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Examen du Tchad au CEDAW : la Constitution de 2023, qui prévoit expressément l'égalité des sexes devant la loi, est saluée, mais la persistance de contraintes socioculturelles, de stéréotypes et de coutumes néfastes est relevée

Le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW, selon l’acronyme en anglais) a examiné aujourd’hui le rapport soumis par le Tchad au titre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Au cours du dialogue noué entre une délégation tchadienne venue soutenir ce rapport et les expert(e)s membres du Comité, le Tchad a été félicité pour l'adoption de la Constitution de 2023 – qui prévoit expressément l'égalité des sexes devant la loi et impose à l'État l'obligation d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes – et pour son premier plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité (2023-2027).
Une experte a cependant fait état de « statistiques qui reflètent les disparités entre les sexes [existantes au Tchad] dans différents domaines, tels que l'éducation, l'autonomisation économique, l'accès à la justice, la santé, l'accès à l'électricité et la prise de décision ». Elle a demandé où en était l’adoption du projet de code de la famille, qui donnerait à l'État la possibilité d'interdire toutes les formes de discrimination directe et indirecte, y compris la discrimination fondée sur le handicap.
Outre les contraintes socioculturelles qui favorisent l'impunité et l'absence de responsabilité pour les violations des droits des femmes et des filles, y compris les violations subies pendant le conflit, a poursuivi l’experte, trois éléments méritent d'être soulignés s’agissant du Tchad : la pratique du diyya ou prix du sang ; le fait que les lois coutumières et religieuses priment sur les lois formelles en matière d'accès à la justice ; et la justice transitionnelle et l'indemnisation. L’experte a voulu savoir ce que l'État faisait pour assurer l’accès des femmes à la justice.
Une autre experte a relevé que malgré les garanties constitutionnelles, les stéréotypes discriminatoires persistaient dans l'éducation, les médias et le système judiciaire, renforçant l'exclusion des femmes des postes de direction et de prise de décision.
Des expertes ont recommandé que le Tchad sensibilise la population à l’importance de la dépénalisation de l’avortement et que le pays ne ménage aucun effort pour réduire le taux de mortalité maternelle. Plusieurs ont aussi espéré que le Tchad ratifierait sans tarder le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique, ou Protocole de Maputo.
Présentant le rapport de son pays, M. Youssouf Tom, Ministre de la justice, Garde des Sceaux et des droits humains du Tchad, a notamment indiqué que le Ministère de la femme et de l’enfance s’était engagé à atteindre plusieurs objectifs, notamment protéger les femmes et les enfants contre toutes les formes de violence, d'exploitation et de discrimination ; contribuer à la promotion de la santé de reproduction et de l'éducation pour les filles et les enfants en général ; ou encore mener des campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes et des enfants.
Le Ministre a par ailleurs indiqué que le législateur avait inséré dans le Code électoral de 2024 un quota d’au moins 30% des femmes sur la liste des candidats aux élections législatives, provinciales et communales, en conséquence de quoi on compte plus de 30% de femmes à la quatrième législature, a-t-il précisé, insistant sur le fait que ce résultat constituait, pour le Gouvernement, une grande enjambée vers l’objectif de la parité.
Le Ministre a aussi tenu à évoquer la situation des réfugiés et des personnes déplacées qui affluent massivement sur le territoire tchadien, et dont le nombre est aujourd’hui estimé à plus d’un million de personnes. Les premières victimes de ce phénomène sont les femmes et les enfants qui ont besoin de prise en charge, a-t-il souligné.
La délégation tchadienne était également composée, entre autres, de M. Jean-Pierre Baptiste, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, et de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, de la femme et de l’enfance, et de la santé.
Durant le dialogue, la délégation a notamment insisté sur le fait que le versement de la diyya, qui – a-t-elle affirmé – est une forme de réparation civile, ne faisait pas obstacle à la saisine des juridictions compétentes. La justice coutumière, qui fait de la conciliation, ne prend pas le pas sur la justice moderne, a-t-elle assuré. La délégation a aussi précisé que les processus d’adoption du projet de code de la famille et de ratification du Protocole de Maputo étaient en cours.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Tchad et les publiera à l’issue de sa session, le 4 juillet prochain.
Demain, à partir de 10 heures, le Comité examinera le rapport du Botswana.
Examen du rapport du Tchad
Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique du Tchad (CEDAW/C/TCD/5), ainsi que des réponses du pays à une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
En introduction, M. JEAN PIERRE BAPTISTE, Représentant permanent du Tchad auprès des Nations Unies à Genève, a présenté la délégation de son pays avant de céder la parole à M. YOUSSOUF TOM, Ministre de la justice, Garde des Sceaux et des droits humains de la République du Tchad, qui a présenté le rapport de son pays.
M. Tom a d’abord précisé que le Ministère consacré aux questions de la femme et de la petite enfance avait pour mission globale de garantir l'égalité des sexes et de protéger les droits de la femme en intégrant cette dimension dans toutes les politiques et programmes du Gouvernement. Ce Ministère de la femme et de l’enfance s’est s’engagé à atteindre plusieurs objectifs, notamment protéger les femmes et les enfants contre toutes les formes de violence, d'exploitation et de discrimination ; contribuer à la promotion de la santé de reproduction et de l'éducation pour les filles et les enfants en général ; ou encore mener des campagnes de sensibilisation sur les droits des femmes et des enfants.
D’autre part, a indiqué M. Tom, depuis la ratification de la Convention par le Tchad en 1995, des dispositions d’ordre législatif et administratif sont prises pour améliorer les conditions de la femme et éliminer toute forme de discrimination à son égard. Ainsi, la Constitution de 2023 dispose-t-elle que « l’État assure à tous l’égalité devant la loi sans distinction d’origine, de race, de sexe, de religion, d’opinion politique ou de position sociale. Il a le devoir de veiller à l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme et d’assurer la protection de ses droits dans tous les domaines de la vie privée et publique ».
L’article 34 de la Constitution stipulant que « l’État œuvre pour la promotion politique de la femme par une meilleure représentation des femmes dans les assemblées élues, les institutions et les administrations publiques », le législateur a inséré dans le Code électoral de 2024 un quota d’au moins 30% des femmes sur la liste des candidats aux élections législatives, provinciales et communales, a par ailleurs indiqué M. Tom. En conséquence, on compte plus de 30% de femmes à la quatrième législature, a précisé le Ministre, insistant sur le fait que ce résultat constituait, pour le Gouvernement, une grande enjambée vers l’objectif de la parité.
Le Ministre a en outre mentionné l’ordonnance n°003/PR/2025 (2025) portant prévention et répression des violences à l’égard des femmes et des filles en République du Tchad, la qualifiant d’« arme redoutable de protection de la femme tchadienne contre toutes les formes de violences dont elle est susceptible d’être victime ».
M. Tom a également mentionné d’autres mesures prises pour faire valoir les atouts de la femme en la hissant au-devant de la scène, au même titre que l’homme. Pour lutter efficacement contre les stéréotypes de genre, a précisé le Ministre, des initiatives ont été mises en place pour améliorer la formation des enseignants, notamment à travers le programme Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres (IFADEM), qui a permis de définir des stratégies pour favoriser l'accès des filles à l'éducation et leur maintien à l'école.
Le Gouvernement poursuit aussi ses efforts pour promouvoir l'égalité des genres à travers plusieurs programmes et réformes, dont le projet Autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel (SWEDD), qui a été renforcé en 2024 pour améliorer l'accès des jeunes filles à l'éducation et lutter contre les violences basées sur le genre. Ce programme, soutenu par la Banque mondiale et le Fonds des Nations Unies pour la population, a permis à 127 000 adolescents vulnérables, notamment des filles, de bénéficier de la prise en charge des frais d'inscription et de kits scolaires, entre autres.
M. Tom a ensuite tenu à évoquer la situation des réfugiés et des personnes déplacées qui affluent massivement sur le territoire tchadien, et dont le nombre est aujourd’hui estimé à plus d’un million de personnes. Les premières victimes de ce phénomène sont les femmes et les enfants qui ont besoin de prise en charge, a-t-il souligné. Or, cette prise en charge reste un défi permanent pour le Gouvernement tchadien, qui est confronté à des difficultés économiques et financières, a fait remarquer le Ministre.
M. Tom a assuré le Comité de la volonté de son Gouvernement de lutter contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes au Tchad, tout en faisant observer que cette volonté était mise à l’épreuve par des conjonctures économiques et des crises liées aux changements climatiques.
Questions et observations des membres du Comité
Une experte a félicité le Tchad pour l'adoption de la Constitution de 2023, qui prévoit expressément l'égalité des sexes devant la loi et impose à l'État l'obligation d'éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et d'assurer la protection de leurs droits dans tous les domaines de la vie privée et publique. L’experte a cependant fait état de « statistiques qui reflètent les disparités entre les sexes [existantes au Tchad] dans différents domaines, tels que l'éducation, l'autonomisation économique, l'accès à la justice, la santé, l'accès à l'électricité et la prise de décision ». Elle a aussi mentionné certains défis persistants en matière de paix et de sécurité, ainsi que la crise humanitaire, qui compromettent l’application des lois, politiques et programmes visant à éliminer toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et des filles.
L’experte a ensuite fait remarquer que certaines lois contenaient encore des dispositions discriminatoires qui contreviennent aux articles 14 et 15 de la Constitution de 2023 et à l'article premier de la Convention, concernant la discrimination. Elle a demandé où en était l’adoption du projet de code de la famille, qui donnerait à l'État la possibilité d'interdire toutes les formes de discrimination directe et indirecte, y compris la discrimination fondée sur le handicap.
Outre les contraintes socioculturelles qui favorisent l'impunité et l'absence de responsabilité pour les violations des droits des femmes et des filles, y compris les violations subies pendant le conflit, trois éléments méritent d'être soulignés, a poursuivi l’experte : la pratique du diyya ou prix du sang ; le fait que les lois coutumières et religieuses priment sur les lois formelles en matière d'accès à la justice ; et la justice transitionnelle et l'indemnisation. L’experte a voulu savoir ce que l'État faisait pour assurer l’accès des femmes à la justice.
Cette même experte a félicité le Tchad pour avoir élaboré son premier plan d'action national sur les femmes, la paix et la sécurité (2023-2027). Elle a toutefois regretté que des informations crédibles fassent état d’une absence de parité dans la mise en œuvre du programme, les femmes et les filles étant exclues d'une participation égale aux systèmes de prise de décision en temps de paix, de conflit et dans les situations humanitaires.
De plus, compte tenu de l'insécurité et des défis humanitaires qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles, l’experte a demandé ce qui était fait, d’une part, pour réduire la circulation des armes à feu et promouvoir le désarmement, la démobilisation et le rétablissement des communautés afin de réduire la circulation des armes à feu et, d’autre part, pour assurer la sécurité dans les sites de déplacement et les camps de réfugiés.
Une autre experte a demandé quelles stratégies la Commission nationale des droits de l’homme du Tchad pourrait appliquer afin d’améliorer l'accessibilité de ses mécanismes de plainte aux femmes. Elle a en outre recommandé que les autorités collectent des données ventilées à l’appui de leurs initiatives en matière de droits des femmes.
Une experte a demandé si le Tchad avait envisagé de prendre les mesures temporaires spéciales telles que prévues à l’article 4 de la Convention pour lutter contre l'extrême pauvreté et l'insécurité alimentaire qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les filles ; augmenter la scolarisation des filles et prévenir le mariage des enfants ; et favoriser la participation égale des femmes dans l'enseignement supérieur et l'emploi public et privé.
Une experte a fait remarquer que le Tchad restait une société patriarcale, où les femmes sont perçues comme subordonnées aux hommes. Ces rôles sexospécifiques sont renforcés par les normes culturelles et religieuses, les autorités traditionnelles et le pluralisme juridique, lequel permet souvent aux lois coutumières ou islamiques de passer outre les protections légales. Malgré les garanties constitutionnelles, les stéréotypes discriminatoires persistent dans l'éducation, les médias et le système judiciaire, renforçant l'exclusion des femmes des postes de direction et de prise de décision, a ajouté l’experte.
L’experte s’est ensuite inquiétée du taux élevé de mutilations génitales féminines au Tchad, de la persistance du mariage forcé des victimes de viol et du fait que le pays n’ait pas encore adopté de loi globale sur la violence sexiste.
La même experte a fait état d’une violence sexiste très répandue dans les camps de déplacés internes et de réfugiés, y compris des violences sexuelles commises par les forces de sécurité et les groupes armés. Il est signalé que les survivantes sont victimes de stigmatisation, d'un manque d'accès à la justice et de services de soutien limités en termes de soins psychosociaux ou de refuges, s’est inquiétée l’experte. Elle s’est enquise de ce qui était fait pour former la police, le personnel judiciaire et les agents de santé à la prise en charge des cas de violence sexiste tenant compte de la dimension de genre.
Un expert a mis en garde contre le risque élevé de traite auquel les personnes réfugiées au Tchad sont exposées. Il a salué les progrès déjà accomplis au Tchad pour prévenir ce phénomène, mais a demandé quelles mesures supplémentaires seraient prises à cet égard compte tenu de la situation dans les pays voisins.
Une experte a salué les nombreuses dispositions de la Constitution tchadienne qui stipulent que l'État a le devoir de veiller à l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et à la protection des droits des femmes dans la vie privée et publique. Elle a noté qu’aux élections de 2024, soixante-trois femmes, soit 33,5% des 188 membres, ont été élues au Parlement. Des préoccupations subsistent cependant, a-t-elle estimé, car les femmes sont exclues d'une participation égale et réelle aux systèmes de prise de décision, que ce soit en temps de paix, en situation de conflit ou dans des situations humanitaires. L'absence de parité dans les systèmes de prise de décision concerne notamment le Parlement, les secteurs public et privé, le service diplomatique, les organisations internationales, les entreprises, les conseils d'administration et le programme « Femmes, paix et sécurité ».
D’autres préoccupations ont été exprimées s’agissant du « taux très élevé » de naissances non enregistrées à l’état civil, y compris parmi les populations réfugiées au Tchad.
Une experte a salué les mesures prises par le Gouvernement au niveau administratif pour garantir l'égalité d'accès des filles et des jeunes femmes à tous les niveaux d'enseignement, y compris le fait que le Code pénal érige en délit le refus d'inscrire une élève à l'école en raison de sa grossesse ou de la réintégrer par la suite. Cependant, l’experte a fait part de préoccupations concernant le taux très élevé de mariage de jeunes filles mineures, qui les empêche de profiter du droit à l’éducation ; le problème de la violence et du harcèlement à l’école, qui les dissuade de venir en classe ; et la pénurie d’enseignantes dans les campagnes.
S’agissant des questions relatives à l’emploi, une experte a constaté que le taux de participation des femmes au marché du travail était encore inférieur à celui des hommes. Elle a demandé si les femmes étaient aidées à acquérir des compétences pour améliorer leur compétitivité sur le marché du travail.
Une experte a note des progrès réalisés par le Tchad dans le domaine de la santé et de la santé reproductive des femmes. Malgré ces avancées, a-t-elle relevé, des tendances alarmantes persistent s’agissant, notamment, de la mortalité maternelle et infantile et de l'impact sexospécifique du VIH/sida. Plus de 50% des décès maternels seraient dus à des avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, a en outre fait remarquer l’experte.
Une experte a salué les initiatives du Tchad pour favoriser le développement économique des femmes, telles que des programmes de formation et de renforcement des compétences dans le domaine des activités génératrices de revenus et la stratégie de microfinance visant à réduire la pauvreté. Toutefois, a-t-elle regretté, les préjugés sociaux et culturels à l'égard des femmes continuent d'entraver leur accès équitable aux biens, ressources et débouchés économiques, y compris à l’emploi dans le secteur du pétrole.
L’experte s’est interrogée sur l’existence de transferts ou subventions destinés à soutenir les femmes vivant dans la pauvreté, exerçant un emploi informel, résidant dans des zones rurales, vivant avec un handicap, victimes de déplacements forcés ou assumant des responsabilités familiales en tant que mères ou chefs de famille.
La majorité des femmes au Tchad travaillent dans le secteur informel et rural et assument ainsi quelque 70% de la fourniture des denrées alimentaires du pays : or, les femmes accèdent très difficilement à la propriété foncière, qui reste contrôlée par les autorités et chefs traditionnels, a fait remarquer une experte.
La même experte a rappelé qu’un conflit entre éleveurs peuls et agriculteurs ngambayes dans un village du sud-ouest du Tchad avait fait au moins 17 morts, tous des femmes et des enfants, la semaine dernière. La région du bassin du lac Tchad est touchée par le trafic illicite d'armes, qui entraîne une recrudescence des conflits entre agriculteurs et éleveurs, notamment des violences à l'égard des agricultrices, a regretté l’experte.
Une experte a regretté que, malgré les progrès du Tchad du point de vue réglementaire, les taux élevés de mariages précoces et d'unions de fait persistent, tout comme la polygamie et les coutumes discriminatoires en matière d'héritage et de maternité.
Des expertes ont recommandé que le Tchad ne tarde pas trop à sensibiliser la population à l’importance de la dépénalisation de l’avortement, et que le pays ne ménage aucun effort pour réduire le taux de mortalité maternelle. Plusieurs membres du Comité ont en outre espéré que le Tchad ratifierait sans tarder le Protocole de Maputo.
Pendant le dialogue, plusieurs expertes ont insisté sur le fait que le rôle du Comité consistait, en particulier, à aider les États parties à identifier les lacunes dans l’application de la Convention et à rendre leurs systèmes toujours plus efficaces.
Réponses de la délégation
La délégation a indiqué que le processus d’adoption du projet de code de la famille se poursuivait, une version révisée du document ayant été soumise à l’attention du Conseil des Ministres. Le processus de ratification du Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique (Protocole de Maputo) est lui en cours, a indiqué la délégation en réponse à la question d’une experte.
La délégation a mentionné les activités de l’Observatoire de la promotion de l’égalité et de l’équité du genre (OPEG), qui permet au Gouvernement de disposer de données statistiques relatives à la situation des femmes. L’Observatoire est rattaché aux services du Premier Ministre et est dirigé par une personne issue de la société civile, a-t-elle précisé.
La délégation a précisé que le Plan d’action relatif à la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité regroupait l’État, la société civile et les acteurs onusiens concernés. Le plan est financé par le budget de l’État et par les partenaires du Tchad.
La délégation a décrit le fonctionnement du centre de prise en charge des femmes victimes de violence basée sur le genre, ainsi que du système de protection de la femme et de l’enfant. Un projet de réinsertion sociale des femmes victimes de violence est en cours d’application, a-t-elle indiqué.
Des organisations de la société civile ont ouvert des cliniques juridiques pour permettre aux femmes et aux filles de dénoncer les violences ou violations de leurs droits dont elles sont victimes, a précisé la délégation, avant d’ajouter que la Commission nationale des droits de l’homme a reçu plusieurs milliers de plaintes de femmes et de filles.
La délégation a ensuite mentionné la création de services de prise en charge holistique – médicale, sociale, judiciaire – ainsi que de services de réinsertion des femmes victimes de violence. Parallèlement, le Ministère de la santé a donné des instructions claires pour que les viols soient recensés et dénoncés à la justice, a-t-elle souligné.
La délégation a par la suite fourni d’autres explications concernant la protection des femmes et des filles victimes de violence et de discrimination. Les auteurs de violence envers les femmes répondent de leurs actes devant la loi conformément au Code pénal, a souligné la délégation.
Le Ministère de la justice a ouvert des bureaux d’accès pour faciliter l’accès des victimes à la justice, a indiqué la délégation. Le versement de la diyya, qui est une forme de réparation civile, ne fait pas obstacle à la saisine des juridictions compétentes, a affirmé la délégation. La justice coutumière , qui fait de la conciliation, ne prend pas le pas sur la justice moderne, a-t-elle assuré.
Des sensibilisations et formations sont menées auprès des chefs religieux pour remédier à certaines pratiques néfastes qui font, par exemple, que la femme a moins accès à la terre que l’homme, a d’autre part indiqué la délégation.
Autre exemple, les leaders traditionnels et religieux au Tchad ont organisé un forum international sur l’élimination des mutilations génitales féminines, au terme duquel des engagements ont été pris. De plus, le plan d’action 2019-2023 contre les mariages d’enfants et les mutilations génitales féminines a fait l’objet d’une évaluation. Cette évaluation a permis d’élaborer une nouvelle feuille de route pour la période s’étendant jusqu’à 2027, a-t-il été précisé.
La loi interdit le mariage de mineurs depuis 2015, a fait savoir la délégation. La pratique peut persister dans des zones reculées, a-t-elle toutefois admis. Cependant, le Gouvernement agit fermement contre cette pratique et a donné pour instruction au parquet de traduire les auteurs des faits, y compris les parents, devant les tribunaux.
La délégation a par la suite fait état d’un recul du nombre de mariage d’enfants grâce aux efforts de sensibilisation menés par les autorités auprès des chefs coutumiers et des communautés. La police veille au grain et dénonce à la justice tous les faits signalés ; des peines de prison ont déjà été infligées dans ce contexte, a souligné la délégation.
Toute coutume contraire à la loi est écartée d’office par le magistrat, a assuré la délégation.
Il a en outre été indiqué que le Gouvernement avait lancé un vaste programme d’élimination des stéréotypes sexistes.
La Commission nationale des droits de l’homme est indépendante, des travaux étant en cours pour la faire accréditer avec le Statut A [de pleine conformité aux Principes de Paris] auprès de l’Alliance mondiale des institutions nationales de droits de l’homme, a-t-il été précisé.
Au titre des mesures temporaires spéciales, la délégation a mentionné les dispositions prises pour améliorer l’accès des jeunes filles à l’éducation, telles que fourniture de kits scolaires, complétées par une initiative d’accélération de la scolarisation des filles.
S’agissant de la participation à la vie publique , la délégation a précisé que les femmes participaient aux instances de prise de décision, y compris dans le Gouvernement, et a assuré que le processus vers la parité était enclenché. La participation des femmes est en effet passée progressivement de 18% à 20%, puis de 20% à plus de 30%, actuellement, a souligné la délégation. Un effort massif de recrutement de femmes dans la fonction publique est aussi à signaler, a-t-elle ajouté.
Les organisations de la société civile les plus actives sont dirigées par des femmes, a en outre souligné la délégation, avant de faire valoir que le ratio de femmes dans l’enseignement supérieur est lui aussi en progression. Le Gouvernement fait les efforts nécessaires, par le biais de la loi et du dialogue avec les chefs religieux, notamment, pour introduire des changements dans ce domaine, a insisté la délégation.
La délégation a mentionné l’ouverture, sur l’ensemble du territoire et avec l’UNICEF, de très nombreux centres d’enregistrement des naissances. La délivrance gratuite d’actes de naissance dans les camps de réfugiés est à l’étude, a-t-elle ajouté.
Entouré de pays en conflit, le Tchad accueille et continue d’accueillir à bras ouverts de très nombreux réfugiés, qui sont protégés par la loi, a d’autre part rappelé la délégation. Les réfugiés ont quasiment les mêmes droits que les Tchadiens, et des femmes réfugiées se voient offrir des terres, a-t-elle fait valoir.
Le Tchad est devenu depuis peu un pays de transit pour la traite des êtres humains dans la région, a par ailleurs reconnu la délégation. Le pays a criminalisé ce phénomène par la loi de 2018 et par le Code pénal, ce qui permet de poursuivre les auteurs de la traite. Un plan d’action dans ce domaine vient d’être adopté, a ajouté la délégation.
La délégation a ensuite mentionné l’adoption de plusieurs stratégies destinées à favoriser la scolarisation et l’éducation des filles, et a fait état de progrès dans ce domaine. Les frais d’inscription sont gratuits, de même que les kits d’hygiène et les kits scolaire, ainsi que les uniformes, a-t-il été précisé. D’autres mesures sont prises pour prévenir la violence à l’école, a ajouté la délégation.
La majorité des femmes enseignantes travaillent dans les villes, a précisé la délégation : certaines zones rurales sont en effet très difficiles et y muter des enseignantes serait les exposer à de grandes difficultés. Le Gouvernement ne reste cependant pas inactif et élabore des stratégies pour maintenir ou encourager les femmes à travailler dans les régions rurales, en particulier par le biais d’incitations financières.
La délégation a aussi fait état d’avancées majeures dans l’emploi des femmes, même si des progrès restent à accomplir dans le secteur privé, en particulier dans le secteur minier. Plusieurs structures accompagnent les femmes rurales dans leurs activités agricoles et pastorales, a-t-elle fait savoir. Tout acte de harcèlement au travail donne lieu à des poursuites, a-t-il été précisé.
La délégation a assuré que les autorités prenaient très au sérieux les questions relatives à la santé et que la situation était sous contrôle, le taux de contamination au VIH/sida ayant sensiblement baissé. La délégation a aussi mentionné la création de nouvelles infrastructures destinées à assurer un accès à des soins de santé de qualité et a fait état d’un renforcement du système visant à réduire sensiblement la mortalité maternelle et infantile. L’accent porte sur la prise en charge gratuite des femmes, a-t-elle indiqué.
La délégation a ensuite affirmé que les pesanteurs sociales au Tchad nécessitaient de sensibiliser la population à la question de la dépénalisation de l’avortement.
S’agissant de la couverture sociale, la délégation a mentionné un programme de transfert monétaire à l’intention des femmes réfugiées et cheffes de ménage, et une autre initiative de finance inclusive pour les femmes rurales. Le Tchad applique de plus une stratégie de protection sociale jusqu’en 2026 qui tient compte des besoins des femmes, a ajouté la délégation. Par ailleurs, le Gouvernement travaille à la base pour que le travail domestique des femmes soit reconnu, a-t-elle indiqué.
Concernant les statistiques, il a été précisé que le Tchad collectait et diffusait des données qualitatives et quantitatives sur la situation des femmes. Une nouvelle classification en fonction du genre a été élaborée avec l’aide de la Banque africaine de développement, a-t-elle ajouté.
Depuis le retour à l’ordre constitutionnel il y a quatre ans, le Gouvernement mène par ailleurs des travaux en vue de favoriser la participation des femmes aux processus de règlement des conflits, a aussi fait savoir la délégation.
La délégation a mentionné d’autres initiatives destinées à favoriser la participation des femmes dans le monde du sport.
Le Conseil des Ministres a validé un projet de loi favorisant l’accès des femmes à la propriété foncière, a fait savoir la délégation, avant de préciser que la loi prévoit ainsi un quota de femmes dans l’attribution des titres fonciers. Un projet de gouvernance foncière inclusive est appliqué avec l’organisation Oxfam, a en outre indiqué la délégation.
Ont d’autre part été mentionnées les mesures prises pour améliorer l’accès des femmes à l’eau potable, ainsi que la préparation en cours d’un plan d’adaptation aux changements climatiques, intégrant la perspective de genre. L’avancée du désert est très préoccupante pour le Tchad, a souligné la délégation.
Le lac Tchad est une zone de conflit où sévit Boko Haram, a poursuivi la délégation. De plus, les populations environnantes sont confrontées aux effets des changements climatiques, a-t-elle souligné. Les armes abondent dans la région, qui est voisine de plusieurs pays en conflit, a rappelé la délégation. Le chef de l’État a donc décidé de réactiver le dispositif de récupération des armes et de rendre l’accès aux armes plus difficile, a-t-il été précisé.
Dans des remarques de conclusion, M. TOM a insisté sur les difficultés liées à des facteurs tant endogènes qu’exogènes qui ralentissent la progression du Gouvernement dans ses actions en faveur du développement socioéconomique de la femme. Il a assuré le Comité que ses recommandations, issues du dialogue constructif de ce jour, encourageraient le Gouvernement du Tchad à investir davantage en faveur de l’inclusivité de la femme à tous les niveaux de l’administration.
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CEDAW25.018F