Aller au contenu principal

LE COMITE POUR L’ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION A L’EGARD DES FEMMES AUDITIONNE LA SOCIETE CIVILE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a auditionné, cet après-midi, des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes dans les quatre pays dont les rapports seront examinés cette semaine, à savoir l’Iraq, l’Andorre, le Kazakhstan et les Seychelles.

Pour ce qui concerne l’Iraq, les organisations de la société civile ont notamment fait part de leurs préoccupations s’agissant de la répression des manifestations pacifiques récentes, de la poursuite de pratiques préjudiciables telles que les mariages forcés ou les crimes d’honneur, de l’impunité face aux crimes commis sexuels par les membres de Daech, de la situation des femmes et fillettes yézidies, ou encore du sort des femmes handicapées.

S’agissant de l’Andorre, des inquiétudes ont été exprimées au sujet de l’avortement et du manque de services spécialisés disponibles pour faire face aux violence sexistes.

Pour ce qui est du Kazakhstan, les ONG ont notamment dénoncé les discriminations, voire les violences, dont sont victimes les femmes dans ce pays, y compris les femmes handicapées, les femmes séropositives et toxicomanes, les travailleuses du sexe et les lesbiennes. A également été déploré le caractère lacunaire de la définition de la discrimination figurant dans la loi.

Enfin, en ce qui concerne les Seychelles, il a été affirmé que les violences sexistes sont un grand sujet de préoccupation. A plus particulièrement été soulignée la nécessité d’améliorer les droits des femmes LGBTI, des toxicomanes et des travailleuses du sexe.


Demain matin, à partir de 10 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de l’Iraq (CEDAW/C/IRQ/7).


Audition de la société civile

S’agissant de l’Iraq

Iraqi Women’s Network a relevé que les manifestations pacifiques de ces derniers jours avaient fait l’objet d’une répression exacerbée, avec des manifestants tués. Le Gouvernement iraquien n’a pas réussi à avancer dans l’application des engagements souscrits auprès du Comité, a ajouté l’ONG. La lutte contre le terrorisme et l’extrémisme a eu comme conséquence le décès de nombreuses de femmes, a-t-elle poursuivi, relevant par ailleurs que les femmes sont exclues de la réconciliation nationale. Le cadre juridique contre les discriminations continue de constituer une faiblesse de la législation nationale, a d’autre part fait observer l’ONG. La poursuite de pratiques préjudiciables telles que le mariage forcé ou les crimes d’honneur continue d’entraîner des décès, en toute impunité, a-t-elle également déploré.

Organization of Women’s Freedom in Iraq a relevé que les femmes et les hommes qui défendent les droits humains continuent d’être victimes des gaz lacrymogènes et de répressions alors qu’ils manifestent pacifiquement dans les rues. L’organisation a ensuite dénoncé l’impunité pour les crimes sexuels commis par les membres de Daesh. Le Gouvernement iraquien ferme les yeux sur les institutions qui facilitent les mariages précoces, a-t-elle par ailleurs regretté. En outre, de nombreuses femmes dans le pays n’ont pas de document d’identité. Par ailleurs, les enfants de familles afro-descendantes sont victimes de discriminations généralisées.

Iraqi Alliance of Disability a déclaré que les femmes handicapées en Iraq sont des femmes méprisées par rapport au reste de la population: elles souffrent d’isolement social et de l’absence de protection sociale et juridique. Les femmes représentent environ 49% du total des personnes handicapées en Iraq et il n’existe dans ce pays aucune loi garantissant la protection des filles handicapées afin de leur permettre de mener une vie digne. Les femmes handicapées, pour des raisons tribales, sont stigmatisées et considérées comme des vecteurs de maladies.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a relevé qu’un des défis majeurs qui se pose à l’Iraq a trait aux coutumes et à la vision patriarcale – lesquelles entraînent des violences à l’encontre des femmes. Elle a demandé aux organisations si, selon elles, le Parlement pourrait adopter une loi dans ce domaine. Une autre experte s’est enquise de la consultation des organisations de la société civile en Iraq aux fins de la mise en œuvre des recommandations du Comité. Elle a par ailleurs souhaité avoir des informations sur le retour des femmes yézidies dans leur communauté. Une experte a en outre demandé s’il existait des programmes de retour à l’école pour les jeunes filles en décrochage scolaire.

Les représentants de la société civile ont expliqué que leurs organisations allaient organiser une campagne pour s’assurer que les recommandations du Comité soient connues de toutes les parties prenantes. Les femmes yézidies sont retournées dans leur foyer dans leurs villages d’origine, ont-ils ajouté, avant de préciser que certains enfants, en revanche, ne sont pas acceptés suite à une décision des chefs yézidis.

Une autre organisation a estimé que la vision patriarcale de la société pourrait effectivement être changée, notamment par le biais de l’adoption d’une loi sur la violence familiale et par l’organisation de campagne de sensibilisation (y compris télévisuelles) sur l’autonomisation des femmes.

En tant qu’institution nationale des droits de l'homme, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’Iraq, par la voix de sa Haute-Commissaire, a indiqué qu’il analysait, aux fins de leur mise en œuvre, les recommandations du Comité, ainsi que les défis qui peuvent impacter la mise en œuvre de la Convention. L’un des plus importants défis en la matière réside dans le fait qu’il n’existe plus de ministère spécifiquement chargé des affaires des femmes. Le Conseil des Ministres a certes adopté une stratégie visant à lutter contre l’extrémisme violent, mais la prise de mesures s’est ralentie et, de plus, les mesures prises ne permettent pas de répondre rapidement à la crise causée par Daech, sans compter qu’aucun volet de cette stratégie n’est spécifiquement consacré aux femmes, a poursuivi la Haute-Commissaire iraquienne, avant de demander que cette stratégie prenne en compte la question du genre.

Par ailleurs, fait également défaut une approche sexospécifique pour ce qui est de la prise en charge des personnes installées dans les camps de déplacés. En outre, la mortalité infantile et maternelle a augmenté dans le pays. En dehors des villes, les conditions dans les écoles sont mauvaises, a également souligné la Haute-Commissaire aux droits de l'homme de l’Iraq. Elle a en outre relevé que la Convention était appliquée de manière inégale selon les tribunaux, en fonction du juge.

S’agissant de l’Andorre

Stop violence Andorre a déclaré que ce pays avait toujours des pratiques féodales. Il est honteux de devoir batailler pour des droits élémentaires des femmes, comme le droit à l’avortement, a précisé l’ONG. Le Gouvernement andorran est hypocrite, a-t-elle insisté, affirmant que les lois du pays sont imprégnées de misogynie et de fondamentalisme religieux. Les femmes ne peuvent pas être considérées comme des citoyens de seconde zone et le fait est qu’elles ne sont clairement pas une priorité pour le Gouvernement andorran, a poursuivi l’ONG.

L’ONG a déploré l’absence de police dûment formée pour enregistrer les plaintes en cas de violences sexistes et a souligné qu’il n’existe pas non plus, dans les hôpitaux andorrans, de services spécialisés pour les femmes victimes de violence. En Andorre, quand une fille est violée, elle est obligée d’aller jusqu’au terme de sa grossesse et d’accoucher, en raison de l’interdiction de l’avortement; mais lorsqu’une femme jeune et dans la précarité accouche, elle est obligée d’offrir son enfant à la collectivité car elle est jugée comme inapte à l’élever, a en outre déploré l’ONG.

Dans le cadre du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a demandé si l’exigence de prescription médicale pour avoir accès à une pilule abortive d’urgence était toujours en vigueur et si l’interdiction de l’avortement était aussi en vigueur pour les mineures. Une autre experte a souhaité savoir si les défenseur(e)s des droits des femmes en Andorre subissaient des pressions ou faisaient face à des intimidations.

En réponse aux questions des deux expertes, la société civile a assuré qu’il n’était pas facile d’être militante en Andorre lorsqu’il s’agit de dénoncer le fondamentalisme religieux de la Principauté. Une jeune militante s’est vue menacée de ne pas pouvoir obtenir la nationalité andorrane en raison de ses activités. En outre, il n’existe pas de centre de planning familial en Andorre, a-t-il été souligné.

S’agissant du Kazakhstan

Feminita a expliqué que dans ce pays, les mesures de soutien aux femmes sont limitées aux mères. Le nouveau concept de la famille associe l’égalité des femmes et le portefeuille de la famille, renforçant ainsi les stéréotypes. Au Kazakhstan, les femmes ne peuvent pas occuper un total de 219 types d’emploi, ce qui est une forme de discrimination à l’emploi, a poursuivi l’organisation. En outre, les femmes LGBTI sont victimes de violences en raison de leur orientation sexuelle. Dans ce pays, il n’est pas possible de porter plainte pour violence au motif du genre, a indiqué l’ONG. Quant à la législation sur l’égalité, elle fournit une définition insatisfaisante de la discrimination. D’autre part, les organisations féministes rencontrent de nombreuses difficultés pour s’enregistrer au Kazakhstan, car pour les autorités, elles ne renforcent pas l’ordre moral au sein de la société.

New generation of Human Rights Defenders Coalition a affirmé que la pratique de la stérilisation forcée en raison du handicap intellectuel ou mental était très courante au Kazakhstan. En outre, les femmes placées sous tutelle ne peuvent pas exercer leur libre arbitre, y compris pour décider de se marier.

Kazakhstan Union of People Living with HIV a déclaré qu’une femme sur dix au Kazakhstan a été victime de violences et que les centres et les abris existants n’ont pas suffisamment de moyens pour accueillir toutes les victimes. La situation pour les femmes séropositives est encore pire, car elles ne peuvent avoir accès aux centres existants. En outre, dans la capitale, plusieurs refuges refusent d’accueillir les femmes toxicomanes ou séropositives, même en plein hiver.

Public Association Amelia a expliqué qu’au Kazakhstan les travailleuses du sexe n’ont pas de droit et sont considérées comme des criminelles. Il faut mettre fin aux discriminations multiples dont sont victimes les travailleuses du sexe, qui sont notamment confrontées à des demandes de pots de vin et n’ont pas accès aux procédures judiciaires. Elles sont régulièrement arrêtées sans aucune raison, a insisté l’ONG, avant d’ajouter que les travailleuses du sexe craignent alors aussi de demander des soins antirétroviraux.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a demandé davantage d’informations sur la situation des femmes rurales dans le pays, qui semble-t-il subiraient de multiples discriminations. Une autre experte a demandé davantage d’informations sur la situation des femmes handicapées.

En réponse, la société civile a fait observer que les femmes handicapées sont confrontées à des obstacles en termes d’accès à l’emploi, à la santé ou aux tribunaux, notamment. De nombreuses femmes handicapées ne peuvent avoir accès à un gynécologue et les femmes handicapées qui se trouvent dans une zone rurale sont encore davantage discriminées.

S’agissant des Seychelles

Citizens Engagement Platform Seychelles a relevé l’absence de législation, dans l’archipel, permettant de définir les discriminations directes ou indirectes. Bien qu’encore ponctuelles, les séances de sensibilisation à la Convention ont été renforcées dans ce pays, a ensuite reconnu l’ONG; toutefois, a-t-elle ajouté, la connaissance de la Convention au sein du monde judiciaire reste très superficielle.

La violence sexiste reste un grand sujet de préoccupation s’agissant des Seychelles, a poursuivi l’ONG. Les meurtres de femmes continuent d’avoir lieu, plus particulièrement les meurtres de femmes toxicomanes. Un refuge pour les femmes ayant subi des violences sexistes a certes été ouvert par une organisation non gouvernementale, mais il faut absolument que le Gouvernement permette à ce refuge de continuer d’exister. L’adoption d’une loi sur la violence familiale se fait attendre depuis beaucoup trop longtemps, a en outre dénoncé l’organisation.

LGBTI Sey a regretté que les lois de l’archipel pénalisent toujours le travail du sexe, ce qui a pour conséquence de multiples discriminations et des violences à l’encontre des travailleurs et travailleuses du sexe. Pour améliorer les droits des femmes LGBTI, des toxicomanes et des travailleuses du sexe, il faut que les parlementaires des Seychelles mettent fin aux lois punitives et discriminatoires et coopèrent avec la société civile.

L’ONG a par ailleurs déclaré que les cas de crimes violents fondés sur le genre ou l’identité sexuelle ne sont pas pris au sérieux; les victimes sont même humiliées.

Au cours du dialogue qui a suivi ces présentations, une experte a demandé davantage d’informations sur la législation en matière d’avortement aux Seychelles.

Une ONG a alors indiqué que la loi existante en matière d’interruption volontaire de grossesse autorise le recours à l’avortement en cas d’inceste et de viol ou si la santé de la mère est en danger. Le nombre d’avortements clandestins est très important dans le pays, a ajouté l’ONG.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CEDAW19.027F