ensuite indiqué la délégation : la Cour a en effet statué que les juges pouvaient décider eux-mêmes de la peine maximale à infliger, y compris la peine de mort s’ils l’estiment nécessaire. Chaque condamnation à la peine de mort fait l’objet d’un examen attentif par la Cour suprême ; les personnes condamnées à mort qui n’ont pas été exécutées après [un délai de] trois ans [suivant leur condamnation] voient leur peine commuée en détention à vie, a-t-il été précisé.

Vingt-huit crimes sont passibles de la peine de mort en Ouganda : ils sont précisés dans le Code pénal, dans la Loi antiterroriste et dans la Loi relative aux Forces de défense populaires, a-t-il ensuite été précisé en réponse à la demande d’un expert.

Un expert du Comité s’étant interrogé sur les conditions d’invocation de l’ habeas corpus en Ouganda, la délégation a rappelé que la Constitution garantit ce recours et permet à toute personne arrêtée ou détenue de manière illicite d’exiger réparation des autorités. Quelque 48 demandes de recours en habeas corpus ont été faites en 2021, et seize en 2022, a précisé la délégation.

L’Ouganda est très soucieux d’accueillir dignement les réfugiés sur son territoire, a par ailleurs souligné la délégation. Tous les camps de réfugiés sont des espaces sûrs pour ces personnes et sont dotés, en particulier, de services de police et de santé, a-t-elle assuré.

L’Ouganda, qui n’extrade personne vers un pays où un risque de torture est encouru, n’a jamais eu besoin de recourir à des « assurances diplomatiques » à ce sujet, a ajouté la délégation.

S’agissant des conditions de détention, la délégation a assuré n’avoir jamais entendu de cas où des prisonniers dormaient sous une tente, comme cela a pu être dit par un expert du Comité. L’Ouganda compte 265 lieux de détention pour quelque 71 000 personnes détenues, a-t-elle indiqué. Les lieux de détention font l’objet de contrôles réguliers et indépendants par la Commission des droits de l’homme, a-t-elle rappelé. La délégation a aussi évoqué le mécanisme de surveillance indépendant, connu sous le nom de Visiting Justices (juges visiteurs), mis en place dans 73 districts afin d'effectuer des visites de contrôle et d'inspection pour évaluer les conditions de vie et de travail dans les prisons.

Le service pénitentiaire ougandais est l’un des meilleurs du continent africain et le taux de récidive est bas, a par ailleurs affirmé la délégation. Elle a également décrit le système d’aide juridictionnelle mis en place en Ouganda ainsi que les services éducatifs et sanitaires offerts aux détenus.

L’Ouganda n’est pas épargné par le problème du terrorisme, a poursuivi la délégation. Les autorités sont conscientes de l’importance de respecter les droits de l’homme dans la lutte contre le terrorisme et il est faux de prétendre que le terrorisme a été utilisé par les autorités comme prétexte pour bafouer les droits de l’homme, a-t-elle affirmé.

Le Gouvernement n’entretient aucune prison clandestine (ou safe houses), a d’autre part assuré la délégation. Sur demande de la commission permanente des droits de l’homme du Parlement, la Commission nationale des droits de l’homme a réalisé une enquête sur les centres de détention, qui a permis d’établir qu’il n’existait pas de lieux [de détention] secrets. Le Gouvernement peut rendre compte de chaque personne détenue et veille à ce que les suspects soient détenus de manière digne dans des lieux de détention contrôlés, a insisté la délégation. Elle a regretté que certaines personnes en conflit avec la loi crient à la persécution et lancent des allégations infondées sur cette question.

Nul n’est placé en détention sans mandat, a ajouté la délégation. En 2022, le pouvoir judiciaire a procédé au recrutement de plusieurs fonctionnaires de justice, entre autres mesures pour accélérer le traitement des dossiers de personnes placées en détention préventive. La délégation a fait état d’une forte réduction, depuis trois ans, du nombre des affaires judiciaires en suspens.

Le Gouvernement s’attaque au problème de la violence sexuelle par des efforts de sensibilisation, a expliqué la délégation. La formation des policiers contient un volet sur la prise en charge des victimes de violence sexiste ou sexuelle, a-t-elle ensuite fait valoir. Des tribunaux spécialisés dans ce domaine ont été créés depuis 2018 et le Gouvernement a adopté une stratégie nationale de lutte contre la violence sexiste, a-t-elle ajouté.

Les forces armées, dans leurs opérations de désarmement de civils armés dans la région de Karamoja, suivent un code de conduite ; tout abus dans ce contexte de la part des soldats est sanctionné, a assuré la délégation en réponse à la question d’un membre du Comité.

Les soldats ougandais engagés dans des missions de maintien de la paix à l’étranger reçoivent une formation préalable dans le domaine des droits de l’homme, a également souligné la délégation.

Policiers et gardiens de prison suivent des formations basées sur le Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul), a par ailleurs indiqué la délégation.

Un membre du Comité ayant demandé comment le Gouvernement réagissait aux incidents meurtriers de vindicte populaire, la délégation a expliqué que les autorités s’efforçaient de remédier au problème par le biais de l’éducation et de la sensibilisation au fonctionnement du système judiciaire moderne, fondé sur la notion de procès équitable.

Un expert ayant voulu savoir si l’Ouganda entendait faciliter le dépôt de communications (plaintes) par des citoyens devant les organes de traités onusiens des droits de l’homme, la délégation a estimé que son pays disposait de mécanismes suffisants pour réparer tous les torts qui pourraient se produire, et que la priorité devrait aller au renforcement des systèmes de recours au niveau des pays, avant d’envisager la saisine d’organes conventionnels.

Des experts s’étant enquis de l’état d’avancement du projet de loi interdisant les châtiments corporels, il a été expliqué que ces châtiments étaient interdits et qu’aucun texte de loi ne les autorisait.

La délégation a répondu à d’autres questions des experts portant sur la nomination des juges, la hiérarchie des lois ou encore les événements violents survenus pendant les élections de novembre 2020.

 

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