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Les experts du Comité des droits de l’homme s’inquiètent des nombreuses informations faisant état de violations graves des droits de l’homme en Éthiopie, en particulier dans le contexte du conflit dans le nord du pays

Compte rendu de séance

 

Le Comité des droits de l'homme a conclu ce matin l’examen, entamé hier, du rapport soumis par l’Éthiopie au titre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les membres du Comité ont salué le relèvement de la Commission éthiopienne des droits de l’homme du statut «B» au statut «A» de pleine conformité aux Principes de Paris, ainsi que l’amélioration de la représentation des femmes au Parlement. Ils ont toutefois fait part de nombreuses préoccupations s’agissant de la situation dans le pays.

Nombre d’experts se sont inquiétés de l’impact des mesures prises au cours des trois périodes d’état d’urgence déclaré dans le pays (2016, 2018 et février 2020 – cette dernière en rapport avec la COVID-19). Un expert a fait part d’informations reçues par le Comité selon lesquelles des états ou des situations d’urgence récents ont entraîné le ciblage et la détention de personnes d’origine ethnique tigréenne. D’après les informations reçues par le Comité, s’est pour sa part inquiétée une experte, il existe un état d’urgence si ce n’est de jure, au moins de facto, notamment dans les régions du Tigré, d’Amhara et d’Afar ; et cet état d’urgence de facto s’accompagne de mesures très préoccupantes telles que l’obligation des parents d’enrôler leurs enfants.

Depuis le conflit dans les régions du Tigré, Amhara, Afar et Oromia, les violences sexuelles et fondées sur le genre, largement documentées, sont systématiques, à grande échelle et utilisées comme arme de guerre par les différentes groupes armés, étatiques comme privés, a-t-il été observé. Depuis novembre 2020, notamment dans ces quatre régions, un nombre considérable de rapports crédibles, solides et détaillés font état de trafic d’enfants, en particulier à des fins d’exploitation sexuelle, s’est inquiétée une experte, soulignant que la situation des enfants s’est dramatiquement dégradée depuis le début du conflit.

Par ailleurs, a-t-il été ajouté, le Comité a reçu des informations concernant de très graves violences sexuelles infligées aux femmes détenues, au simple motif parfois qu’elles sont soupçonnées d’être des opposantes au Gouvernement ou que des membres de leurs familles le sont. Une experte a également fait état de viols ou de menaces de viol pour que des victimes de torture se taisent et ne portent pas plainte.

Un expert s’est inquiété d’allégations selon lesquelles, depuis le début du conflit en 2019, les forces de sécurité auraient eu recours systématiquement à la torture dans les régions en conflit. Par ailleurs, entre novembre 2021 et février 2022, il y a eu au moins 11 527 cas d’arrestations et de détentions arbitraires en Éthiopie, a-t-il été déploré. Si la plupart des personnes concernées ont été libérées par la suite, beaucoup sont toujours en détention, a-t-il été ajouté.

Dans les centres de détention en Éthiopie, les individus sont détenus dans des pièces sombres – soit dans la solitude, soit dans des conditions de surpeuplement – sans nourriture adéquate, et sont régulièrement battus par les gardiens, s’est inquiété un expert, déplorant en outre la médiocrité des soins médicaux dans ces centres.

Il a par ailleurs été relevé que les constitutions de plusieurs États régionaux du pays excluent les groupes minoritaires de la protection prévue par les dispositions relatives à l’égalité. Un expert s’est inquiété de rapports provenant de sources crédibles qui indiquent que les meurtres à caractère ethnique se sont généralisés en Éthiopie depuis 2018, perpétrés par des forces de sécurité rivales et des groupes militants.

En outre, il est allégué qu’il existe une culture de l’impunité en ce qui concerne les abus commis par les forces de sécurité et d’autres agents de l’État contre la population civile, a déploré cet expert.

Une experte a fait état d’informations particulièrement inquiétantes reçues par le Comité concernant des condamnations pénales de personnes adultes qui ont eu des relations sexuelles avec des personnes de même sexe, et concernant aussi l’absence de protection des personnes LGBT attaquées, violentées, stigmatisées et marginalisées du fait de leur orientation sexuelle.

Par ailleurs, la polygamie semble interdite dans les textes mais très largement appliquée en pratique et il apparaît que le viol entre époux ne saurait constituer une infraction du fait de l’obligation maritale de consommer le mariage, a fait observer une experte.

S’agissant des droits des peuples autochtones, un expert s’est inquiété de la précarité de leur existence, en raison de projets de développement – comme celui du barrage Gibe III – empiétant sur leurs terres et leurs ressources.

Les membres du Comité ont en outre attiré l’attention sur la situation des réfugiés et des personnes déplacées internes en Éthiopie.

Présentant le rapport de son pays, M. Alemante Agidew Wondimeneh, Ministre d’État à la Division des affaires juridiques et du service de justice du Ministère de la justice de l’Éthiopie, a souligné que malgré la situation politique et sécuritaire extrêmement difficile dans le pays, le Gouvernement a redynamisé ses réformes nationales qui ont débuté en avril 2018 et continue d’entreprendre des réformes politiques, institutionnelles et législatives radicales pour améliorer la situation des droits de l’homme en Éthiopie.

Il y a quatre ans, a rappelé le chef de la délégation, le Gouvernement éthiopien a non seulement commencé son mandat en reconnaissant toutes les graves violations des droits humains perpétrées par les services de sécurité et en présentant des excuses à ce sujet, mais il a également accordé des grâces et des amnisties à des milliers de détenus, en particulier ceux qui avaient déjà été inculpés et condamnés en vertu de l’ancienne Proclamation antiterroriste, qui a été modifiée depuis. Pour ouvrir l’espace politique, a poursuivi le Ministre d’État, tous les groupes politiques d’opposition précédemment interdits et désignés comme organisations terroristes en vertu de la précédente Proclamation ont vu cette désignation révoquée ; cette décision historique a permis aux dirigeants et aux membres des partis politiques de retourner en Éthiopie après des décennies d’exil forcé. Le Gouvernement a également identifié de hauts responsables et des membres des forces de sécurité et d’application de la loi soupçonnés d’avoir supervisé et perpétré certaines des pires formes de violations des droits humains de l’histoire récente et a engagé des poursuites contre eux, a-t-il ajouté. Ces mesures correctives et de responsabilisation s’accompagnent d’une réforme juridique et institutionnelle globale axée sur le secteur de la sécurité, les institutions démocratiques et le système judiciaire.

Malheureusement, trois séries de guerres brutales ont été déclenchées dans le nord de l’Éthiopie par un ancien parti politique au pouvoir, le désormais désigné groupe terroriste Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), a poursuivi le chef de la délégation. Ce conflit a eu un impact considérable sur les efforts nationaux visant à assurer le respect des droits civils et politiques, a déclaré M. Agidew Wondimeneh, soulignant qu’après avoir perdu le pouvoir, le FLPT et ses affiliés se sont efforcés de manière consciente et calculée de faire dérailler le processus de réforme. Le Gouvernement a exploré toutes les pistes possibles pour éviter des altercations politiques inutiles ou des conflits avec le FLPT, a assuré le chef de la délégation. Cependant, le geste positif du Gouvernement en faveur de la paix et du dialogue par l’intermédiaire de différents interlocuteurs a été sommairement rejeté, a-t-il déploré.

La délégation éthiopienne était également composée, entre autres, de M. Zenebe Kebede Korcho, Représentant permanent de l’Éthiopie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère de la justice, du Ministère de la planification et du développement et du Ministère des affaires étrangères.

Le Comité adoptera ultérieurement, dans le cadre de séances privées, ses observations finales sur le rapport de l’Éthiopie et les rendra publiques à l'issue de la session, qui se termine le 4 novembre prochain.

 

Demain après-midi, à 15 heures, le Comité des droits de l'homme entamera l'examen du rapport du Nicaragua.

 

Examen du rapport

Le Comité est saisi du rapport de l’Éthiopie, ainsi que des réponses apportées par le pays à une liste de points à traiter que lui avait adressée le Comité.

Présentation du rapport

M. ALEMANTE AGIDEW WONDIMENEH, Ministre d’État à la Division des affaires juridiques et du service de justice du Ministère de la justice de l’Ethiopie, a indiqué que malgré la situation politique et sécuritaire extrêmement difficile dans le pays, le Gouvernement a redynamisé ses réformes nationales qui ont débuté en avril 2018 et continue d’entreprendre des réformes politiques, institutionnelles et législatives radicales pour améliorer la situation des droits de l’homme en Éthiopie.

Il y a quatre ans, a rappelé le chef de la délégation, le Gouvernement éthiopien a non seulement commencé son mandat en reconnaissant toutes les graves violations des droits humains perpétrées par les services de sécurité et en présentant des excuses à ce sujet, mais il a également accordé des grâces et des amnisties à des milliers de détenus, en particulier ceux qui avaient déjà été inculpés et condamnés en vertu de l’ancienne Proclamation antiterroriste, qui a été modifiée depuis.

Pour ouvrir l’espace politique, a poursuivi le Ministre d’État, tous les groupes politiques d’opposition précédemment interdits et désignés comme organisations terroristes en vertu de la précédente Proclamation ont vu cette désignation révoquée ; cette décision historique a permis aux dirigeants et aux membres des partis politiques de retourner en Éthiopie après des décennies d’exil forcé. En outre, des journalistes, des écrivains, des politiciens, des médias et des organisations politiques exilés ont pu rentrer dans le pays et opérer en toute liberté. Les interdictions, la suppression et le blocus des blogs, des sites Web et des chaînes de télévision par satellite ont été levés. Des lieux de détention secrets et des sites physiques où des atrocités flagrantes des droits de l’homme avaient été perpétrées par les forces de sécurité et les forces de l’ordre ont été identifiés, révélés publiquement et fermés définitivement, a par ailleurs souligné M. Agidew Wondimeneh. Le Gouvernement a également identifié de hauts responsables et des membres des forces de sécurité et d’application de la loi soupçonnés d’avoir supervisé et perpétré certaines des pires formes de violations des droits humains de l’histoire récente et a engagé des poursuites contre eux, a-t-il ajouté.

Ces mesures correctives et de responsabilisation s’accompagnent d’une réforme juridique et institutionnelle globale axée sur le secteur de la sécurité, les institutions démocratiques et le système judiciaire. Les réformes visent à accroître la transparence et la responsabilisation et à établir un système de freins et contrepoids institutionnels qui facilite un respect, une protection et une promotion plus significatifs des droits de l’homme en Éthiopie, a indiqué le chef de la délégation. Dans cette optique, a-t-il ajouté, l’Éthiopie a fait avancer une réforme spécifique visant à renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire en modifiant la Proclamation sur l’administration judiciaire et la Proclamation portant création des tribunaux fédéraux. En outre, l’administration en charge des prisons fédérales a également été réformée pour rendre le traitement des prisonniers pleinement conforme aux normes internationales et, pour renforcer le droit des citoyens de participer pleinement à la vie politique, une nouvelle loi électorale a été rédigée, qui devrait être adoptée prochainement.

En résumé, malgré les défis à relever, les mesures de réforme radicale adoptées à ce jour conduiront à une consolidation démocratique profonde et garantiront progressivement l’enracinement des normes démocratiques, a affirmé le Ministre d’État.

Malheureusement, trois séries de guerres brutales ont été déclenchées dans le nord de l’Éthiopie par un ancien parti politique au pouvoir, le désormais désigné groupe terroriste Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), a poursuivi le chef de la délégation. En outre, la violence armée violente à motivation ethnique dans certaines localités s’est soldée, « pour un nombre considérable de nos citoyens », par la mort et le déplacement, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles, des actes de torture et des traitements dégradants, ainsi que par la destruction massive de biens et de moyens de subsistance.

Ce conflit a eu un impact considérable sur les efforts nationaux visant à assurer le respect des droits civils et politiques, a souligné M. Agidew Wondimeneh.

Après avoir perdu le pouvoir, le FLPT et ses affiliés se sont efforcés de manière consciente et calculée de faire dérailler le processus de réforme, a déclaré le Ministre d’État. Il a affirmé que pendant trois décennies, le FLPT avait imposé un régime autoritaire, dominé le pouvoir politique, contrôlé tous les établissements de sécurité et institué un réseau népotique de corruption généralisée, se livrant à des violations des droits de l’homme, remplissant les prisons de prisonniers politiques et gérant plusieurs centres de détention clandestins où les détenus étaient soumis à la torture et à des traitements inhumains.

Le Gouvernement a exploré toutes les pistes possibles pour éviter des altercations politiques inutiles ou des conflits avec le FLPT, a assuré le chef de la délégation. Cependant, le geste positif du Gouvernement en faveur de la paix et du dialogue par l’intermédiaire de différents interlocuteurs, y compris des personnalités éminentes, d’anciens collègues et des chefs religieux, a été sommairement rejeté, a-t-il déploré.

En dépit de la décision d’institutions mandatées par la Constitution elle-même – à savoir le Conseil électoral, suivi par le Conseil d’enquête constitutionnelle – de ne pas tenir, en raison de la pandémie de COVID-19, les élections générales qui devaient avoir lieu en juin 2020, l’administration régionale du Tigré d’alors, gérée par le FLPT, dans un geste de complète défiance, a entrepris de tenir une élection illégale le 9 septembre 2020, sans l’approbation ni la participation du Conseil électoral, qui est l’unique organe de gouvernance pour les élections, a rappelé M. Agidew Wondimeneh.

« La tension politique latente s’est transformée en un conflit à grande échelle à la suite du lancement d’une attaque à part entière par les soi-disant forces spéciales du Tigré et leurs milices alliées contre le commandement nord des Forces de défense nationale éthiopiennes le 3 novembre 2020, massacrant d’innombrables officiers des Forces de défense nationale stationnées dans la région depuis pas moins de deux décennies », a indiqué le chef de la délégation éthiopienne. Chacun admettra que cette trahison du FLPT était un comportement qu’aucune nation digne n’aurait négligé, a-t-il ajouté, expliquant qu’après cette attaque, le Gouvernement n’avait d’autre option que de prendre des mesures effectives pour restaurer la loi et l’ordre et faciliter un environnement propice pour la protection du bien-être et des droits des citoyens. Toutefois, lorsque le FLPT a eu recours à des attaques constantes contre l’armée fédérale en se cachant parmi la population civile, le Gouvernement éthiopien a unilatéralement déclaré un cessez-le-feu le 28 juin 2021 et a retiré ses forces de la région du Tigré, afin d’éviter d’inutiles effusions de sang. Malheureusement, cette déclaration de cessez-le-feu n’a pas été suivie réciproquement par le FLPT, qui a au contraire étendu le conflit aux régions Afar et Amhara, amenant le Gouvernement fédéral à lancer une contre-offensive et à repousser les forces du FLPT dans la région du Tigré.

Au cours des mois où elles ont occupé les différentes zones des régions Afar et Amhara, les forces du FLPT se sont livrées à des violences organisées et systématiques contre les femmes, à des meurtres aveugles de civils et à des pillages et destructions généralisés d’institutions financières, de bureaux gouvernementaux, d’usines, d’écoles et de cliniques. Ces violations graves sont bien documentées et le Gouvernement est déterminé à traduire les responsables en justice, a affirmé M. Agidew Wondimeneh.

Le conflit a laissé une tâche profonde sur l’histoire du pays. L’ampleur et la gravité des violations des droits civils, politiques et socioéconomiques des citoyens sont énormes. C’est dans un tel contexte que l’équipe d’enquête conjointe de la Commission éthiopienne des droits de l’homme et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur toutes les allégations de violations commises dans le Tigré a été créée en mars 2021. Le rapport de l’Équipe conjointe d’enquête attribue différents niveaux de responsabilité à tous les acteurs du conflit. Mais elle n’a pas conclu que le crime de génocide ou l’utilisation de la famine comme moyen de guerre avait été commis, a souligné le chef de la délégation éthiopienne. En outre, a-t-il ajouté, le Gouvernement éthiopien a exprimé son engagement à l’égard des conclusions tirées dans le rapport, établissant notamment une cellule interministérielle sur la responsabilisation (IMTF). Le Gouvernement éthiopien rejette l’impunité sous toutes ses formes, a insisté le Ministre d’État.

Dans ce contexte, M. Agidew Wondimeneh a déclaré que le Gouvernement éthiopien considère les initiatives de la Commission internationale d’experts des droits de l’homme sur l’Éthiopie créée par le Conseil des droits de l’homme comme redondantes et politiquement inspirées. L’Ethiopie continue de contester à la fois la création de cette Commission et ses constatations et conclusions.

S’agissant de l’intégration des droits de l’homme, en particulier des questions de genre, l’Éthiopie a amélioré l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes, a poursuivi le chef de la délégation. Les indicateurs sexospécifiques ont montré une représentation accrue des femmes à divers postes clefs, a-t-il fait valoir.

Le Ministre d’État a par ailleurs souligné qu’après avoir été reporté d’un an en raison de la pandémie de COVID-19, les élections générales ont finalement eu lieu en juin 2021, suivies de la formation d’un nouveau Gouvernement dans lequel des dirigeants de grands partis d’opposition se sont notamment vu accorder des postes ministériels.

S’agissant des personnes déplacées à l’intérieur du pays, M. Agidew Wondimeneh a notamment indiqué que son pays avait déposé l’instrument de ratification de la Convention de Kampala et avait entrepris d’en intégrer les dispositions dans sa législation interne.

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a relevé que les constitutions de plusieurs États régionaux du pays excluent les groupes minoritaires de la protection prévue par les dispositions relatives à l’égalité. Il a dès lors demandé à la délégation comment renforcer les mécanismes nationaux pour veiller à ce que les constitutions régionales soient conformes à la Constitution fédérale et au Pacte.

L’expert a en outre salué le relèvement de la Commission éthiopienne des droits de l’homme du statut «B» au statut «A» de pleine conformité aux Principes de Paris.

Une autre experte a indiqué que depuis l’adoption du rapport – qui a été préparé en 2020 dans un contexte d’urgence sanitaire en lien avec la pandémie de COVID-19 –, la situation interne du pays a dramatiquement changé, à partir de novembre 2020. Aussi, l’experte a-t-elle tenu à distinguer les différentes situations d’urgence depuis 2020. Concernant l’avant novembre 2020, elle a rappelé que, s’agissant des mesures prises au cours des trois périodes d’état d’urgence déclaré (2016, 2018 et février 2020 – cette dernière en rapport avec la COVID-19), il y avait des conditions substantielles à prendre en compte comme la proportionnalité et la nécessité des mesures, leur caractère limité dans le temps et le fait que certains droits dont la liste est fixée par le Pacte sont indérogeables. S’agissant de l’état d’urgence en lien avec le conflit interne depuis novembre 2020, elle a également rappelé que le Pacte doit continuer à s’appliquer en situation de conflit armé interne. D’après les informations reçues, l’experte a relevé qu’il existe un état d’urgence si ce n’est de jure, au moins de facto notamment dans les régions du Tigré, Amhara et Afar. Cet état d’urgence de facto s’accompagne de mesures très préoccupantes telles que l’obligation des parents d’enrôler leurs enfants. Si les parents refusent d’enrôler leurs enfants, ils peuvent être détenus et/ou battus, s’est-elle inquiétée.

L’experte a également fait part d’informations particulièrement inquiétantes reçues par le Comité concernant des condamnations pénales de personnes adultes qui ont eu des relations sexuelles avec des personnes de même sexe, et concernant aussi l’absence de protection des personnes LGBT attaquées, violentées, stigmatisées et marginalisées du fait de leur orientation sexuelle, ainsi que l’absence de poursuite à l’encontre des auteurs de discours de haine qui font passer les personnes LGBT pour des violeurs d’enfants, ou encore l’absence d’accès au soin pour les personnes infectées par le VIH, y compris celles infectées du fait de violences sexuelles commises pendant le conflit armé.

En ce qui concerne la polygamie, l’experte a relevé qu’elle semble interdite dans les textes mais très largement appliquée en pratique.

S’agissant du viol entre époux, l’experte a relevé que le rapport de l’Ethiopie indique qu’il ne saurait constituer une infraction du fait de l’obligation maritale de consommer le mariage. Elle a également souhaité savoir où en étaient les mesures de lutte contre les mutilations génitales féminines.

De manière plus générale, le Comité a reçu des informations concernant de très graves violences sexuelles infligées aux femmes détenues, au simple motif parfois qu’elles sont soupçonnées d’être des opposantes au Gouvernement ou que des membres de leurs familles le sont, a déploré l’experte. L’experte a également fait état de viols ou de menaces de viol pour que des victimes de torture se taisent et ne portent pas plainte. Elle a indiqué que selon des informations obtenues par le Comité, ces femmes en détention se faisaient insulter et raser les cheveux et cela, dans un climat d’impunité absolue.

L’experte a ajouté que depuis le conflit dans les régions du Tigré, Amhara, Afar et Oromia, les violences sexuelles et fondées sur le genre, largement documentées, sont systématiques, à grande échelle et utilisées comme arme de guerre par les différentes groupes armés, étatiques comme privés : viols, viols collectifs, insultes, meurtres, tortures, enlèvements d’enfants et de jeunes femmes, insertion forcée d’objets dans le vagin ou l’anus des victimes, transmission intentionnelle du VIH ou encore réduction à l’état d’esclaves sexuelles.

Un autre expert s’est enquis des mécanismes mis en place en Éthiopie pour lutter contre la corruption. Cet expert a par ailleurs indiqué que le Comité a reçu des informations selon lesquelles des états ou des situations d’urgence récents ont entraîné le ciblage et la détention de personnes d’origine ethnique tigréenne. À Addis-Abeba, les entreprises appartenant à des Tigréens ont été fermées temporairement et pour la plupart sans justification suffisante, s’est inquiété l’expert.

Entre novembre 2021 et février 2022, il y a eu au moins 11 527 cas d’arrestations et de détentions arbitraires en Éthiopie, a par ailleurs déploré ce même expert. Si la plupart des personnes concernées ont été libérées par la suite, beaucoup sont toujours en détention. Les forces de sécurité fédérales et régionales ont maltraité des membres et des sympathisants de groupes d’opposition, en particulier lors de ce qui est désigné comme étant des «opérations de maintien de l’ordre», certains détracteurs du Gouvernement fédéral étant victimes de disparition forcée, de détention arbitraire, voire tués au cours de ces opérations, s’est inquiété l’expert.

Un autre expert a demandé des informations sur l’état d’avancement et les résultats des enquêtes pénales menées sur les violations des droits de l’homme commises dans le passé par les forces de l’ordre et les forces de sécurité dans la région Somali, en particulier à la « prison Ogaden ».

Un expert a, quant à lui, demandé pourquoi le pays n’abolissait pas la peine de mort alors que l’Ethiopie a instauré un moratoire prolongé de facto de la peine capitale. Cet expert a par ailleurs demandé à la délégation de fournir des informations sur les programmes existants de réparation pour les victimes de violations commises par les forces de l’ordre et les forces de sécurité. Il s’est également inquiété d’allégations selon lesquelles, depuis le début du conflit en 2019, les forces de sécurité auraient eu recours systématiquement à la torture dans les régions en conflit.

Dans les centres de détention en Éthiopie, les individus sont détenus dans des pièces sombres, soit dans la solitude, soit dans des conditions de surpeuplement, sans nourriture adéquate, et sont régulièrement battus par les gardiens, s’est inquiété un expert, déplorant en outre la médiocrité des soins médicaux dans ces centres.

Depuis novembre 2020, notamment dans les régions sous état d’urgence (Tigré, Amhara, Afar et Oromia), une experte a fait état d’un nombre considérable de rapports crédibles, solides et détaillés concernant le trafic d’enfants, en particulier à des fins d’exploitation sexuelle. L’experte a observé que la situation des enfants s’est dramatiquement dégradée depuis le début du conflit. Elle a ainsi notamment relevé que pour les enfants en infraction avec la loi, les arrestations se font sans mandat, les mineurs n’ayant pas droit à une justice spécialisée adaptée à leur condition de mineur. L’experte s’est en outre inquiétée des mauvais traitements et abus contre les enfants orphelins ou placés dans des institutions.

Un autre expert a relevé que selon certaines informations, des réfugiés érythréens avaient été pris pour cible et mis en danger par les parties au conflit armé en cours dans le nord de l’Éthiopie, et que nombre d’entre eux avaient été tués, déplacés, portés disparus ou refoulés. En conséquence, deux camps de réfugiés du Tigré ont cessé leurs activités, déclenchant des mouvements spontanés de la population réfugiée des camps du Tigré vers d’autres régions. L’expert a en outre relevé que depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle procédure de détermination du statut de réfugié, le nombre de nouveaux arrivants enregistrés en tant que réfugiés érythréens a considérablement diminué.

L’expert s’est en outre inquiété de la situation des trois millions de personnes déplacées à l’intérieur de l’Éthiopie en raison de conflits armés et de catastrophes naturelles, et du fait que la plupart d’entre elles vivent dans des conditions humanitaires désastreuses et dépendent des organismes d’aide pour leur survie.

Un expert a félicité l’Ethiopie pour l’amélioration de la représentation des femmes au Parlement, espérant que cette évolution ait un effet d’entraînement sur l’amélioration de la situation juridique des femmes dans la société.

Un autre expert s’est inquiété d’innombrables rapports, provenant de diverses sources crédibles, concernant le harcèlement continu de journalistes, de personnalités politiques et de défenseurs des droits de l’homme. Bien que la liberté d’expression puisse être limitée dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, la critique légitime du Gouvernement ne compromet pas ces objectifs et renforce plutôt qu’elle ne sape la démocratie et la bonne gouvernance, a-t-il souligné. L’expert s’est aussi inquiété de coupures d’Internet couramment pratiquées dans le pays. Il s’est en outre inquiété que la loi antiterroriste puisse être utilisée pour écraser des formes d’expression légitimes.

L’expert s’est par ailleurs inquiété de rapports provenant de sources crédibles qui indiquent que les meurtres à caractère ethnique se sont généralisés en Éthiopie depuis 2018, perpétrés par des forces de sécurité rivales et des groupes militants. En outre, il est allégué qu’il existe une culture de l’impunité en ce qui concerne les abus commis par les forces de sécurité et d’autres agents de l’État contre la population civile, a-t-il déploré.

S’agissant des droits des peuples autochtones, l’expert s’est inquiété de la précarité de leur existence, en raison de projets de développement empiétant sur leurs terres et leurs ressources. Il a notamment attiré l’attention sur l’impact grave du projet de barrage Gibe III sur les communautés autochtones – projet mené sans consultation préalable des communautés concernées. Ce même expert s’est inquiété de l’impact des activités de la mine d’or de Lega Dembi, dont l’exploitation a repris intégralement en mars 2021. Ainsi les rapports des ONG allèguent que de graves déficiences dans le bâtiment de la mine, combinées à un manque de surveillance, ont entraîné une contamination du sol et de l’eau par des niveaux dangereux de cyanure, d’arsenic et de mercure, entraînant des conséquences catastrophiques pour les communautés de la région.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que la Commission nationale des droits de l’homme avait vu son indépendance renforcée, s’agissant notamment de son budget. La Commission est un partenaire important du Gouvernement pour ce qui est du respect des dispositions du Pacte et toutes ses recommandations sont étudiées de manière très approfondie, nombre d’entre elles étant mises en œuvre par le Gouvernement, a ajouté la délégation.

Aujourd’hui, a par ailleurs assuré la délégation, il n’y a aucun journaliste ni aucun politique de l’opposition arrêté en raison de leur fonction. Certains peuvent toutefois avoir été arrêtés en raison de troubles à l’ordre public qui n’ont rien avoir avec leurs activités professionnelles.

S’agissant des exécutions extrajudiciaires dans les zones de conflit, des allégations ont été portées à l’attention du Gouvernement, qui a toujours été très clair sur cette question : il n’y a aucune impunité dans ce domaine, quels que soient les auteurs des graves violations des droits de l’homme, et de vastes enquêtes ont été lancées afin d’établir les responsabilités, a indiqué la délégation. Les exécutions extrajudiciaires constituent un crime selon le Code pénal éthiopien, a-t-elle rappelé. Des enquêtes sur les violences, et notamment sur des exécutions extrajudiciaires, ont été menées et elles ont permis d’identifier des personnes directement impliquées dans de tels actes ou qui ont incité à les perpétrer ; ces personnes ont été jugées et la loi martiale s’est appliquée à l’encontre des auteurs faisant partie des forces armées éthiopiennes.

S’agissant de la peine de mort, la délégation a indiqué que le Gouvernement envisage sérieusement d’accéder au deuxième Protocole facultatif au Pacte ; mais pour l’heure, la position du Gouvernement reste inchangée concernant le moratoire et les autorités continuent d’appliquer la législation en vigueur.

S’agissant de la polygamie, le Gouvernement prend des mesures pour lutter contre les pratiques traditionnelles préjudiciables, y compris les mariages précoces, les mariages d’enfants et la polygamie. Une alliance nationale pour mettre un terme à ces pratiques et aux violences sexuelles a été créée, qui est composée des représentants du Gouvernement, de la police, et des organisations non gouvernementales concernées, a fait savoir la délégation. Un plan national est aussi mis en œuvre pour éliminer la polygamie et les mutilations génitales féminines, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement mène des activés de sensibilisation, dans de nombreuses régions du pays, pour faire changer les attitudes dans ce domaine. Les chefs traditionnels sont également sensibilisés. Toutes ces mesures amènent des résultats positifs, comme en témoigne un recul de la polygamie et des mutilations génitales féminines en Éthiopie, a affirmé la délégation.

S’agissant du viol conjugal, la délégation a indiqué qu’en vertu du droit éthiopien, tout acte de viol est passible de sanction. Toutefois, le viol conjugal est considéré comme une exception ; mais les conclusions d’une étude sur cette question sont en cours d’examen et la législation pourrait être revu, a indiqué la délégation.

S’agissant de l’âge de la responsabilité pénale, la délégation a expliqué qu’un enfant qui atteint l’âge de 10 ans remplit les conditions pour être considéré comme pénalement responsable de ses actes car il est en mesure d’en comprendre la portée.

S’agissant de la torture et de la détention arbitraire, la délégation a rappelé que toute personne a le droit d’être protégée contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants en toute circonstance. Il n’y a aucune exception à ce droit, a insisté la délégation.

Par ailleurs, la délégation a souligné que tous les traités internationaux ratifiés par l’Ethiopie sont directement applicables sur l’ensemble du territoire et peuvent être invoqués devant les tribunaux, ce qui vaut bien entendu aussi pour toute affaire ayant trait à des allégations de torture, de mauvais traitements ou de détention arbitraire.

En outre, a poursuivi la délégation, les procureurs se rendent régulièrement dans les centres de détention pour vérifier qu’il n’y a pas de détentions arbitraires. La Commission nationale des droits de l’homme a également un accès illimité aux centres de détention et peut vérifier qu’il n’y a pas de détention illégale.

Par ailleurs, la délégation a rappelé que le Gouvernement avait pris de nombreuses initiatives afin d’améliorer les conditions de détention dans l’ensemble des centres de détention du pays. Malheureusement, ces initiatives sont parfois retardées en raison du peu de ressources financières du pays, a-t-elle souligné, avant de rappeler que le Comité international de la Croix-Rouge effectuait régulièrement des visites dans les prisons afin de vérifier les conditions de détention.

Les cas de viol en prison sont très rares, a affirmé la délégation, indiquant qu’en pareil cas, le détenu peut porter plainte et une enquête est alors immédiatement diligentée.

Il existe de procédures pour défendre les droits des détenus et leur offrir les services essentiels. La Commission des droits de l’homme travaille en étroite collaboration avec les autorités afin d’améliorer les conditions de vie des détenus. Par ailleurs, l’Éthiopie applique les Règles Mandela, a ajouté la délégation. L’Éthiopie travaille aussi à lutter contre la surpopulation carcérale : le Gouvernement a prévu la construction de nouveaux bâtiments pénitentiaires modernes. Tous les centres de détention offrent trois repas par jour, ainsi qu’un accès aux soins, a assuré la délégation. La commission pénitentiaire fédérale prévoit aussi la construction d’un nouveau centre médical pour les détenus, a-t-elle précisé.

S’agissant du ciblage de Tigréens, la délégation a indiqué que le Gouvernement n’avait jamais autorisé de telles pratiques.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement avait prévu un mécanisme afin que les victimes de groupes terroristes obtiennent réparation. Cette règlementation est en cours de révision, a-t-elle précisé. Les victimes ont par ailleurs accès à des soins médicaux et à des conseils.

Le Gouvernement éthiopien cherche à travailler conformément au Pacte afin de garantir la paix, la sécurité et des réparations aux citoyens, a insisté la délégation.

S’agissant de l’état d’urgence, l’Éthiopie a fait face à un certain nombre de défis et a été contrainte de prendre certaines mesures, y compris de recourir à l’état d’urgence, a expliqué la délégation. Plusieurs états d’urgence ont été instaurés en Ethiopie, a-t-elle rappelé. En 2016 et en 2018, l’état d’urgence a été déclaré pour permettre le rétablissement de l’ordre dans le pays. Le troisième état d’urgence a été déclaré pour faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19. Les mesures qui ont été prises étaient nécessaires pour faire face à ces problèmes, a insisté la délégation. Le dernier état d’urgence décrété l’a été pour faire face aux menaces sérieuses qui pesaient sur la souveraineté de l’État, amenant une réponse immédiate du Gouvernement qui a pris les mesures responsables qui étaient nécessaires pour répondre à des violations très importantes des droits de l’homme. L’état d’urgence est l’une des situations dans lesquelles certains droits peuvent être suspendus, a rappelé la délégation. Le Gouvernement prend très au sérieux certaines allégations de détention arbitraire et de violations graves des droits de l’homme durant cette période et les autorités mèneront les enquêtes nécessaires à ce sujet, a assuré la délégation. Durant ces périodes d’état d’urgence, les autorités ont protégé les droits fondamentaux des citoyens, notamment les droits prévus par le Pacte, a insisté la délégation.

Les actes homosexuels sont interdits car ils sont considérés comme allant à l’encontre de la moralité et des normes culturelles admises par la population, a expliqué la délégation, soulignant que pour changer les choses, de larges consultations doivent être menées. Comme tout acte criminel interdit par la loi, le harcèlement et les violences visant ces personnes sont interdits, a-t-elle ajouté. Il n’y a aucune discrimination en la matière. Le cadre général contre les discriminations en Éthiopie couvre donc également cette population, a déclaré la délégation.

La délégation a indiqué que l’Éthiopie a accueilli plus de 870 000 réfugiés des pays voisins et autres. Le pays continue à en accueillir, non pas en raison de ses obligations internationales en la matière, mais parce que l’accueil est ancré dans son histoire, a expliqué la délégation. Le pays applique une méthodologie très transparente de désignation du statut de réfugié, et des voies de recours sont prévues, a-t-elle ajouté. Pour ce qui est des mineurs non accompagnés, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui est pris en compte pour toute décision les concernant. Les réfugiés se voient par ailleurs offrir des services de base – un logement, de la nourriture et l’accès à l’éducation, a souligné la délégation. Des campagnes de sensibilisation sont également organisées afin de parvenir à une coexistence pacifique entre les réfugiés et la population éthiopienne, a-t-elle ajouté.

La délégation a indiqué qu’au début du conflit, il y avait plus de 19 000 personnes dans les camps de réfugiés du Tigré, qui ont ensuite été relocalisées dans d’autres camps, en sécurité, hors des zones de conflit. Certains ont pu également sortir des camps s’ils avaient suffisamment de ressources pour vivre ou s’ils avaient besoin de soins médicaux spécifiques. En raison du conflit, certains migrants sans papiers ont été autorisés à entrer dans certaines villes, et ont obtenu par la suite le statut de « réfugiés hors camp ». Un nouveau camp a par ailleurs été créé pour les réfugiés érythréens.

S’agissant de l’apatridie, la délégation a indiqué que les autorités sont convaincues de la nécessité de réaliser une étude complète sur ce défi en Éthiopie. Le pays doit identifier les risques d’apatridie, a-t-elle admis, avant de rappeler qu’il n’y a pas de droit à la double nationalité en Éthiopie.

S’agissant des personnes déplacées internes, la délégation a expliqué que le conflit dans le nord du pays avait engendré un grand nombre de déplacements. Un mécanisme a été mis en place pour protéger les personnes déplacées afin qu’elles puissent vivre en toute dignité, a-t-elle fait valoir. Les autorités ont pris beaucoup de mesures pour appliquer une approche intégrée dans ce domaine. Un comité d’aide a par ailleurs été créé, en coopération avec des organisations internationales, pour traduire dans la loi la Convention de Kampala. Une stratégie est aussi en cours d’élaboration afin de veiller à la protection des personnes déplacées et leur offrir un retour en toute sécurité dans leur foyer.

S’agissant de la loi de lutte contre les discours de haine, la délégation a indiqué que cette législation avait des garde-fous et prévoyait que seuls quelques cas relèvent d’un traitement judiciaire.

Concernant la loi sur les médias de 2021, la délégation a notamment indiqué qu’elle dépénalise la diffamation, y compris à l’égard des différents pouvoirs, et qu’elle rétablit la liberté de radiodiffusion.

Diverses autres nouvelles lois consolident la liberté d’expression dans le pays et visent à mettre fin aux politiques répressives dans ce domaine, a ajouté la délégation.

Les réformes menées dans le pays garantissent le plein exercice de la liberté d’expression, en particulier pour les organes de presse, a insisté la délégation. Néanmoins, dans certaines régions du pays, certains médias ont agi de manière intolérable en diffusant des fausses informations et en incitant à la haine, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement a dû prendre des mesures en raison de la gravité des menaces, afin d’éviter que les violences ne s’aggravent. Les restrictions, notamment le blocage de l’accès à Internet, n’ont été prises que pour de très brèves périodes et n’ont eu aucune incidence sur la liberté d’expression, a déclaré la délégation.

Une nouvelle Proclamation a été adoptée afin de renforcer l’ indépendance du pouvoir judiciaire et de l’administration de la justice dans le sens voulu pour la Constitution du pays, a d’autre part fait valoir la délégation. Le processus de nomination des juges par un comité indépendant est transparent, a-t-elle notamment souligné. La mise en œuvre des réformes judiciaires reste difficile à l’échelle du pays, en raison de l’ampleur des ressources nécessaires, a ajouté la délégation.

Remarques de conclusion

M. AGIDEW WONDIMENEH a reconnu qu’il restait un long chemin à parcourir à l’Ethiopie dans le domaine des droits de l’homme. Il faut notamment restructurer ou reconstruire les institutions et travailler sur les comportements, notamment au sein du service public. Aujourd’hui, l’environnement n’est pas entièrement favorable pour atteindre ces objectifs, a fait observer le chef de la délégation, tout en affirmant que lors du prochain examen, le Comité pourrait constater de nouveaux progrès dans la réalisation des droits civils et politiques. Le Ministre d’État a ensuite rappelé un certain nombre de réformes entreprises pour permettre des avancées dans ce domaine, citant notamment le renforcement de la Commission nationale des droits de l’homme. Enfin, il a assuré que les autorités éthiopiennes prenaient très au sérieux les observations du Comité.

Mme Photini PAZARTZIS, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour ce dialogue constructif. Ce dialogue était d’autant plus intéressant pour les membres du Comité qu’il y a eu une longue période écoulée depuis l’examen du précédent rapport du pays. Le Comité prend note de toutes les avancées positives enregistrées dans le pays, a indiqué la Présidente. Le Comité a également pu entendre les réponses de la délégation sur les nombreux défis que doit encore relever l’Éthiopie, a-t-elle ajouté. Elle a néanmoins relevé qu’il restait de nombreuses questions sans réponses, s’agissant notamment des états d’urgence successifs. L’important est d’assurer une application concrète des réformes législatives, tout en s’assurant de leur conformité au Pacte, a-t-elle conclu.

 

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