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L'ampleur et la portée des inégalités qui ont été créées et exacerbées par la COVID-19 sont véritablement choquantes, sinon totalement surprenantes, souligne Mme Bachelet

Compte rendu de séance

 

L'ampleur et la portée des inégalités qui ont été créées et exacerbées par la COVID-19 sont véritablement choquantes, sinon totalement surprenantes. La COVID-19 a ainsi entraîné la première augmentation de l'extrême pauvreté depuis vingt ans : de 119 à 124 millions de personnes supplémentaires ont été rejetées dans l'extrême pauvreté en 2020 et le nombre de personnes vivant dans l'insécurité alimentaire a augmenté de 318 millions, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

C’est par ce constat que la Haute-Commissaire aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, a ouvert la réunion-débat que le Conseil des droits de l’homme tenait cet après-midi sur l’aggravation des inégalités due à la pandémie de COVID-19 et les conséquences qui en découlent pour la réalisation des droits de l’homme.

Pour Mme Bachelet, la première leçon de la COVID-19 est que les droits de l’homme sont une condition préalable à la construction d'économies et de sociétés inclusives, stables et durables. La deuxième leçon, a-t-elle ajouté, est que les États doivent agir de manière solidaire pour distribuer équitablement les vaccins et s'entraider pour combattre les répercussions de la COVID-19.

M. Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, a pour sa part souligné que la difficulté d’accès aux vaccins contre la COVID-19 avait déjà d'énormes implications économiques, et qu’il n’y aurait pas de reprise économique mondiale forte tant que la maladie ne sera pas maîtrisée partout. Il a plaidé pour que le Fonds monétaire international (FMI) soit autorisé à émettre des droits de tirage spéciaux pour une valeur de 650 milliards de dollars au profit des pays en développement qui en ont cruellement besoin.

Il a été montré que l’on dispose de suffisamment de doses pour vacciner tout le monde avant la fin de l’année, a pour sa part indiqué M. Gordon Brown, Envoyé spécial des Nations Unies pour l’éducation mondiale et Ambassadeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour le financement de la santé mondiale, avant d’ajouter que cela est possible en mobilisant les doses de vaccins disponibles en Occident.

Mme Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, a fait observer que l'impact de la COVID-19 est déterminé moins par des facteurs biologiques que par les inégalités structurelles et socioéconomiques au sein des pays et entre eux, par le racisme et par la discrimination systémique.

Mme Magdalena Sepúlveda Carmona, Directrice exécutive de l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels, a souligné qu’il existe, avec cette pandémie, une opportunité sans précédent d'utiliser le soutien aux services publics pour catalyser un mouvement visant à reconstruire le rôle de l'État dans la fourniture des droits économiques, sociaux et culturels.

De nombreuses délégations* ont pris part au dialogue qui a suivi ces présentations.

En fin d’après-midi, le Conseil a en outre engagé - en entendant plusieurs intervenants** - son dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, M. Francisco Calí Tzay, qui a présenté son rapport sur les peuples autochtones et le relèvement après la pandémie de COVID-19.

Le Rapporteur spécial a notamment indiqué avoir reçu, depuis le début de la pandémie, un énorme volume d’informations sur les violations subies par les peuples autochtones du monde entier – des violations imputables non seulement au virus lui-même, mais également à l’absence de mesures adéquates et culturellement appropriées prises par les États. L’efficacité des mesures contre la COVID-19 est en effet compromise par l’absence de consultation des peuples autochtones concernés et par le manque de reconnaissance de leurs compétences propres, a-t-il souligné. Dans de nombreux pays, la sécurité du régime foncier est plus préoccupante pour les peuples autochtones que le virus lui-même, a-t-il fait observer.

Cet après-midi, le Brésil a par ailleurs exercé son droit de réponse.

 

Le Conseil tiendra demain matin, à 10 heures, une réunion-débat de haut niveau sur la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur l’éducation et la formation aux droits de l’homme.

 

Réunion-débat sur l’aggravation des inégalités due à la pandémie de COVID-19 et les conséquences qui en découlent pour la réalisation des droits de l’homme

La réunion-débat a été ouverte par MME MONIQUE T. G. VAN DAALEN, Vice-Présidente du Conseil des droits de l’homme. Le débat a été modéré par MME GUNILLA VON HALL, correspondante à Genève de la Svenska Dagbladet (quotidien suédois).

Déclarations liminaires

MME MICHELLE BACHELET, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a souligné que l'ampleur et la portée des inégalités qui ont été créées et exacerbées par la COVID-19 étaient véritablement choquantes, sinon totalement surprenantes. La COVID-19 a ainsi entraîné la première augmentation de l'extrême pauvreté depuis vingt ans : de 119 à 124 millions de personnes supplémentaires ont été rejetées dans l'extrême pauvreté en 2020 et le nombre de personnes vivant dans l'insécurité alimentaire a augmenté de 318 millions, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) – soit un total sans précédent de 2,38 milliards de personnes. Des progrès cruciaux risquent d'être annulés, a mis en garde la Haute-Commissaire, notamment en ce qui concerne l'égalité des sexes et les droits de nombreuses communautés ethniques et religieuses minoritaires, ainsi que des peuples autochtones.

Pour Mme Bachelet, la première leçon de la COVID-19 est que les droits de l’homme sont une condition préalable à la construction d'économies et de sociétés inclusives, stables et durables. Les plans de relance économique devront reposer sur le socle des droits de l'homme et sur une véritable consultation de la société civile, a-t-elle insisté. La deuxième leçon est que les États doivent agir de manière solidaire pour distribuer équitablement les vaccins et s'entraider pour combattre les répercussions de la COVID-19, a indiqué Mme Bachelet. Elle a recommandé que des mesures soient prises pour faire respecter la protection sociale universelle et d'autres droits fondamentaux afin de protéger les sociétés et rendre les communautés plus résilientes.

M. JOSEPH STIGLITZ, économiste, lauréat du prix Nobel d’économie, de l’Université de Columbia, a relevé pour sa part que la difficulté d’accès aux vaccins contre la COVID-19 avait déjà d'énormes implications économiques, et qu’il n’y aurait pas de reprise économique mondiale forte tant que la maladie ne sera pas maîtrisée partout. Or, la maladie ne sera pas jugulée partout tant qu'elle ne sera pas contenue partout, et donc tant que les vaccins ne seront pas accessibles partout dans le monde, a mis en garde M. Stiglitz. L’accès aux vaccins est quasiment synonyme d’accès au droit à la vie, a insisté le prix Nobel.

Le problème en l’espèce est un manque d'approvisionnement. Il n'y a aucune raison pour que le marché ne puisse pas augmenter l'offre de seringues ou de flacons en verre, ou d'autres ingrédients : ce que le marché ne peut résoudre, ce sont les barrières artificielles, en particulier celle de la propriété intellectuelle, a souligné M. Stiglitz. À cet égard, a-t-il ajouté, la renonciation aux droits de propriété intellectuelle permettrait aux acteurs qui – en Inde, en Afrique du Sud et dans d'autres pays du monde – ont la capacité de produire les vaccins, de le faire: aucun changement légal ne serait nécessaire pour ce faire, car le mécanisme des licences obligatoires existe déjà qui permettrait de répondre à l’urgence de la crise, a expliqué le prix Nobel.

Entre autres recommandations, M. Stiglitz a plaidé pour que le Fonds monétaire international (FMI) soit autorisé à émettre des droits de tirage spéciaux pour une valeur de 650 milliards de dollars au profit des pays en développement qui en ont cruellement besoin. Il a aussi plaidé pour qu’aucun pays ne souffre à cause du fardeau du surendettement – ce qui, a-t-il insisté, sera la condition d’une reprise mondiale forte.

M. GORDON BROWN, Envoyé spécial des Nations Unies pour l’éducation mondiale et Ambassadeur de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour le financement de la santé mondiale, a rappelé les chiffres : depuis le début de la pandémie, 4,5 millions de vies ont été perdues et 220 millions de personnes sont infectées chaque mois. Et la COVID-19 continue de se répandre, a-t-il ajouté. Il est donc temps que les dirigeants du monde prennent des décisions et notamment de dire qui aura droit au vaccin et qui n’y aura pas droit, a-t-il affirmé.

M. Brown a rappelé que les pays riches stockent des millions de doses de vaccins ; leurs populations ont été 61 000 fois plus vaccinées que celles des pays pauvres. On compte près de 300 millions de doses vaccins stockées, dont 200 millions seront jetées si elles ne sont pas rapidement utilisées. Or il est primordial que les pays pauvres reçoivent ces doses, notamment en Afrique où seulement 2% de la population est vaccinée, a souligné M. Brown. Cela est de notre intérêt à tous, a-t-il insisté, car si tout le monde n’est pas vacciné, le virus et ses variants continueront de circuler dans les pays pauvres et dans le monde. En cas d’échec, ce serait un échec collectif, une faillite morale, a prévenu l’Envoyé spécial.

M. Brown a ensuite souligné qu’il existe en Afrique des capacités locales de production qu’il faut activer, y compris par le transfert de technologies. Dans ce contexte, il s’est félicité de l’annonce faite par le Président américain Joe Biden de lever les brevets sur les vaccins et de vacciner 70% de la population mondiale d’ici un an. Mais force est de constater que l’on manque encore de détails précis sur ces objectifs, a-t-il regretté, ajoutant que ce dont on a besoin c’est de 190 millions de doses de vaccin ce mois-ci et de 210 millions le mois prochain. Or il a été montré que l’on dispose de suffisamment de doses pour vacciner tout le monde avant la fin de l’année, a-t-il rappelé, avant d’ajouter que cela est possible en mobilisant les doses de vaccins disponibles en Occident.

Pour MME TLALENG MOFOKENG, Rapporteuse spéciale sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, il est clair que l'impact de la COVID-19 est déterminé moins par des facteurs biologiques que par les inégalités structurelles et socioéconomiques au sein des pays et entre eux, par le racisme et par la discrimination systémique. Sont aussi évidents les effets des décisions et des approches politiques adoptées par certains États et entreprises pharmaceutiques, qui ont créé encore plus d'inégalités, a souligné la Rapporteuse spéciale.

Le nationalisme vaccinal des pays riches domine les négociations autour de l'achat de vaccins, au détriment des pays à revenu faible ou intermédiaire, a poursuivi Mme Mofokeng. Les données suggèrent que la plupart des habitants des pays les plus pauvres devront attendre encore deux ans avant d'être vaccinés contre la COVID-19, a-t-elle résumé.

Mme Mofokeng a repris à son compte les conclusions du rapport du Secrétaire général intitulé «Notre programme commun», où M. Guterres constate notamment que le monde a besoin de doubler la production de vaccins, d’en assurer une distribution équitable et d’aider les pays à déployer des programmes de vaccination ; et que les entreprises et les autres parties prenantes doivent veiller à ce que les technologies, les données de propriété intellectuelle et le savoir-faire sur les vaccins contre la COVID-19 soient partagés.

MME MAGDALENA SEPÚLVEDA CARMONA, Directrice exécutive de l’Initiative mondiale pour les droits économiques, sociaux et culturels, a rappelé que les droits de l'homme ne sont pas seulement un ensemble de valeurs communes, mais aussi des obligations que les États ont volontairement assumées. Ces obligations ne sont pas à négliger en temps de crise ; au contraire, nous sommes à un moment crucial pour construire des services publics forts dans le cadre d'une juste reprise et de la transition vers une économie plus durable et plus résiliente, a-t-elle souligné. Il existe, avec la pandémie, une opportunité sans précédent d'utiliser le soutien aux services publics pour catalyser un mouvement visant à reconstruire le rôle de l'État dans la fourniture des droits économiques, sociaux et culturels, a insisté Mme Sepúlveda Carmona.

Il faut dans ce contexte accroître les investissements dans les services publics, tant ils sont essentiels à la réalisation des droits de l'homme et à la lutte contre les inégalités, a-t-elle poursuivi. Il faut aussi doter les systèmes de santé de ressources adéquates et régulées pour assurer un approvisionnement et une qualité continus. Il faut en outre abandonner le nationalisme vaccinal adopté par certains États au cours de cette pandémie. De la même manière, il y a une opportunité d’instaurer une fiscalité progressive et des mesures solides pour mettre fin à la fraude et à l'évasion fiscales, afin de financer les services publics, la protection sociale et les systèmes de soins. Les gouvernements devraient adopter des plans de relance respectueux du climat, tout en respectant les droits des personnes dans les réponses à la COVID-19, notamment en évitant les restrictions générales à la circulation et à la liberté personnelle, a plaidé Mme Sepúlveda Carmona.

Aperçu du débat

La situation pandémique actuelle, a-t-il été souligné, a dévoilé des inégalités plus importantes que celles qui étaient apparentes par le passé ; elle a aussi démontré que les discours de solidarité mondiale n’étaient pas assez forts pour que l’on constate des effets dans la pratique, lors des moments critiques. Ainsi, malgré les appels des organisations internationales et des agences spécialisées en faveur d’un accès équitable aux vaccins, la grande majorité des doses sont-elles aujourd’hui administrées dans un nombre très limité de pays, a-t-il été observé. Or, l'accès équitable et universel aux diagnostics, aux traitements et aux vaccins contre la COVID-19, ainsi que leur distribution rapide et équitable, sont essentiels pour combattre la pandémie, a souligné un groupe de pays.

Outil puissant pour combattre la pandémie, la vaccination devrait donc devenir un bien public mondial, ont insisté plusieurs délégations, dénonçant la thésaurisation des vaccins par les pays riches.

Plusieurs délégations ont fait état des efforts de solidarité de leurs gouvernements pour livrer de grandes quantités de vaccins aux pays qui en ont le plus besoin. Plusieurs intervenants ont assuré de leur soutien au dispositif COVAX en faveur d’un accès équitable aux vaccins.

Des organisations non gouvernementales (ONG) ont appelé les gouvernements à ne pas négliger de vacciner les personnes incarcérées et les populations migrantes. Au-delà de la question des vaccins et des droits de propriété intellectuelle, d’autres ONG ont estimé qu’il fallait replacer le problème des inégalités actuelles entre le Nord et le Sud dans le cadre plus général de la longue histoire du colonialisme ou encore des programmes d’ajustement structurel du FMI. Elles ont plaidé pour la taxation des multinationales et pour la couverture sanitaire universelle.

Les États ont été appelés à s'abstenir de prendre toute mesure coercitive unilatérale de nature économique, financière ou commerciale susceptible de nuire à l'accès aux vaccins contre la COVID-19. Il a aussi été demandé que l’on accorde une attention particulière à l'impact de la pandémie sur tous les droits de l'homme : dans des circonstances d'urgence, a-t-il été rappelé, les limitations aux droits de l'homme doivent être strictement proportionnées et temporaires, la pandémie ne devant pas servir de prétexte pour limiter l'espace démocratique et civique, ni pour restreindre la liberté d'expression.

*Liste des intervenants : Union européenne, Cameroun (au nom du Groupe africain), Finlande (au nom d'un groupe de pays), Bahreïn (au nom du Conseil de coopération du Golfe), Maurice (au nom d'un groupe de pays), Équateur (au nom d'un groupe de pays), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des non-alignés), Égypte (au nom du Groupe arabe), Iran (au nom d’un groupe de pays), Chine (au nom d'un groupe de pays), Qatar, Indonésie, Penal Reform International, APG XXIII, Action Canada pour la population et le développement, Azerbaïdjan, Iraq, Bangladesh, Mauritanie, Équateur, Monténégro, Afrique du Sud, Ghana, Maroc, Arabie saoudite, Malaisie, Népal, Centre Europe - Tiers monde, Fédération internationale Terre des Hommes et World Vision International.

Réponses et remarques de conclusion

M. BROWN a souligné que l’on ne pourra pas avancer sans utiliser l’arme dont on dispose contre la pandémie, c’est-à-dire le vaccin. Il faut donc assurer une distribution rapide et équitable des vaccins, a-t-il insisté, demandant que les pays qui disposent de stocks les envoient par avion vers l’Afrique et les autres pays à faible revenu. On produit aujourd’hui un milliard et demi de doses par mois – et bientôt deux milliards ; on a donc les moyens d’aider les pays pauvres à lutter contre la pandémie, a-t-il conclu.

MME MOFOKENG a estimé que toute personne ayant besoin de vaccin devrait pouvoir l’avoir. Il est donc primordial de renforcer les capacités de production locales, a-t-elle souligné.

MME SEPÚLVEDA CARMONA a estimé que le Conseil avait un rôle à jouer pour éviter les mesures d’austérité mises en œuvre dans certains pays et qui détériorent la situation des droits économiques et sociaux des populations fragiles. Il faut par exemple travailler à éviter la fraude fiscale qui nuit aux droits de l'homme, ou encore faire en sorte que les États respectent leurs engagements en matière d’aide publique au développement. Le Conseil devrait aussi demander aux gouvernements qu’ils investissent davantage dans les programmes sociaux, a plaidé Mme Sepúlveda Carmona.

Dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones

Présentation du rapport

Le Conseil est saisi du rapport du Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones intitulé : « Peuples autochtones et relèvement après la pandémie de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) » (A/HRC/48/54).

M. FRANCISCO CALÍ TZAY, Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, a regretté que dans le contexte de la pandémie, les peuples autochtones soient à nouveau laissés pour compte. Depuis le début de la pandémie, il a indiqué avoir reçu un énorme volume d’informations sur les violations subies par les peuples autochtones du monde entier – des violations imputables non seulement au virus lui-même, mais également à l’absence de mesures adéquates et culturellement appropriées prises par les États. L’efficacité des mesures contre la COVID-19 est en effet compromise par l’absence de consultation des peuples autochtones concernés et par le manque de reconnaissance de leurs compétences propres.

D’autre part, les mesures de relance, bien souvent axées sur la gestion de la crise économique, donnent la priorité à l’expansion des activités commerciales aux dépens des peuples autochtones, de leurs terres et de l’environnement, a regretté le Rapporteur spécial. En outre, dans de nombreux pays, la sécurité du régime foncier est plus préoccupante pour les peuples autochtones que le virus lui-même, a-t-il fait observer. Qui plus est, la pandémie a vu une forte augmentation de la déforestation illégale, des vols de terres et de ressources, ainsi que de la violence contre les autochtones, a mis en garde M. Calí Tzay. Enfin, les mesures liées à la COVID-19 sont utilisées dans certains cas pour durcir les réponses autoritaires et militarisées qui criminalisent les défenseurs des droits humains des autochtones, a déploré le Rapporteur spécial.

M. Calí Tzay a jugé positives les initiatives des peuples autochtones pour se relever eux-mêmes de la pandémie, initiatives prises conformément au droit à l’autodétermination et à l’autogouvernance de ces peuples. Les peuples autochtones renouent ainsi avec leurs terres traditionnelles et revitalisent leurs pratiques culturelles dans le cadre de mesures efficaces de lutte contre la COVID-19, a constaté l’expert. Il a recommandé que les États soutiennent d’autres initiatives dirigées par les peuples autochtones et qui obtiennent des résultats positifs en matière, par exemple, de sécurité alimentaire ou d’exploitation de substances médicinales traditionnelles.

Aperçu du débat

Plusieurs pays ont présenté les mesures qu’ils ont prises, au niveau national, en faveur des droits des peuples autochtones.

Nombre d’intervenants se sont alarmés que les droits des peuples autochtones – notamment leurs droits à la terre et à la participation – soient toujours bafoués par des États ou par des entreprises d’industrie extractive. De plus, les peuples autochtones ont été de manière disproportionnée touchés par la pandémie de COVID-19 et les plans de riposte à cette pandémie ne les atteignent pas, sinon de manière négative, a-t-il été souligné. Alors qu’ils représentent 5% de la population mondiale, les peuples autochtones comptent pour 15% de la population vivant dans l’extrême pauvreté, a-t-il été observé.

Dans ce contexte, il a été demandé au Rapporteur spécial de dire comment, selon lui, le Conseil peut renforcer son rôle pour mieux protéger les peuples autochtones en tant que détenteurs de droits, et comment la riposte mondiale contre la pandémie peut tenir compte des spécificités des peuples autochtones. Une délégation a demandé au Rapporteur spécial de partager les bonnes pratiques des États dans ces domaines.

S’agissant des vaccins contre la COVID-19, une délégation a regretté que certains pays politisent cette question pour des raisons géopolitiques, au lieu de chercher à travailler en commun pour éliminer la menace que constitue ce virus.

D’autres délégations ont condamné des crimes commis contre des peuples autochtones dans plusieurs pays.

**Liste des intervenants : Mexique (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Danemark (au nom d’un groupe de pays), Canada, Australie, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Arménie, Indonésie, Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Venezuela, Saint-Siège, Fédération de Russie, États-Unis, Pérou, Malaisie, Népal, Brésil, Chine, Cuba, Panama, Îles Marshall, Paraguay, ONU Femmes, Cameroun, Cambodge, Ukraine et Guatemala.

Réponses du Rapporteur spécial

M. CALÍ TZAY a remercié les pays qui ont appuyé son mandat et qui se sont engagés à appliquer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le Rapporteur spécial a rappelé que la pandémie entraînait une aggravation des discriminations à l’encontre des peuples autochtones. Il a insisté sur la nécessité d’obtenir le consentement préalable des peuples autochtones avant de déployer des mesures relatives à la COVID-19 ; il a en particulier souligné la nécessité d’impliquer les organisations des peuples autochtones dans la conception et l’application des programmes de vaccination. Toutes les mesures prises doivent reconnaître le droit des peuples autochtones à l’autodétermination et à l’auto-identification, a ajouté M. Calí Tzay.

La nation cherokee aux États-Unis a pris ses propres mesures pour sensibiliser la population à l’importance de la vaccination, tandis que près de 90% des Navajo ont été vaccinés grâce à des efforts communautaires, a cité le Rapporteur spécial comme exemples d’initiatives positives lancées par les peuples autochtones eux-mêmes.

 

HRC21.129F