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Le Conseil des droits de l’homme se penche sur l'impact qu’ont sur le droit au développement les mesures coercitives unilatérales et leur application excessive

Compte rendu de séance

Avant de clore, en entendant plusieurs délégations**, son dialogue entamé hier après-midi avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, le Conseil des droits de l’homme a tenu, ce matin, sa réunion-débat bisannuelle sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme, consacrée cette année aux « effets des mesures coercitives unilatérales et de leur application excessive sur le droit au développement et sur la réalisation des objectifs de développement durable ». 

M. Volker Türk, Haut-Commissaire aux droits de l'homme, et Mme Alena Douhan, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, ont fait des déclarations liminaires à l’ouverture de cette réunion-débat, qui était animée par M. Muhammadou M.O. Kah, Vice-Président du Conseil des droits de l’homme.

La réunion-débat a par ailleurs bénéficié de la participation des quatre panélistes suivants : M. Mihir Kanade, membre du Mécanisme d’experts sur le droit au développement ; Mme Elena Gentili, Directrice d’Oxfam à Cuba ; M. Jeffrey D. Sachs, Professeur et Directeur du Centre pour le développement durable de l’Université de Columbia ; et M. Amir Saed Vakil, Professeur assistant à l’Université de Téhéran.

Dans sa déclaration liminaire, M. Türk a insisté sur le fait que les mesures coercitives unilatérales – imposées en dehors du cadre du Conseil de sécurité que prévoit la Charte des Nations Unies – pouvaient entraîner des répercussions sur la jouissance des droits de l'homme, en particulier le droit au développement. Si des dérogations sont parfois accordées aux régimes de sanctions afin d'autoriser le passage de biens essentiels, dans la pratique, a ajouté le Haut-Commissaire, l’application excessive (de ces régimes de sanctions) par les banques, les compagnies d'assurance, les institutions financières et les entreprises risque d’entraver les transferts financiers vers les acteurs humanitaires de même que la livraison de biens de base, mettant ainsi en péril des activités légitimes et essentielles.

Il faut donc adopter des systèmes clairs pour les exemptions humanitaires relatives aux sanctions, afin de permettre le passage rapide et sans friction de médicaments, de nourriture, d'aide humanitaire et d'autres formes d'assistance et services essentiels, a plaidé le Haut-Commissaire. Il a par ailleurs rappelé que les sanctions sectorielles peuvent nuire aux progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable en entraînant une augmentation du chômage et de l'inflation, et en exerçant une pression sur les recettes fiscales.  M. Türk a demandé que l’application de toute mesure coercitive soit régulièrement réévaluée en fonction de ses effets concrets sur les droits de l'homme.

La Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures unilatérales coercitives sur l’exercice des droits de l’homme a, quant à elle, souligné que les objectifs de développement durable relatifs à la faim et à la santé étaient gravement touchés par les mesures coercitives unilatérales, malgré l'introduction d’exemptions humanitaires.  Elle a par ailleurs fait observer que l'extension des sanctions unilatérales, combinée à l’aggravation des sanctions en cas de non-respect des régimes de sanctions, favorise leur application excessive, ce qui exclut des populations entières du développement.

De nombreuses délégations* ont pris part au débat.  Nombre d’entre elles ont réaffirmé le caractère illégal des mesures coercitives unilatérales au regard du droit international et de la Charte des Nations Unies. Les États ont été appelés dans ce contexte à s'abstenir d'imposer de telles mesures, à lever celles qui sont en vigueur, à éviter toute application excessive et enfin à utiliser d'autres moyens, constructifs, de règlement pacifique des différends.  Il a été indiqué que plus d’un tiers de l’humanité est visée par ces mesures et que les personnes qui sont déjà vulnérables – comme les femmes et les personnes handicapées, entre autres – sont les plus exposées à leurs effets. Plusieurs intervenants ont dit appuyer la création d’un mécanisme indépendant d’évaluation des effets des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme.

 

Cet après-midi, le Conseil des droits de l’homme entamera un dialogue avec le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement, suivi d’un autre dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme.

 

Réunion-débat biennale sur les mesures coercitives unilatérales et les droits de l’homme

La réunion-débat a été ouverte par M. MUHAMMADOU M.O. KAH, Vice-Président du Conseil des droits de l’homme, qui a rappelé qu’elle porte cette année sur « les répercussions des mesures coercitives unilatérales et de leur application excessive sur le droit au développement et sur la réalisation des objectifs de développement durable ».

Déclarations liminaires

M. VOLKER TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a d’abord insisté sur le fait que les mesures coercitives unilatérales – imposées en dehors du cadre du Conseil de sécurité que prévoit la Charte des Nations Unies – pouvaient entraîner des répercussions sur la jouissance des droits de l'homme, en particulier le droit au développement. Si des dérogations sont parfois accordées aux régimes de sanctions afin d'autoriser le passage de biens essentiels, dans la pratique, a ajouté le Haut-Commissaire, l’application excessive (de ces régimes de sanctions) par les banques, les compagnies d'assurance, les institutions financières et les entreprises risque d’entraver les transferts financiers vers les acteurs humanitaires de même que la livraison de biens de base, mettant ainsi en péril des activités légitimes et essentielles.

Comme l'a souligné le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans son Observation générale n°8, les sanctions peuvent compromettre gravement la jouissance des droits de l'homme, au détriment en particulier des droits des personnes vivant dans la pauvreté et des personnes en situation de vulnérabilité, y compris les enfants. Il faut donc adopter des systèmes clairs pour les exemptions humanitaires relatives aux sanctions, afin de permettre le passage rapide et sans friction de médicaments, de nourriture, d'aide humanitaire et d'autres formes d'assistance et services essentiels, a plaidé le Haut-Commissaire.

M. Türk a rappelé que les sanctions sectorielles peuvent nuire aux progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable en entraînant une augmentation du chômage et de l'inflation, et en exerçant une pression sur les recettes fiscales. Les investissements dans la protection des droits de l'homme font souvent partie des dommages collatéraux, a fait remarquer le Haut-Commissaire à cet égard.

M. Türk a estimé qu’en réponse à des violations des droits de l'homme particulièrement graves, il peut être opportun d'adopter des mesures adaptées à l'encontre d'individus identifiés, de manière crédible, comme responsables de ces violations, dans le cadre d'un éventail plus large de mesures de responsabilisation. De plus, toute imposition de sanctions doit être pleinement conforme au droit international, notamment en ce qui concerne l'équité de la procédure et les voies de recours.

Le Haut-Commissaire a demandé que l’application de toute mesure coercitive soit régulièrement réévaluée en fonction de ses effets concrets sur les droits de l'homme. Les mesures doivent également être limitées dans le temps : un embargo de soixante-cinq ans contre l’ensemble d’un pays soulève de graves préoccupations, a déclaré M. Türk. Aux États, le Haut-Commissaire a demandé d'élargir le champ des exemptions humanitaires et d'œuvrer à la rationalisation du processus d'exemption, notamment en étendant les exemptions aux programmes et aux biens humanitaires.

MME ALENA DOUHAN, Rapporteuse spéciale sur les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales sur l’exercice des droits de l’homme, a relevé, en particulier, que les objectifs de développement durable relatifs à la faim et à la santé étaient gravement touchés par les mesures coercitives unilatérales, malgré l'introduction d’exemptions humanitaires. Elle a évoqué dans ce contexte des problèmes concernant l'achat et la livraison de semences, d'engrais, de vaccins pour le bétail, de machines agricoles et de pièces détachées, de diesel, ou encore l'indisponibilité de l'électricité, de l'eau pour l'irrigation, et de l'équipement pour traiter et stocker les aliments.

Des tendances similaires sont observées en ce qui concerne l'accès à des soins de santé adéquats, y compris en ce qui concerne les vaccins, les médicaments et la formation des personnels, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. Non seulement les mesures coercitives unilatérales compromettent la réalisation de l'Objectif n°3 du développement durable (relatif à la santé), mais elles risquent également de freiner le processus vers un instrument international visant à renforcer la prévention, la préparation et l'intervention en cas de pandémie, a mis en garde Mme Douhan.

Par ailleurs, l'extension des sanctions unilatérales, combinée à l’aggravation des sanctions en cas de non-respect des régimes de sanctions, favorise leur application excessive, ce qui conduit à un désengagement complet des pays visés par ces mesures et exclut des populations entières du développement, a fait remarquer l’experte. L'intensification des inégalités au niveau mondial affecte les populations des pays soumis à des sanctions de manière non sélective, entraînant une discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou la naissance. Les personnes en situation de vulnérabilité – femmes, enfants, personnes âgées, personnes handicapées et migrants – sont ici touchées de manière disproportionnée, ce qui contrevient à plusieurs des objectifs de développement durable.

Exposés des panélistes

M. MIHIR KANADE, membre du Mécanisme d’experts sur le droit au développement, a souligné qu’outre le fait qu’elles violent le droit international et la Charte des Nations Unies, les mesures coercitives unilatérales sapent aussi le droit des peuples à l'autodétermination, y compris au développement autodéterminé. L'impact négatif des mesures coercitives unilatérales sur le droit au développement est clair, a-t-il insisté, en précisant que la reconnaissance de ce lien repose sur une logique solide. En entravant la possibilité pour les êtres humains et les peuples de déterminer eux-mêmes leurs priorités en matière de développement, de participer activement et librement à leur propre développement, ainsi que de contribuer au processus et de jouir des fruits de celui-ci, les mesures coercitives unilatérales violent ces droits fondamentaux.

Pour l’expert, les seules circonstances dans lesquelles les mesures coercitives unilatérales peuvent être autorisées en droit international sont les contre-mesures. Les contre-mesures doivent toutefois être proportionnelles et ne doivent pas porter atteinte aux obligations de protection des droits de l'homme fondamentaux, a-t-il précisé.

De plus en plus, l’expert s’est inquiété de ce que l’imposition des mesures coercitives unilatérales s'accompagne d'une application excessive ; par crainte de sanctions secondaires, y compris des procédures civiles et pénales, ou pour éviter les risques de réputation, diverses parties prenantes telles que les banques ou les entreprises finissent par adopter des mesures encore plus strictes que celles prévues par les sanctions primaires. Cette application excessive aggrave l'impact négatif sur les droits de l'homme, y compris le droit au développement, a souligné M. Kanade.

Pour sa part, MME ELENA GENTILI, Directrice d’Oxfam à Cuba, a indiqué que l’expérience de son organisation lui permettait de comprendre directement les effets « du plus long système de mesures coercitives unilatérales jamais imposé à un pays ».  Ce système constitue un obstacle à la jouissance des droits humains fondamentaux, en particulier pour les femmes et les filles, de même qu’à la réalisation des objectifs de développement durable relatifs à la pauvreté, à la sécurité alimentaire, à la santé et au bien-être, et à la réduction des inégalités, a-t-elle souligné.

Mme Gentili a illustré son propos en faisant observer qu'en raison des restrictions de voyage vers Cuba, le tourisme international avait diminué de 10,2 % en 2019 par rapport à l'année précédente, et que le secteur privé lié au tourisme avait perdu plus de 300 millions de dollars de 2017 à 2019, avant la crise de la COVID-19. Étant donné que les femmes représentent la majorité des travailleurs des services dans ce secteur, ce sont elles qui ont le plus souffert de la baisse du tourisme et de la perte de revenus, a précisé Mme Gentili.

De plus, a-t-elle poursuivi, Oxfam a constaté que les sanctions limitent la capacité des Cubains à se remettre rapidement des ouragans, sécheresses et tornades, de même qu’à faire face à l'urgence sanitaire découlant de la pandémie de COVID-19, car elles réduisent l'accès aux intrants, aux médicaments, aux produits alimentaires et d'hygiène de base, aux technologies et aux matériaux nécessaires à la reconstruction.

Enfin, si l'aide humanitaire est exemptée des sanctions, leur étendue et leur application agressive empêchent l'aide d'atteindre les personnes qui en ont le plus besoin, a regretté Mme Gentili. En effet, les banques et les entreprises qui soutiennent l'action humanitaire à Cuba refusent ou retardent leurs transactions, par excès de prudence, ce qui affecte directement l'acheminement de l'aide humanitaire en temps voulu.

M. JEFFREY D. SACHS, Professeur et Directeur du Center for Sustainable Development [Centre pour le développement durable] de l’Université de Columbia, a insisté sur les effets délétères des mesures coercitives unilatérales sur les objectifs de développement durable. Les sanctions vont à l’encontre du droit international de manière fondamentale, a-t-il souligné. Il a rappelé que les sanctions sont conçues d’emblée pour avoir un effet néfaste sur les économies nationales, les déstabiliser et bien souvent pour forcer un changement politique dans les pays visés par ces sanctions. L’objectif ultime recherché est une mise au pas de la vie économique et sociale, a fait observer le Professeur. L’intention de ces sanctions est d’infliger des dommages considérables, a-t-il insisté.

M. Sachs a fait observer que peu de pays ont la capacité d’imposer des sanctions réelles à d’autres pays : il s’agit surtout d’une pratique des États-Unis. Reconnaissant qu’il y a eu, certes, des tentatives effectuées par d’autres pays dans ce sens, il a fait valoir que les sanctions sont aujourd’hui uniquement le fait des États-Unis qui sont au cœur du système financier international – et, dans une moindre mesure, [elles sont aussi le fait de] l’Union européenne.

S’intéressant de plus près à l’imposition des mesures coercitives unilatérales par les États-Unis, M. Sachs a constaté que le régime de sanctions de ce pays est particulièrement dangereux car il n’y a pas de système de supervision nationale de ces sanctions et de leurs effets. Les sanctions sont en effet prises sur simple signature du Président des États-Unis ; il n’y a pas de supervision du Congrès, du public ou des tribunaux, ni de cours d’appel. C’est une violation flagrante des normes juridiques les plus essentielles, a insisté le Professeur, avant de déplorer, dans ce contexte, que ces mesures soient utilisées de manière considérable, imposant des pertes importantes pour les pays concernés, mais aussi pour les tierces parties partout dans le monde. L’effet indirect est colossal, a-t-il insisté. Il a fustigé des sanctions « déstabilisantes à l’échelle mondiale » arguant que la motivation de ces mesures est souvent un changement de régime politique, assimilable, selon le Professeur, « à une action militaire », et constituant une « menace pour la paix ». 

M. AMIR SAED VAKIL, Professeur assistant à l’Université de Téhéran, a d’emblée souligné que l’impact économique, politique et humanitaire des mesures coercitives unilatérales sera d'autant plus important que les sanctions auront été maintenues pendant des périodes prolongées. Il a fait observer que la valeur ajoutée du droit au développement est qu'il décrit un processus qui exige la réalisation de tous les droits, voire qu’il peut être considéré comme « vecteur de tous les droits ».

Pour M. Vakil, le devoir des États de coopérer au niveau international pour définir les priorités en matière de développement implique que les politiques économiques nationales et internationales en matière de commerce, de finance, d'aide, d'allègement de la dette, d'investissement et de transfert de technologie s'imbriquent les unes dans les autres. 

En effet, pour le Professeur, la valeur du droit au développement réside dans sa dimension externe, à savoir le fait qu'il souligne les responsabilités internationales ou collectives des États. Ainsi, la communauté internationale a l'obligation de créer les conditions internationales qui permettent aux pays en développement d'atteindre leurs objectifs nationaux. Il ne fait aucun doute que les mesures coercitives unilatérales constituent une entrave à cet égard, a souligné M. Vakil.

Très concrètement, M. Vakil a fait observer que les sanctions sapent les politiques d'investissement pour le développement durable. Elles ont aussi pour conséquence d’entraver la participation des femmes à tous les niveaux et à tous les stades du développement. En outre, les effets négatifs des mesures coercitives unilatérales ne se limitent pas au seul pays visé : elles ont un effet d'entraînement sur les pays voisins et la communauté internationale dans son ensemble. Le droit au développement est véritablement un droit à la survie pour une nation, a conclu M. Vakil.

Aperçu du débat

Compte tenu de leur portée et de leur extraterritorialité, a-t-il été relevé à de nombreuses reprises ce matin, les mesures coercitives unilatérales ont un impact négatif sur la jouissance et la réalisation de tous les droits de l'homme, y compris les droits au développement, à la vie et à la paix. Plus d’un tiers de l’humanité est visée par ces mesures et les personnes qui sont déjà vulnérables sont les plus exposées à leurs effets, notamment les femmes et les personnes handicapées, a-t-il été souligné.

Des délégations ont attiré l’attention sur les obstacles créés par les mesures coercitives unilatérales en matière d'accès aux soins de santé et aux produits médicaux, à l'éducation, à l'eau potable et aux services de base, de même qu’en matière d’accès aux flux financiers, aux intrants agricoles ou encore à l’assistance humanitaire. De nombreux intervenants ont dénoncé l’instrumentalisation de ces biens essentiels comme un moyen de coercition politique, voire de « changement de régime ».

Le caractère illégal des mesures coercitives unilatérales au regard du droit international et de la Charte des Nations Unies ayant été affirmé à plusieurs reprises, les États ont été appelés à s'abstenir d'imposer de telles mesures, à lever celles qui sont en vigueur, à éviter toute application excessive et enfin à utiliser d'autres moyens, constructifs, de règlement pacifique des différends et des divergences.

Seule une délégation – estimant par ailleurs que le Conseil n’était pas le forum adéquat pour traiter de cette question – a justifié le recours aux sanctions ciblant « des personnes et entités responsables d'infractions graves au droit international et de violations des droits de l'homme ». Il lui a été répondu, au contraire, que les sanctions sont « une mesure de dernier recours, appliquée uniquement avec l'approbation du Conseil de sécurité des Nations Unies pour éliminer une menace réelle pour la paix et la sécurité internationales ». De même, nombre de délégations ont souligné que les mesures censées viser des personnes et entités définies entraînaient, en réalité, des dommages collatéraux non seulement pour les populations des pays directement concernés, mais aussi pour des pays tiers.

Plusieurs délégations ont appuyé la création d’un mécanisme indépendant d’évaluation des effets des mesures coercitives unilatérales sur les droits de l’homme. Enfin, il a été relevé que le débat de ce jour était particulièrement opportun, alors que doit se tenir, les 18 et 19 septembre [la semaine prochaine] à New York, le Sommet des Nations Unies sur les objectifs de développement durable.

* Liste des intervenants : République arabe syrienne (au nom d’un groupe de pays), Azerbaïdjan (au nom du Mouvement des pays non alignés), République bolivarienne du Venezuela (au nom d’un groupe de pays), Union européenne, Iran, Arménie, Fédération de Russie, Zimbabwe, Namibie, République bolivarienne du Venezuela, Cuba, Bélarus, Associazione Comunita Papa Giovanni XXIII, Centre Europe Tiers Monde, Medical Support Association for Underprivileged Iranian Patients, Chine, Algérie, Égypte, Malaisie, Gambie, État plurinational de Bolivie, Afrique du Sud, Bachehaye Asemane Kamran Rehabilitation Institute, Association of Iranian Short Statured Adults et Legal Analysis and Research Public Union.

Réponses et remarques de conclusion des panélistes

M. KANADE a souligné que les mesures coercitives unilatérales parviennent rarement aux objectifs fixés par les États qui les appliquent. De plus, a-t-il fait observer, dans le monde interconnecté d’aujourd’hui, les effets collatéraux (de ces mesures) et les menaces de sanctions secondaires risquent de perturber fortement les chaînes d’approvisionnement. La légalité des « sanctions ciblées » peut faire et fait l’objet de débat, a ajouté l’expert ; mais il n’en demeure pas moins qu’elles sont adoptées hors de tout cadre légal et d’évaluation de leurs répercussions sur les droits de l’homme, et qu’elles ont des effets sur des personnes qui ne sont pas concernées.

MME GENTILI a insisté sur les effets secondaires des mesures coercitives unilatérales dans les situations d’urgence, en particulier l’incapacité à réagir de manière rapide et efficace, au détriment toujours des personnes les plus vulnérables. Mme Gentili a recommandé aux États, organisations non gouvernementales et organisations humanitaires de mettre en avant les preuves des effets humains de ces mesures et de créer des mécanismes pour obliger les États qui imposent ces mesures à rendre compte de leurs actes.

M. SACHS a estimé que le Conseil des droits de l’homme était le lieu adéquat pour traiter du problème des mesures coercitives unilatérales, qui constituent des violations directes des droits de l’homme – et du droit au développement en particulier. M. Sachs a demandé à l’Union européenne de formuler, « dans les forums adéquats », des recommandations pour que ces pratiques illégales prennent fin. Il est impossible que ces sanctions, très larges et ayant pour but de saper la stabilité des pays visés, n’entraînent pas d’application excessive, a estimé l’expert.

Enfin, M. VAKIL a regretté que les institutions onusiennes soient « trop timides » pour ce qui est de contrôler, prévenir et sanctionner les mesures coercitives unilatérales. Le problème posé par ces mesures ayant une dimension transnationale, la réponse doit se situer au même niveau, a recommandé M. Vakil, appelant le Secrétaire général à jouer un rôle de médiation. M. Vakil a également mis en garde contre la volonté de changement de régime qui sous-tend, selon lui, les mesures coercitives unilatérales.

Suite et fin du dialogue avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition

Aperçu du dialogue

Les principes de vérité, justice, réparations, garanties de non-répétition et commémoration - soit les cinq piliers du mandat du Rapporteur spécial - ont été réaffirmés par nombre de délégations ayant participé au dialogue entamé hier après-midi avec le Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, M. Fabián Salvioli.  Une intervenante a souligné à cet égard que le travail de M. Salvioli est un repère pour la communauté internationale, car il offre une analyse complète des normes juridiques internationales pertinentes en la matière.

Nombre de délégations ont plaidé pour qu’il soit mis fin à l’impunité ; il faut que soient garanties la responsabilité, la justice transitionnelle et la réconciliation, afin que les crises ne se reproduisent pas et pour garantir la cohésion sociale, l'appropriation et l'inclusion, a-t-il été souligné. 

Dans ce contexte, un intervenant s’est alarmé de l’inclusion dans des projets de lois de dispositions relatives à l'immunité et à l’abandon de poursuites, estimant que de telles dispositions ne sont pas propices à la réconciliation.

Au cours du dialogue, une délégation a fait remarquer que la justice transitionnelle suppose d’éliminer les structures qui ont permis les violations des droits de l'homme. Une autre a, pour sa part, estimé que la justice transitionnelle doit être évolutive et intégrer régulièrement de nouvelles approches innovantes. Pour une délégation, la justice transitionnelle ne doit pas concerner uniquement une reconnaissance des erreurs du passé, mais doit absolument s’inscrire dans un cadre de « projection vers le futur » qui s’accompagne de garanties de non-répétition.

Soulignant que ces questions relèvent d’un domaine d’une « sensibilité extrême », une intervenante a insisté sur l’importance, en les appréhendant, de tenir compte des spécificités et des législations nationales. Elle a rappelé, à l’appui de son propos, que le droit international ne peut ignorer les circonstances nationales et les différents facteurs qui conditionnent l'ordre international actuel, qu’elle a défini comme « injuste, antidémocratique et inégalitaire ».

L’importance d’entendre les voix de tous dans les processus de justice transitionnelle a été rappelée, une délégation estimant à cet égard que les processus doivent aussi intégrer une perspective de genre. A également été lancé un appel à s’attaquer aux causes profondes des violations graves des droits de l’homme. Une délégation a insisté sur l’importance de mettre en place des programmes d’éducation et de sensibilisation pour éviter la répétition.

Une délégation a déploré que des États impliqués dans des conflits armés n'enquêtent pas sur des incidents mortels au motif qu’ils estiment ne pas avoir de preuve qu'une violation potentielle a eu lieu. Le devoir d'enquête n'est alors pas déclenché, a-t-elle déploré.

Un intervenant a attiré l’attention sur l’impact des essais nucléaires sur les droits de l'homme des générations passées, présentes et futures, fustigeant que ces faits restent entourés d’un « voile de silence ».

Faisant référence aux campagnes de haine et de diabolisation, un autre intervenant a déploré que les enseignements de l’histoire n’aient pas été appris.

**Liste des intervenants : Fédération de Russie, Afrique du Sud, Timor-Leste, Maldives, Pérou, Cameroun, Pakistan, El Salvador, Népal, Maroc, République démocratique du Congo, Cuba, Togo, Venezuela, Afghanistan, Espagne, Irlande, Gambie, Monténégro, Grèce, Inde, Bolivie, Azerbaïdjan, Soudan, Albanie, Îles Marshall, Botswana, Pologne, Islande (au nom d’un groupe de pays), Commission nationale des droits de l'homme du Burundi, Commission colombienne de juristes, Commission internationale des juristes, MINBYUN - Lawyers for a Democratic Society, Institute for Reporters' Freedom and Safety, Right Livelihood Award Foundation, Every Casualty Worldwide, Conectas Direitos Humanos, International Human Rights Association of American Minorities (IHRAAM), The Korean Council for the Women Drafted for Military Sexual Slavery by Japan, et Geledés - Instituto da Mulher Negra.

Réponses et remarques de conclusion du Rapporteur spécial

Répondant aux commentaires formulés hier et aujourd’hui, M. FABIÁN SALVIOLI, Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, a rappelé que le fait d’être victime suppose un droit de réparation. Il a également réaffirmé qu’il ne doit pas y avoir de prescription concernant les violations graves de droits de l'homme – un point qu’il a indiqué avoir mis en exergue dans son rapport.

L’expert s’est joint aux appels à la participation des victimes, précisant que ces dernières doivent être intégrées à toutes les étapes du processus de justice transitionnelle – de la conception à la mise en œuvre. Aucun processus n’est légitime sans la participation des victimes, a-t-il insisté.

Quant aux mesures d’impunité, le Rapporteur spécial a rappelé qu’elles tendent à revictimiser les victimes. L’impunité est illégale et illégitime en droit international, a insisté M. Salvioli.

Le Rapporteur spécial a conclu son intervention en soulignant que le Conseil des droits de l'homme doit jouer son rôle qui, a-t-il rappelé, n’est pas de défendre des intérêts nationaux mais de défendre les droits de l'homme.

 

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