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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TIENT UNE RÉUNION INFORMELLE AVEC LES ÉTATS

Compte rendu de séance
L’importance d’appliquer la Convention au niveau de la région d’Afrique australe est soulignée, dans un contexte où la violence et la discrimination xénophobes persistent

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a tenu, cet après-midi, une réunion informelle avec les États.

Au cours de cette réunion, le Mozambique a prié le Comité de se pencher sur la situation en Afrique australe, dans un contexte où persistent la violence et la discrimination xénophobes. Un membre du Comité a effectivement jugé déplorable la résurgence de la xénophobie dans cette région, comme ailleurs.

Durant le débat, a également été soulignée l’importance de créer un observatoire africain des migrations et de désigner un commissaire africain sur cette question, compte tenu du fait que la majorité des déplacements d’Africains se font en Afrique même.

Ouvrant ce débat, le Président du Comité, M. Ahmadou Tall, a rappelé qu’en tant que stratégie d’adaptation humaine normale face aux effets du changement climatique et des catastrophes, la migration était souvent la seule option pour des communautés confrontées aux catastrophes internes. Il a recommandé aux États de proposer des mécanismes de protection complémentaires et des dispositifs de séjour temporaires pour les travailleurs migrants déplacés par les changements climatiques ou les catastrophes et qui ne peuvent rentrer dans leur pays.

Plusieurs autres membres du Comité sont ensuite intervenus, notamment pour présenter les efforts du Comité afin d’augmenter le nombre de ratifications de la Convention ; pour évoquer l’application et le suivi du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ; pour insister sur l’importance d’autonomiser les femmes et les filles à toutes les étapes des migrations ; et pour évoquer le projet d’observation générale n° 5 du Comité, sur le droit des migrants à la liberté et leur protection contre la détention arbitraire.

Les Philippines, le Burkina Faso, l’Azerbaïdjan, le Mozambique et le Maroc ont pris part au dialogue.

Le Comité entamera vendredi 6 septembre, à 10 heures, l’examen du rapport de la Colombie. Il achèvera ensuite les travaux de sa trente et unième session mercredi prochain, 11 septembre, en rendant publiques ses observations finales sur les trois États parties dont il aura examiné les rapports durant cette session, à savoir l’Argentine, la Bosnie-Herzégovine et la Colombie.


Aperçu des déclarations

M. AHMADOU TALL, Président du Comité, a rappelé que l’on comptait actuellement 258 millions de migrants dans le monde, dont environ 20% sont en situation irrégulière, et parmi lesquels figurent 30 millions d’enfants. La migration est une réalité quotidienne que nous devrions accepter, a souligné M. Tall. En tant que stratégie d’adaptation humaine normale face aux effets du changement climatique et des catastrophes, la migration est souvent la seule option pour des communautés confrontées aux catastrophes internes, a insisté le Président du Comité.

À cet égard, a poursuivi M. Tall, les États doivent s’attaquer aux effets du changement climatique, de la dégradation de l’environnement et veiller à ce que de tels facteurs n’entravent pas la jouissance des droits fondamentaux des migrants et de leur famille. Les États devraient aussi proposer des mécanismes de protection complémentaires et des dispositifs de séjour temporaires pour les travailleurs migrants déplacés par les changements climatiques ou les catastrophes et qui ne peuvent rentrer dans leur pays, a recommandé le Président du Comité.

M. Tall a aussi souligné que les abus dont sont victimes les travailleurs migrants s’intensifient lorsqu’ils sont en situation irrégulière. Non seulement la protection de leurs droits les plus élémentaires liés au travail leur sont refusés, a déploré M. Tall, mais ils rencontrent aussi des problèmes de sécurité personnelle, dans l’accès aux services médicaux et aux services d’éducation pour leurs enfants. Ils peuvent aussi faire face à des abus au niveau des frontières internationales et, dans certaines situations, être victimes de la traite des êtres humains, a mis en garde le Président du Comité.

M. Tall a ensuite rendu compte de la 31e Réunion des Présidents d’organes de traités qui s’est tenue à New York en juin 2019. Ont été abordées à cette occasion de nombreuses questions d’organisation et d’harmonisation du travail, relatives notamment à la procédure simplifiée de présentation des rapports, au format des observations finales, à la possibilité d’un examen des rapports des États au niveau régional ou encore au cycle d’établissement des rapports. Lors de cette Réunion, les Présidents d’organes ont obtenu que lesdits organes puissent participer aux négociations concernant les modalités et autres aspects organisationnels du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, a aussi fait savoir M. Tall.

MME JASMINKA DZUMHUR, Vice-Présidente du Comité, a indiqué qu’à ce jour, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles avait été ratifiée par 55 États, alors que treize autres l’ont signée. Il s’agit surtout de pays d’Afrique et de la région latino-américaine, a-t-elle fait observer, avant d’ajouter que seuls quatre pays d’Europe y ont accédé : l’Albanie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine et la Turquie. L’experte a indiqué qu’il n’y avait pas d’explication claire de la raison pour laquelle 130 États ne sont pas prêts à ratifier la Convention, compte tenu du fait que tous les droits qui y sont défendus ont été déjà définis dans d’autres instruments des Nations Unies.

Pour inciter à la ratification universelle de la Convention, a indiqué Mme Dzumhur, le Comité envisage deux pistes : la promotion des droits inscrits dans la Convention et la promotion de la Convention elle-même. Le Comité défend les droits figurant dans la Convention par le biais de ses observations finales, qui doivent aider les États à appliquer leurs obligations en matière de droits de l’homme, ainsi que par l’intermédiaire de ses observations générales et de sa participation à des forums où l’on débat des questions liées aux migrations. Ces observations sont aussi un outil pour promouvoir la Convention et sa ratification, a observé Mme Dzumhur, rappelant que les deux dernières observations générales ont été préparées avec le Comité des droits de l’enfant.

M. MOHAMMED CHAREF, membre du Comité, a regretté que les États-Unis se soient retirés du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières au stade des négociations, et a déploré les hésitations d’autres pays sous l’effet de mouvements hostiles à l’immigration. M. Charef a souligné que le Pacte, sans définir le migrant, reconnaît explicitement l’importance des migrations comme une source de prospérité, d’innovation et de développement durable et souligne le rôle des migrations comme un facteur de développement des pays d’origine, de transit et de destination.

M. Charef a ajouté que le Pacte, simple cadre fédérateur, n’avait n’a pas force de loi et que la traduction de ses principes en objectifs concrets et réalisables appelait une coopération entre États et des partenariats avec la société civile, le secteur privé et d’autres parties prenantes. À cette fin, le Comité a créé une petite cellule pour réfléchir aux points de convergence entre la Convention et le Pacte et élaborer des propositions pour la mise en œuvre d’actions politiques et opérationnelles. La Convention demeure le garde-fou pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a insisté M. Charef.

MME MARIA LANDAZURI DE MORA, Vice-Présidente du Comité, a d’abord demandé aux États de reconnaître non seulement les contributions importantes des femmes migrantes au développement social et économique des pays d’origine, de transit et de destination, mais aussi le lien étroit qui existe entre le genre, les migrations et le développement. Elle a insisté sur le fait que le développement durable et inclusif dépendait de l’autonomisation économique, sociale et politique des femmes et des filles, à toutes les étapes de la migration. Elle a recommandé de combattre les discours pervers qui soutiennent que les femmes migrantes devraient être payées moins que d’autres.

La perception de l’opinion publique est importante pour assurer une protection effective des droits des migrants, a rappelé l’experte. Elle a appelé les États, leurs autorités et leurs dirigeants, ainsi que les médias, à s’abstenir de diffuser des idées et des initiatives qui divisent les communautés et déshumanisent les migrants, qui assimilent migration et criminalité, et qui font de la présence des migrants et de leur famille une cause d’insécurité.

Mme Landazuri de Mora a rappelé que sur 12 495 migrants disparus en mer Méditerranée, 1541 étaient des enfants. Elle a déploré le silence des États de destination face à ce drame, estimant qu’il s’agissait d’une violation gravissime des droits de l’homme, assimilable à la disparition forcée.

Pour sa part, M. ALVARO BOTERO NAVARRO, membre du Comité et coordonnateur de la rédaction du projet d’observation générale n° 5 sur « le droit des migrants à la liberté et leur protection contre la détention arbitraire », a indiqué que ce projet avait pour objet de donner des indications claires aux États afin qu’ils s’acquittent de leurs obligations au titre de la Convention.

Après avoir décrit le processus de consultation autour de ce projet, M. Botero Navarro a précisé que le Comité avait constaté, ce faisant, une tendance préoccupante à la criminalisation des travailleurs migrants. Les organisations de la société civile s’inquiètent aussi de la détention de migrants mineurs et de cas de violence, voire de torture, sur des migrants détenus. Le projet décrit donc le cadre normatif relatif à la protection des migrants contre la détention arbitraire et pose certains principes tels que l’interdiction de la détention de mineurs, de la torture et de l’esclavage, a indiqué M. Botero Navarro.

Aperçu du débat

Les Philippines ont déclaré que la protection des droits des migrants était l’un des piliers de leur politique étrangère et de l’action du Gouvernement sur le plan national. Les Philippines plaident aussi pour l’accès des migrants à la protection consulaire et diplomatique. Elles soutiennent l’action du Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants et défendent une application cohérente du Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Le Comité peut être assuré du soutien des Philippines, a ajouté la délégation du pays.

Le Burkina Faso a dit espérer que cette rencontre (entre le Comité et les Etats) permettrait d’encourager les États à ratifier la Convention. Le Burkina Faso, en tant que pays de départ et de transit des migrations, soutient pleinement l’action du Comité. Le pays salue le projet d’observation générale n°5 et espère que cette initiative aidera les États à s’acquitter de leurs obligations au titre de la Convention, dans un contexte marqué par de graves violations des droits des travailleurs migrants à travers le monde.

L’Azerbaïdjan a indiqué avoir adopté un système de visa électronique permettant l’émission des documents en trois jours, voire trois heures dans certains cas. La délégation s’est dite heureuse d’accueillir à Bakou, après la présente session, une réunion du bureau du Comité.

Le Mozambique a insisté sur l’importance que revêt l’application de la Convention au niveau de la région de l’Afrique australe, dans un contexte où la violence et la discrimination xénophobes persistent. Le Mozambique a prié le Comité de se pencher sur la situation dans cette région.

Le Maroc a dit avoir pris des mesures considérables pour défendre les droits des migrants – des mesures saluées par une experte des Nations Unies lors d’une visite récente. Le Maroc a ainsi procédé, dernièrement, à la régularisation de plus de 24 000 migrants. Le Maroc refuse aussi de rassembler les migrants dans des centres de détention, préférant les intégrer dans la société, conformément au Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières qui a été ratifié à Marrakech en 2018, a indiqué la délégation marocaine.

Dans le cadre du dialogue noué avec les États, un expert du Comité a regretté que la Convention ne soit pas ratifiée par de nombreux États qui accueillent des migrants. La question se pose donc de savoir comment défendre les droits des travailleurs migrants dans ces États, a-t-il souligné. Pour ce faire, a-t-il indiqué, les États parties pourraient informer les différents organes conventionnels des violations des droits des travailleurs migrants et de leur famille ; en effet, les droits contenus dans la Convention sont mentionnés dans d’autres instruments des droits de l’homme – s’agissant par exemple des droits des enfants migrants.

Répondant à une question du Burkina Faso, le Président du Comité a indiqué, s’agissant de l’examen du fonctionnement des organes de traités qui doit intervenir en 2020, que le Secrétaire général des Nations Unies, lors d’une réunion en juin dernier avec les Présidents des organes conventionnels, n’avait pas caché que la crise financière que traverse l’ONU aurait certainement des répercussions sur le fonctionnement desdits organes en 2020.

M. Tall a demandé aux États de faire en sorte que la protection des droits de l’homme ne soit pas minimisée au sein des Nations Unies. Des questions financières ne doivent pas justifier un recul des droits, a insisté le Président. Il s’est dit conscient, cependant, du fait que le système de rapport impose une lourde charge aux États. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, les organes de traités – au travers de leurs Présidents – se sont tous engagés à réformer leur fonctionnement.

Un expert a jugé déplorable la résurgence de xénophobie dans la région de l’Afrique australe, comme ailleurs. Il a insisté sur l’importance de créer un observatoire africain des migrations et de désigner un commissaire africain sur cette question. L’action potentielle des organisations régionales africaines a aussi été mise en avant, alors que la majorité des déplacements d’Africains se font en Afrique même. Les États de la SADC (Communauté de développement d’Afrique australe) doivent s’organiser entre eux pour faire face aux migrations et sensibiliser les populations, a pour sa part recommandé le Président du Comité.

Le Président a aussi remercié l’Azerbaïdjan pour son invitation à tenir une réunion du bureau du Comité à Bakou.



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