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Examen des Maldives au CERD : la situation des travailleurs migrants est particulièrement débattue
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD, selon l’acronyme anglais) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par les Maldives au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation maldivienne venue soutenir ce rapport, une experte a notamment souligné que le Comité appréciait les efforts déployés par les Maldives pour améliorer le cadre juridique relatif à la situation des travailleurs migrants, eu égard en particulier à l'élaboration d'une politique de santé des migrants lancée officiellement le 30 juin 2025.
L’experte a toutefois fait remarquer que, selon des informations parvenues au Comité, les travailleurs migrants sans papiers aux Maldives, de même que les migrants effectuant des travaux manuels intensifs, manqueraient souvent d'une protection sociale adéquate et seraient victimes de la confiscation de leur passeport, du non-paiement de leur salaire, de travail forcé et de servitude pour dettes. D’autres préoccupations de l’experte ont porté sur les conditions de vie des travailleurs migrants aux Maldives: ces conditions sont décrites comme « dangereuses, cruelles, inhumaines ou dégradantes », s’est inquiétée l’experte. Selon les informations reçues par le Comité, a-t-elle notamment souligné, les travailleuses migrantes aux Maldives, en particulier celles qui travaillent dans le secteur des soins à domicile, sont confrontées à des abus profondément enracinés.
Une autre experte a fait état de préoccupations relatives à l’absence de procédure claire pour la révocation des autorisations de séjour aux Maldives, ce qui, a-t-elle relevé, peut exposer les migrants à des expulsions et renvois arbitraires.
Un expert a pour sa part fait remarquer que, selon des informations en possession du Comité, aucune enquête n'a jamais été menée par le Gouvernement maldivien, ni aucune donnée jamais collectée, afin de déterminer s'il existe une discrimination raciale ou du racisme aux Maldives, ce qui rend difficile de certifier l'existence ou l'inexistence de discriminations raciales aux Maldives.
Le même expert a voulu savoir comment les autorités allaient transposer la Convention dans le droit interne, alors que le pays ne prévoit pas d'adopter une loi autonome contre la discrimination. Une telle loi devrait inclure une définition couvrant les formes directes, indirectes et multiples de la discrimination raciale, a souligné l’expert.
Cet expert a par ailleurs relevé qu'aucune loi contraire à un principe de l'islam ne pouvait être promulguée aux Maldives et que les non-musulmans ne pouvaient pas devenir citoyens du pays. Il a fait remarquer que ces dispositions étaient « très proches de la discrimination fondée sur la religion » et contraires aux principes de la Convention et d'autres instruments juridiques internationaux et régionaux.
Présentant le rapport de son pays, M. Ahmed Usham, Procureur général de la République des Maldives, a indiqué que les protections garanties par la Convention étaient inscrites dans la Constitution maldivienne, qui garantit tous les droits et libertés sans discrimination, y compris sur la base de la race ou de l'origine nationale. Les personnes dont les droits sont bafoués ont accès à des recours judiciaires et non judiciaires, notamment par l'intermédiaire de la Commission des droits de l'homme des Maldives, de l'Autorité des relations du travail, du Tribunal du travail, du Bureau des droits civils, ainsi que des tribunaux. Pour ces raisons, le Gouvernement n'a pas l'intention, à l'heure actuelle, d'introduire une loi autonome contre la discrimination, a déclaré le Procureur général; néanmoins, a-t-il assuré, le Gouvernement s’est engagé à maintenir un cadre juridique solide qui garantit des protections efficaces reflétant les principes de la Convention.
M. Usham a ensuite fait savoir que l’équipe spéciale nationale sur les questions concernant les travailleurs migrants, créée en 2019, avait coordonné le programme de régularisation et mis en œuvre des solutions durables pour les travailleurs migrants sans papiers et en situation irrégulière. Le Procureur général a par ailleurs insisté sur le fait que la population maldivienne était très homogène – la diversité raciale et ethnique y résultant principalement de la migration de main-d'œuvre –, et a rappelé que l'islam était un élément déterminant de l'identité maldivienne.
La délégation maldivienne était également composée, entre autres, de M. Ali Ihusaan, Ministre de la sécurité intérieure et de la technologie des Maldives, de Mme Salma Rasheed, Représentante permanente des Maldives auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de deux Ministres d’État et d’autres représentants des Ministères des affaires étrangères; de l’éducation; de l'enseignement supérieur, du travail et du développement des compétences; de la santé; du tourisme et de l’environnement; et du développement social et familial. Étaient aussi représentés les services de police et correctionnel, le Bureau des statistiques et le Bureau de lutte contre la traite des personnes aux Maldives.
Au cours du dialogue, la délégation a notamment fait savoir que le principe de non-discrimination était une pierre angulaire de la Constitution et des lois maldiviennes. En particulier, l’article 17 de la Constitution interdit la discrimination au motif de la race, tandis que les lois régissant la fourniture des services de base interdisent toute discrimination et garantissent des droits égaux pour tous. La protection contre la discrimination est ainsi assurée même en l’absence de loi autonome dans ce domaine, a assuré la délégation.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport des Maldives et les publiera à l’issue de sa session, le 5 décembre prochain.
Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport du Guatemala.
Examen du rapport des Maldives
Le Comité est saisi du rapport valant treizième à quinzième rapports périodiques des Maldives (CERD/C/MDV/13-15), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité et portant sur la période 2011-2022.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. AHMED USHAM, Procureur général de la République des Maldives, a notamment indiqué que l’engagement de son pays en faveur d'une gouvernance transparente et inclusive avait été réaffirmé par les élections présidentielles de 2023 et les élections législatives de 2024, qui se sont déroulées dans le calme, reflétant la grande confiance du public dans les processus démocratiques. L'administration actuelle du Président Mohamed Muizzu s'est engagée à promouvoir l'égalité, à renforcer la protection contre la discrimination et à favoriser la cohésion sociale, a souligné le Procureur général.
Les Maldives restent fermement attachées au système international des droits de l'homme, étant parties à huit des neuf conventions fondamentales et à sept protocoles facultatifs, a poursuivi le chef de délégation, avant de faire savoir que le Gouvernement a d’autre part entamé le processus de publication de la déclaration prévue au titre de l'article 14 de la Convention [concernant la reconnaissance de la compétence du Comité pour recevoir des communications, ou plaintes individuelles]. Les Maldives sont aussi fières d'avoir approuvé le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, a ajouté M. Usham.
M. Usham a ensuite insisté sur le fait que la population maldivienne était très homogène, la diversité raciale et ethnique y résultant principalement de la migration de main-d'œuvre.
Les protections garanties par la Convention sont inscrites dans la Constitution, qui garantit tous les droits et libertés sans discrimination, y compris sur la base de la race ou de l'origine nationale, a d’autre part souligné le Procureur général. Les personnes dont les droits sont bafoués ont accès à des recours judiciaires et non judiciaires, notamment par l'intermédiaire de la Commission des droits de l'homme des Maldives, de l'Autorité des relations du travail, du Tribunal du travail, du Bureau des droits civils nouvellement créé, ainsi que des tribunaux.
Pour ces raisons, le Gouvernement n'a pas l'intention, à l'heure actuelle, d'introduire une loi autonome contre la discrimination, a déclaré le Procureur général; néanmoins, a-t-il assuré, le Gouvernement s’est engagé à maintenir un cadre juridique solide qui garantit des protections efficaces reflétant les principes de la Convention.
M. Usham a ensuite présenté plusieurs réformes législatives adoptées récemment pour renforcer l'égalité et les protections aux Maldives. Ainsi, un amendement à la loi sur l'emploi adopté cette année a encore renforcé la gouvernance de la main-d'œuvre étrangère et introduit des sanctions en cas de traitement discriminatoire. D’autres réformes en cours comprennent une refonte de la loi sur l'immigration des Maldives et la mise à jour de la loi sur la famille, de la loi sur la prévention de la violence domestique et de la loi sur la prévention du harcèlement sexuel, afin de renforcer les garanties et d'améliorer l'accès à la justice. Un projet de loi sur l'aide juridique est également en cours d'élaboration, a précisé le chef de délégation.
L’équipe spéciale nationale sur les questions concernant les travailleurs migrants, créée en 2019, a coordonné le programme de régularisation et mis en œuvre des solutions durables pour les travailleurs migrants sans papiers et en situation irrégulière, a par ailleurs indiqué M. Usham. Le Gouvernement actuel a créé un mécanisme d'aide au retour volontaire et un programme permettant de régulariser des travailleurs même sans le consentement de leur employeur, lorsque celui-ci a enfreint la loi. Parallèlement, les Maldives ont criminalisé les discours haineux en modifiant le Code pénal, dans le but de prévenir la xénophobie et les crimes de haine, a ajouté le Procureur général.
M. Usham a reconnu la nécessité pour son pays de moderniser la gestion de la main-d'œuvre étrangère, afin de renforcer la protection des personnes concernées et de prévenir leur exploitation. Il a rappelé que l'islam est un élément déterminant de l'identité maldivienne, la Constitution stipulant que seuls les musulmans peuvent acquérir la citoyenneté maldivienne.
Questions et observations des membres du Comité
M. CHRISPINE GWALAWALA SIBANDE, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport des Maldives, a d’abord relevé que, selon un recensement établi en 2022, le pays comptait 515 132 habitants, dont 382 639 Maldiviens et quelque 132 490 étrangers. Selon les informations dont dispose le Comité, a ajouté l’expert, la population maldivienne est composée d’Indiens du Sud, de Cinghalais, d'Arabes, d'Africains, de Bangladais et de Sri-Lankais: il a demandé si le Gouvernement entendait opérer un recensement de la population permettant d’illustrer cette composition ethnique et si des statistiques étaient disponibles concernant la situation socioéconomique des différents groupes résidant sur le territoire maldivien.
L’expert a ensuite rappelé que selon l'article 2(a) de la Convention, les États parties s'engagent à abroger toute loi ou réglementation ayant pour effet de créer ou de perpétuer la discrimination.
M. Sibande a voulu savoir comment les autorités allaient transposer la Convention dans le droit interne si, comme l’a indiqué le Procureur général dans son introduction, il n'est pas prévu d'adopter une loi autonome contre la discrimination. Une telle loi devrait inclure une définition couvrant les formes directes, indirectes et multiples de la discrimination raciale, a souligné l’expert.
M. Sibande a d’autre part regretté que, comme l’indique le rapport lui-même, les Maldives n’aient adopté ni plan d'action, ni programme pour donner effet, au niveau national, à la Déclaration et au Programme d'action de Durban, que le pays a approuvés il y a plus de vingt ans.
Le même expert a par ailleurs relevé qu'aucune loi contraire à un principe de l'islam ne pouvait être promulguée aux Maldives et que les non-musulmans ne pouvaient pas devenir citoyens du pays. Il a fait remarquer que ces dispositions étaient « très proches de la discrimination fondée sur la religion » et contraires aux principes de la Convention et d'autres instruments juridiques internationaux et régionaux. De plus, selon certaines informations, si les musulmans jouissent librement de la liberté de religion aux Maldives, les autres groupes religieux ne peuvent exercer cette liberté que dans la sphère privée, a fait remarquer M. Sibande. En outre, le fait que seuls des musulmans puissent être membres de la Commission maldivienne des droits de l’homme constitue « une violation manifeste » de la Convention et de la Constitution des Maldives, a estimé l’expert.
M. Sibande a ensuite fait part de préoccupations parvenues au Comité relatives à un recul du pays dans le classement mondial de la liberté de la presse et à des restrictions sévères du droit de réunion.
M. Sibande a voulu savoir si le Gouvernement maldivien entendait ratifier la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles.
M. Sibande s’est d’autre part interrogé sur les mesures adoptées par le Gouvernement pour atténuer les répercussions des changements climatiques, du tourisme et des projets de développement sur les communautés marginalisées, en particulier les non-citoyens, et, dans ce contexte, pour garantir aux victimes l'accès à la justice et à des recours.
M. Sibande a par la suite fait remarquer que, selon des informations en possession du Comité, aucune enquête n'a jamais été menée par le Gouvernement maldivien, ni aucune donnée jamais collectée, afin de déterminer s'il existe une discrimination raciale ou du racisme aux Maldives, ce qui rend difficile de certifier l'existence ou l'inexistence de discriminations raciales aux Maldives. L’expert a recommandé de modifier les mécanismes de plainte dans les services publics, police incluse, afin que toute forme de discrimination raciale puisse être dénoncée et fasse l'objet d'une enquête.
M. Sibande a relayé des informations selon lesquelles des propos incitant à la haine raciale sont ouvertement tenus à l'encontre des non-ressortissants sur les réseaux sociaux et dans les journaux aux Maldives, notamment par l'utilisation de termes péjoratifs tels que Bangaalhi: ce type de discrimination peut conduire à des crimes haineux à l'encontre des non-ressortissants, a mis en garde l’expert.
M. Sibande a fait état d’autres préoccupations relatives à plusieurs cas non résolus de disparition forcée aux Maldives, ainsi qu’à des allégations de menaces contre l’indépendance de la justice maldivienne. Il a en outre relevé l’existence de nombreux obstacles matériels à l’accès à la justice aux Maldives.
MME CHINSUNG CHUNG, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport des Maldives, a fait état de préoccupations relatives au recours excessif à la force, par la police, contre des travailleurs migrants et des Bangladais vivant aux Maldives. Les droits des travailleurs migrants ne sont pas respectés dans la mesure où les messages publics pour d’autres religions que l’islam sont interdits par la loi, a en outre fait observer l’experte.
Mme Chung a ensuite indiqué que le Comité appréciait les efforts déployés par les Maldives pour améliorer le cadre juridique relatif à la situation des travailleurs migrants, eu égard en particulier à l'élaboration d'une politique de santé des migrants lancée officiellement le 30 juin 2025.
L’experte a voulu savoir si le Gouvernement entendait modifier l'article 4 de la loi sur l'emploi afin d'y inclure explicitement l'origine nationale comme motif de discrimination interdit, et s’est enquise de ce qu’il en était des activités de l’équipe spéciale nationale sur les questions concernant les travailleurs migrants, créée en 2019. Elle s’est enquise des mesures prises pour faciliter le dépôt de plaintes par les travailleurs migrants victimes de violations de leurs droits.
Mme Chung a fait remarquer que, selon des informations parvenues au Comité, les travailleurs migrants sans papiers, de même que les migrants effectuant des travaux manuels intensifs, manqueraient souvent d'une protection sociale adéquate et seraient victimes de la confiscation de leur passeport, du non-paiement de leur salaire, de travail forcé et de servitude pour dettes. Le problème des salaires est assez grave, a insisté l’experte: bien que la mise en place d'un salaire minimum ait été annoncée, le septième amendement à la loi sur l'emploi a reporté sine die son application aux travailleurs migrants, a-t-elle observé.
D’autres préoccupations de Mme Chung ont porté sur les conditions de vie des travailleurs migrants aux Maldives. Ces conditions ont été décrites comme « dangereuses, cruelles, inhumaines ou dégradantes », s’est inquiétée l’experte, avant d’évoquer notamment un incendie dans un logement exigu à Malé qui, en novembre 2022, a coûté la vie à dix travailleurs.
De nombreux migrants sont victimes de stigmatisation et de discrimination aux Maldives, où ils sont parfois présentés comme des « vecteurs de maladies » ou des « menaces pour la santé publique », a d’autre part déploré l’experte.
Selon les informations reçues par le Comité, les travailleuses migrantes aux Maldives, en particulier celles qui travaillent dans le secteur des soins à domicile, sont confrontées à des abus profondément enracinés, a poursuivi Mme Chung. De plus, a-t-elle ajouté, bien que les Maldives aient adopté la loi de 2014 sur la prévention des abus et du harcèlement sexuels, selon plusieurs rapports, le harcèlement sexuel des femmes sur le lieu de travail reste courant.
Mme Chung a voulu savoir ce qui était fait pour empêcher les refoulements et les expulsions collectives sans évaluation adéquate des besoins de protection, ainsi que pour interdire l'expulsion des étrangers, en particulier pour des motifs religieux.
L’experte a d’autre part demandé si tous les enfants nés aux Maldives, y compris ceux de travailleurs migrants sans papiers, étaient enregistrés à la naissance, sans discrimination.
Mme Chung a en outre fait remarquer que les Maldives seraient un pays de destination pour la traite des êtres humains, y compris la traite à des fins d’exploitation sexuelle et en particulier le travail forcé, et a observé que la traite des enfants maldiviens à l'intérieur du pays constituerait aussi un problème.
Mme Chung s’est ensuite dite préoccupée par des campagnes en ligne diffamant la culture indienne et demandant l’expulsion des ressortissants de l’Inde et du Bangladesh.
S’agissant de la lutte contre les stéréotypes raciaux, Mme Chung a cité la Rapporteuse spéciale sur les droits culturels qui, après une visite aux Maldives, avait préconisé des mesures urgentes pour réintroduire l’enseignement de l’art, de la musique et de l’histoire dans les programmes scolaires obligatoires, et réagir au rejet de ces enseignements par les parents et par les enseignants. L’experte a demandé ce qui était fait pour favoriser l’éducation en matière de droits de l’homme dans les écoles maldiviennes, en particulier s’agissant de la lutte contre la discrimination raciale.
Enfin, Mme Chung et M. Sibande ont relevé que les défenseurs des droits de l’homme aux Maldives, de même que les avocats et les journalistes, semblent se heurter à de nombreux obstacles, notamment à des lois ambiguës permettant aux autorités de limiter leur capacité d’action et à des agressions. En particulier, les activités de plaidoyer contre les mariages d’enfants et contre les mutilations génitales féminines sont jugées contraires à l’islam et leurs auteurs sont parfois menacés de mort.
Une autre experte a fait état de préoccupations relatives à l’absence de procédure claire pour la révocation des autorisations de séjour aux Maldives, ce qui, a-t-elle relevé, peut exposer les migrants à des expulsions et renvois arbitraires.
Un expert a pour sa part relevé que l’institution maldivienne des droits de l’homme – accréditée en 2008 au titre du Statut B auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme – n’était encore, en 2025, que partiellement conforme aux Principes de Paris. Ce même expert a par ailleurs voulu savoir combien d’organisations non gouvernementales (ONG) travaillaient aux Maldives sur les questions en lien avec la discrimination raciale, et quels avaient été leurs apports à la préparation du présent rapport.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord précisé que le cadre juridique maldivien était fondé de longue date sur l’islam et que ce dispositif ne permettait pas les pratiques qui se situent en-dehors de ce cadre, y compris s’agissant de l’acquisition de la nationalité et des questions relatives au statut personnel.
Les autorités sont tolérantes envers la pratique des autres religions, mais vu le faible nombre de pratiquants concernés aux Maldives, il n’existe pas de lieux publics à leur intention, a ajouté la délégation.
Le principe de non-discrimination reste une pierre angulaire de la Constitution et des lois maldiviennes, a poursuivi la délégation, avant de souligner que l’article 17 de la Constitution interdit en particulier la discrimination au motif de la race. Les lois régissant la fourniture des services de base interdisent toute discrimination et garantissent des droits égaux pour tous, a en outre fait valoir la délégation. La protection contre la discrimination est ainsi assurée même en l’absence de loi autonome dans ce domaine, a-t-elle assuré.
Le Code pénal a été amendé à plusieurs reprises, depuis la présentation du rapport, pour intégrer une infraction d’incitation à la haine raciale et religieuse, ainsi qu’une infraction de cybercriminalité couvrant notamment les menaces, la diffamation et les atteintes à la personnalité, a indiqué la délégation. Toute plainte pour discrimination raciale en ligne donne lieu à une enquête, a-t-elle assuré. Les autorités adopteront les instruments juridiques nécessaires à l’intégration dans la loi maldivienne de la Convention contre la cybercriminalité, que le pays a signée, a en outre aussi fait savoir la délégation.
La campagne anti-indienne mentionnée par Mme Chung ciblait explicitement la présence de militaires indiens aux Maldives et ne reflétait en rien la position du Gouvernement, a expliqué la délégation. Ce genre de rhétorique incendiaire contre des non-ressortissants est considéré comme une incitation à la haine et à la violence, a-t-elle souligné.
Les autorités ont pris des mesures pour remédier aux difficultés que rencontrées dans la collecte de statistiques relatives aux infractions pénales, a-t-il par ailleurs été indiqué.
Le pays ne compte ni apatrides, ni demandeurs d’asile en résidence permanente, car il n’est pas partie aux instruments internationaux qui régissent ces situations, a expliqué la délégation. Le Gouvernement collabore avec des pays tiers pour qu’ils assurent l’accueil des personnes concernées, dans le respect du principe de non-refoulement, a-t-elle indiqué.
La délégation a insisté à plusieurs reprises sur le fait que son pays ne disposait pas de la base juridique nécessaire pour mettre en œuvre des mécanismes de protection des apatrides et des réfugiés. Les Maldives collaborent avec, entre autres, les organismes concernés des Nations Unies pour examiner chaque cas qui se présente, a-t-elle indiqué.
La loi garantit que tout enfant né aux Maldives a le droit d’être enregistré à l’état civil, indépendamment du statut de ses parents, et de bénéficier des services publics, a souligné la délégation.
La délégation a par ailleurs mentionné la construction en cours de logements de bonne qualité destinés aux migrants.
Les travailleurs migrants peuvent être expulsés s’ils participent à des activités illégales ou non autorisées par leur visa, a ensuite fait savoir la délégation, avant de souligner que les migrants ont dans tous les cas le droit de faire recours contre les décisions d’expulsion les visant.
La capacité des immigrés de participer à des activités politiques aux Maldives est limitée, l’objectif étant de préserver l’harmonie au sein des communautés, a ajouté la délégation.
Les Maldives ne sont pas en mesure de signer la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, étant donné les ressources limitées dont dispose le pays, a déclaré la délégation.
La délégation a souligné que la loi sur l’emploi interdisait la discrimination dans tous les contextes et pour tous les motifs, en particulier celui de l’origine nationale, y compris s’agissant de la détermination du salaire. Depuis la présentation du rapport, la loi a été amendée à deux reprises pour améliorer le cadre juridique relatif aux travailleurs migrants, avec notamment l’introduction d’un mécanisme de contrôle de leurs conditions de travail, a fait valoir la délégation. Ce mécanisme prévoit des sanctions pour des infractions telles que le non-paiement des salaires et l’exploitation au travail. Un portail a aussi été créé pour aider les migrants à déposer plainte en cas de violation de leurs droits et pour les aider à régulariser leur situation, a précisé la délégation.
Le salaire minimum appliqué aux Maldives depuis 2022 est réévalué tous les deux ans, la prochaine réévaluation devant intervenir le mois prochain, et il est envisagé d’en faire bénéficier les travailleurs migrants à partir de janvier 2026, a indiqué la délégation.
En 2019, l’équipe spéciale nationale sur les questions concernant les travailleurs migrants a été chargée, entre autres missions, de trouver des solutions pour mieux gérer les migrations clandestines, notamment par un meilleur contrôle des frontières, et d’améliorer la situation des travailleurs sans papiers, y compris par le biais de régularisations. Des progrès importants ont été réalisés à cet égard, a indiqué la délégation.
Le Ministère de la santé garantit des soins de santé à tous, sans discrimination, a ensuite souligné la délégation, avant d’ajouter que des solutions sont mises en place pour les migrants sans papiers, en coordination avec des organisations non gouvernementales. Plus généralement, la politique de santé lancée en 2025, mentionnée par Mme Chung, vise une meilleure intégration des migrants dans le système de santé nationale; un plan d’action complet pour ce faire sera adopté en 2026, a précisé la délégation.
Des mesures ont été prises pour lutter contre le harcèlement sexuel et la violence au travail à l’encontre des travailleurs étrangers, a aussi indiqué la délégation. Elle a donné d’autres explications concernant les recours ouverts aux victimes de ces faits et les sanctions qu’encourent les responsables. Les tribunaux ont été saisis de cinquante cas depuis 2017, a-t-elle précisé.
La délégation a ensuite fait part de l’application de plusieurs plans de lutte contre la traite des êtres humains, qui prévoient entre autres des services de protection des victimes. Le Gouvernement a mis en place des forums trimestriels de coordination avec les organisations de la société civile et déploie des efforts pour améliorer la collecte de données dans ce domaine. La loi sur la lutte contre la traite est entrée en vigueur en 2021 et les Maldives ont ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée (Convention de Palerme), a précisé la délégation.
Ont en outre été mentionnés les programmes déployés par l’État et par la Commission des droits de l’homme pour sensibiliser les fonctionnaires et la population aux droits humains et à la nécessité de lutter contre toute forme de discrimination.
Le pays a adopté des cadres législatifs pour intégrer des éléments spécifiques de la Déclaration et du Programme d’action de Durban, a-t-il par ailleurs été précisé.
La Commission nationale des droits de l’homme a retrouvé son autonomie de fonctionnement en 2020 grâce à une réforme traitant, en particulier, de l’augmentation de son budget et de la lutte contre la corruption parmi ses membres, a ensuite fait savoir la délégation.
La loi sur la liberté de réunion pacifique a été amendée pour élargir le nombre des lieux où il possible d’organiser des manifestations sans notification préalable aux autorités, a poursuivi la délégation. Les Maldives appliquent, s’agissant du droit de manifester, des restrictions comparables à celles appliquées dans d’autres pays à travers le monde, a affirmé la délégation.
Des mesures juridiques ont été prises pour faire en sorte que les organisations de la société civile et les défenseurs des droits de l’homme ne fassent pas l’objet de représailles, a d’autre part indiqué la délégation.
Concernant les aspects statistiques, il a été précisé que le recensement de 2022 avait été conduit dans le respect des normes des Nations Unies en la matière.
Le plan de préparation et de riposte aux effets des changements climatiques tient compte des besoins des populations les plus vulnérables, a indiqué la délégation. De même, la stratégie de résilience et de préparation face aux catastrophes prévoit la diffusion d’informations dans les langues des personnes étrangères vivant aux Maldives, toute discrimination étant explicitement interdite dans ce domaine. Le Gouvernement est en train d’organiser des consultations d’experts pour renforcer les plans, a ajouté la délégation.
La délégation a par ailleurs fait état de réformes menées pour améliorer l’état de droit et renforcer la confiance du public dans le pouvoir judiciaire. Le Gouvernement a créé une Commission des services judiciaires qui sera chargée de contrôler l’impartialité et la transparence du système, a-t-elle fait valoir.
La délégation a mentionné la création en 2020 d’un mécanisme national permanent chargé de coordonner la préparation des rapports dus aux organes conventionnels et à l’Examen périodique universel, et d’assurer le suivi des recommandations adressées aux Maldives dans ces contextes. Ce mécanisme invite les organisations de la société civile à contribuer à la préparation de ces rapports, a-t-elle précisé.
Les mutilations génitales féminines sont interdites dans le Code de l’enfance, a souligné la délégation en réponse à l’interrogation d’un membre du Comité.
La délégation a indiqué que la liberté d’expression était garantie aux Maldives pour autant qu’elle ne contrevienne pas aux principes de l’islam et des lois en vigueur. Le Gouvernement a toujours été favorable à un espace le plus grand possible pour la société civile et les défenseurs des droits de l’homme, afin que les droits puissent s’exercer conformément aux lois et à la Constitution, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement ne tolère aucun discours de haine, ni aucune forme de harcèlement à l’égard de la société civile, a affirmé la délégation.
Le cadre juridique actuel, notamment les amendements apportés récemment au Code pénal, est adéquat pour répondre à toutes menace ou représailles à l’encontre des organisations de la société civile et des défenseurs des droits de l’homme, a estimé la délégation.
Le programme scolaire national intègre des aspects liés aux droits de l’homme, à la démocratie et à la justice, a par ailleurs indiqué la délégation. Les sous-thèmes sont notamment les droits et les responsabilités, l’identité et la culture, l’éducation civique et la citoyenneté, la tolérance et l’empathie, a-t-elle précisé.
Les autorités ont pris des mesures pour que l’institution nationale de droits de l’homme bénéficie du soutien technique nécessaire lui permettant d’exercer son mandat, a d’autre part souligné la délégation.
Ce document produit par le Service de l’information des Nations Unies à Genève est destiné à l'information ; il ne constitue pas un document officiel.
Les versions anglaise et française de nos communiqués sont différentes car elles sont le produit de deux équipes de couverture distinctes qui travaillent indépendamment.
CERD25.011F